Chapitre bonus - Khenzo Eneour - #4
La femme se jette sur la gauche en dégainant son arme de poing, tandis que je me précipite derrière un parapet pour ouvrir également le feu sur l'unité du NGPP. J'en touche deux, mais rate les trois autres qui se réfugient immédiatement derrière une carcasse de voiture. Ma co-équipière en abat trois en pleine tête et achève les deux autres froidement lorsqu'ils se relèvent pour le deuxième round. Et bah putain, elle blague pas, celle-là !
Accroupi derrière l'obstacle qui me sert de couverture, je vérifie le nombre de balles qui me restent dans le chargeur : sept. Soit moins de la moitié. Dans la bagarre avec la jeune femme, j'ai laissé mon sac à dos par terre, et il se situe à plusieurs mètres de là, en plein milieu de la rue. Je jure entre mes dents, maudissant mon imprudence.
Je tente de passer la tête pour observer nos adversaires, mais je me fais aussitôt canarder par les derniers survivants, me forçant à rester à couvert. Bordel ! Je regarde autour de moi pour trouver une solution, mais je suis coincé. Le parapet est isolé et si je sors de là, je serais une cible facile pour eux.
Les trois hommes vident leurs chargeurs à tour de rôle le temps de remettre un magasin neuf dans leurs armes. Je peste à nouveau, me sentant totalement con et inutile. J'espère que ma camarade ne tardera pas à intervenir, quoique... à ce rythme-là, ils n'auront bientôt plus de munitions et dans ce cas, je reprendrai l'avantage sur eux. D'ailleurs, les coups s'espacent peu à peu, puis s'arrêtent. Je préfère attendre encore un moment, pour m'assurer qu'il ne s'agit pas d'une feinte de leur part.
Soudain, trois tirs claquent sèchement non loin de moi. Le son est différent. Il s'agit de l'arme de la jeune femme, j'en suis certain. Et vu la manière dont le silence reprend ses droits, je sais qu'elle ne leur a laissé aucune chance. À ce niveau-là, ce n'est plus ce que j'appelle « se débrouiller ». Cette fille est une tireuse hors pair, ce qui confirme ce que je pensais tout à l'heure. Elle est dangereuse.
Je me relève et pointe mon arme sur elle. Debout, près des corps sans vie des trois soldats qu'elle vient d'abattre, elle reste immobile. Même de là où je suis, je perçois le trouble qui semble la saisir. Cette fille est dangereuse, oui, néanmoins ce n'est pas une tueuse sanguinaire sans âme, non. Elle aurait pu me laisser dans cette situation merdique, mais elle ne l'a pas fait. Au lieu de ça, elle a contourné les soldats pour les abattre et elle n'a pris aucun plaisir à le faire. Au contraire. Je le vois à son visage qui se ferme tel un masque qu'elle aurait revêtu et son regard dur qui tente de m'intimider.
Je devrais sans doute faire demi-tour maintenant pour en rester là, cependant quelque chose me pousse à ranger mon arme et m'avancer vers elle afin de la rejoindre. Déconcerté par cette envie d'en savoir plus sur cette fille, ma main fourrage nerveusement mes cheveux.
— Pourquoi tu n'as pas essayé de te servir de ton arme contre moi tout à l'heure ? Et qu'est-ce que tu faisais à nous surveiller ? demandé-je sans ambages.
Elle m'ignore royalement, remettant de l'ordre dans ses vêtements avant de se diriger vers ses affaires. Dans un réflexe irréfléchi, je lui attrape le poignet pour l'obliger à me regarder, mais elle se dégage vivement et continue son chemin. Elle ramasse son sac et en sort un étrange appareil avant de revenir à ma hauteur. Durant un moment, elle reste là à observer le petit écran qui s'allume et j'en profite pour la dévisager une nouvelle fois, m'imprégnant davantage de ses traits fatigués, usés par la violence, tirés par la faim, durcis par une détermination telle que j'en ai rarement vu. Je ne sais pas d'où elle sort, mais j'ai l'intime conviction que son histoire n'a rien d'une joyeuse épopée.
— Si cette patrouille n'était pas passée par ici, tu serais mort, finit-elle par me répondre d'une voix sourde.
Piqué au vif, je lui réponds sèchement tout en m'agenouillant à côté des cadavres.
— Tu sembles bien sûre de toi.
— Quant à tout à l'heure, continue-t-elle comme si elle se foutait totalement de ce que je pouvais lui dire, j'étais juste curieuse. Et visiblement ça ne me réussit pas vraiment.
Mes mains palpent les corps raidis par la mort. Je déteste faire ça, mais je ne peux pas me permettre de faire dans le sentimentalisme. S'il y a des choses que je peux récupérer pour nous aider à survivre, je le ferai.
Du coin de l'œil, je vois la jeune femme sortir un second appareil de ses affaires et le manipuler rapidement.
— Je te conseille de ne pas trop traîner dans les parages, une autre patrouille va bientôt débarquer pour voir ce qu'il est advenu de celle-là, me dit-elle d'un ton plus doux avant de ranger ce qui ressemblait à un Mémo.
Je hoche la tête.
— Je sais. Qui es-tu ? l'interrogé-je soudainement en me relevant pour la surplomber.
— Qu'est-ce que ça peut te faire ?
Elle fuit mon regard pour lever les yeux vers le ciel. L'aube rougeoyante éclaire son visage d'une façon inattendue au milieu du chaos silencieux qui nous entoure. Je connais les lieux et je n'ai pas besoin de tourner la tête pour savoir que je n'y verrai que des vestiges de ce qu'avait pu être notre société. Aujourd'hui il ne reste plus rien de tout ce qui avait pu faire la splendeur de notre pays. Plus rien hormis des ruines, des cendres et des fantômes.
Je me décale pour lui faire face et, cette fois, elle tourne la tête dans ma direction pour me dévisager. Devant son silence qui commence à me rendre nerveux, j'insiste à nouveau.
— Comment tu t'appelles ?
— Xalyah, soupire-t-elle.
— Pardon ?
— Xalyah... c'est mon prénom.
— Khenzo.
Je lui tends la main, mais elle a de nouveau dévié son regard pour fixer l'écran du premier appareil qu'elle n'a pas lâché depuis tout à l'heure. Des points rouges bougent à toute vitesse et elle fronce des sourcils. J'imagine que c'est mauvais signe.
Soudain, plusieurs détonations résonnent au loin pour mourir à travers les ruines. Bordel. Les autres... Ma main retombe et ma mâchoire se crispe tout comme le reste de mon corps.
— C'est bien ce que je pense ? murmuré-je entre mes dents.
— J'en ai bien peur.
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