35. Sinistre découverte

Pendant ce temps les trois autres cadets, restés dans leur cabine, commencèrent à lentement se réveiller. Ils avaient mal dormi, leur sommeil fut tellement agité qu'ils étaient trempés de sueur. Ils se regardèrent, étonnés de ne plus voir leur aîné dans la chambre.

— Maudits rêves, ils m'ont tenue éveillée toute la nuit, grogna la fille.

— Même chose pour moi, murmura l'indiscipliné. C'est à chaque fois que nous revenons d'un saut...

— Les Lémuriens se sont à nouveau adressés à nous, reprit le quatrième cadet qui venait, lui aussi, d'ouvrir des yeux encore rouges de sommeil. Vous souvenez-vous de cette lumière dorée ?

— Oui, répondit la fille. Et d'une cité de « Cristal ».

— De « Lumière » ! corrigea l'indiscipliné.

— C'est bien ça, conclut le quatrième... Je me souviens du message qu'ils nous ont fait parvenir. Il nous ont demandé de nous unir à ces Indésirables... afin de sauver l'humanité !

— Holà, holà, pas si vite, grommela la fille. Je ne suis pas certaine que cela plaise à notre cher aîné tout ça.

— Ni à l'Amiral et au Second... ni même au reste de l'équipage ! ajouta l'indiscipliné.

— Gardons la tête froide, leur conseilla le quatrième. Allons plutôt voir ce technicien dont je vous ai parlé hier soir. Il doit avoir terminé ses opérations sur les coupoles. Je sais où est sa cabine. Il travaille en shift, avec un peu de chance il sera seul...

— Mais d'où le connais-tu ? demanda la fille. Nous n'avons aucun contact avec le personnel de maintenance, à part ceux qui travaillent sur nos chasseurs.

— Il vient du même village que moi. Nous avons été emmenés ensemble dans la pyramide... Ce sont des choses que l'on n'oublie pas ! Nous nous sommes revus, par hasard, un jour, dans le hangar. Je l'ai tout de suite reconnu. Pas difficile. Ses cheveux sont d'un roux éclatant. Et vous verrez son allure... on dirait une véritable girafe ; il n'a pas changé ! Déjà quand il était gamin, il nous dépassait tous d'une bonne tête à l'école du village.

Ils se dirigèrent alors le long des coursives de l'espace de repos. Ils avaient pris l'habitude de s'y laisser flotter en apesanteur. Cela leur faisait tout bizarre d'y déambuler en marchant normalement à présent que la gravité était réapparue.

Après quelques hésitations, le numéro quatre frappa enfin à la bonne porte. Un long silence suivit... Ce fut lorsqu'ils s'apprêtaient à rebrousser chemin qu'un léger grognement les fit se retourner vers la dite cabine. La porte s'entrouvrit, laissant dépasser un long nez parsemé d'une multitude de taches de rousseur. Il était surmonté de deux yeux vitrés et coiffé de ce qui ressemblait plus à une perruque de cirque qu'à une véritable chevelure rousse.

— Que fais-tu ici, à une telle heure ? demanda-t-il à son ami après l'avoir finalement reconnu.

— Excuse-moi, répondit ce dernier. Mais j'ai passé une sale nuit moi aussi. Ça doit être cette foutue manoeuvre de décélération. J'avais envie de parler à quelqu'un, je pensais que...

— Ne t'en fais pas. Je comprends. Avec cette pesanteur qui vient à nouveau nous écraser... J'ai une bouteille d'eau-de-vie dans ma cale. Entrez, on va un peu se détendre. Vous allez me raconter vos dernières aventures spatio-temporelles !

— Eau-de-vie ? répondit la fille.

