Les sans-tresses I : La conspiration des sans-tresses


Shaiélaè remua sur la selle de son cheval qui commençait sérieusement à l'inconforter . Heureusement, ils arrivaient à destination La ville de tentes de plusieurs hectares de surfaces se profilait devant, derrière ses enfilades de palissades, de fossés et du mur de pierre sèche qui le ceinturait. L'escouade des forces spéciales au sein de laquelle servait la petite elfe rentrait enfin à la maison. Ils chevauchaient depuis des heures déjà, après plusieurs jours de voyages depuis le désert où vivaient les tribus reculées de Alik'r. 

Shaiélaè avait vécu parmi eux avec son escouade. Une unité spéciale commandée par une agent des Lames en mission secrète, chargée d'unir et de coordonner les nomades rougegardes autour de la bannière de l'Empire et de leur haine commune du Thalmor. Ils avaient fournis de grands efforts, s'étaient épuisés en réunions diplomatiques, assemblées de chefs, avaient multipliés présents, promesses. Ils s'étaient battu, pour prouver leur force autant que celle des nomades. Même s'ils s'y aventuraient avec réticence, le désert n'était pas pour autant vide d'elfes...

Leur commandant pouvait apporter la tête haute à l'état major un rapport encourageant sur l'implication des nomades ali'kr dans l'effort de guerre contre le Domaine Aldmeri et sur les précieuses actions de guérilla qu'ils pourraient accomplir derrière les lignes elfes. Leur ténacité avait porté ses fruits, l'escouade pouvait être fière des efforts accomplis.

Shaiélaè ne l'était pas moins. Elle n'avait qu'un rôle d'éclaireuse, qui se bornait à guider l'escouade à travers des terrains qu'elle connaissait du temps passé dans le bataillon de reconnaissance et de participer à la sécurité du commandant. On lui avait dit qu'elle pourrait servir  d'interprète s'ils venaient à rencontrer des elfes, voir se faire passer elle-même  pour une soldat du Thalmor si cela était nécessaire, mais la bosmer doutait qu'une telle occasion se présente un jour.  Elle s'était peu à peu prise d'affection pour la culture Rougegarde au milieu de laquelle elle avait baigné de longues semaines. Une culture fascinante que les nomades alik'r vivaient avec pureté, bien plus que dans les villes plus ouvertes et cosmopolites. La petite elfe éprouvait une certaine nostalgie a devoir les quitter et songeait déjà à la prochaine mission qui l'y ferait y retourner, si le commandant voulait toujours bien d'elle...

Shaiélaè jeta un œil au chef de l'escouade, sur le dos de sa jument grise non loin à côté d'elle. Nora Loune était une agent des Lames. On racontait que ses guerriers d'élites au service direct de l'Empereur portaient au combat une armure d'or et d'ébonite, forgée dans le style exotique des Tsaesci du lointain et mystérieux continent d'Akavir. Cela était surement vrai, mais Nora ne portait rien de tel qui pourrait laisser présager ainsi de son véritable rang au sein de l'armée impériale. La guerrière ne portait qu'une chemise légère aux manches retroussées. Son visage halé dépassait du col. Bien qu'elle n'aie pas plus de trente ans, ses cheveux courts et noirs arboraient déjà quelques mèches blanches. Des bottes et une culotte de cavalier complétaient sa panoplie rudimentaire. Une écharpe lui protégeait les hanches de sa ceinture à laquelle une simple épée courte et un banal poignard étaient sanglée. Ça, en revanche, Shaiéalè l'avait vu : Dans ce camps ici même, lorsque Nora avait recruté l'éclaireuse pour la faire entrer dans les forces spéciales. Au lieu de l'épée et du poignard quelconque qu'elle portait aujourd'hui, sa hanche était ce jour là ornée du magnifique katana akaviroi emblème de l'Ordre des Lames et d'un tanto assorti. Encore une fois, c'est par souci de discrétion que les précieuses armes n'avaient pas quitté la malle de l'agent pour cette mission.

Le groupe de cavalier s'approcha des portes du camps, où un poste de contrôle les attendait. Nora donna au garde leurs laisser-passer et attendit que les soldats les examines. Les autres compagnons de Shaiélaè commençaient eux à s'impatienter, à l'approche du camps et des distractions que celui-ci promettait pour leur séjour de repos. Ils discutaient entre eux de la promesse de bains glacés, de bière fraiche, de tournois de dès... Skaven n'était pas loin, juste à une cinquantaine de lieues au nord. Peut-être pourraient-ils y aller en permission, profiter des thermes, des tavernes, des femmes, de la musique...

Shaiélaè n'aspirait elle qu'à retourner dans le désert. La musique lancinante des flutes et des cithares ali'kr, lui manquaient, le soir au coin du feu. Jamais elle n'avait vu de ciel étoilé plus pur que là-bas. Les vêtements, les couleurs, les enfants si jeunes mais déjà si mature.... Les alik'r étaient des hommes rudes vivant dans un milieu hostile, mais c'est là qu'ils puisaient leur force et leur fierté. Les histoires qu'ils contaient de leur voix chantante étaient si belles, si tristes mais pourtant pleine d'espoir. Ils se souvenaient de leur continent qu'ils avaient fuit jadis, qu'on raconte engloutis par les flots. Shaiélaè le voyait devant ses yeux lorsqu'ils le décrivaient.

Seule la perspective de retrouver Ioreck remontait le moral à la petite elfe et lui apportait un peu de joie à l'idée de rentrer au camps. La dernière fois qu'elle l'avait vu, le nordique rongeait son frein et s'ennuyait ferme. Le Thalmor avait rencontré de grandes victoires en Cyrodiil cette année. Ici, on tenait bon. Une partie de l'armée progressait le long de la côte pour reprendre les territoires perdu. Le reste campait devant devant Skaven,  cité clé pour contrôler le désert.  Decianus entendait la garder et consolidait donc ses positions défensives dans la région. Aussi cela faisait-il bien longtemps que Ioreck n'avait pas eu la moindre bataille à se mettre sous la dent. Même pas la plus petite escarmouche. Il commençait à devenir insupportable au moment où Shaiélaè avait enfin pu s'en éloigner grâce à la mission de Nora. La veille en revenant, ils avaient croisé une patrouille de reconnaissance  qui leur avaient raconté que le Domaine avait testé les défenses de l'Empire avec une petite offensive, quelques jours plus tôt. La IXème légion l'avait aussitôt repousser. Si Ioreck y avait prit part, le moral du nordique se porterait sans doute mieux qu'avant son départ.

