Chapitre 2 - #2
Un peu fatiguée après une nuit aussi courte, mon attention se relâche et mes pensées divaguent sur différentes hypothèses. J'imagine les soldats du NGPP se glissant parmi la population locale afin de s'infiltrer à tous les niveaux. Si Macrélois cherche réellement à reprendre le contrôle de la France et de ses frontières, c'est ce qu'il y aurait de mieux à faire. Il pourrait alors répandre des rumeurs, camoufler les bévues et inventer des faits qui pousseraient les gens à se rallier à sa cause sans résister. Et d'après ce que j'avais pu apercevoir, la bonne parole sera bientôt prêchée par des âmes innocentes et juvéniles. Si seulement je pouvais me sortir de la tête toutes ces images atroces !
Ruminant ces idées noires, je pose mon menton sur la paume de mes mains et lâche un soupir. Mon HK-720 bute alors contre une petite pierre, qui n'attendait que ça pour se faire la malle. Elle dégringole les deux étages, chute sur le verre et rebondit parmi les plaques de tôle en un bruit assourdissant. Puis, comme pour me faire payer ma curiosité de manière ironique, elle continue sa course dans la rue, allant rouler jusqu'aux pieds d'une des femmes. Désabusée, j'enfouis ma tête dans mes bras. Déjà, ça s'agite en bas, l'aîné criant une série d'ordres à l'ensemble des membres du groupe.
Super. J'ai encore gagné ma nuit... Prudence est mère de sûreté. Fait chier. Ce n'est pas comme si c'était la première fois en plus... Promis papa, à l'avenir, je passerai mon chemin. Pestant contre ma connerie, je me relève et empoigne mon sac. Mon fusil d'assaut bat la cadence sur ma hanche tandis que je traverse le deuxième étage en sens inverse. Un peu plus tôt, j'ai repéré un étroit passage dans un mur qui mène vers une autre partie de l'immeuble. Je m'accroupis et balance sac et arme par la petite ouverture. Puis, tout en faisant attention à ne pas forcer sur ma jambe blessée, je rampe pour passer de l'autre côté. Je me relève et prends mes affaires. En face de moi, le sol est effondré. Il va falloir que je saute par-dessus le vide pour pouvoir continuer. Ça m'apprendra à vouloir faire la maligne.
Mes poursuivants sont au rez-de-chaussée. Je n'ai pas beaucoup d'avance sur eux alors il va falloir que je me bouge les fesses. Prenant une grande inspiration, je m'élance et saute. Ma roulade est plus que maladroite et une partie du plancher s'effondre sous mon poids. J'atterris au premier étage, face contre terre, mangeant la poussière à pleine bouche. Pouah ! Dégueulasse. Un grognement s'échappe de ma gorge alors que je me remets sur pied. Ma course m'amène sur une passerelle suspendue qui surplombe une rue et rejoint un autre immeuble. Je n'ai pas le temps de sortir mon détecteur pour savoir où se trouve chacun des membres du groupe, mais vu le bruit qu'ils font, je pense qu'ils sont tous à mes trousses, désormais.
Avec mes lunettes à vision nocturne, je prends quand même quelques secondes pour regarder le plan de l'étage avant de repartir. Tout droit. Deuxième à gauche. En face. À droite. J'y suis. Les escaliers de secours sont juste là. Essoufflée, j'ouvre la porte. La ruelle est déserte et si les premières marches métalliques sont intactes, le reste gît au sol, quelques mètres plus bas. Trop tard pour revenir en arrière. Moi qui espérais passer une nuit tranquille, je suis servie !
Après avoir observé les environs, j'aperçois une corniche sous mes pieds, à mi-hauteur du mur. Si je me débrouille bien, je devrais pouvoir l'attraper en me laissant tomber et atteindre le sol en deux temps. Je descends les quelques marches pour me laisser pendre par les mains. Avec mes jambes, je me balance puis me lance. Raté. Mes mains dérapent sur le mur, ne trouvant aucune prise. La chute est rude et me coupe le souffle. Je roule sur le côté, le corps endolori, et m'agenouille pour vérifier que je n'ai rien de cassé. À part quelques coupures et des bleus, je m'en tire plutôt bien.
Des éclats de voix au-dessus de ma tête me tirent de mon inspection. Je crois qu'ils ont perdu ma trace dans l'immeuble. Avec un peu de chance, ils lâcheront rapidement l'affaire. Mais pour l'instant, je dois mettre le plus de distance possible entre eux et moi. Mon sac sur le dos et mon fusil d'assaut en bandoulière, je me remets à courir en traînant un peu la patte pour économiser mes forces. À la sortie de la ruelle, je m'arrête. Coup d'œil à droite. Personne. Coup d'œil à gauche. Personne non plus. Je traverse rapidement la grosse artère pour gagner une autre rue.
Dix minutes plus tard, je ralentis un peu le rythme. Ils ont dû abandonner, car je n'entends plus aucun bruit hormis celui de mes pas et de ma respiration saccadée. Je relâche un peu ma vigilance pour reprendre mon souffle. Je déteste courir, pourtant c'est devenu l'une de mes activités principales. Si j'y suis maintenant habituée, cela reste toujours éprouvant. Néanmoins satisfaite de m'en sortir à si bon compte, je reprends ma route.
Arrivée à un embranchement où j'hésite quant à la direction à prendre, je m'arrête. Alors que je m'apprête à sortir mon Mémo, une masse noire fond sur moi et me projette au sol. Je n'ai rien vu venir, ni entendu. Sans chercher à comprendre de quoi il s'agit, j'effectue une roulade pour me rétablir et m'enfuir. Mais l'individu, toujours au sol, en a décidé autrement. Il m'attrape les jambes et me fait tomber en avant. Mordant la poussière une seconde fois, je reçois un coup de poing au niveau de la mâchoire qui m'assomme à moitié, faisant voler mes lunettes. Mon sac et mon fusil d'assaut m'encombrent et cette fois je me sens contrainte de m'en débarrasser pour parer un second coup. Alors que l'homme arme une nouvelle fois son poing, je me dégage de son étreinte pour lui lancer mon pied dans les côtes. Il se plie en deux, le souffle coupé. Je ne ferai pas le poids face à lui dans un combat au corps à corps. Il ne me reste qu'une solution : la fuite. Comme d'habitude.
Profitant de cet instant de flottement, je me relève et me remets à courir. Dans la foulée, j'attrape mon sac et ramasse arme et lunettes. Après une centaine de mètres parcourus à toute allure, je m'aperçois que mon agresseur me talonne toujours. Et il regagne du terrain ! Il est coriace celui-là. Si ça continue, je n'aurais pas d'autre choix que de le tuer...
À plus de cinq cents mètres devant, je discerne un carrefour. Ma cuisse me lance, mes poumons me brûlent, la poussière me pique les yeux. Putain, je suis mal barrée. Très mal barrée.
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