11. Pilote

Après une longue année de formation générale, nos séances d'incubation virtuelle, devenues routinières et monotones, furent suivies par la prochaine étape de notre préparation : l'entraînement de pilote proprement dit !

Nos cours s'orientèrent vers les domaines plus complexes des sciences spatiales et aéronautiques. De toutes nouvelles technologies telles que les ailes cylindriques ainsi que les systèmes de propulsion, tant atmosphériques que spatiaux, n'auraient bientôt plus aucun secret pour nous.

Nous apprîmes alors qu'une bonne centaine d'années auparavant, une découverte primordiale, appelée « magnétosphère », était venue nous ouvrir la voie vers la conquête spatiale. Il s'agissait d'un des développements les plus importants de nos recherches dans le domaine des forces électromagnétiques. Des anneaux, équipés de pôles aimantés, nous permirent de créer des sphères ou demi-sphères translucides, de tailles diverses, possédant une imperméabilité à toute épreuve.

D'imposants dômes vinrent coiffer nos métropoles, afin de les protéger, non seulement des bêtes sauvages, mais également des intempéries et cyclones, devenus très fréquents depuis que les cataclysmes nucléaires eurent radicalement transformé le climat de notre planète. Cette technologie fut à l'origine de nos petites sphères de réalité virtuelle, des boucliers protecteurs de nos chasseurs et de nos vaisseaux spatiaux, ainsi que des coupoles abritant nos colonies de travailleurs.

Ces magnétosphères nous permirent enfin de survivre aux éruptions solaires et aux dangereuses radiations, générées par les géantes gazeuses qui auraient, sans elles, étés fatales aux équipages de nos vaisseaux et navettes interplanétaires. Elles permettaient également, en situation de combat, de protéger nos frégates et croiseurs des tirs ennemis.

La Fédération se lança alors dans une entreprise titanesque : la construction d'un gigantesque anneau en orbite géostationnaire, générant une magnétosphère qui engloberait notre planète tout entière. Elle était destinée à nous abriter des chutes, de plus en plus fréquentes, de carcasses de vaisseaux abandonnés, d'astéroïdes ou de météorites. Ce véritable « anneau planétaire » était maintenu en place par six faisceaux électromagnétiques, provenant de nos principales métropoles, disposées de façon parfaitement symétrique le long de l'équateur. Ces faisceaux permettaient également d'acheminer du matériel et des passagers vers, ou en provenance des six astroports qui furent construits à la verticale de leur dôme respectif...

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Après avoir découvert les détails de l'évolution technologique du monde qui les abritait, les cadets furent enfin amenés à l'école de pilotage. Il s'agissait d'un complexe imposant, situé non loin du village d'origine de notre jeune garçon, abritant une centaine de petits chasseurs d'entraînement et toute l'infrastructure nécessaire à leurs opérations.

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C'était donc d'ici que décollaient les mystérieux engins circulaires que je prenais un malin plaisir à tenter d'abattre à coup de pierres, lors de mes escapades dans les champs ! Voici que j'allais à mon tour piloter l'un d'entre eux en essayant de distinguer, sous mes ailes, ces enfants qui me lanceraient d'innocents projectiles dans le but d'atteindre un rêve inaccessible.

Je me plaisais à imaginer mon père me voir monter à bord d'une de ces merveilleuses machines qui le fascinaient tellement. Il ne manquait jamais d'admirer leurs évolutions dans le ciel limpide de notre campagne. Mais connaîtrait-il un jour le destin auquel j'étais voué ?

Se souciait-il d'ailleurs encore de moi, lui qui devait avoir eu bien d'autres enfants avec les diverses compagnes qui lui furent assignées ? Se souvenait-il de ce gamin qui s'agrippait à lui de peur qu'il s'en aille ? Je ne pouvais m'empêcher de nourrir le désir secret de le revoir, de lui montrer ce que j'étais devenu, en espérant qu'il soit fier de moi.

Cela me fit du bien d'enfin sortir de la pyramide. Le contact avec la nature, son air frais et l'impression de liberté que cet endroit dégageait, me permirent rapidement d'oublier la plupart des griefs que j'avais envers la Fédération. Nous étions une cinquantaine de cadets, formant la toute nouvelle promotion d'élèves pilotes arrivée au sein de l'école. Les anciens nous y accueillirent avec mépris. Leurs brimades ne furent que la première des nombreuses épreuves auxquelles nous allions être confrontés dans cet environnement hautement militarisé, soumis à une discipline de fer.

Nos instructeurs ne nous traitèrent pas avec plus de douceur. La moindre erreur de notre part se voyant sanctionnée par une mise au sol suivie d'interminables séances d'incubation virtuelle. L'aspect exaltant de cette nouvelle formation fut très vite estompé par son accueil glacial ainsi que le rythme effréné de notre entraînement.

Les engins que nous allions apprendre à piloter étaient destinés à défendre les villages entourant nos dômes de quelques ptérodactyles égarés, ainsi qu'à protéger les énormes frégates de la Fédération. Capables de se mouvoir tant dans le vide que dans l'atmosphère des différentes planètes, leur armement s'avérait amplement suffisant à faire respecter les règles de l'Empire dans l'entièreté des colonies !