A l'intérieur du camps, l'ordonnance du général Decianus vint accueillir l'escouade. Une réunion d'état-major retenait l'attention du général, dit-il. Il entendrait le rapport de Nora lorsque celle-ci sera achevée, dans deux heures tout au plus. L'agent des Lames promis d'attendre le temps le temps qu'ils faudra. Quand aux membres de son escouade, elle les libéra de leurs obligations pour le reste de la journée. Elle les ferait prévenir à la fin de son entrevue avec le général s'il reconduisait sa mission aux vues de son succès.

Les soldats se dispersèrent, pressés de reposer d'une longue chevauchée leur arrière-train endolori, d'enfiler des vêtements propres et paresser à l'ombre jusqu'à la tombée de la nuit.

Shaiélaè dirigea les pas de son cheval vers les quartiers de la XI cohorte d'infanterie de choc. Elle entendit un petit trot la rejoindre et Nora se plaça à sa hauteur en souriant.

"Tu as l'air épuisée, Shiala. Un gobelet de bière à la popote ça te tente ? "

Les alik'r éprouvaient quelques difficultés à prononcer "Shaiélaè" correctement. Lassés de bredouiller et de forcer à chaque fois la petite elfe à les corriger, ils finirent par simplifier le nom et la nommèrent "Shiala", un nom courant pour les femmes chez leur peuple. Cela amusa les membres de l'escouade de Shaiélaè qui ne tardèrent pas à l'appeler ainsi à leur tour. Le nom lui restait et elle s'était habituée.

Shaiélaè déclina l'invitation.

" Merci, plus tard peut-être. J'aimerais voir un ami d'abord."

"C'est ce nordique dont tu avais parlé ? Ioreck, je crois ?"

Nora Loune était une femme sympathique. Elle et Shaiélaè avaient tissés des liens d'amitiés au fil de leurs pérégrinations dans le désert Alik'r. En fait, tout les membres de l'escouade spéciale qu'ils formaient étaient des types formidables. Ils avaient créé une ambiance fraternelle au sein de laquelle la petite elfe se sentait particulièrement à l'aise.

Tant pis pour le verre, mais Nora l'accompagna tout de même. Elles discutèrent en chemin, du nordique et d'autres choses. Au bout d'un moment, Shaiélaè ne tint plus :

" Chef, la plupart des tribus alik'r ont promis d'aider l'Empire, alors..."

" On ne parle pas de ça ici, Shiala. C'est confidentiel, " rappela Nora sur ton de reproche. Shaiélaè rougit, elle avait tendance à oublier qu'elle travaillait à présent avec les services secrets, qui n'avaient pas pour habitude de converser sur la nature de leur mission. Encore mois en plein cœurdu plus vaste camps militaire de la région, où les oreilles abondent...

"Désolée..." bredouilla la petite elfe, consciente de sa bourde. Le visage ne Nora se radouci. L'incident était clos.

" Je voulais dire," repris Shaiélaè en s'efforçant de trouver des mots neutres, "qu'il y a de nouveaux éclaireurs à présent, qui connaissent le pays mieux que moi. Et puis... euh... pourquoi il y aurait une suite à la mission, si on a réussi ? "

" Tu as remplit ton rôle de guide pour notre escouade, ça ne veut pas dire que tu n'est plus inutile. Tu es trempée jusqu'au cou dans les secrets de la mission, tu es devenue précieuse par les connaissances et les compétences que tu as accumulées là bas, tu es un membre entier de MON escouade. Personne ne te mettra au placard. Quand à notre mission, si le plus dur est fait, elle ne fait en réalité que commencer, si Decianus entend de la même oreille que moi ce que j'aurais à lui dire. J'en dirais plus plus tard, mais crois moi, nous aurons du travail...

Les deux femmes arrivèrent au camps de la XIème cohorte. Shiaélaè reconnu de plus en plus de visages familiers à mesures qu'elles approchaient du carré où se dressaient les tentes du bataillon de Ioreck. Les troupes ne chocs ne brillaient pas aujourd'hui par leur activités, à ce qu'elle voyait. Les hommes paressaient à l'ombre de leurs tentes ou s'affairaient aux corvées quotidiennes. Quelques bataillons aux officiers plus sévères s'activaient sur le terrain d'entrainement, en sueur sous le soleil de l'après-midi.

Shaiélaé remarqua Suzanna et quelques autres, devant leur tente. Son cœur se réchauffa à la vue des rudes guerriers qu'elle avait appris à apprécier à force de les cotoyer avec Ioreck. Elle mit pied à terre. D'une main elle ôta le keffieh de laine qui voilait sa tête pour libérer son visage, et s'approcha.

L'un des soldats se déplaça et et dégagea le vue de Shaiélaè qui aperçu Ioreck un peu plus loin. Appuyé contre une planche posée sur deux tonneaux, il discutait avec une jeune femme au visage timide, rougis et pelé de coups de solei . Sa tignasse blonde usée, desséchée par la poussière et la chaleur tombait en mèche courte et inégales sur son front et sa nuque, tailladés à hâte au poignard pour en limiter l'entretient pendant cette campagne militaire. Elle portait un surcot de cuir bouilli marqué sur le torse du dragon impérial, un pantalon court de toile brunatre et informe et des sandales rapiécées , lacées jusqu'à la moitié de ses tibias couvert de plaies crouteuse dues à des piqures d'insectes. La jeune femme se tenait dans une posture tordue, emportée sur le côté gauche par le poids d'une lourde sacoche portées en bandoulière sur son épaule. Le sac arborait brodé le même symbole dessiné un brassard autour de son bras droit. Un symbole que Shaiélaè connaissait bien, le lys des cimes bleu des services de santé de la Légion Impériale.

" Tu l'as dejà changé ce matin, je n'ai pas besoin de toi pour me servir de nourrice !" se plaignait Ioreck, visiblement agacé par la présence de la guérisseuse.

" C'était ce matin, et tu as bougé et sali le pansement depuis. Il doit être changé où il s'infectera. Je viens m'assurer moi-même que ce soit bien fait, voilà tout..."

