Chapitre 1 - #1

vendredi 11 novembre 2107

Mes pieds dérapent sur les gravats. D'une main, je me rattrape à une poutre métallique et saute par-dessus les vestiges d'un mur. Une vis m'entaille profondément la cuisse. Merde. À partir de maintenant, il ne me reste qu'une demi-heure avant les premiers symptômes d'une contamination mortelle. Je reprends ma course, poussée par les effets de l'adrénaline. Une ruelle encombrée se présente sur ma droite. Je m'y engage sans ralentir et escalade l'amas de débris tant bien que mal. Je glisse à plusieurs reprises, lâchant quelques jurons au passage. Puis je repars de plus belle.

Au loin, j'entends les voix des hommes qui m'ont prise en chasse. La dernière fois, j'avais eu moins de mal à les semer, mais il faut croire qu'ils sont particulièrement remontés aujourd'hui. Ils n'ont visiblement pas apprécié ce que j'ai fait un peu plus tôt à l'un des leurs. Sauf que s'il n'avait pas cherché coûte que coûte à me retenir, il ne serait pas six pieds sous terre à l'heure qu'il est. Je lui ai laissé le choix, il a pris la mauvaise décision ; pour moi, mais surtout pour lui.

Arrivée à un croisement, je m'arrête quelques secondes, les poumons et les muscles en feu. Je balaye les environs d'un regard affolé. Je dois trouver une solution, et vite !

— Elle est là !

Et merde ! Ils m'ont repérée. La rue d'en face me semble la meilleure option. Je pique un sprint, mais déjà, d'autres hommes accourent en face de moi. Je suis cernée. N'ayant plus beaucoup de solutions, j'entre dans le premier bâtiment qui se présente. Je saute par-dessus les décombres et déboule à toute allure dans le hall. Les autres issues sont bouchées par l'effondrement d'une partie du premier étage. Fait chier. Je jette un coup d'œil aux chiffres inscrits au-dessus de la cage d'ascenseur. Quinze étages... L'immeuble n'étant plus alimenté en électricité depuis longtemps, je vais devoir passer par les escaliers. Allez, c'est parti ! De toute manière, je n'ai pas d'autre choix.

Arrivée sur le seuil du deuxième étage, je me penche par-dessus la rambarde ; les hommes envahissent le hall et se précipitent à ma suite. Ma cuisse me lance cruellement, mais je serre les dents et continue de monter aussi vite que possible. La partie risque d'être serrée. Ils sont lourdement armés et bien déterminés à me rattraper. Je dois absolument trouver une solution pour me sortir de ce cul-de-sac. Pour l'instant, je poursuis mon ascension, pressée par le bruit de leurs bottes qui martèlent les marches en béton. Ils sont juste quelques niveaux en dessous de moi ! Je gagnerais sans doute en vitesse si je me débarrassais de mon sac et de mon fusil d'assaut, mais ma survie en dépend. Alors je vais devoir faire avec, malgré leur poids qui me handicape.

Au septième étage, je fais une pause de quelques secondes. La plaie de ma cuisse saigne beaucoup, mais je n'ai pas le temps de m'appesantir sur le sujet ; ils sont en meilleure condition physique que moi et gagnent du terrain chaque minute. J'attrape mon arme des deux mains et tire une rafale par-dessus la rampe. Les détonations claquent sèchement et m'assourdissent quelques secondes, puis des cris de douleur et de rage parviennent à mes oreilles. Je souris. J'ai gagné un peu de temps.

En réaction, une grenade lacrymogène ricoche sur un mur et atterrit à quelques mètres de moi. Sans plus attendre, je replace mon HK-720 dans mon dos et repars à l'assaut des marches, me protégeant le nez et la bouche avec mon foulard. J'ai l'impression de gravir un immeuble sans fin. Mes jambes ont de plus en plus de mal à me porter, les yeux et la gorge me piquent, la tête me tourne et pour couronner le tout, les nausées m'assaillent. La poussière qui stagne dans l'air n'arrange rien. J'entends les hommes crier avant de se remettre en chasse. J'avale les marches, les unes après les autres, dérape parfois sur les éclats de béton et de métal qui jonchent le sol, pour repartir en lâchant quelques jurons supplémentaires... Ces escaliers me semblent interminables !

Au douzième étage, un point de côté éclate au niveau de mon flanc droit. Je continue ma course infernale, mais rapidement je suis obligée de m'arrêter pour respirer profondément et enrayer la douleur qui me lance entre les côtes. Des coups de feu sont tirés dans ma direction, heureusement sans m'atteindre. Je crois bien qu'ils ont décidé de m'accompagner jusqu'en haut de l'immeuble. En même temps, acculée comme je suis, ils auraient tort de faire demi-tour maintenant. Après quelques respirations profondes la crispation s'estompe : je peux reprendre mon ascension. À présent ils ne sont plus qu'à deux étages en dessous ! Allez, faut vraiment que je me bouge ! Un peu revigorée, j'escalade les trois derniers niveaux plus rapidement, reprenant ainsi une maigre avance sur mes poursuivants.

Une fois sur le large palier du dernier étage, je me jette contre la porte qui donne accès au toit de l'immeuble. Verrouillée. Merde. Quelques tirs ricochent à nouveau dans la cage d'escalier, le bruit est assourdissant. Merde. Merde. Fébrile, je regarde autour de moi. Rien. D'autres détonations résonnent, plus proches encore. Merde. Merde. Merde ! Je m'accroupis, mais ce n'est pas ça qui va me protéger ou m'aider ! Je porte alors une main à ma cuisse droite et sors le Wallgon-X de son holster. J'aurais préféré garder mes munitions pour autre chose, mais tant pis, il va falloir que je sacrifie une balle pour sortir d'ici. Je recule de deux pas et tire. La serrure vole en éclat et la porte s'ouvre toute seule sous l'impact.

En dessous, j'entends les cris des hommes qui me poursuivent. Animés par une rage sourde, ils sont visiblement déterminés à en découdre avec moi, coûte que coûte.

Je n'ai tout au plus qu'une minute d'avance avant qu'ils ne me rattrapent. Pourtant, je ne me précipite pas et pose un pied devant l'autre, lentement, à la recherche d'une issue. Le souffle court, j'ai du mal à garder les idées claires. Ce n'est pas le moment de flancher. Je dois trouver une solution, et vite !

J'aperçois un poteau bioélectrique à quelques mètres du bord de l'immeuble. Je m'approche et regarde en contrebas. L'échelle, qui court le long de l'installation, semble en bon état et le sol n'a pas l'air endommagé autour de sa base. La voilà, ma solution. Si j'enterre la douleur de ma cuisse dans un coin de ma tête, avec de l'élan, je devrais y arriver.

Et puis, de toute façon, c'est ça ou se faire trouer la peau...

— Elle est sur le toit !

C'est l'heure de prendre le large, messieurs !

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