5. Combat spatial

— Mais bon sang, où ont-ils bien pu se volatiliser ? s'exclama Bleu 1, en ne voyant aucune trace de leurs adversaires, ni à travers sa verrière ni sur son radar... Enclenchez vos senseurs périphériques à puissance maximale, tant pis pour nos radars. Ils peuvent surgir de n'importe où, n'importe quand !

Ayant rompu les règles conventionnelles de combat, les Blancs avaient immédiatement coupé toutes leurs émissions électroniques. Ils étaient venus se coller à la surface de la frégate, confondant ainsi leurs échos minuscules à celui de l'immense vaisseau avec lequel ils ne faisaient plus qu'un. Ils n'étaient plus les palots dont se moquaient leurs adversaires il y avait à peine quelques instants... Ils étaient littéralement devenus invisibles, grâce à leur ingénieux stratagème !

L'Amiral assistait aux premières loges à cette mission tant attendue. Elle était accompagnée, dans l'immense salle de briefing, par son Second, ainsi que par la plus grande partie de l'équipage. Ils avaient dû attendre cinq longues années avant de pouvoir à nouveau assister aux évolutions des leurs héros : les Bleus, invaincus depuis plus de vingt ans ! Tous s'interrogeaient quant à la façon dont ils allaient réagir à la manœuvre inattendue des Blancs... Le Second s'adressa alors à sa supérieure.

— On les laisse continuer ?

— En vol réel, je n'aurais pas du tout apprécié qu'ils viennent faire des griffes sur notre belle frégate, répondit-elle sans même se donner la peine de regarder son interlocuteur. Mais laissons-leur le bénéfice de l'inventivité. Voyons ce qu'ils vont faire, cela risque de devenir intéressant !

— Ils ont eu cinq bonnes années pour se préparer... Qui sait, peut-être réussiront-ils à donner aux Bleus la leçon qu'ils méritent ? répondit le Second en se retournant vers l'écran tridimensionnel de la salle de briefing.

Celui-ci permettait aux spectateurs d'assister, en direct, grâce à une énorme projection holographique, aux évolutions des chasseurs... Les Bleus se regroupèrent bien vite en formation serrée, comme prévu.

— Écartons-nous du vaisseau, reprit l'aîné, dont les paroles et le timbre de voix laissaient transparaître une légère inquiétude. Il gêne nos senseurs. Nous allons bien finir par détecter leurs émissions, s'ils veulent venir nous engager !

Un long silence suivit cette transmission... Lentement, et sans le moindre appel radio, les Blancs se détachèrent de la surface de la frégate pour se laisser flotter dans l'espace. Personne, même pas l'expérimenté Second, n'avait idée de ce qu'ils pouvaient manigancer.

— Regardez, s'exclama-t-il. Ils ont éteint leurs réacteurs ! Ils dérivent comme de vulgaires débris projetés dans l'espace...

— Mais bien sûr, reprit l'Amiral. Ils tentent de rester complètement invisibles, sans aucune signature radar ni infrarouge. Ils se dirigent vers nos arrières, là d'où nous venons d'éjecter nos déchets ; comme tous les jours à la même heure... Ils ont diablement bien planifié leur coup !

Les Bleus, s'étant suffisamment écartés, entamèrent un demi-tour serré afin de mieux pouvoir observer les alentours.

— Bleu 3, rien en visuel, ni contact radar, repris l'indiscipliné qui avait à nouveau enfreint les ordres de son leader.

— J'avais dit puissance maximale aux senseurs, radars éteints !... Mais tu as raison. Bleus 3 et 4, permission d'utiliser vos radars. Bleu 1 et 2 gardent la prio sur leurs senseurs omnidirectionnels. Séparons-nous en deux paires. Bleu 3 tu as le commandement de la tienne. Ne fais pas de conneries ! Vous restez derrière nous pour nous couvrir en observant tout ce qui bouge aux alentours. Nous nous rapprochons de la frégate...

Un silence pesant régnait, tant au sein des deux formations que dans la salle de briefing. L'assemblée, pendue aux lèvres des deux chefs de patrouilles, était impatiente de découvrir leurs plans respectifs. Bleu 1 et 2 faisaient entièrement confiance à leurs senseurs multidirectionnels ainsi qu'à leurs deux équipiers dont les radars scrutaient les environs.

Ils passèrent aux abords de l'énorme vaisseau, frôlant chacun l'un de ses flancs pour en inspecter la surface. Mais ils n'y trouvèrent aucune trace de leurs adversaires... Lorsque soudain, ayant rejoint son équipier dans le secteur arrière, Bleu 2 lança un cri de détresse.