Les paupières de la guérisseuse papillonnaient lorsqu'elle parlait à Ioreck. Shaiélaè la soupçonna de n'être pas seulement rouge à cause du soleil... Il se passait quelque choses d'étranges entre eux deux, et elle était certaine que la jeune femme n'était pas seulement là pour des raisons purement sanitaire... La petite elfe méfiante resta à distance pour observer.

La guerisseuse attrapa sans lui demander son avis le bras de Ioreck, qu'il portait en écharpe et serré d'une épaisse couche de bandages. Shaiélaè grimaça en découvrant son ami blessé. La blessure semblait bénigne toutefois, le nordique ne montrait aucun signe de douleur en bougeant le bras. Et puis ce n'était pas la première fois que son sang coulait pour l'empire, comme en témoignaient les cicatrices qui zébraient son torse et ses épaules. Le guerrier s'était mis torse nu pour mieux supporter la chaleur, libre à elle donc de les admirer. Shaiélaè voyait que la guérisseuse ne pouvait s'empêcher de loucher à interval régulier sur les pectoraux et les abdominaux de Ioreck. En plus, la couche de graisse qui les recouvrait jadis avait fondu sous le soleil éprouvant de Martelfell, l'avait rendu plus sec.  Les muscles saillaient sous sa peau luisante de gouttes de sueur fraiche.

La blondinette posa sa main sur le torse de Ioreck pour le pousser à s'asseoir sur la table derrière lui, encombrée d'un  hache ou deux et de reliefs de repas. Le nordique ronchonna et obtempéra, la guérisseuse détacha les bandages. Une plaie peu profonde courait prêt du coude du guerrier quand toute les bandes de tissus furent détaché. Cela rassura Shaiélaè sur l'état de santé de son ami, mais pas sur les intentions de la jeune femme qui s'en occupait. Ses doigts vifs caressaient les muscles de Ioreck tandis qu'elle y appliquait un onguent. Elle baissait la tête pour dissimuler le sourire béat qui illuminait son visage, mais de toute manière le nordique regardait ailleurs.

Il ne restait plus qu'à faire le bander le pansement neuf. La guérisseuse fouilla sa sacoche pour en tirer du drap propre et la chose fut rapidement faite.

"Voilà ! " roucoula-t-elle fièrement lorsqu'elle eut apporté la touche final au noeud qui retenait le tout. Ioreck soupira d'aise et se leva  rejoindre ses compagnons pour une partie de dès.La guérisseuse le retint.

" Dis..." osa-t-elle demander timidement, toute trémoussante de nervosité. " Ca ne te dirais pas de sortir avec moi ce soir ? On pourrait se promener, boire un truc... La IIIème cohorte organise parfois des soirées avec de la musique, on pourrait danser..."

Ioreck regarda avec de grands yeux ronds la jeune femme, avec son visage brulé, ses jambes crouteuses, ses vêtements difformes,  sa dégaine gauche, ses cheveux saccagés.

"Mais... désolé, nan... Tu sais, tu n'est pas vraiment une femme...  T'es une légionnaire. T'es comme une petite sœur pour moi, on traverse la guerre ensemble. Tu es sympa, mais voilà... Je ne pourrais pas sortir avec une fille soldat...

La guérisseuse fixait la bouche de Ioreck sans comprendre les paroles. Quand il eu finit de parler, elle baissa la tête de honte et tourna les talons sans rien dire. Si Shaiélaè se méfiait d'elle lorsqu'elle tournait autour du nordique, elle ressentit une profonde compassion en la voyant ainsi éconduite et humiliée. Le comportement sans vergogne du nordique la mettait en colère.

" Qu'est ce que c'est que ces bêtises que tu lui a dis ?" demanda brusquement Shaiélaè en se plantant devant Ioreck, sans plus de d'affabilité pour leurs retrouvailles après des semaines l'un de l'autre.

" Tiens, tu es rentrée ?" s'étonna Ioreck surpris de voir ici son amie. " Comment était ta mission?"

" Oui, je suis rentrée. Pourquoi tu lui a dis ça ? Tu n'étais pas obligé de la rejeter comme ça ! Tu aurais pu aller te promener avec elle, ça ne t'engageais à rien.

Nora avait assisté à la scène avec Shaiélaè. Tandis que la petite elfe remontait les bretelles du nordique, elle intercepta la guérisseuse qui pleurait de chaudes larmes silencieuses. L'agent des Lames s'efforçais de la réconforter et la jeune femme sanglota fiévreusement contre l'épaule de cette inconnue qui la serrait dans ses bras.

" Tu sais très bien pourquoi elle voulait se promener et danser avec moi. Mais cette fille n'est pas mon genre, je ne serais pas tombé amoureux d'elle. A un moment ou un autre, elle aurait été déçue."

" Ce n'est pas ton genre parce que c'est une fille soldat ? "

" Oui. C'est mon choix, tu ne vas pas me dire qui je dois aimer ou pas. Les filles soldats, vous n'êtes pas assez féminine. La guerre vous enlaidie. Moi je préfère être amoureux de filles dans de jolies robes, avec de longs cheveux ornés de tresses. Des filles qui n'ont pas perdu leur innocence en se battant dans un désert, les deux pieds enfoncés dans les entrailles d'un mort."

Suzanna aussi était témoin de l'altercation. D'abord sans s'en mêler, puis  la guerrière s'approcha en voyant Ioreck se disputer avec Shaiélaè. Comme Shaiélaè, elle prenait pour un affront personnel les paroles du nordique.

" Ca veut dire que si je te demander de danser avec moi, " disais la petite elfe, " Tu me rejetterais sous prétexte que j'ai coupé mes cheveux pour faire la guerre, que je porte une armure et que je suis sale et que mes mains tuent ? "

" Non ! Toi j'accepterais, parce que tu es mon amie et qu'il n'y aura pas d'arrière pensée amoureuse derrière cette danse. Contrairement à celle que voulait Elena. Je vous apprécie en amitié, vous êtes des sœurs d'arme. Mais pas des fiancées."

Les phalanges de Suzanna claquèrent d'un bruit sec lorsqu'elle les craqua pour faire remarquer à Ioreck sa présence menaçante.

