20. Magdala

Le chant des oiseaux, accompagné par l'apparition de nos deux soleils au-dessus de la cime des montagnes, me réveilla après quelques heures d'un sommeil bien mérité. Quelle ne fut pas alors ma stupéfaction de voir Marie Madeleine assise à mes côtés, en train d'admirer le spectacle magique qu'offrait notre majestueux vaisseau, flanqué de ses quatre coupoles assemblées les unes aux autres. Elles révélaient lentement leurs formes élégantes en sortant de l'ombre des crêtes.

Ma tendre compagne n'avait sans doute pas voulu me déranger. Elle était restée là, en attendant patiemment que je me réveille. J'étais tellement étonné et surpris de la revoir, tout comme je le fus lorsque cette magnifique créature m'apparut pour la première fois, après mon long coma... Je m'empressai de lui adresser la parole, comme pour vérifier si tout cela n'était pas une de mes hallucinations déconcertantes.

— Comment as-tu fait pour arriver jusqu'ici sans te faire emporter par le courant de la rivière ?

Comme à son habitude, elle me répondit par un simple sourire, qui me fit clairement comprendre que mes questions étaient bien futiles face à la magie de l'instant que nous étions en train de vivre. Je la pris dans mes bras en l'embrassant tendrement.

Profitant de notre fougueuse étreinte, elle nous fit basculer par dessus le bord de la falaise, en nous précipitant dans le vide ! J'eus à peine le temps de pousser un léger cri de désarroi avant qu'elle ne déploie ses ailes en me retenant par-dessous les aisselles, comme elle avait l'habitude de le faire dans l'apesanteur de notre coupole.

Elle m'emporta dans un long vol plané au-dessus de l'océan. Les courants d'air ascendants nous ramenaient à hauteur du plateau, grâce à la portance de ses ailes, tout comme ils l'avaient fait avec mon parachute quelques heures auparavant. Nous survolâmes l'impressionnante chute d'eau, sans perdre d'altitude.

Cette fantastique expérience vint illuminer mon esprit de bipède rampant. La faible gravité d'Éden, combinée aux puissants vents du large, permettaient à Marie Madeleine de se déplacer dans les airs sans aucun problème. La gigantesque chute d'eau nous offrit le spectacle grandiose de la vaporisation de ses centaines de milliers de tonnes de liquide, sous la forme d'un nuage de brume. Celui-ci s'élevait jusqu'à une bonne centaine de mètres sous nos pieds.

Les énormes ailes de Marie Madeleine n'eurent que très peu d'efforts à fournir pour nous transporter jusqu'à notre nouvelle cité. Je compris enfin pourquoi notre Maître avait créé cette race humaine ailée... Il ne s'agissait pas seulement de l'adapter aux conditions de vie en apesanteur. Mais aussi, et surtout, de la rendre capable de voler, comme de véritables oiseaux, au-dessus des chaînes montagneuses escarpées ainsi que des immenses océans de notre nouveau monde !

Nous nous posâmes à la base des coupoles où les survivants de notre long voyage s'étaient rassemblés. Ils semblaient tous si heureux de me revoir. Mon silence radio avait dû leur faire craindre le pire. Aucun d'entre eux n'avait pu empêcher ma compagne de se lancer dans le vide, afin de venir me chercher, de l'autre côté de la rive, une fois le jour venu.

Nos enfants, s'étant débarrassés de leur paire d'ailes auxiliaires, commençaient à jouer dans le vent en se dirigeant vers la mer. Cela ne semblait pas du tout inquiéter leur mère, qui les observait d'un œil discret. J'étais néanmoins certain qu'elle ne tarderait pas à se lancer à leur secours, si l'un d'entre eux disparaissait du bord de la falaise...

Tout était enfin devenu calme et serein. Ce monde qui venait de nous accueillir recelait pourtant encore de nombreux mystères. Mais nous aurions le temps de les découvrir un à un dans les semaines, les mois et les années à venir.

En ce tout premier jour de notre installation, nous décidâmes de flâner en explorant les alentours et en rassemblant tout ce qui pourrait nous servir à l'organisation d'une grande fête, ici, au pied de « Magdala » : notre nouvelle cité !

Ce fut alors que Marie accourut vers moi, elle semblait si heureuse de me revoir, cela me remplissait de fierté et de joie. Mais aussi d'étonnement... Elle m'adressa la parole, encore tout essoufflée par cette pesanteur qui rendait nos moindres déplacements si pénibles.

— Jean, regarde ce que je viens de trouver dans notre Bible. C'est ce nom qui me vint à l'esprit le jour de la naissance de Sara. J'en ai à nouveau rêvé cette nuit, ici sur Éden... Il me semble que cette vision est censée m'apparaître à chaque étape cruciale de notre voyage !