— Source infrarouge droit devant ! Ils viennent de rallumer leurs réacteurs. Ils nous engagent à quatre contre deux en combat rapproché !

Les spectateurs se levèrent de leurs sièges pour applaudir le succès de cette manœuvre parfaitement orchestrée par les Blancs... tout en ne pouvant s'empêcher de supporter les pauvres Bleus 1 et 2, subitement encerclés par quatre assaillants. Ces derniers étaient réapparus sur les écrans radars des Bleus 3 et 4, qui se lancèrent immédiatement à la rescousse de leurs co-équipiers.

Il leur était impossible d'utiliser leurs missiles à longue portée, de risque d'abattre l'un des leurs dans la confusion de l'incroyable combat tournoyant qui venait de s'engager. Bleu 1 et 2 ne savaient plus où donner de la tête, les Blancs étaient partout autour d'eux. Les rayons laser, ainsi que les obus incendiaires, fusaient en tous sens. Seule leur dextérité au combat rapproché leur permettait de les éviter de justesse. Quelques appels effrénés vinrent rompre le long silence radio des minutes précédentes.

— Ici Bleu 2, s'écria la fille qui se débattait comme une diablesse entre les griffes de ses adversaires... J'en ai trois qui m'enroulent ! Bleu 1 ne s'en tire pas trop mal. Il est offensif sur le quatrième. Mais il ne peut pas venir m'aider. J'ai besoin de vous les gars... et vite !

Sa position s'illumina soudain. Elle venait de larguer la plus grande partie de ses leurres infrarouges, afin d'éviter une salve de missiles à courte portée qu'un de ses assaillants venait de lancer droit sur elle.

— OK nous avons visuel sur toi, grâce à ton feu d'artifice, repris Bleu 3... fonçant à sa rescousse accompagné de Bleu 4. Continue tes manœuvres évasives. Tu es de loin la meilleure d'entre nous quand il s'agit de faire courir les garçons ! Fatigue-les et empêche-les de porter leur attention sur nous... Bleu 1, tu te débrouilles, OK ?

— Pas de problème, ils ne seront bientôt plus que trois ! répondit le leader à l'instant même où une énorme explosion indiqua l'emplacement de son combat. Il venait d'abattre son malheureux adversaire, dont la sphère virtuelle s'était éteinte, laissant apparaître son visage en sueur. La qualité du rendu, allant jusqu'à simuler de façon très réaliste la destruction de son chasseur, ainsi que son éjection dans l'espace sombre et froid, semblait le paralyser de peur...

Le malheureux se précipita, sans attendre, vers la salle de briefing afin d'assister à la suite de ce combat effréné. Les spectateurs ne lui accordèrent aucune attention. Leurs yeux étaient fixés sur la fille évitant, comme par magie, les tirs de ses assaillants. Le Second souriait, forçant ses multiples cicatrices à adopter des formes auxquelles elles n'étaient, de toute évidence, pas habituées.

L'Amiral l'observait, se souvenant pertinemment de l'origine de chacune d'elles. Ils avaient été fréquemment unis au cours de combats, parfois pires que celui-ci, face à de nombreux vaisseaux pirates. Ils prenaient, de même que les quelques anciens restés à bord, énormément de plaisir à assister à ces actes de bravoure qui leur rappelaient leurs lointains exploits...

Les trois Blancs survivants s'acharnaient toujours sur la fille. Ils ne pensaient qu'à la récompense qui viendrait couronner celui qui abattrait un jour l'un des légendaires Bleus ! Elle arrivait pourtant, comme le ferait une savonnette tombée dans une gigantesque baignoire, à esquiver au dernier instant les tirs de ses assaillants, fous de rage...

Soudain leurs senseurs, restés silencieux jusqu'à présent, indiquèrent l'approche d'engins ennemis. Ils furent forcés de détacher leur attention de leur proie pour commencer à observer leur secteur arrière.

— Blanc 3 et 4, rompez le combat, lança leur chef de patrouille, bien décidé à devenir le premier pilote de la frégate à abattre l'un des légendaires Bleus... Engagez les deux chasseurs qui sont à nos six heures. Je m'occupe des deux autres.

Faisant preuve d'une discipline exemplaire, les deux autres Blancs firent volteface. Et, sans même attendre d'avoir contact radar sur leurs assaillants, ils lancèrent une salve de missiles à moyenne portée dans leur direction ! Cette tactique inattendue eut pour effet de faire rompre le combat à Bleus 3 et 4... Ils furent surpris par une riposte aussi rapide et durent effectuer une manœuvre évasive dans le but d'éviter les missiles qui se dirigeaient vers eux.

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