" Ecoute, Ioreck : Que tu me fasse cette remarque, d'accord : j'ai choisis quand j'étais adolescente de vivre de mon épée, j'ai choisie d'être mercenaire, de porter une armure, de tuer, d'avoir des cicatrices. Je devais avoir 14 ans la dernière fois que j'ai porté une robe. Et si je portais des tresses que j'ai coupé il y a peu parce que pour une guerre dans le désert, ça n'est pas pratique, je devais déjà être laide avant selon tes critères.  De toute façon je m'en fous de ton opinion sur moi. Mais cette pauvre fille, elle, elle ne l'a pas choisi. Avant la guerre elle ressemblait comme toute les fille que tu aime draguer. Une jolie robe , un visage mignon et des fleurs attachées dans ses longs cheveux dorés. Sauf que le Domaine Aldmeri a envahi son pays. Elle a voulu se rendre utile pour éviter un sort horrible à ceux qu'elle aime. Maintenant elle passe ses journées à recoudre et panser des blessures, elle est aussi courageuse que toi et moi. Ça fait deux ans que la guerre dure. On ne sait pas combien elle durera encore. Et rien ne garanti qu'elle survive pour en voir la fin. Elle a quel âge, elle ? 18, 20 ans au maximum. Sa jeunesse, les plus belles années de sa vie, elle les gâche dans ce désert moisi à retaper des types comme nous.  Tu crois quoi, à ton avis ? Qu'elle préfère recoudre le bide d'un type étripé  par une lance, ou bien tournoyer lors d'un bal au bras d'un gars mignon ? Elle a l'air gentille, cette fille. Elle est mignonne, si tu es capable de regarder  derrière ses vêtements d'hommes et ses cheveux tranchée. Elle est folle amoureuse de toi, ça se vois. Ou l'était, avant que tu ne la rejette comme une souillon. Alors tu va aller la voir. Tu vas t'excuser, puis tu vas accepter te promener avec  et de l'emmener danser."

La guerrière avait posé son épée sur son épaule. Son air peu commode laissait entendre qu'elle pourrait s'en servir si elle le voulait. Pourtant Ioreck se drapa de sa fierté :

" Tu ne peux pas me forcer à tomber amoureux de qui je ne veux pas. Je t'aurais proposé une soirée et tu m'aurais mis un râteau, personne ne t'obligerais à finir par sortir avec moi par charité. Je n'ai pas de sentiments pour Elena, je ne la trouve pas à mon goût pour les raisons dont j'ai parlé. Tu ne peux pas m'y forcer. "

" T'es parfois vraiment con, Ioreck" , souffla Shaiélaè décue par son ami.

"Laisse-le, oublie. Viens . " Suzanna tira la petite elfe par le bras, le visage tordu de dégout. Toute deux plantèrent-là le nordique et allèrent retrouver Nora qui peinait à remonter le moral d'Elena.

" Il payera un jour ou l'autre, t'inquiète pas.... " siffla Suzanna pour la rassurer. Nora acquiesça. Les larmes d'Elena imbibaient sa chemise.

" Je suis d'accord. On trouvera quelque chose, je le promet. Pour elle, et pour toute les femmes soldat que compte cette armée. "

Elles raccompagnèrent toute trois Elena dans son unité.  Là bas ses amies les relayèrent pour la consoler. Shaiélaè la laissa entre de bonne mains quand elle alla se reposer de la longue chevauchée de la journée. Cet épisode détruisait son moral. Seule la perspective de revoir Ioreck rattraper sa tristesse de quitter la vie des nomades ali'kr. Hors de question pourtant de faire comme s'il n'avait rien fait à Elena. Elle se sentait visée en plus par les paroles méchantes du nordique. Non mais il suffisait de la regarder ! La petite elfe se contempla en passant son reflet dans le métal poli d'un bouclier posé le long d'un râtelier. Elle y voyait une une gamine crasseuse, vêtue d'une armure masculine usée et poussiéreuse. La tignasse raide tombant jadis sous ses épaules, elles l'avait elle-même amputée sommairement au lendemain du dénouement de la Marche de la Soif. Cette guerre dévorait les belles années de sa vie, l'homme qu'elle avait aimé d'amour gisait dans une tombe anonyme sous les sables du désert. Entre elle et Elena, quelle différence ? L'une pansait des blessures, l'autre menait des reconnaissances, voilà tout.  Elle n'adresserait donc plus la parole à Ioreck, tant qu'il n'aurait pas présenter des excuses pour sa désobligeance.


L'air vibrait au passage des flèches sur le terrain d'entrainement. Le bruit moue des impacts sur les cibles résonnait à intervalle régulier, le long du talus où elles étaient installées. Shaiélaè tirait pour se détendre et vider son esprit. Elle aimait s'y rendre le soir venu lorsqu'elle n'était pas de corvée. L'entrainement réglementaire des bataillons d'archers était alors achevé. Plus vide que dans la journée, le terrain n'accueillait alors qu'une poignée de tireurs comme elle plus acharnés. Ce soir, seul un petit groupes de légionnaires partageait le terrain avec les petites elfes. Ils organisaient une petite joute dans leur coin, sans se soucier d'elle le moins du monde.

Tchoc. Le trait s'enfonça au centre de la cible, au terme de sa course.

Tchoc. Le second suivi le même chemin et se planta un peu plus loin loin.

Elle ne pensait plus à Ioreck. Leur dispute datait de la veille, elle ne l'avais plus revu depuis. Elle savait de source sûr qu'il était venu ce matin au cantonnement de son unité. Ses frères d'armes informèrent le nordique de son absence pour cause de corvée, mais de toute manière elle aurait refusé de le voir. Ça lui fera les pieds un moment.

Tchoc. Un peu haut. La flèche se ficha en vibrant juste au bord de la cible.

Shaiélaè visait la cible la plus lointaine, 550 pieds plus loin. Ses efforts pour améliorer sa précision à très longue portée portaient leur fruit. Jamais a Val-Boisé l'occasion de tirer en situation réelle à une telle distance ne s'était présentée à elle. Une occurrence quotidienne dans les vastes étendues nues des déserts de Martelfell.  Le style de la petite elfe évolua vite pour s'adapter à ces nécessitées. Il lui restait encore du chemin pour le parfaire, mais elle pouvait à présent décocher 3 flèches en une seconde et demi dans une cible à 500 pieds.

"Pas mal. Tu utilise quel arc ?"

Shaiélaè se retourna. Nora Loune l'observait, assise sur la barrière délimitant le stand de tir. Noués à l'écharpe ceinturant sa taille pendait son tanto et son fameux katana.

