Chapitre 4 - #7

Je rouvre les yeux, prête à poursuivre ma danse meurtrière et dans le même mouvement sors mon couteau de lancer, caché dans ma botte gauche, pour le planter dans la cuisse d'un deuxième homme. Ce dernier pousse un hurlement et s'écroule au sol, à côté du cadavre de son pote, pour saisir sa jambe d'où gicle déjà le sang. Son arme s'est échouée plus loin, il ne sera plus un danger. J'ai touché l'artère fémorale et il ne lui reste plus beaucoup de temps à vivre, sauf s'il arrive à stopper l'hémorragie. Ce qui ne risque pas d'arriver étant donné que la panique et la douleur lui font perdre tous ses moyens.

Les deux autres répliquent aussitôt en tirant à plusieurs reprises sans arriver à me toucher. Je suis trop près d'eux et j'esquive à chaque fois, me glissant entre leurs bras pour les désarmer et distribuer les coups. Ils ne sont pas en reste et se défendent bien, m'assenant quelques revers bien sentis, jusqu'à ce que l'un d'eux se décide à sortir son sabre. La lame vibre à quelques centimètres seulement de mon œil avant de me laisser une belle estafilade sur l'avant-bras que j'avais levé pour me protéger.

Son comparse en profite pour m'enrouler son coude autour du cou et me maintenir contre lui. Pensant avoir enfin l'avantage, la garde du deuxième soldat se baisse et je déroule mon bras gauche pour le frapper violemment à la poitrine avec mon couteau de lancer ensanglanté que je n'avais pas lâché. Interloqué, son visage s'arrête près du mien. J'use de toute ma force pour remonter la lame en direction du cœur dans un chuintement écœurant. L'homme hoquète, crache du sang, puis comprenant enfin ce qui lui arrive, ses yeux s'agrandissent de douleur et d'effroi avant qu'il ne glisse à nos pieds, emportant avec lui ma dernière arme.

— Salope, tu vas me le payer ! murmure le dernier soldat à mon oreille.

Il resserre son étreinte autour de mon cou et tente de m'attraper le bras pour me le retourner dans le dos. Bien. Qu'il essaie toujours. D'un geste sec, je me contorsionne et m'échappe de son emprise pour retourner sa force contre lui. Déstabilisé, il bascule sur le côté avant de se retrouver au sol. Je me précipite aussitôt sur mon couteau de chasse, resté planté dans la gorge du premier homme et le retire dans un bruit de chair sanguinolente qui me retourne l'estomac. Du coin de l'œil, j'aperçois mon dernier adversaire qui rampe vers un pistolet semi-automatique pour essayer de s'en saisir. Il va falloir faire vite. Il est temps d'en finir.

Je me jette sur lui et l'attrape par la ceinture pour tenter de le frapper dans le dos avec mon couteau. L'homme se retourne et me repousse, m'envoyant son pied dans la figure, ce qui me fait voir quelques étoiles. Pour autant, je ne renonce pas et reviens à la charge. Il me fait alors basculer au-dessus de lui et finit à califourchon sur moi.

L'espace d'un moment, il prend le dessus en me bloquant le bras qui tient toujours le couteau. Je n'abdique toujours pas et le frappe au visage avec force du plat de mon autre main. Il me relâche une fraction de seconde, juste le temps qu'il me faut pour lui planter mon couteau dans le ventre.

Surpris, il regarde la lame enfoncée jusqu'à la garde, puis me dévisage comme s'il me voyait pour la première fois. De mes deux mains, j'appuie encore plus fort, lui arrachant un grognement sourd.

— Tu n'es qu'une salo...

— Oui, je sais, murmuré-je, la voix hachée par l'effort.

Je remonte la lame d'un coup sec et repousse l'homme qui se laisse choir sur le côté. Après de longues secondes de râle d'agonie, son corps se raidit enfin et il expire son dernier souffle.

Pardonnez-moi, les gars, mais ce ne sera pas vous. Ce sera moi...

Je me relève, les jambes tremblantes, et contemple mon œuvre, heureuse d'être en vie, écœurée d'avoir donné la mort avec autant de précision. Mon père a fait du très bon boulot.

— Delta un à Delta sept ; répondez !... Delta un à Delta sept ; répondez ! crache un émetteur. Delta un à Delta sept ; me recevez-vous ?... Delta un à Delta sept ; me recevez-vous ?! Répondez !!...

Je m'approche du cadavre du soldat qui se faisait appeler Mouss et prends d'une main fébrile l'appareil accroché à sa ceinture. Je couvre ma bouche, puis, après avoir inspiré profondément pour reprendre le contrôle, je réponds d'une voix rauque :

— Delta sept à Delta un ; je vous reçois... très mal.

Je gratte l'émetteur pour simuler des interférences avant de poursuivre.

— Nous avons quelques problèmes avec l'émetteur, mais rien de grave. La liaison radio va être coupée. Terminé.

— Voulez-vous qu'on vous envoie des hommes ? Terminé.

— Non, je répète ; tout va bien, réponds-je, en frottant à nouveau le petit micro. Nous allons rentrer vérifier le matériel et faire notre rapport. Terminé.

— Bien. Il est temps qu'on leur mette la main dessus ! s'exclame la voix de l'autre côté de la liaison. Bon retour à la base Delta sept. Terminé.

— Merci. Terminé.

Je coupe la transmission, éteins tous les appareils électriques présents sur les cadavres et récupère mes deux couteaux couverts de sang, tout comme mes mains et mes avant-bras.

Mes yeux s'attardent sur les corps sans pouvoir s'en détacher. J'aurais préféré une autre issue. Je n'aime pas donner la mort ; cet instant où la vie s'échappe, laissant place au néant. Mais ils ne m'auraient jamais laissé partir. La place de la Femme dans les rangs de l'IPOC et du NGPP s'est fortement dégradée depuis la Rupture. Tandis que l'un voit en elle un objet de plaisir, un faire-valoir ou une simple génitrice, l'autre y voit un obstacle quant à la suprématie du mâle alpha. Si je n'avais pas le choix, eux oui, et pour leur plus grand malheur, ils n'ont pas fait le bon en intégrant cette organisation.

Je me relève enfin, mais l'effort consenti dans l'affrontement m'a vidée de mes forces. Mon regard se perd dans les flaques de sang qui s'agrandissent sous les cadavres. Le contrecoup est brutal, comme à chaque fois. Des étoiles dansent légèrement devant mes yeux, si bien que je me laisse tomber à genou pour me masser les tempes.

J'ai eu de la chance. Je n'aurais pas dû m'en tireraussi facilement. Reprenant peu à peu mes esprits, je regarde autour de moi etme passe une main dans les cheveux : des réfugiés et des soldats de la citésouterraine entourent la scène, commentant à voix basse ce qui vient de se passer.Certains me pointent du doigt, d'autres poussent du pied les corps inertes quigisent à côté de moi. Dorénavant, la Cité est en sursis. Par ma faute.    

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