— C'est un de nos secrets à nous, les « techneux »... Nous avons découvert que l'alcool que nous utilisons pour laver certains de nos outils ne faisait pas que sentir bon... mais qu'il était tout à fait buvable. Seulement en petites doses ; sinon gare aux effets secondaires ! On en a tous une petite bouteille, cachée dans notre armoire. Elle nous aide à bien dormir. Nous avons pris l'habitude d'en boire un coup lors de nos discussions au coin du lit. Entrez donc, je suis seul et il y a place pour quatre ici.

Les cadets s'installèrent sur les lits restés vides. Pendant ce temps le rouquin sortit sa petite bouteille et quatre gobelets qu'il remplit précautionneusement.

— Voilà, dit-il. C'est bien plus facile comme ça qu'en apesanteur ! Plus besoin de boire à la bouteille. L'alcool goûte mieux ainsi... Il faut le faire chambrer !

Son élocution ainsi que son haleine ne laissaient planer aucun doute quant à son état. Il devait déjà avoir bu une grande quantité de ce liquide, en essayant de s'endormir tout seul dans sa chambre ! Les trois cadets se regardèrent en souriant. Ils trempèrent leurs lèvres de façon hésitante dans le liquide, épais et visqueux. La grimace qui s'afficha sur leurs visages fut rapidement suivie d'un sourire béat.

Après la surprise provoquée par le goût intense et âpre de cette boisson, ses effets ne tardèrent pas à se faire sentir. Ils se lancèrent dans une folle série de récits relatant, de façon quelque peu romanesque, leurs aventures dans l'hyperespace... en se retenant bien de mentionner quoi que ce soit des étranges rencontres qu'ils y effectuèrent ; pour enfin venir sournoisement aborder la véritable raison de leur visite...

— Et toi, renchérit la fille d'une voix douce, presque innocente. Qu'as-tu fait de spécial ces derniers temps ?

— Pas grand-chose par rapport à vous, répondit-il d'un ton triste. La routine, à part...

— À part quoi ? rétorqua son ami qui voyait enfin arriver le bout du tunnel.

— À part hier... nous avons enfin pu sortir dans l'espace !

— Fantastique, répondit la fille d'un ton charmeur qui faillit faire s'esclaffer ses deux compagnons, déjà bien entamés. Et qu'avez-vous fait ? Le spectacle a dû être impressionnant. Voir notre frégate, et ses deux coupoles de l'extérieur... cela doit être... merveilleux !

— Oui, elle est vraiment belle. Je ne l'avais jamais vue comme ça. Nous avons fait pivoter les deux coupoles dans l'axe de notre décélération avant la mise à feu de nos réacteurs. Ce ne fut pas une mince affaire. Il nous a fallu repositionner leurs anneaux sur de nouvelles écoutilles pour permettre à l'air, l'eau et au personnel de maintenance d'y avoir accès dans leur nouvelle position.

— Personnel de maintenance, répondit la fille ? Qui a accès à notre deuxième coupole ? Je croyais qu'elle était hors limite...

— C'est correct, seuls de l'air et de l'eau y sont régulièrement envoyés. Mais vous n'allez pas me croire... Bien que les écoutilles originelles aient été équipées de fermetures à serrures palmaires, ne pouvant être actionnées que par L'Amiral et son Second ; les nouvelles écoutilles, sur lesquelles nous les avons alignées, sont tout à fait banales. Pas de serrures à code ! Mes collègues ne s'en sont même pas rendu compte. Ils étaient sans doute trop crevés. Et je n'ai pas voulu prendre sur moi la responsabilité d'expliquer, dans un rapport à de multiples exemplaires, pourquoi personne n'avait pensé à ça avant notre départ. Elles ne resteront, de toute façon, dans cette position que durant quelques jours... Tout rentrera dans l'ordre d'ici là !

Les trois cadets se regardèrent d'un air complice. Il était temps de laisser enfin dormir leur interlocuteur. Ils refermèrent doucement la porte de la cabine du rouquin qui ne tarda pas à sombrer dans un sommeil profond...