"Merci," dit Shaiélaè en piochant trois nouvelles flèches garnissant carquois à sa hanche. " C'est celui que m'a offert Matudi. Il est en os de serpent des sables encollé à des lames d'orichalque. J'ai fais moi-même la corde, avec des boyaux de chameau. Je n'aime pas celles des Rougegardes comme celles de la Légion, elles sont trop rigides."

Elle regrettait encore la perte dans son vieil arc. Le dernier souvenir qu'elle possédait encore de son adolescence à Val-Boisé... Une charge de cavalerie avait eu raison de l'objet si cher à son cœur. Mais la petite elfe avait  perdu assez d'êtres qui lui soit bien plus cher pour faire preuve de matérialisme en pleurant un arc... En plus, sa courte portée le rendait peu efficace pour les combats qu'elle menait. Elle s'était dès lors rabattue sur un arc long breton, jusqu'à ce qu'un chef de clan rougegarde ne lui fasse présent d'un arc de méharis alik'r.

Shaiélaè crû encore un moment que la raison de la présence de sa supérieure n'avait d'autre dessein que de parler d'arc avec elle en l'admirant tirer. Après tout elle avait la veille résumé à son escouade les conclusions de sa réunion avec le général Decianus, concernant leur mission et les suites de celles-ci. Nora avait alors expliqué qu'ils retournerait bien dans le désert, cette fois pour coordonner la guérilla des alik'r contre les ressources du Domaine. Mais pas avant un mois, le temps de s'organiser. Shaiélaè trouvait trop long ce délais. Elle se languissait d'entendre à nouveau la langue chantante des nomades et de contempler les étoiles du désert depuis le dos d'un chameau.

Mais la présence de Nora répondait à un autre objectif que celui de se relaxer avec une sœur d'arme. Shaiélaè s'en rendit compte lorsque l'agent des Lames déclara d'un ton autoritaire.

" Réunion ce soir dans ma tente, deux heures après la tombée de la nuit. "

" C'est pour préparer la prochaine mission ? ", s'étonna Shaiélaè. La dernière discussion avec l'escouade à ce sujet datait précisément de la veille...

Nora ne répondit pas :

" Deux heures après la tombée de la nuit, dans ma tente, "  répéta-t-elle seulement. " C'est confidentiel, n'avertit personne d'autre. "


Nora jouissait d'un place prédominante au sein de l'armée impériale. En réalité, elle ne rendait de comptes en tant que Lame qu'à l'Empereur et à la hiérarchie interne de son ordre. Même le général Decianus, commandant en chef de la Légion en Martelfell ne pouvait lui imposer quoi que ce soit. Dans les faits, Nora s'en remettait souvent à son jugement de stratège éclairé, d'autant que de bonnes relations entres les Lames et la Légion étaient nécessaires pour maintenir la coopération. Elle pouvait ainsi bénéficier de menus privilèges dûs à son rang et au secret absolu entourant ses activités. Comme une tente personnelle, située juste à proximité du pavillon de l'état-major.

Quand Shaiélaè poussa la tenture masquant l'entrée de cette tente, deux heures après le crépuscule, ce qu'elle y vit à l'intérieur de fut que de nature à attiser sa curiosité. Nora ne l'avait pas invitée seule visiblement, du monde patientait à l'intérieur. Pas l'escouade que commandait Nora, des gens que Shaiélaè ne connaissait pas pour la plupart. Suzanna était là, pourtant, appuyée au poteau de tente comme une sentinelle appuyée sur sa lance. La présence de la guerrière surpris Shaiélaè, elle ne voyait pas ce qu'elle pouvait faire là, invitée par une agent des Lames en mission secrète pour l'Empire.  Les convives étaient toutes des femmes, remarqua Shaiélaè quand elle eu finis de toute les dévisager. Elle en compta quatre, de grade et d'unités différentes. L'une portait une armure de légat, une autre un tablier brodé du lys bleu des services de santé... Nora acheva sa discutions avec une autre invitée pour accueillir la petite elfe qui ne comprenait décidément rien à ce qui se tramait là. Elles étaient donc six sous cette tente. Sept lorsqu'une autre membre des services de santés de l'Empire entra à son tour, quelques instant après Shaiélaè.

"Ah nous sommes toute là ! " annonça Nora lorsque la dernière venue montra le bout de son nez. " Prenez place, asseyez-vous. Ma tente n'est pas très confortable je le crains, mais n'hésitez pas à vous installer sur le lit de camps."

Shaiélaè obtempéra et s'assit en tailleur entre le lit et la cantine de Nora, cernée d'un côté par l'une des guérisseuses, de l'autre par le légat assise toute deux respectivement sur chacun des meubles. Ce n'est pas pour autant qu'elle saisissait mieux la raison de tout ceci...

" Ceci, " continua Nora, " est une réunion parfaitement officieuse. La sécurité de l'Empire n'est pas en jeu. Aussi les grades n'ont pas d'importance ce soir sous cette tente. Je ne m'adresse pas à vous comme une agent des Lames délégué par l'Empereur dans cette province. Je m'adresse à vous en tant que femme. Ceci étant dis, cela n'exclue pas la courtoisie et je vais procéder aux présentations de chacune. Puis nous passerons au cœur du sujet, je vois des visages incompréhensif parmi celles qui ont reçu l'invitation à cette réunion sans savoir de quoi il retournait."

Nora désigna Suzanna juste à sa gauche, toujours debout contre le poteau.

" Voici Suzanna Honrich, IXème légion, XIème cohorte auxiliaire d'infanterie de choc. C'est une camarade d'arme de Ioreck Halfurson. Elle a assisté au forfait et pourra  décrire l'incident pour vous. L'idée de cette réunion vient d'elle, en partie. "

Suazanna hocha la tête pour saluer chacune. A sa gauche venait ensuite une femme de peau matte, grande et fine. Un chignon compact retenait ses cheveux derrière son crâne. Elle état assise sur un des bouts du lit de camps, à côté du légat.

" Cneia Publia, XXIIème légion, Ière cohorte affiliée aux services administratifs du bureau de l'état-major. Ses activités de liaison avec le commandement de la milice princière de Skaven la conduisent à se rendre en ville régulièrement. J'expliquerais plus en détail par la suite en quoi cela a son importance.

