Chapitre bonus - Khenzo Eneour - #9

À mes côtés, Xalyah reste silencieuse, occupée à observer les lieux. J'apprécie le fait qu'elle ne cherche pas à meubler le silence à tout prix et en profite pour évacuer la tension qui s'est accumulée depuis l'aube. Tim n'a pas montré son meilleur visage devant elle et je le regrette car au fond, c'est vraiment quelqu'un de bien sur qui j'ai toujours pu compter depuis que je le connais. Si j'avais eu un père, j'aurais bien aimé qu'il lui ressemble.

— J'espère que tu ne lui en tiendras pas trop rigueur, déclaré-je finalement. Il a été un peu brutal, mais comme tu as pu l'entendre, nous avons perdu trois des nôtres récemment. Je pense que tout ça le touche plus qu'il ne veut l'avouer.

Ouais, au fond nous sommes comme ses enfants. Mais il a trop de fierté pour l'avouer tout haut.

— Trois ? Mais il n'y a qu'un...

— Un affrontement avec une patrouille du NGPP qui a mal tourné, il y a quelques jours, la coupé-je en fronçant des sourcils. Ils sont de plus en plus nombreux dans le secteur. Nous avons réussi à nous replier, mais Dan et Julie y sont restés.

Et je n'ai rien fait pour les sortir de là.

— J'en suis désolée...

Sa voix me parait lointaine alors que je replonge dans ces souvenirs encore vifs. Un instant, je songe à aller me reposer plus loin, mais finalement j'ai la flemme de me relever et la présence de Xalyah ne m'importune pas plus que ça. Le calme s'installe dans le hangar et Tim demande au premier binôme d'entamer leur quart. Al et Tenten se lèvent alors et s'éclipse par une porte dérobée à l'arrière du bâtiment.

— J'ai une question..., murmure soudain Xalyah.

Je tourne la tête pour la regarder ; elle a les yeux fermés et le menton légèrement relevé vers le haut pour adosser l'arrière de son crâne contre le mur.

— Oui ?

— Que faites-vous ici ?

Sa tête pivote vers moi et elle ouvre les yeux pour les planter dans les miens. Son regard flamboyant me déstabilise légèrement, mais je n'en laisse rien paraître prenant soin au contraire d'afficher une mine réservée. Comprenant qu'elle ne me lâchera pas tant que je ne lui aurais pas répondu, je souffle sur les mèches de cheveux qui me barrent le front avant de lui offrir une réponse évasive :

— Nous tentons de survivre.

Je détourne le regard devant l'intensité du sien.

— Sérieusement, insiste-t-elle. Que faites-vous dans cette ville, armés comme vous l'êtes ? Réponds-moi franchement.

— Eh bien...

Je jette un œil à Tim. Il n'appréciera pas, c'est certain, mais j'ai envie de jouer la carte de la franchise avec elle.

— Ça ne va pas lui plaire, mais tant pis. Il n'a pas vu ce que moi j'ai vu, alors, contrairement à lui, je pense que nous pouvons avoir confiance en toi.

Au moins, c'est dit. Je la scrute à nouveau avant de poursuivre :

— En fait, nous sommes ici en patrouille. Nous... il y a une petite cité souterraine dans le coin et nous veillons à sa sécurité.

— Une cité souterraine ? s'étonne-t-elle. Ici ?

— Oui, des survivants de la ville ont trouvé refuge dans les réseaux de transports et les égouts, il y a près d'un an maintenant. Ils les ont aménagés pour pouvoir y vivre. Dit comme ça, ça ne donne pas très envie d'y aller, mais, en vérité, c'est plus confortable que bien des endroits où j'ai vécu.

— Comment ont-ils fait pour échapper aux patrouilles du NGPP ? Ce n'est plus qu'une question de temps avant que la région ne tombe totalement sous le contrôle de Macrélois.

