Chapitre bonus - Khenzo Eneour - #6

— Sérieusement ? lui rétorque Xalyah, l'air outrée. J'ai vraiment une tête à être des leurs ?

— À toi de me le dire.

L'espace d'un instant j'ai l'impression qu'elle va céder à cette pulsion qui la démange de lui en coller une, et j'hésite à intervenir. Mais elle y résiste et souffle pour se calmer. Ses muscles se relâchent et sa voix devient neutre.

— Pour répondre à ta première question : oui, c'était bien moi dans la banque. Et non, je n'ai ameuté personne ici. Tu sais très bien quel sort ils réservent aux femmes...

Elle remet de l'ordre dans ses vêtements, attendant silencieusement que Tim poursuive. Ce qu'il ne tarde pas à faire.

— Que veux-tu ?

— Rien. J'étais juste curieuse de savoir à quelle organisation votre groupe appartenait.

— Nous n'appartenons à personne ! s'exclame Tim, énervé. Nous sommes libres de...

— Oui, j'avais remarqué.

Elle n'aurait pas dû le couper comme ça. Il déteste ça. Mais de là à la pousser brutalement contre le mur pour la surplomber de toute sa hauteur... cela ne lui ressemble pas. Malgré tout, Ed, Nedj, les jumeaux et Tony ont sorti leurs pistolets pour la braquer également. Xalyah ne cille pas et ses yeux de biche s'assombrissent pour le fixer avec une lueur de défi.

— Quel âge as-tu ? Trente ans ? Tu ne m'impressionnes pas. J'en ai au moins vingt de plus que toi et je ne ferai qu'une bouchée de ta petite personne.

— Des menaces ?

Cette fois, je décide de mettre un terme à cette comédie ridicule. Bordel, Samuel est mort et Camélia a besoin de soin.

— Allez, ça suffit vos conneries !

J'attrape Tim sans ménagement et le force à s'éloigner de Xalyah. D'une voix ferme, j'ordonne aux autres de baisser leurs armes.

— On a plus important à faire que de régler un problème d'ego entre vous. Xalyah m'a aidé à abattre des soldats du NGPP et n'a pas hésité à me suivre quand nous avons entendu des coups de feu, alors je pense qu'on peut la considérer comme étant de notre côté.

J'appuie lourdement sur mes derniers mots en regardant Tim avec insistance.

— Comment peux-tu être si sûr qu'elle ne représente aucun danger pour nous tous ? m'interroge-t-il sèchement.

— Tu parierais la vie de Camélia là-dessus ? On a déjà perdu trois des nôtres, je te rappelle ! m'exclamé-je, excédé.

Tim pousse un grognement et se détourne. Il sait qu'il n'a pas le choix et ça l'emmerde, mais je ne comprends pas pourquoi il a réagi aussi vivement à l'encontre de Xalyah. D'accord c'est quelqu'un de sanguin et pas toujours délicat, mais de là à la prendre à partie de cette façon... Il y a forcément quelque chose qui cloche.

— Ah ! D'accord ! soupire-t-il. Qu'elle aille s'occuper de Camélia. Mais je ne te lâcherai pas d'un pouce. Un pas de travers et tu es morte.

La jeune femme soutient une fois de plus son regard de braise, sans broncher. Elle a compris le message. Je lui fais signe de me suivre et me dirige vers le fond du hangar.

Le corps de Samuel git sur un brancard de fortune. Ses bras ont été disposés le long de son buste et sa poitrine est encore sanguinolente des blessures par balles qui l'ont tué. Son foulard recouvre son visage et c'est sans doute mieux ainsi. Je ne sais pas si j'aurais supporté de voir ses traits figés dans la mort. Je préfère garder de lui l'image de l'homme drôle et bienveillant qu'il était lorsqu'il vivait encore.

Quelques mètres plus loin, Camélia est adossée au mur, assise sur une couverture. Ses cheveux blonds parsemés de mèches turquoise retombent en pagaille sur ses épaules. Ses traits sont tirés par la douleur et ses yeux brillent de fièvre. Elle m'adresse un triste sourire en serrant son bras blessé contre elle et je vois bien qu'elle se retient de pleurer. Je m'approche davantage pour observer sa blessure à l'épaule. Elle n'a pas eu de chance, la balle est passée entre les lanières de son épaulette. Un bandage sommaire essaye de retenir le sang qui s'écoule, mais le tissu est déjà imbibé du liquide rouge qui recouvre tout son côté gauche.

Xalyah s'agenouille à son tour à ses côtés. Elle observe attentivement ma camarade. Dans la pénombre, son visage parait lisse de toute émotion. La vue du sang ne semble pas l'effrayer et je m'interroge de plus en plus sur son compte. Une fille seule, qui n'est pas taillée dans un roc, mais qui se trouve être une excellente combattante, une tireuse hors pair et une infirmière de guerre pas le moins du monde impressionnée par un groupe menaçant d'une quinzaine de personnes... Soit elle est totalement inconsciente et doit sa survie à la chance, soit elle s'est forgée une bien belle carapace.

— Qui es-tu ? souffle Camélia à la nouvelle venue.

— Garde tes forces. On fera connaissance plus tard.

Elle lui a parlé d'un ton doux, mais qui n'appelle pas à la discussion non plus. Après avoir ouvert son sac elle me tend une lampe torche et me demande de l'éclairer. Je m'installe plus confortablement de l'autre côté de Camélia tout en posant une main chaleureuse sur le front de cette dernière. La jeune femme me sourit, appréciant ce geste de réconfort. Les mots seront vides de sens pour elle, mais je veux lui faire comprendre que je serais là pour l'aider à traverser cette épreuve.

Xalyah déballe son matériel, remonte les manches de son manteau et écarte délicatement le bandage pour regarder la plaie. Elle se nettoie ensuite les mains, puis, d'un geste précis, elle désinfecte la blessure. Une fois qu'elle a terminé cette étape, elle sort une pince à épiler et la frotte avec un coton et de l'alcool. La panique commence à gagner Camélia, son souffle se saccade et son visage luit de sueur.

— Tout va bien se passer, la rassure Xalyah d'une voix encore plus douce. Compte jusqu'à trente.

— Pardon ?

Le ton de l'infirmière improvisée se raffermit.

— Discute pas et compte.

Camélia cherche mon regard et je hoche la tête pour lui faire signe d'écouter.

— Un, deux...

Xalyah plonge la pince à épiler dans la plaie. Camélia se contracte et laisse échapper un gémissement.

— Ne t'arrête pas de compter ! Allez !

— Trois... qua... quatre... cinq...

La blessée s'agrippe à mon bras et je pose ma main libre sur les siennes pour la rassurer, sans pour autant quitter Xalyah des yeux. La prochaine étape est cruciale et il faut espérer que le projectile ne se soit pas disloqué en de trop nombreux éclats. Je me penche davantage et positionne la lampe torche de façon à faire plus de lumière pour Xalyah. Les ongles de Camélia s'enfoncent violemment dans mon bras alors que je vois la jeune femme tourner la pince dans tous les sens. Le sang se remet à couler à flot, compliquant la manœuvre.

— Dou... douze... treize... qua...quatorze...

Courageusement, Camélia continue de compter. Quand elle arrive au nombre dix-huit, Xalyah retire d'un coup sec la pince à épiler de la blessure, tenant fermement le projectile écrasé. Le visage de Camélia se liquéfie et ses yeux se révulsent avant qu'elle ne perde connaissance.

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