Au l'autre bout du lit, voilà le légat Lucretia Primapandora. Elle est la tête de la Vème cohorte d'artillerie de siège de la VIIème légion mais commande l'ensemble des unités d'artillerie de cette armée. C'est aussi une amie personnelle de longue date et c'est la promesse d'un bon tour qui lui rappellera nos années à l'académie qui l'a attiré ici. Ceci-dit, son grade et son influence sont un atout de choix pour notre entreprise.

Au pied du lit, c'est Shia... Pardon, Shaiélaè, VIIème légion, Ier bataillon de reconnaissance, affectée à mon service dans les forces spéciales. C'est une amie proche de Ioreck Halfurson. Elle a été témoins de  sa forfaiture qui l'a, il me semble, particulièrement affectée. Elle pourra vous en dire plus sur son point de vue à ce sujet."

Nora poursuivi les présentations. La petite elfe saisissait peu à peu ce qu'il se passait, au fil des informations délivrées par la ronde de présentation... Tout cela avait à voir avec Ioreck et son comportement odieux de la veille envers Elena... Un sourire réjouit éclaira peu à peu son visage, alors que toute cette ambiance promettait une vengeance bien méritée...

C'était au tour de la guérisseuse installée sur la cantine, celle arrivée après Shaiélaè. Une petite bretonne replète aux mains nerveuses.

" Je vous présente Jeanine Estienne, du Ier bataillon sanitaire de la IXème légion. C'est une collègue et une amie proche de la victime. Elle pourra témoigner des émotions ressenti par Elena Dyre à la suite de cet horrible événement."

Vint enfin la dernière convive, une nordique dont le visage commençait à se couvrir de rides.

"Soeur Ulrika Mortepierre, également de la IXème légion, premier bataillon sanitaire. C'est la supérieur directe d'Elena Dyre, qui est comme une fille pour elle. Elle souhaite rendre justice pour l'épreuve subie par sa subordonnée.

Maintenant que les présentations sont fait, je suggère d'en venir aux faits. Suzanna, Shaiélaè, pouvait vous décrire l'incident à chacune d'entre nous, tel qu'il s'est déroulé ?"

Toute d'eux firent le récit de ce à quoi elles avaient assisté la veille, prenant le relais l'une de l'autre pour y ajouter tel ou tel détail. Jeanine et Ulrika prirent ensuite la parole pour parler d'Elena et de la détresse dans laquelle ce rejet l'avait plongée.

" Elle a toujours été une fille d'un naturel jovial. Un peu rêveuse, mais travailleuse comme pas d'eux. Ce n'est pas toujours facile, quand il faut opérer des heures et des heures sans pouvoir se reposer mais elle ne s'est jamais plaint sans que cela entame son moral. " expliqua Ulrika.

"Elle me parlait souvent de Ioreck, " repris Jeanine." Elena l'avait remarquée de loin il y a un moment déjà. Sans oser l'aborder, jusqu'à ce qu'il soit blessé il y a deux jours. Elle a alors insisté pour s'occuper personnellement de lui, elle était si heureuse d'avoir enfin l'occasion de lui adresser la parole. On en avait parlé, elle craignait un refus de sa part si elle lui demandait de sortir avec elle. Je l'ai alors encouragée à tenter quand même, je l'ai convaincue qu'elle n'avait rien à perdre... Ni elle ni moi ne s'attendions à ce qu'elle subisse une telle humiliation. Elle partie toute excitée changer son pansement, je l'ai retrouvée complétement ravagée... Et je me sens coupable, c'est moi qui l'ai incitée à révéler ses sentiments. Je ferais tout pour rattraper mon erreur..."

" Il est de notre devoir de défendre l'honneur de notre sœur," déclara Nora. " . Le nom d'Elena Dyre était jusqu'à récemment inconnue de la plupart d'entre nous. A travers elle, Ioreck Halfurson nous a toute insultées. Il est nécessaire de venger l'honneur de notre soeur, mais aussi de toute les femmes qui composent cette armée. Combien la légion compte-t-elle d'Elena Dyre dans ses rangs ? "

" Nous somme prête à donner notre vie pour l'Empire, mais sacrifions aussi notre féminité dans cette guerre. , " affirma Cneia. " Un sacrifice que ce Ioreck foule au pied en insultant notre sœur. Elle a subit ce rejet de plein fouet mais n'importe laquelle des milliers de femme de cette armée aurait pu être à sa place."

Jeanine se leva de la cantine pour s'exprimer fièrement :

" Ioreck croit peut être que nous sommes moins que des femmes parce que nous avons donné nos cheveux pour l'Empire mais nous, les sans-tresses, allons lui prouver l'inverse !

Sa déclaration déclencha un tonnerre d'applaudissement que Nora modérant, craignant que les officiers d'état-major dont la tente se trouvait à proximité ne soient alertés par ce vacarme suspect. L'expression employée par la guérisseuse rencontra toute fois un joli succès auprès des conjurées, qui décidèrent d'un commun accord de se nommer les "Sans-tresses."

Nora, lorsque le calme retomba, exposa alors à toute le plan enfanté par son esprit.... Shaiélaè explosa de rire en l'entendant. Et une fois calmée, promis à Nora Loune son soutien inconditionnel dans cette entreprise. Chacune des sans-tresses en fit autant.

Elles passèrent le reste de la soirée à apporter des idées pour améliorer le plan de Nora. Il fût ensuite convenu de la tenue d'une réunion ultérieure pour organiser les détails de celui-ci. Bien que simple dans sa forme, sa mise en œuvre demandait d'importantes ressources pour réussir. La nature même de la conjuration interdisait de mêler des hommes aux sans-tresses. Plus de femmes, quand à elles, seraient amenées à se joindre à la conspiration.

Le légat Primapandora proposa sa tente personnelle pour abriter la prochaine réunion, de manière a éviter d'attirer l'attention sur Nora par des allées et venues réguliers autour de la sienne.

" Je ferais prévenir les concernées quand au jour et à l'horaire de sa tenue.Si vos obligations militaires vous retiennent, transmettez à une autre le message et toute information que vous auriez souhaité porter à l'ordre du jour."

