Louis a l'habitude de tout dire à Harry, pressant ses mots contre sa mâchoire, les gémissant dans sa bouche ou les pleurant contre son épaule lorsqu'il est gêné, triste ou effrayé. Il y a, bien sûr, des choses qu'il ne sait pas, comme dans les rares occasions où il se réveille avant lui et qu'il l'observe, les yeux clos et les lèvres entrouvertes, et parfois il pleure aussi, parce que Harry est si merveilleux et qu'il ne sait pas quelle force sur Terre a décidé qu'il méritait quelqu'un d'aussi charmant, compréhensif et patient.

Il y en a d'autres, mais ce sont des choses relativement sans importance, sauf que maintenant, il a un grand secret qui plane sur son cœur comme un papillon, les ailes battant furieusement. C'est le fait qu'il commence à perdre ses mots.

Il ne peut pas... Il ne peut pas l'expliquer parce que ça n'a aucun sens, mais parfois, il est au milieu d'une histoire et il l'oublie. Il ne peut pas former le prochain mot avec sa langue, que ça soit physiquement ou mentalement, et ça fait putain de peur. Par exemple, il est en train de raconter une histoire sur les jumeaux ou quelque chose qu'il a regardé pendant que Harry était absent ou une blague stupide que Niall lui a dit, et il oublie le jeu de mots, ou ce qu'il regardait, et il se s'arrête en se secouant la tête tandis que la panique s'empare de sa colonne vertébrale. Puis Harry dit quelque chose qui lui fait retrouver la mémoire et il est capable de terminer son histoire en un seul morceau.

Ça va. Comme ont dit les médecins, c'est mauvais, mais pas sans espoir. Il se répète les mots dans sa tête chaque soir jusqu'à ce qu'ils se brouillent et qu'il les oublie presque complètement.

Regardant le visage endormi de Harry, tout ce à quoi il pense c'est, s'il te plaît, ne me laisse pas t'oublier aussi.

°°°

Harry finit par remarquer. Harry remarque tout.

"Harry," dit brusquement Louis, la voix légèrement paniquée d'une façon qui n'est pas habituelle. "Je trouve pas la... les... pour la voiture."

Les sourcils de Harry se froncent lorsqu'il se tourne pour le regarder, ses lèvres se recourbant en un froncement confus. "Euh... bébé ?"

Les mains de Louis tremblent lorsqu'il tente d'imiter l'acte de mettre les clés dans le contact. "Je les trouve pas," dit-il, se sentant plus gêné qu'autre chose.

"Tu parles des clés ?" Demande Harry, la voix pleine d'inquiétude.

"Les clés," répète-t-il, le soulagement l'envahissant si vite qu'il croit qu'il pourrait s'évanouir. "Ouais. Les clés." Le mot semble toujours aussi familier, comme il l'a toujours été, et il a presque envie de rire.

Harry ne dit rien, mais il n'a pas à le faire.

L'expression sur son visage dit à Louis tout ce qu'il a besoin de savoir.

°°°

Harry lui fait une liste sur son téléphone, une petite liste intitulée Les Mots pour Lou :), remplie des mots que Louis oublie le plus souvent, mais la liste semble s'allonger de jour en jour, et ça devient un peu difficile de suivre.

"T'as donné à manger au... au-" Louis s'arrête, les sourcils froncés de concentration et se léchant les lèvres, et Harry sent une vague de chagrin s'emparer de lui alors que Louis se tient là, les yeux se rétrécissant encore plus, les mains se serrant en tout petits poings alors qu'il s'efforce de trouver le mot qu'il cherche.

Enroulant fermement ses bras autour des épaules de Louis et posant un baiser sur sa tête qu'il espère est réconfortant, Harry murmure, "Le chien, mon amour ?"

Louis se tourne dans les bras de Harry et enfouit son visage dans ses clavicules. Harry sent son cœur se briser lorsqu'il sent les larmes s'y accumuler.

"Hey," dit-il doucement en glissant une main entre leurs torses pour attraper le menton de Louis, le forçant à croiser son regard. Ses yeux sont brillants et bordés de rouge et il a l'air si pathétique et désespéré que les larmes montent aux yeux de Harry. Mais il ne pleurera pas - pas maintenant, car cette fois, Louis a besoin de lui pour être le plus fort. Et il le sera.