— Disons qu'ils ont trouvé un système de protection qui s'est avéré efficace jusqu'à présent. Mais je ne me fais pas d'illusions. Les forces du NGPP ne cessent de grossir. Tôt ou tard, ils devront soit se soumettre, soit partir.

Elle reste silencieuse un moment, comme si elle digérait les informations que je viens de lui dévoiler. Une ride soucieuse lui barre brièvement le front, mais elle revêt de nouveau un masque en affichant un sourire de façade.

— Et toi, d'où viens-tu alors ? s'enquiert-elle finalement.

— Moi ?

Je me rends compte qu'un sourire étire à mon tour mes lèvres sans raison, alors je m'empresse de lui répondre :

— Après la Rupture et la chute de Paris, je me suis retrouvé plus ou moins seul. J'ai pas mal vadrouillé dans le nord-ouest de la région, sans véritable accroche, et il y a presque neuf mois, j'ai rencontré Tim. Depuis, nous voyageons ensemble. Et après avoir parcouru de nombreuses villes et agrandi notre groupe, nous avons atterri ici. Ça fait deux mois que nous assurons la sécurité de la Cité, en échange de quoi nous avons un endroit où dormir lorsque nous ne sommes pas chargés de patrouiller et nous avons droit à des rations hebdomadaires...

Un long silence ponctue le bref résumé de ces deux dernières années, que Xalyah finit par briser pour poser la question fatidique.

— Tu as perdu ta famille pendant la Rupture ?

— Non... Ni pendant la guérilla parisienne. J'ai été élevé dans un Centre Pour Enfants Abandonnés.

Elle ne se cache pas pour me dévisager et cette fois, je soutiens son regard. Je n'ai pas eu une enfance facile, c'est vrai, et si au début j'en avais honte, maintenant je l'assume parfaitement. Ça fait partie de moi et ces épreuves font ce que je suis devenu aujourd'hui. Je m'attends à ce que ses yeux me jugent, mais il n'en est rien. De nouveau elle s'est murée dans le silence, avant de changer de sujet sans préambule.

— C'est vraiment Tim qui dirige votre groupe ?

— Oui. Pourquoi cette question ?

— Ce n'est pas vraiment la sensation que j'ai eue tout à l'heure.

— Je te déconseille de lui tenir tête comme je l'ai fait. Il serait capable de te tuer.

Je n'aurais peut-être pas dû lui répondre aussi sèchement, mais il faut qu'elle comprenne que Tim n'est pas à prendre à la légère. Pour autant, elle ne se démonte pas.

— Qu'il essaye, je l'attends de pied ferme.

— Il n'essayera pas, il le fera.

— Qui est-il exactement pour toi ?

Xalyah m'a posé la question d'une voix si innocente que je ne peux m'empêcher de soupirer pour relâcher la tension qui s'est de nouveau emparée de moi. Je pourrai lui inventer un bobard, mais seule la vérité franchit mes lèvres.

— Plus qu'un simple chef de groupe, c'est certain. Par moment, j'ai l'impression que je pourrais presque le considérer comme un père.

— Et lui te considère comme son fils ?

— Je ne sais pas trop. Peut-être. En tout cas, il ne laisserait personne d'autre lui parler sur ce ton. Tim aime avoir le contrôle de la situation et, d'après lui, les sentiments sont une entrave au bon exercice de sa fonction. C'est quelqu'un de bien, malgré son air d'ours mal léché, et je sais que, s'il le fallait, il n'hésiterait pas à donner sa vie pour sauver l'un d'entre nous.

Elle ne rétorque rien, nous replongeant tous deux dans ce drôle de silence qui n'est ni gênant ni oppressant. Je la vois qui zieute discrètement mes compagnons d'armes et je décide de la laisser à ses observations pour me laisser porter par mes pensées. Je me sens fatigué et las et rapidement mes yeux fixent un point invisible entre mes pieds, permettant à mon cerveau de se mettre momentanément en veille.    

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