Pour Shaiélaè qui pensait ne pas supporter l'attente jusqu'à son retour parmi les alik'r, elle trouvait une distraction nouvelle dans le complot auquel elle prenait part... et une nouvelle source d'impatience tant l'excitait la hâte d'une nouvelle réunion et d'assister au résultat final de tout leurs efforts. "La vengeance est un plat qui se mange froid" , affirmait le dicton. Pour faire retomber la pression et abaisser la garde de Ioreck, Shaiélaè cessa peu à peu de bouder et accepta de reparler à son ami, sans que ni l'un ni l'autre n'évoque à nouveau l'incident qui les avait déchiré. Ce n'était pas leur première dispute ni leur première réconciliation... Et si leur amitié retrouvée, sans que ce sujet ne revienne sur la table ravissait Shaiélaè, elle n'oubliait pas l'affront et leur relation en bon terme n'éclipsait en rien sa volonté de prendre part activement à la justice des sans-tresses. 


Pour le reste, elle passait l'essentiel de son séjour au camps à préparer la saison à venir chez les alik'r. Le repos que l'escouade espérait fut bref. Nora insistait pour ne pas gâcher cette période creuse par l'inactivité. Shaiélaè se devait d'étudier centimètre par centimètre des cartes du désert, réviser la faune et la flore du pays qui n'avait pas manqué par le passer de presque les tuer par le passé. Elle tout particulièrement suivait une instruction spéciale sur les usages et les règlements en vigueur dans l'armée Aldméri, tirée de rapports des renseignements. La petite elfe devait au besoin se faire pour l'ennemi sans que des erreurs stupides ne viennent compromettre sa couverture... Sinon, elle tirait à l'arc, chevauchait, tirait à l'arc en chevauchant... Impitoyable quand à ses exigences pour ses forces spéciales, Nora imposait de longues marches éprouvantes dans les collines autour du camps qui laissait Shaiélaè brisée sur sa paillasse quand ils rentraient le soir. Quand ce n'était pas l'entrainement, il y avait encore les corvées. Qu'il s'agisse de l'entretient du campement, du renforcement des défenses ou du quart de surveillance, Shaiélaè les détestait toute autant qu'elles étaient mais les exécutait sans broncher le moins du monde. Les nomades alik'r et la conspiration des sans-tresses occupaient à chaque moment de la journée un coin de son esprit et l'aidaient à tenir le coup même dans les instants les plus pénibles.

Trois jours s'écoulèrent jusqu'à ce que Shaiélaè entende à nouveau parler de la conspiration. Une matinée studieuse s'achevait. Devant ses yeux flottaient encore les images des créatures monstrueuses de Martelfell dont Nora leur faisait apprendre le mode de vie. De somptueuses planches de dessins illustraient les parchemins qui servaient de support au cours. Les monstres plus vivants que nature s'étalaient sur la pages comme la promesse du désert sauvage et mystérieux qu'il lui tardait de revoir. Le corps de Shaiélaè fatiguait d'une matinée passée assise, immobile mais son esprit fourmillait d'histoires et d'informations tant sur les colossaux tranchedunes que les effrayantes lamias. La plupart de ses créatures, elles les avaient déjà croisée par le passé. Souvent pour le pire... Ca ne l'empêchait pas de les trouver fascinantes. Tout ces détails qu'elle apprenait à leur sujet comblaient à loisir sa curiosité naturelle.

Shaiélaè resta encore un peu après l'instruction alors que le reste de son escouade s'en allait déjeuner. Elle voulait admirer encore un peu l'image saisissante de réalisme d'un serpent géant des sables. Un groupe de voyageurs dessinés par l'artiste désignant du doigt le gigantesque reptile donnait l'échelle de la créature. Shaiélaè frissonna  en se remémorant sa dernière rencontre avec une créature semblable. Bien que plus petite que celle du parchemin, Saïd manqua bien de perdre sa jambe ce jour là...

Nora rangeait les autres feuilles lorsque Shaiélaè sentit qu'elle lui glissait quelque chose dans la main. Elle ouvrit le poing pour découvrir au creux de sa paume une petite tresse confectionnée à partir de brins de fils de chanvre. Jamais de sa vie la petite elfe n'avait vu un tel objet, pourtant elle en compris automatiquement la signification..

" Quand ? " demanda-t-elle simplement, rongée par l'impatience et l'excitation.

Les yeux de Nora pétillaient de mystère :

" Ce soir, même heure que la dernière fois. La tente de Lucretia. En bordure du polygone de tir , elle porte l'emblème de la Vème cohorte de la VII légion au sommet de son poteau : une comète survolant trois clous entrecroisés."

Nora tira doucement la planche montrant le serpent des sables. Elle la glissa avec les autres feuilles et emporta le dossier sous son bras sans rien ajouter de plus à Shaiélaè.


Par souci de simplicité, toute les unités d'artilleries de chaque légions en service dépendaient d'un commandement unique commun. Les cohortes d'ingénieurs et de sapeurs veillant au bon fonctionnements de centaines de balistes, trébuchets, mangonneaux, scorpions de toutes tailles campaient toutes ensemble autour de la terrasse où s'alignaient leurs pièces lorsqu'elles n'étaient pas déployées pour l'attaque ou la défense d'un point.

Trois énormes trébuchets s'entrainaient au tir nocturne lorsque le soir venu, Shaiélaè sa lança à la recherche de la tente du légat Primapandora. Les poutres de bois bardées de fer de leur structure mugissait à chacun des tirs. Les dizaines de pots de poix enflammée qu'elles lançaient qui illuminaient le ciel dans l'ellipse de leur course comme autant d'étoiles filantes boursouflées.

Près de la tente de Lucretia, une poignée de factionnaire en gardait les environs. Toute des femmes... remarqua Shaiélaè lorsqu'elles la laissèrent passer sans encombre. A l'intérieur, Nora et Lucretia l'attendaient. On attendait encore Jeanine et Cneia, mais Ulrika et Suzanna ne pouvaient quitter ce soir leur unité. De nouveaux visages les remplaçaient : Marjane, Ingrid et Clarisse, respectivement cantinière, alchimiste et légionnaire.

On discuta ce soir là de la logistique plus terre à terre de la conspiration. La société secrète formée moins de quatre jours auparavant propageait à grande vitesse ses tentacules partout où des femmes se trouvaient dans ce camps. Sans que Shaiélaè ne s'en rende compte le moins du monde, des dizaines, peut être des centaines de sans-tresses participaient plus ou moins directement à la tenue de leur conspiration. La solidarité les motivait tout autant que l'ivresse de prendre part à cette farce colossale, ce grand jeu invisible au nez et à la barbe des hommes et sa victime inconsciente de ce qui lui tomberait bientôt sur le nez. Grand jeu, certes, mais orchestrée par Nora avec autant de soin que n'importe quelle opération confidentielle de l'Ordre des Lames. L'agent secrète débauchait pour la conspiration l'entièreté de ses talents d'organisation, de désinformation, de persuasion...

