27. Le Porteur de Lumière

Quelques heures plus tard à bord de la frégate le Second, resté seul dans sa cabine, se voyait déjà diriger l'assaut aux commandes de son chasseur. Il comptait lancer une attaque surprise avec une escadrille de FXS contre le camp des insurgés... tout en prenant soin de ne blesser personne. Il espérait ainsi les forcer à se réfugier dans leur vaisseau cargo, comme ils l'avaient déjà fait à deux reprises durant les tempêtes qui venaient de s'abattre sur eux.

Les navettes encercleraient ensuite leurs installations afin de permettre aux Forces Spéciales, qu'elles transporteraient, d'établir un cordon infranchissable autour de leur campement. Mais avant cela, un message codé serait envoyé à l'Amiral et son équipe pour les prévenir de l'imminence de l'attaque. Celle-ci n'aurait lieu que lorsqu'ils se seraient mis à l'abris...

Soudain, un appel radio vint interrompre ses rêveries :

— Commandant, ici les Bleus. L'Amiral voudrait s'entretenir d'urgence, en privé, avec vous.

— Ici le Second, Amiral. Je passe en mode crypté. Vous pouvez commencer...

— Commandant, je vais vous envoyer, dans quelques secondes, un message vidéo de la plus haute importance. J'y ai résumé toutes les informations que nous venons de recevoir de la part des Indésirables. Vous verrez qu'elles sont, pour le moins, surprenantes. Je n'exclus néanmoins pas qu'il puisse s'agir d'une manipulation... Vous avez exactement cinq heures pour l'analyser et en tirer vos propres conclusions. N'hésitez pas à en faire part à d'autres membres de l'équipage. La décision que nous allons prendre s'avèrera d'une extrême importance... Devons-nous poursuivre l'exécution des directives du Conseil Suprême, en faisant aveuglément confiance aux Intouchables, après ce que nous venons d'apprendre à leur sujet ? Comme je vous l'ai dit, j'ai l'intention de prendre cette décision seule. J'en porterai l'entière responsabilité. Mais votre avis me sera d'une grande utilité.

— Bien compris Amiral, répondit le Second. Nous sommes prêts à recevoir vos informations...

Après avoir envoyé son message l'Amiral décida de rester seule dans la navette durant les quelques heures de répit qu'il lui restait.

Le Second, pour sa part, s'apprêta à visionner les nouvelles informations en s'installant confortablement dans sa sphère virtuelle. Il avait l'intention d'en prendre connaissance avant d'aller les présenter à d'autres membres de l'équipage.

Une terrible secousse, semblable à un bref tremblement de terre, faillit lui faire perdre l'équilibre. Il entra immédiatement en communication avec la salle d'opération en leur demandant ce qu'il venait de se passer... Ces derniers avaient également ressenti un choc, mais aucune avarie n'était à signaler. Il leur ordonna de faire sortir les équipes d'entretien afin d'inspecter la coque du vaisseau.

Ce fut alors que quelqu'un frappa à sa porte...

— Qui est-ce ? répondit-il d'un ton intrigué.

— Commandant, je vous apporte un nouveau message de l'Amiral... c'est urgent !

Il ouvrit, sans hésiter. Mais son geste se figea avant même qu'il ne se termine. Il resta médusé... Devant lui se tenait un adolescent, au teint blafard. Il portait une combinaison, usée et sale, semblable à celle des membres de l'équipage d'un vaisseau cargo. Le jeune homme remplissait à peine l'ouverture de la porte, entrebâillée, tellement il était maigre. Et, comble de surprise, ce dernier ne devait pas avoir plus d'une vingtaine d'années ! L'étrange visiteur entra, en le contournant, comme s'il n'avait été qu'une simple statue de marbre... Lorsque le Second se remit de sa stupeur, l'adolescent avait déjà pris place à son bureau.

— Bonjour Commandant. Asseyez-vous s'il vous plaît, lui dit-il en indiquant le siège qui lui faisait face.

Le visage du visiteur était pâle et blême, mais ses yeux semblaient briller dans la pénombre de la cabine. Une intense énergie émanait de sa présence.

— Mais qui êtes-vous donc ? demanda le Second en s'asseyant à son tour. Comment êtes-vous arrivé ici ?

— Mon âge doit certainement vous étonner. Je viens pourtant d'effectuer le même voyage que vous jusqu'ici. Je me trouvais à bord du vaisseau que vous poursuiviez...

— Et comment êtes-vous arrivé sur notre frégate ? répondit le Second de plus en plus surpris.

