Chapitre 2 - #5
Khenzo range son semi-automatique. L'aîné de son groupe s'avance alors vers la lumière du jour pour prendre son compagnon dans les bras. Je baisse mon Wallgon-X et remets le cran de sûreté avant de le ranger dans son holster.
— Que s'est-il passé ? demande Khenzo.
L'homme doit approcher la cinquantaine d'années. Ses cheveux sont grisonnants sur les tempes et ses traits marqués par le temps. Il fronce des sourcils et se gratte la tête, l'air sombre, tandis que les autres membres du groupe s'avancent à leur tour en me jetant des regards peu amicaux. Leurs vêtements sont poussiéreux, leurs visages couverts de sueur et de sang. Le combat a été rude.
— On est tombé nez à nez avec une patrouille du NGPP en revenant ici.
— Vous aussi... Il y a eu de la casse ?
Le chef du groupe jette un regard vers le fond du hangar.
— En face, ils ont eu leur compte, mais Samuel y est resté et Camélia s'est pris une balle dans l'épaule.
— Samuel... fait chier, putain ! jure Khenzo.
Les visages des hommes et femmes qui m'entourent se décomposent à l'évocation de leur camarade.
— Même si on a pu récupérer quelques armes et équipements sur leurs putains de charognes, ces connards ont détruit une bonne partie de notre matériel et de nos réserves en nous balançant des grenades, continue le quinquagénaire. On n'a plus rien pour extraire la balle ou désinfecter la plaie de Camélia. Elle a déjà perdu beaucoup de sang, j'ai peur qu'elle y passe avant qu'on atteigne la Cité.
La Cité ? De quoi parle-t-il ? Jusque-là, j'avais conservé mes distances, écoutant attentivement leur discussion. Mais à ces mots, je m'approche de Khenzo, gardant mes mains loin de mes armes et bien visibles de tous.
— J'ai de quoi assurer les premiers soins pour votre blessée.
L'aîné du groupe se tourne vers moi et m'attrape par le col de mon manteau. Son visage est à quelques centimètres du mien. S'ils n'étaient pas aussi nombreux à l'accompagner, je pense que je lui aurais donné un bon coup de boule. Histoire de calmer ses ardeurs. Mais objectivement, ce n'est pas une très bonne idée. Le vieux est costaud et, en dehors de Khenzo, les membres du groupe n'ont pas l'air plus disposés à mon égard.
— T'es qui toi ?! siffle-t-il.
— Moi, c'est Xalyah.
Ma voix est froide et autoritaire. Je n'aime pas les gens qui envahissent mon espace vital. Encore moins ceux qui me menacent. L'homme me toise et je soutiens son regard. La tension monte d'un cran et quelques mains se hasardent à toucher la crosse d'un pistolet, prêtes à dégainer et tirer s'il le faut. Ma vie est entre ses mains et malgré tout il ne m'impressionne pas. Des types arrogants comme lui, j'en ai croisé des tas et ce ne sont pas les pires. Il finit par me lâcher pour me tourner autour.
— C'était bien toi dans la banque ? C'est toi qui as ameuté ces connards par ici ?!
— Tim arrête, t'es ridicule là.
— J'en ai rien à foutre, Khenzo. Qui te dit que cette gonzesse n'est pas en train d'informer le NGPP ou l'IPOC de notre position et de nos forces ?
La moutarde me monte un peu au nez :
— Sérieusement ? raillé-je. J'ai vraiment une tête à être des leurs ?
— À toi de me le dire.
Je prends sur moi pour conserver mon calme, mais ce n'est pas l'envie de lui foutre mon poing dans la tronche qui me manque. Après tout ce que j'ai enduré, je préférerais mourir plutôt que de les servir ! J'expire la rage qui monte en moi et reprends mon sang-froid. Ça ne sert à rien de tenir tête si c'est pour finir six pieds sous terre. Je décide d'adopter une attitude moins agressive et plus neutre, histoire de décrisper la situation.
— Pour répondre à ta première question : oui, c'était bien moi dans la banque. Et non, je n'ai ameuté personne ici. Tu sais très bien quel sort ils réservent aux femmes...
Je réajuste le col de mon manteau. Les mains s'éloignent légèrement des crosses, alors que j'attends sa prochaine question :
— Que veux-tu ?
— Rien. J'étais juste curieuse de savoir à quelle organisation votre groupe appartenait.
— Nous n'appartenons à personne ! s'emporte-t-il. Nous sommes libres de...
— Oui, j'avais remarqué.
Je n'aurais pas dû le couper de cette façon, mais ce type me tape sur les nerfs. Il me pousse contre le mur du hangar pour me dominer de toute sa taille. Quelques hommes ont, cette fois-ci, dégainé leur arme et me tiennent en joue.
— Quel âge as-tu ? Trente ans ? Tu ne m'impressionnes pas. J'en ai au moins vingt de plus que toi et je ne ferai qu'une bouchée de ta petite personne.
— Des menaces ?
Je ne peux pas m'empêcher de lui tenir tête. C'est plus fort que moi.
— Allez, ça suffit vos conneries !
Khenzo attrape Tim par le bras et le force à reculer, puis il intime à ses compagnons de baisser leurs armes.
— On a plus important à faire que de régler un problème d'ego entre vous. Xalyah m'a aidé à abattre des soldats du NGPP et n'a pas hésité à me suivre quand nous avons entendu des coups de feu, alors je pense qu'on peut la considérer comme étant de notre côté, dit-il à l'attention de son chef.
— Comment peux-tu être si sûr qu'elle ne représente aucun danger pour nous tous ?
— Tu parierais la vie de Camélia là-dessus ? On a déjà perdu trois des nôtres, je te rappelle !
Tim pousse un grognement et tourne le dos à son interlocuteur. Il n'a pas tellement le choix.
— Ah ! D'accord ! Qu'elle aille s'occuper de Camélia. Mais je ne te lâcherai pas d'un pouce, rajoute-t-il en dardant son regard de feu sur moi. Un pas de travers et tu es morte.
Au moins ça a le mérite d'être clair.
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