" J'ai reçu mon emploi du temps pour le mois à venir, " dit Cneia. "Je me rendrais quatre  fois à Skaven. Dans deux jours, déjà, pour la réunion logistique mensuelle avec l'intendance du palais de Skaven. Ensuite à la fin de la semaine, prochaine pour apporter aux capitaines de la milice la mise à jour des codes de cryptages pour les courriers.  Il me suffira de deux voyages pour accomplir ma tâche. Si une semaine  et demi laisse assez de temps à nos fournisseur pour finirleur travail. Je passerais commande lors de mon premier séjour en ville et reprendrais les paquets à mon second."

" Ca concorde avec les dates que nous souhaitions pour le jour-J. On le fixe donc à dans deux semaines environs. Il reste à régler le problème des sentinelles pour définir le jour exact."

" Ce sont les Ière, Xème, XVIème et XVIIème cohortes qui campent autour de la place d'arme. Pour la Ière cohorte, c'est déjà arrangé : le préfet du IVème bataillon est une femme. Il suffit d'agir une nuit où son unité de garde, elle placera ses sans-tresses en faction."

" Si on a pas assez de femmes en sentinelles dans les autres cohortes, il faut voir au cas par cas pour échanger la place de leurs homologues masculins : au jeu, par exemple, il y a la bonne vieille tactique de miser nos tours de garde. Il suffit aux femmes de tricher pour faire exprès de perdre et hériter ainsi de la corvée du vainqueur..."

"Bonne vieille tactique ?  Vraiment ? C'est courant ? Estimez-vous heureuses que je n'apprenne pas le recours à cette pratique dans un cadre officiel... Ça ira pour cette fois d'autant que le jour venu, nous violerons déjà toute le règlement. Mais prenez garde, je ne fermerais pas les yeux si j'en entend à nouveau parler hors de ce cadre..."

" Et pour la drogue ? "

" C'est en cours d'élaboration. Il me manque le poids de la victime pour mesurer le dosage."

" Suzanna cherche un moyen de l'obtenir. Elle me le donnera dès qu'elle l'aura, je ferais passer le message."

" Quelle est l'estimation du prix ?"

" Tout dépendra de ce que Cneia rapportera de Skaven. Il faudra de toute manière percevoir des dons pour réunir la somme nécessaire. Si chacune de nous cède, mettons, 5 ou 10 % d'une solde mensuelle, nous aurions un joli pactole."

"L'échéance est dans deux jours, la date de son départ. Il faudra d'ici là se mette d'accord sur le budget souhaité. Mieux vaut le prévoir à la hausse, quitte à rembourser le surplus aux donatrices."

"Il faudra un registre, alors. Et veiller à ce qu'il ne tombe pas entre de mauvaises mains..."

" Au fait Cneia, j'ai une amie de la IIIème légion qui connait une cavalière dont la famille habite Skaven. Elle l'a renseignée sur des amis qu'elle connait, qui sont tailleurs. J'ai l'adresse ici, tu devrais pouvoir espérer une réduction."

Les réunions s'enchainèrent, tantôt chez Nora, tantôt chez Lucretia ou dans une tente de l'administration de l'intendance. Le visage précis de l'opération s'affinait peu à peu, tandis qu'il leur fallait surmonter un à un les obstacles qui se présentaient à elles. A présent quand elle croisait une femme soldat, Shaiélaè ne pouvait s'empêcher de se demander si elle aussi partageait la confidence... Quelque soit la réponse, elles faisaient semblant de ne pas se connaitre. Une fois, la petite elfe croisa le légat Primapandora dans le camps en s'en allant à une séance d'entrainement. L'officier passa du haut de son cheval sans lui accorder plus d'attention qu'à n'importe quel autre soldat circulant dans l'allée. La même Lucretia conversa cordialement avec elle le soir, dans le cadre d'un autre conclave des sans-tresses.

La seule femme en réalité dont elle soit sûre être en dehors du complot se trouvait paradoxalement être la première concernée par celui-ci... Elena s'était remise peu à peu du traitement infligée par Ioreck. Ses amies veillaient à lui changer les idées, elle souriait à nouveau. Jeanine et Ulrika décidèrent de la laisser dans l'ignorance. Elena joueraient un rôle le moment venu, elles l'en avertiraient à l'ultime instant...


Vint le grand jour. Jusqu'à très tard, la date exacte resta floue, sujette aux fluctuations des corvées de sentinelles et de l'éclat des lunes...

" Demain..." glissa Nora à Shaiélaè en lui laissant entrevoir la tresse de chanvre dissimulée sous sa ceinture. La petite elfe devina aussitôt de quoi elle parlait. Son cœur battais frénétiquement à mesure que les heures passaient. Elle dormit à peine de la nuit, traversa la journée dans un état second. Et si tout foirait ? Si Ioreck se battait, s'échappait d'une manière ou d'une autre ? Elle et toute les filles soldats seraient à nouveau humiliées... Shaiélaè admirait le sang-froid de Nora, elle ne laissait rien paraitre. Elle se força à se concentrer et se plongea avec hargne dans la corvée de nettoyage qu'on lui avait assignée.

Le soleil descendait à l'horizon. La silhouette pâle de la lune flottait au dessus de leur tête dans le ciel encore azur. Masser cachait Secundas derrière son croissant. La nuit serait sombre, critère déterminant dans le choix de ce soir comme le jour-j. Les factionnaires du dernier quart de la journée voyaient se profiler peu à peu l'heure la relève qui viendrais les libérer de leur devoir. Dans le cantonnement de la IVème légion, quelques uns des plus perspicaces parmi ceux des quatre cohortes dont le bivouac ceinturent la place d'arme remarqueront peut être une coïncidence insolite. Toute les sentinelles venues les remplacer pour le premier quart de la nuit appartiennent à la gente féminine. Hasard amusant, penseront ceux ayant noté ce fait. Ils  se coucherons en méditant sur les probabilité qu'advienne un tel événement. Un seul d'entre eux seulement pourrait-il imaginer un complot de cette ampleur ? Comme tout le monde, ils n'apprendraient que le lendemain la réalité de ce que leurs yeux venaient d'entrevoir...



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