Chapitre bonus - Khenzo Eneour - #2

Alors que le ton monte entre Tenten et Al qui se disputent une nouvelle fois sur des sujets philosophiques, la voix de Tim claque sèchement au-dessus de nos têtes pour leur ordonner de la boucler. Les deux hommes se calment aussitôt en nous adressant un signe d'excuse. Certes, nous n'avons croisés encore personne, mais ce n'est pas pour autant que nous sommes seuls. Cette sensation bizarre que j'éprouve depuis tout à l'heure m'oppresse de plus en plus. J'hésite à en faire part à Tim, ne sachant pas trop sur quoi mon intuition se base étant donné que je n'ai rien vu de suspect aux alentours.

Une nouvelle fois, je scrute l'immeuble d'en face avec minutie, mais il n'y aucun mouvement, en dehors de quelques stores vénitiens en PVC qui battent la façade au gré des bourrasques de vent. Je m'apprête à détourner le regard pour jeter un œil sur la partie de tarot en cours, quand j'aperçois quelque chose dégringoler d'un étage supérieur. L'objet rebondit sur du verre puis de la tôle froissée, ce qui provoque un boucan d'enfer, avant de rouler sur la chaussée pour venir s'arrêter aux pieds de Camélia.

Aussitôt, c'est le branle-bas de combat. Tim nous crie ses ordres d'une voix forte et ferme qui ne laisse place à aucun flottement. Chacun sait ce qu'il a à faire et comme un seul homme, nous nous élançons à l'assaut de l'ancienne banque. Qui que ce soit qui se planque là-dedans, ça risque de chauffer pour lui, pour elle ou pour eux s'ils sont plusieurs.

L'intérieur du bâtiment est dans un sale état et ça sent la pisse et la merde à plein nez à certains endroits. Je remonte mon foulard sur le nez pour réprimer un haut-le-cœur et m'engage à la suite de Tim avec qui j'ai l'habitude de faire équipe quand nous devons nous séparer. Mon HK-100 vient se loger contre mon épaule et j'enclenche la lampe torche qui se situe sous le canon. Jeremy nous talonne de près, tout excité par le fait qu'il y ait un peu d'action. Je crois qu'en réalité il a la frousse, mais jamais il ne l'avouera.

— Première pièce à gauche, RAS ! crie Tidji bien fort pour que tout le monde l'entende.

— Bureau du fond, RAS ! lui fait écho Nedj.

— Salle de réunion centrale, RAS ! poursuit Jasmine de sa voix fluette.

À chaque inspection de pièce, un état des lieux est communiqué et il nous faut moins de deux minutes pour faire le tour du rez-de-chaussée. Nous nous engageons au premier étage pour répéter le même schéma et même résultat : personne. Nous continuons ainsi sur les étages suivants, mais force est de constater que le danger s'est échappé vers d'autres horizons. Alors que Tim décide de poursuivre la fouille du bâtiment, je l'attrape par le coude pour l'arrêter.

— À mon avis, on ne trouvera personne dans les étages supérieurs, ça ne sert à rien de continuer.

— T'en sais rien, réplique-t-il légèrement agacé que je remette en question ses plans.

— Comme tu veux. Continuez, je vais inspecter les alentours.

Il me fixe du regard et des ombres mouvantes se dessinent sur son visage, lui donnant une expression lugubre. Je comprends qu'il n'apprécie guère que je n'obéisse pas à ses ordres, mais une forte intuition me pousse à rebrousser chemin pour retourner à l'extérieur.

— Prend Ed avec toi, alors, souffle-t-il en sachant qu'il ne me fera pas revenir sur ma décision.

— Pas besoin, je vais juste faire le tour du bâtiment le temps que vous terminiez ici.

Tim hoche la tête et se retourne sans un mot de plus. Je fais marche arrière et dévale les escaliers pour retourner dans la rue et longer l'immeuble à la recherche d'indices. Arrivé au carrefour qui fait l'angle du bâtiment, je balaye le sol avec la lumière de mon arme. Aussitôt, je repère des traces de pas relativement fraîches sur une partie du trottoir où se trouve une marre d'eau croupie. J'hésite un moment. L'empreinte de la semelle droite n'est pas très grande et j'en déduis qu'il s'agit soit d'un adolescent, soit d'une femme. Comme je ne vois pas d'autres traces, il – ou elle – est probablement seul. Est-ce que je me risque à prendre en chasse cette personne, ou est-ce que j'attends sagement que les autres me rejoignent ? Tim va me passer un savon, mais tant pis, la curiosité et l'envie de protéger mon groupe pour me racheter de la mort de Dan et Julie l'emportent sur la raison.

Je m'élance en courant, déterminé à rattraper l'individu qui nous observait, bien à l'abri dans l'obscurité de la banque en ruine. Au-dessus de ma tête, le ciel s'éclaircit un peu, mais il faudra bien attendre au moins une petite demi-heure avant que le soleil ne pointe son nez. Je ne suis pas trop sûr de la direction à prendre, alors je suis mon instinct et continue tout droit. C'est ce que j'aurais fait si j'étais à la place de cette personne. Pendant de longues minutes, je dévale l'avenue, jusqu'à ce que j'aperçoive une silhouette immobile au milieu d'une jonction d'une autre rue. C'est une femme et elle ne m'a pas encore vu. Je ralentis le pas et m'approche silencieusement d'elle pour la surprendre en prenant soin d'arriver avec le vent de face.

Alors que je ne suis plus qu'à deux pas d'elle, caché derrière une carcasse de voiture calcinée, je me jette en avant pour la faire tomber au sol. Malgré la surprise de mon attaque, la femme effectue une roulade avant de se rétablir et de s'enfuir. J'arrive à lui agripper les jambes et la faire chuter à nouveau, puis d'un mouvement souple, je bondis au-dessus d'elle. Au moment où elle se tourne vers moi, je lui colle mon poing dans la mâchoire. Les lunettes qu'elle portait sont éjectées à plusieurs mètres. Aussitôt, elle se débarrasse de son sac et de ses armes pour dévier un second coup et lorsque je lève mon bras pour mettre un terme à notre empoignade, son pied s'enfonce dans mon flanc gauche, me coupant instantanément le souffle. La garce a été plus rapide que moi.

Je grogne entre mes dents et n'ai d'autre choix que de la laisser s'échapper le temps de reprendre mes esprits. Mais je compte bien la rattraper. Il est hors de question que je reste sur cet échec cuisant.

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