Chapitre 5 - #3
— Ah ! Vous tombez bien, déclare une voix froide dans notre dos.
Je me retourne pour croiser le regard noir de Tim. Il traverse l'embranchement du tunnel qui nous sépare et se plante devant moi.
— Max veut nous voir tous les deux.
— À quoi ça sert ? La Cité est en train d'être évacuée, déclaré-je avec une pointe de sarcasme.
— Suis-moi, c'est tout.
— Et si j'en ai pas envie ? le défié-je.
— Si tu veux sortir d'ici vivante, t'as intérêt à me suivre, rétorque Tim d'un ton tranchant.
Je m'apprête à ouvrir la bouche pour répliquer, avant de me raviser. La main de Tim s'est automatiquement rapprochée de la crosse de son arme qu'il porte à la ceinture. Je crois que ce n'est pas le moment de le contrarier.
— OK... OK...
J'emboîte le pas aux deux hommes qui marchent côte à côte. Le lynchage de tout à l'heure m'a suffi, alors vivement que je mette les voiles pour ne plus avoir de comptes à rendre.
— Qu'est-ce que tu fous avec elle ? demande sèchement Tim à son cadet.
— Je paie nos dettes, répond Khenzo avec simplicité.
— Pfff ! s'exclame son chef. T'es vraiment con par moment, tu sais. Sans elle on n'en serait pas là.
— Tu n'en sais rien.
— Pourquoi tu prends sa défense comme ça ? Rien qu'à voir sa tête, on sent qu'elle pue les emmerdes.
Faites comme si je n'étais pas là, je vous en prie... Le jeune homme ne réplique pas, laissant Tim s'embourber dans sa colère. Pour le coup, j'aurais presque préféré que Khenzo ne me propose pas son aide. Mais voilà, il m'a vendu du rêve en m'annonçant connaître quelqu'un qui savait ce qu'il s'était passé récemment dans le secteur. Enfin, connaître quelqu'un qui connaît ladite personne, pour être exact. Probablement un charlatan de première, vu qu'il se fait appeler « le Prophète ». Mon instinct me tance à nouveau de quitter cet endroit le plus vite possible, mais pour l'instant, je n'ai pas trop le choix.
Tim a quand même raison sur un point : les emmerdes me collent à la peau. Je fais tourner une nouvelle fois le sachet en plastique entre mes doigts. Espérons que les choses changent...
Nous regagnons rapidement la partie réservée aux personnes assurant la sécurité de la Cité, où l'atmosphère est beaucoup moins électrique. Les hommes et femmes que nous croisons savent ce qu'ils ont à faire et contrôlent mieux leur colère et leur peur que les autres réfugiés. Tous rassemblent leurs affaires, attendant les ordres de mission.
Tim nous emmène vers une porte gardée par quatre molosses aux tatouages de guerre terrifiants, semblables à ceux qui ont éparpillé la foule en rogne, un peu plus tôt. Leurs regards sanguinaires me font frissonner des pieds à la tête. L'un d'eux nous demande de déposer nos armes contre le mur, tandis qu'un deuxième nous ouvre et nous invite à entrer, d'un signe de tête. Tim passe en premier, mais Khenzo est sèchement refoulé sur le côté par un garde. Un autre m'arrache mon sac des mains pour le balancer dans les bras du jeune homme. Je prends une grande inspiration avant de franchir la porte. Au passage, Khenzo m'adresse un regard d'encouragement qui ne me rassure pas vraiment.
En pénétrant dans la pièce, une fumée âcre me prend à la gorge et me pique les yeux. Ici, ça fume le cigare et pas qu'un peu. Le grand luxe. Mon regard est tout de suite attiré par le mur du fond, entièrement recouvert d'une carte des environs, annotée de toute part : des feuilles punaisées, des post-it, des notes au stylo ou au feutre s'invitent un peu partout. Ignorant les hommes qui se sont arrêtés dans leurs activités, je m'approche du mur, intriguée par tout ça.
En quelques secondes, j'engrange un maximum d'information. Ce secteur est visiblement un terrain d'affrontement officieux entre l'IPOC et le NGPP. Les deux organisations sont censées avoir signé un accord il y a des années, assurant qu'aucun combat armé ne serait engagé entre elles, mais tout le monde sait qu'elles se foutent sur la gueule régulièrement.
Avant la Rupture, leur relation était déjà très instable en raison du conflit qui les opposait en Russie. L'IPOC voulait mettre la main sur un énorme gisement de pétrole récemment découvert, sauf que le NGPP avait déjà racheté une bonne partie du terrain en vue de s'étendre progressivement vers la Chine. Aucun accord à l'amiable n'était alors envisageable. L'or noir avait déjà fait couler le sang entre elles à cette occasion.
Officiellement, un groupuscule écologique russe avait été mis en cause dans l'explosion qui avait provoqué la mort des membres de la cellule du NGPP, dépêchée sur place pour assurer les intérêts du groupe dans la région. Il fallait être aveugle pour ne pas comprendre ce qui se jouait derrière cette affaire.
Sur la carte, je dénombre une vingtaine de sites entourés en rouge, avec le bilan des pertes de chaque côté. Les morts civils semblent avoir été inscrits en noir à chaque fois. Khenzo disait donc vrai à propos des habitants de cette ville... Et si je comprends bien, les choses se sont accélérées ces derniers mois dans les environs, car Sourdun n'est pas la seule commune à avoir fait les frais des deux organisations.
Allons-nous assister à la formation d'une zone de front ? L'IPOC semble tenir position à l'ouest et tenter de gagner du terrain vers Provins. Qu'est-ce qu'ils mijotent ? Il n'y a rien d'intéressant là-bas que je sache.
— Elle croit aller où comme ça ? intervient une voix grave et profonde.
Tirée de mes pensées, je me retourne. Un homme d'un certain âge, pas très épais et à peine plus grand que moi, s'avance, me dépasse et s'arrête. Mes yeux balayent la pièce, cherchant la silhouette imposante de la personne qui m'a interpellée.
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