— Vous vous doutez bien que je ne suis pas tout à fait ce à quoi je ressemble... J'ai pris place dans l'enveloppe charnelle d'un des cadets qui pilotait le vaisseau cargo lors de leur évasion. Mon nom est « Lucifer » ou, si vous préférez : « celui qui apporte la lumière » !

Ses yeux semblèrent s'embraser et sa voix monta d'un octave lorsqu'il prononça ces derniers mots. Le Second finit enfin par balbutier :

— Et que nous voulez-vous ?

— Comme mon nom l'indique, je viens vous éclairer, Commandant ! Votre Amiral semble avoir décidé de se joindre à la mutinerie que vous étiez censés punir, faisant ainsi de vous des hors-la-loi... Je ne crois pas que cela soit une très bonne idée.

— Expliquez-vous, lui répondit le Second intrigué par ce que cet adolescent, visiblement bien trop jeune pour avoir fait ce long voyage, avait à lui révéler.

— J'ai pris le temps, depuis mon arrivée, d'explorer cette petite lune de font en comble. Elle ne contient que de la vie végétale à la surface de ses petits continents. Ses nombreux océans, par contre, sont peuplés de terribles monstres marins ! Il ne vous serait pas très agréable, ni aisé, de vous y installer. C'est pourtant ce que votre supérieure a probablement l'intention de vous proposer car retourner vers la Fédération, en décidant de vous joindre à la cause des insurgés, serait un véritable suicide...

— Et qu'êtes-vous venu nous proposer ?

— Contrairement à vous, je suis très intéressé par ce nouveau monde... et par autre chose qui est en votre possession.

— De quoi s'agit-il ?

— De ces petits chérubins que vous transportez dans l'une de vos coupoles. Les pauvres, ils doivent être affamés !

— Que voulez-vous en faire ?

— Mon nouveau peuple... sur cette lune déjà habitée par ces magnifiques monstres marins. J'ai l'intention d'y reconstruire une, encore plus belle, version du monde que je possédais jadis sur ma chère Planète Rouge : la quatrième de votre système solaire ! N'oubliez pas que vos ordres étaient, effectivement, de les abandonner ici, après vous être emparés de ces insurgés qui ont déjà causé tant de dégâts et de morts... Vous ne ferez donc qu'obéir, à la lettre, aux instructions qui vous ont été données. Je viens vous proposer de sauver votre équipage, et vous-même, en exécutant la mission qui vous a été confiée. En échange de cela, je ne demande qu'à pouvoir rester ici, avec ces petits démons dont vous avez tellement envie de vous débarrasser. Ils deviendront ma nouvelle armée d'anges !

— Et comment comptez-vous faire changer notre Amiral d'avis ?

— Faites-moi confiance... Vous devez bien vous douter que je possède bien plus d'un tour dans mon sac ! Je vous demande juste de lui répondre que vous, ainsi que votre équipage, avez décidé unanimement d'accomplir votre mission, comme prévu.

— Laissez-moi d'abord visionner le message qu'elle m'a envoyé !

— Je ne crois pas que cela soit nécéssaire...

— Et pourquoi donc ?

— Ce message lui a été procuré par les insurgés. Pensez-vous pouvoir leur faire confiance, après ce qu'ils ont fait à la frégate ainsi qu'aux autres vaisseaux qui se sont lancés à leur poursuite ? Ils ont déjà réussi à convaincre votre Amiral, ainsi que ceux d'entre vous qui sont depuis quelques jours en leur compagnie sur cette lune, de se joindre à eux. Ne vous laissez pas manipuler, vous aussi, par leurs mensonges... Vous êtes le commandant de ce vaisseau à présent ! Il est de votre devoir de garder la tête froide... et de vous rappeler la mission qui vous a été assignée. Vous n'avez rien à craindre. Nos intérêts sont similaires. Une fois que vous serez partis, vous n'entendrez plus jamais parler de moi... Disons que nous partagerons notre petit secret !

L'étrange adolescent sortit, sans plus attendre, de la cabine du Second. Ce dernier semblait avoir été hypnotisé par la rencontre qu'il venait de faire. Il resta pensif et confus... Il décida, comme son visiteur le lui avait demandé, de ne pas visionner le message de l'Amiral ; rangeant la petite bille virtuelle sur laquelle celui-ci avait été gravé dans un coffre qu'il verrouilla à l'aide de son implant cutané. Il se dirigea vers sa literie et régla l'alarme de son assistant informatique sur l'heure à laquelle sa supérieure lui avait ordonné de lui faire part de sa décision...

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top