En effet, à partir du début de l'expansion de notre civilisation, certains vaisseaux rebelles se cachant aux confins du système, tentèrent de s'approprier les marchandises transportées par nos navettes interplanétaires. Bien que ces actes de piraterie aient quelque peu diminué ces dernières décennies, suite aux sévères punitions infligées à leurs exacteurs ; l'apprentissage des jeunes cadets commençait toujours par la traditionnelle phase d'entraînement au combat aérien sur ces petits chasseurs.

Celle-ci nous tiendrait en haleine durant les deux prochaines années. Elle serait suivie par deux années consacrées au pilotage, hautement automatisé, des engins spatiaux de classe « N » pour Navette, « T » pour Transport et « F » pour Frégates.

C'était ici que nous serions soumis à la sélection la plus sévère. Et malgré ma révolte envers cette société au sein de laquelle je n'arrivais toujours pas à vraiment m'intégrer, je nourrissais à présent l'énorme motivation d'atteindre ce nouveau rêve qui venait de m'être insufflé : devenir « pilote de chasse » !

Les séances d'apprentissage en sphère virtuelle furent rapidement suivies par des vols réels. Nous pûmes enfin apprendre à maîtriser nos appareils durant la phase initiale de notre écolage, clôturée par notre premier vol solo. Cette étape importante fut, bien entendu, accompagnée par les festivités traditionnelles. L'exaltation que provoqua cette fantastique expérience me permit d'oublier quelque peu les traumatismes engendrés par mon enrôlement de force à l'intérieur de la pyramide.

Notre nombre fut rapidement réduit de moitié, avant même que nous ayons passé le test de pilotage général qui reprenait la plupart des manœuvres de base exécutables avec nos engins, agiles, mais parfois très difficiles à contrôler. Mes vols de navigations me donnèrent l'occasion de participer aux patrouilles destinées à intercepter les ptérodactyles ou autres volatiles dangereux qui se seraient aventurés hors des « Territoires Interdits ».

De nombreux dinosaures et animaux sauvages peuplaient ces plaines et forêts à la végétation luxuriante. La grande maniabilité de nos chasseurs me permit de provoquer certains d'entre eux en un simulacre de combat singulier. J'arrivais, non sans peine, à y esquiver en vol stationnaire les attaques de leurs longues queues et puissantes mâchoires, pour venir terminer la joute par une salve laser d'avertissement destinée à les paralyser durant quelques secondes. Cela me donna droit à ma première réprimande ! En effet, nous n'avions pas l'autorisation de nous approcher de ces énormes créatures, qui semblaient être vénérées comme de véritables divinités par nos dirigeants.

Je ne fus plus jamais confronté à ces monstres sacrés. Sauf à une ultime occasion dont je me souviendrais toute ma vie : après avoir, par mégarde, survolé le nid d'un couple de ptérodactyles dont les œufs venaient d'éclore ; l'un d'entre eux m'assaillit avec un acharnement et une violence extrème. La surprise que cette agression provoqua me fit temporairement perdre le contrôle de mon chasseur qui manqua de s'écraser au beau milieu d'une dense forêt. Ma vitesse, réduite par les branchages, permit à l'animal de s'agripper au fuselage de mon engin, dont je parvins néanmoins à récupérer la trajectoire.

L'oiseau géant se mit à marteler la fine bulle de plexiglas qui me séparait de lui avec tellement de vigueur que celle-ci se brisa. Nous nous retrouvâmes nez à bec, à notre plus grand étonnement ! Je pus sentir son haleine nauséabonde envahir mon habitacle... Dans un réflexe aussi génial qu'incontrôlé, je réussis à éjecter ce qui restait de ma verrière. Cette manœuvre eut pour effet de décapiter mon malheureux adversaire !

Ce fut donc en décapotable que je revins, tant bien que mal, à la base, entièrement couvert du sang, encore chaud et gluant, de ce monstre. Cette aventure me valut d'être à nouveau accueilli par les réprimandes, totalement injustifiées cette fois-ci, de mes supérieurs.

De nouvelles disciplines furent enseignées aux rescapés de notre irrémédiable sélection. Il s'agissait de vols aux instruments et en formation, suivis de l'exaltante phase de combat aérien durant laquelle nous aurions à utiliser nos connaissances fraîchement acquises afin d'engager, seuls ou en équipe, des chasseurs pilotés par les plus talentueux de nos instructeurs.

Je pris un malin plaisir à me mesurer à l'élite de notre cadre, tant en vol qu'au sol. Ces confrontations me permirent de décharger les frustrations que j'avais accumulées durant ces dernières années. Elles me firent rapidement acquérir une réputation de tête brûlée, qui n'allait pas sans trop me déplaire ; bien que celle-ci m'entraîna plusieurs fois devant le très redouté « Conseil de Discipline ». Je ne réussis à échapper à ses verdicts sévères que grâce à l'estime qu'éprouvait envers moi notre chef instructeur, respecté de tous, même des plus hautes autorités de la pyramide. Celles-ci semblaient néanmoins s'inquiéter de mon comportement arrogant et contestataire...

Notre entraînement s'acheva enfin par le très attendu vol « stratosphérique » lors duquel nous allions nous élever hors de notre atmosphère pour aller chatouiller les étoiles ! Cette expérience fantastique vint récompenser ceux d'entre nous ayant survécu à la sélection infernale à laquelle nous avions étés soumis ces deux dernières années.

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