Elle tenait entre ses mains, encore tremblantes, notre Bible ouverte à la page précise où un prophète, nommé « Ezéchiel », décrivit sa première vision. Celle où il vit la gloire du dieu « Yahvé » ; sous la forme d'une colonne de feu, accompagnée de quatre roues gigantesques. Chacune d'entre elles était escortée d'un animal, à quatre ailes, surmonté d'une lumière éblouissante...

Voici la traduction littérale des textes originaux, qui furent écrits exactement trois millénaires plus tôt par ce prophète illuminé :

« Le cinquième jour du quatrième mois de la trentième année, alors que j'étais parmi les captifs du fleuve Kebar, les cieux s'ouvrirent et j'eus des visions divines... La parole de l'Éternel fut adressée à Ezéchiel, fils de Bouzi, le sacrificateur, dans le pays des Chaldéens, près du fleuve Kebar ; et c'est là que la main de l'Éternel fut sur lui. Je regardai, et la voici, il vint du septentrion un vent impétueux, une grosse nuée, et une gerbe de feu, qui répandait de tous côtés une lumière éclatante, au centre de laquelle brillait comme de l'airain poli, sortant du milieu du feu...

Au centre encore apparaissaient quatre animaux, dont l'aspect avait une ressemblance humaine. Chacun d'eux avait quatre faces et chacun d'eux avait quatre ailes... Quant à la figure de leur face, ils avaient tous une face d'homme, tous quatre une face de lion à droite, tous quatre une face de bœuf à gauche, et tous quatre une face d'aigle...

Je regardais ces animaux ; et voici, il y avait une roue sur la terre, près des animaux devant leurs quatre faces. À leur aspect et à leur structure, ces roues semblaient être en chrysolite, et toutes les quatre avaient la même forme ; leur aspect et leur structure étaient tels que chaque roue paraissait être au milieu d'une autre roue. En cheminant, elles allaient de leurs quatre côtés, et elles ne se tournaient point dans leur marche. Elles avaient une circonférence et une hauteur effrayante, et à leur circonférence les quatre roues étaient remplies d'yeux tout autour. Quand les animaux marchaient, les roues cheminaient à côté d'eux ; et quand les animaux s'élevaient de terre, les roues s'élevaient aussi. Ils allaient où l'esprit les poussait à aller ; et les roues s'élevaient avec eux, car l'esprit des animaux était dans les roues...

Quand ils marchaient, elles marchaient ; quand ils s'arrêtaient, elles s'arrêtaient ; quand ils s'élevaient de terre, les roues s'élevaient avec eux, car l'esprit des animaux était dans les roues. Au-dessus des têtes des animaux, il y avait comme un ciel de cristal resplendissant, qui s'étendait sur leurs têtes dans le haut. Sous ce ciel, leurs ailes étaient droites l'une contre l'autre et ils en avaient chacun deux qui les couvraient, chacun deux qui couvraient leur corps. J'entendis le bruit de leurs ailes, quand ils marchaient, pareils au bruit de grosses eaux ou à la voix du Tout Puissant. C'était un bruit tumultueux, comme celui d'une armée. Quand ils s'arrêtaient, ils laissaient tomber leurs ailes. Et il se faisait un bruit qui partait du ciel étendu sur leurs têtes, lorsqu'ils s'arrêtaient et laissaient tomber leurs ailes...

Au-dessus du ciel qui était sur leurs têtes, il y avait quelque chose de semblable à une pierre de saphir, en forme de trône ; et sur cette forme de trône apparaissait comme une figure d'homme placée dessus en haut. Je vis encore comme de l'airain poli, comme du feu, au-dessus duquel était cet homme, et qui rayonnait tout autour. Depuis la forme de ses reins jusqu'en haut, et depuis la forme de ses reins jusqu'en bas, je vis comme du feu, et comme une lumière éclatante, dont il était environné. Tel l'aspect de l'arc qui est dans la nue en un jour de pluie, ainsi était l'aspect de cette lumière éclatante, qui l'entourait : c'était une image de la gloire de l'Éternel. À cette vue, je tombai sur ma face, et j'entendis la voix de quelqu'un qui parlait... »

La prophétie s'était réalisée ! Ce spectacle fantastique qui avait été écrit 3 000 ans plus tôt, par ce prophète nommé Ezéchiel, s'était réellement déroulé en face de moi, sur cette lointaine planète... Et nous en avions été les acteurs principaux !

Bien que ce langage ait été bien difficile à interpréter, tout y avait été décrit dans les moindres détails : la durée exacte de notre voyage qui avait effectivement été de trente ans, quatre mois et cinq jours ; de même que notre arrivée sur Éden qui y avait été relatée de façon précise ! C'était comme si quelqu'un, ou quelque chose, avait prévu ce qui allait se passer et l'aurait montré en vision à ce prophète.

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