Ils se rendirent alors vers l'écoutille qui donnait accès à la deuxième coupole, en suivant le plan du vaisseau projeté devant eux par leurs implants frontaux. La manœuvre de décélération ayant monopolisé le personnel technique à d'autres tâches. Ils ne rencontrèrent personne sur leur chemin. Il n'y avait effectivement aucun système de verrouillage sur cette porte ! Il leur suffit d'actionner sa manette d'ouverture pour accéder au long corridor qui menait à l'intérieur de la mystérieuse coupole.

Ils s'y faufilèrent, en silence, tout en refermant l'écoutille derrière eux. Une senteur étrange remplissait les lieux. Elle ressemblait à un mélange d'excréments et d'autre chose, de plus âcre. L'odeur s'intensifia au fur et à mesure qu'ils s'approchèrent de l'entrée de la coupole, éclairée d'une lumière rougeâtre.

De fines gouttelettes, formant de petites flaques à même le sol, ruisselaient des murs et du plafond. Ce liquide sombre et gluant avait l'apparence, ainsi que l'odeur, de quelque chose dont ils se souvenaient vaguement...

— Du sang ! s'exclama l'indiscipliné. Il y a du sang partout. Et ça vient de l'intérieur de la coupole...

Ils hésitèrent quelques instants. Jusqu'à ce qu'un étrange hurlement vienne les paralyser d'effroi. Ce fut alors que, se dessinant à contre-jour dans la lueur rouge de la fin du tunnel, une créature cauchemardesque apparut devant eux. D'apparence humaine, croisée avec un reptile, elle possédait une paire d'ailes ainsi qu'une énorme queue qui se trémoussait derrière elle, tel un serpent se préparant à bondir sur sa victime. Les trois cadets firent volte-face, comme un seul homme, pour entamer le sprint le plus rapide de leur existence !

Après s'être empressés de refermer l'écoutille, ils retournèrent vers leur cabine en s'assurant de n'attirer l'attention de personne. Après avoir essuyé les quelques taches de sang qui couvraient encore leurs mains et leurs chaussures, ils se recouchèrent, comme si de rien n'était. Un long silence s'installa dans la chambre. Ils s'attendaient au retour imminent de leur aîné, ne sachant vraiment pas quoi lui dire. La fille le rompit enfin :

— C'était quoi ce truc-là ?

On aurait dit un lézard géant, répondit l'indiscipliné. J'en ai vu des semblables lors de mon voyage vers la pyramide.

— Tu veux dire des vélociraptors ? lui demanda celui grâce à qui ils venaient de faire cette étrange découverte.

— Non, interrompit la fille. Ils sont beaucoup plus grands et minces. La chose que nous avons vue avait des ailes, ainsi que la taille et la corpulence d'un jeune enfant. C'étaient son visage, ainsi que sa longue queue, qui lui donnaient l'apparence d'un reptile.

— Un reptile ou plutôt un vampire ! reprit l'indiscipliné. Vous avez vu ce sang sur sa bouche ? Il tapissait également le plafond et les murs en dégoulinant sur le sol... Qu'a-t-il bien pu se passer dans cette coupole ? Vivement qu'on s'en débarrasse avant que cette créature vienne visiter notre frégate !

— C'est vrai, s'exclama la fille. L'écoutille n'est plus verrouillée. Elle pourrait facilement en sortir. Nous devons prévenir ton ami, le rouquin !

— Il doit dormir à poings fermés à présent. Je ne veux pas qu'il ait de soucis à cause de moi. Parlons-en plutôt à notre Chef de patrouille... Il ne va sans doute pas tarder.

— OK, on essaye de se rendormir en attendant son retour, conclut la fille en ramenant ses couvertures au-dessus de sa tête tout en éteignant la lumière. Imaginez qu'il y ait des dizaines de ces créatures dans la coupole... et qu'entre elles et nous, cette petite écoutille soit à présent si facile à ouvrir !

— Tais-toi et dors ! lui répondirent les deux garçons à l'unisson.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top