Chapitre 1 - #2

Je prends un peu de recul puis, sans plus réfléchir, m'élance. Au moment où mes pieds quittent le sol, les hommes envahissent le toit. Mon corps s'envole, mais la pesanteur le rappelle vite à l'ordre tandis que le pilier se rapproche un peu trop vite de moi à mon goût. Le choc fait trembler mes os, et, l'espace d'un instant, il n'y a que ma main droite qui me maintient en vie, solidement agrippée à un barreau de l'échelle. Dans un ultime effort, je me contorsionne pour me remettre face au poteau. Je prends une grande inspiration et amorce ma descente.

Les soldats s'approchent du bord et commencent à tirer. Les balles sifflent à mes oreilles et j'attrape la deuxième échelle qui se trouve de l'autre côté du pylône pour me recroqueviller derrière cette protection de fortune. Heureusement pour moi, je n'ai pas affaire à des tireurs d'élite et s'ils canardent allègrement ma position, les balles ne font que me passer autour ou se planter dans le métal de mon bouclier pare-balles improvisé. J'accélère le rythme de ma descente et me laisse glisser le long de l'échelle sur les derniers mètres. La réception est douloureuse et je porte la main sur l'entaille de ma cuisse, lâchant une insulte bien fleurie. Des salves de HK-G100 me rappellent à l'ordre. Je dois décamper !

Cinq hommes, restés dans le hall, sortent de l'immeuble armes au poing et courent vers moi. Leurs compagnons, toujours sur le toit, tirent dans ma direction sur une vingtaine de mètres, jusqu'à ce que je bifurque à gauche au premier croisement. Frais et reposés, les cinq gaillards me rattrapent à une vitesse effroyable. En sortant de la ruelle, je me prends les pieds dans une tige de métal et m'affale, avec la plus grande classe, de tout mon long. Je jure à nouveau avant de me reprendre et d'empoigner mon fusil d'assaut à deux mains pour me retourner et leur balancer une rafale. L'un des hommes s'écroule, puis hurle de douleur. Les quatre autres ralentissent alors le rythme et je tire encore quelques rafales supplémentaires dans leur direction, pour les forcer à se mettre à couvert. Cela me laisse suffisamment de temps pour me relever et prendre le large. Les soldats ripostent, sans m'atteindre, et bientôt je n'entends plus aucun bruit dans mon dos.

Après vingt minutes de course soutenue, je suis exténuée. Ne pouvant aller plus loin, je m'arrête enfin dans une ruelle sombre, haletante. Mon détecteur de présence me confirme que, cette fois, je les ai bel et bien semés. Je sais qu'ils seraient capables de passer la ville au peigne fin pour me retrouver, vu la façon dont je les ai mis en déroute à plusieurs reprises, mais avant de poursuivre, je dois m'occuper de mon entaille. Sinon je n'irai pas beaucoup plus loin.

Tout ce secteur a été contaminé lors de la Rupture, suite à la destruction d'un laboratoire de recherches. Une bactérie potentiellement mortelle s'est alors propagée dans un rayon de dix kilomètres. D'après ce que j'en ai vu, la moindre blessure ouverte s'avère fatale si elle n'est pas traitée à temps, avec l'antidote mis récemment au point par d'anciens chercheurs. Par chance, j'ai pu m'en procurer quelques doses avant de traverser cette zone. Et heureusement, car je ressens déjà les premiers symptômes ; vertiges, bouffées de chaleur, palpitations, vision trouble...

Avant de soigner la plaie en elle-même, je dois enrayer les effets de l'infection au plus vite. Fébrile, je m'agenouille et sors deux trousses de mon sac. À l'intérieur de la plus petite, il me reste trois seringues pleines. Les six autres ont déjà été utilisées. Vivement que je me tire d'ici ! Je débouche un petit flacon d'antiseptique et imbibe un morceau de coton. Après avoir désinfecté la zone de piqûre, je prends un bout d'élastique en caoutchouc et l'enroule autour de mon bras, en le maintenant entre mes dents. Puis je m'injecte l'antidote avant de relâcher le garrot.

Les effets secondaires sont virulents. La tête me tourne tellement que je suis obligée de m'asseoir par terre, dos au mur. Les suées et les vertiges s'accentuent et je me mets à saigner du nez. Putains d'amateurs. Ils auraient quand même pu trouver quelque chose avec moins d'effets indésirables. Enfin, il vaut mieux ça que crever d'une plaie bénigne.

Toujours dans un état second, je fouille dans la deuxième trousse et prépare mon matériel de premiers secours. Je ne suis pas sûre d'avoir l'occasion de m'arrêter plus tard, alors il est hors de question de repartir avec une plaie à moitié soignée. Celle-ci fait plusieurs centimètres de long et nécessite quelques points de suture. Dans un premier temps, je la désinfecte avec de l'alcool à 70°. Ça fait un mal de chien, mais l'antidote atténue peu à peu la douleur. Quelques minutes me suffisent pour recoudre la plaie. Je déchire ensuite le sachet d'une compresse pour l'appliquer dessus, puis ouvre une boîte de bandage, afin de protéger ma cuisse.

Je crois qu'il est temps de repartir. Des patrouilles ne tarderont pas à venir par ici. Je range mon bazar et attrape mon Mémo. Cet appareil dispose entre autres d'une excellente application de cartographie 2D et 3D qui m'est très utile. Je m'installe plus confortablement contre le mur, le temps d'étudier mon itinéraire.

Le vieil homme m'avait dit que leur destination était Nantes, et qu'une fois arrivés là-bas, ils comptaient quitter le pays pour gagner un lieu plus sûr. Le pauvre homme n'avait pas eu le temps de me dire quel était ce lieu – bien que j'aie ma petite idée sur la question – à cause d'une balle reçue en pleine poitrine. Comme pour les autres, je lui ai creusé une tombe puis, dans un bloc de béton qui traînait à côté, j'ai gravé un signe composé de quatre cercles imbriqués les uns dans les autres. Lui aussi, je le vengerai, comme tant d'autres... trop à mon goût.

J'analyse la carte des environs affichée par mon Mémo et lui demande une estimation du temps de trajet pour arriver à la prochaine grande ville. Parfait. Je devrais y être pour la tombée de la nuit.

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