"Bébé," murmure-t-il, reculant lentement jusqu'à ce que son dos heurte le mur en tirant Louis avec lui, se laissant tomber au sol afin que Louis puisse se reposer dans l'espace entre ses jambes. Il ne s'écoule qu'une minute ou deux avant que les reniflements de Louis cessent complètement, mais la sensation d'impuissance demeure. "C'est pas grave," dit-il en attrapant une des mains de Louis - si petite, il a toujours été petit ; c'est l'une des choses préférées de Harry - et trace les lignes de sa paume jusqu'à ce que Louis se soit complètement calmé et qu'il soit assis bien droit, tripotant le tapis avec sa main libre.

"Je me sens si bête," murmure Louis, les joues rougissant alors qu'il baisse la tête, presque honteusement. "Tout le temps."

"Non." Harry grogne presque, sa voix devenant dure, ce qui n'arrive jamais avec Louis. Ce dernier relève la tête à l'entente du ton de sa voix, l'air plus que surpris, mais Harry s'en fiche, car il ne sait pas quoi faire et il déteste se sentir impuissant comme ça. Il veut presser Louis contre leur matelas et lui murmurer tous les mots qui lui traversent l'esprit contre sa peau, mais il faut qu'ils sortent et ils n'ont tout simplement pas le temps. Ils n'en ont jamais et son estomac se tord parce que le temps est compté et qu'il a tellement de choses à dire.

Au lieu de ça, il rapproche simplement Louis de sorte que leurs visages soient au même niveau, leur nez se touchant. Leur respiration est presque bruyante dans le calme et la tranquillité de l'appartement. "Tu n'es pas bête," insiste-t-il fermement, les mains tenant le visage de Louis en place pour qu'il ne puisse pas éviter son regard. "T'es jamais bête, bébé. J'aime pas t'entendre dire des choses comme ça." Louis baisse le regard et Harry sait qu'il va recommencer à pleurer, alors il l'embrasse avant.

Ce n'est qu'un pincement chaste des lèvres, mais c'est suffisant.

°°°

"Tu comprends pas," lança Louis en gigotant une nuit alors que Harry essayait de le calmer pour ne pas qu'il se sente triste d'avoir oublié le mot plante. Plante, bon sang. "Tu sais pas ce que c'est que de se réveiller et d'oublier les choses les plus stupides comme où se trouve ta brosse à dents ou derrière quelle porte se trouve notre chambre."

Sa lèvre inférieure tremble et il la mord durement. Il n'est pas triste, il est en colère, et il veut tellement que Harry comprenne mais il ne peut pas le faire comprendre et ce n'est pas juste d'essayer, mais il a l'impression qu'il erre seul dans une étendue sans fin un soir sans lune, et si ce n'est pas la chose la plus terrifiante, il ne sait pas ce que c'est.

"Bébé," dit doucement Harry les yeux brillants, et Louis sait qu'il allait pleurer. "Je sais. Je suis désolé. Je... merde. Si seulement je pouvais faire quelque chose. Je sais pas quoi faire ou comment t'aider et je me sens tellement impuissant et je déteste ça, Lou-"

"J'aime pas ça," crie soudainement Louis en coupant Harry, et il sent qu'il va craquer, il tremble tellement fort. "Je vais... tout... oublier. Tu le sais, pas vrai ? Que c'est rien comparé à plus tard ? Je pourrai plus chanter ou même parler putain, Harry," gémit-il. "Je veux pas t'oublier."

Il a à peine le temps de se rendre compte de ses propres sanglots que les bras de Harry engloutissent déjà, le serrant étroitement contre lui, les doigts s'enfonçant dans son dos. Louis sanglote silencieusement, et de la manière dont il tremble, il sait que Harry pleure aussi.

"Je suis désolé," chuchote Louis, s'essuyant les yeux sur la chemise de Harry. "Je sais que tu essayes. Tu es parfait. Je suis désolé d'avoir dit ça."

Puis il n'en parle plus jamais.