Majistri, là où naissent les Majs
Le train flottait à toute vitesse jusqu'à la sortie de la mégapole. Vêtu d'un costume mal fagoté, Dayan faisait tâche parmi les autres voyageurs, des salarymen propres sur eux.
Son wagon passa par dessus l'océan, et quitta bien vite l'ombre des grattes-ciel pour les terres désertiques au delà de la cite. Les Plaines de Sérès verdoyaient autrefois, mais à présent, il s'agissait du repère aride des industries et des sièges d'entreprises : la Zeibatsu Corporation, la Shanri International, les laboratoires Kongo... Autant de structures qui se partageaient le monde à présent.
"Prochain arrêt, Majistri Corp", clama une voix féminine dans le micro.
Dayan réprima un frisson de dégout, puis descendit à l'arrêt. Le train reprit sa route dans une silence absolu. Il sortit du bâtiment bourdonnant, et se retrouva devant un énorme édifice d'un blanc nacré, dont les courbes lisses reflétaient le soleil. Les jardins de Majistri avait une certaine allure, il devait le reconnaître, d'autant que les plantes brillaient par leurs raretés. Des androïdes travailleurs entretenaient des pelouses impeccables. Au centre, se dressait une immense statue d'or, entourée par un bassin, représentant le fondateur de la société affichant un visage radieux.
"Ah te voilà enfin", déclara une voix à sa droite.
Assise sur un banc à l'ombre, les cheveux courts et d'un rose pimpant, une femme l'interpella. Sa musculature et ses tatouages en faisaient une personne impressionnante au premier abord, mais Dayan ne connaissait en réalité personne d'aussi droit que Chûsei. Ses nombreuses diodes et puces qui parcouraient les parties visibles de son corps témoignaient de sa qualité de Maj.
"Et bien, difficile de te rater, railla Dayan. On dirait un feu de signalisation."
Son amie le toisa quelques secondes, puis pouffa.
« Au moins, je ne suis pas vêtu comme un pingouin. Tu n'avais jamais enfilé de costume de ta vie je paris.
- Jamais eu l'occasion.
- Profites en bien alors. Tu es prêt ? demanda-t-elle en sortant une large seringue de sa sacoche.
– Pas vraiment.
– Réfléchis bien. Une fois que ta puce est court-circuitée, c'est terminé. Plus de Dayan.
– Mon identité est dans mon ADN, peu m'importe ce que déclare un simple bidule électronique. Vas-y.
– Bonne réponse", conclut Chûsei avec un large sourire.
Sans plus de cérémonie, elle lui injecta le produit dans le bras. La piqure le brûla, puis s'estompa rapidement.
" Les nano-machines vont faire le travail. Adieu Dayan, bienvenue Espert.
– Une seconde, comment as-tu récupéré cette puce ? Elles nous sont injectées dès la naissance.
– Nous les Majs avons certains privilèges, n'en demande pas plus, tu serais dégoûté."
Il connaissait Chûsei depuis l'orphelinat. Cette dernière avait eu le privilège d'être sélectionnée comme Maj, ce dont elle avait toujours rêvé. Elle l'avait abandonné, et pensait qu'elle était sortie de sa vie à jamais, jusqu'au jour où elle vint frapper chez lui bien des années plus tard. La scène restait gravée dans sa mémoire.
« Dayan ouvre, c'est moi, Chûsei ! avait-elle beuglé en tambourinant à sa porte.
– Chûsei ?
– Ouvre je te dis, c'est important.
– La seule personne de ce nom que je connaisse n'aurait rien à faire ici dans les bas fonds ! T'es qui ? »
Seuls des sanglots lui avait répondu.
Son vieil écran qui faisait office de judas lui avait effectivement montré son amie d'enfance. Pendant une longue après-midi, elle lui avait alors révélé les dessous du monde des Majs, de ce à quoi elle avait assisté et participé. Dayan n'avait été qu'à moitié surpris par ce qu'il avait appris.
" Pourquoi tu viens me voir après tout ce temps ?
– Tout est dans les bases de données, ton identité, ta vie, ta mère. Je n'y ai pas directement accès mais je me suis dit alors que tu avais peut-être envie d'arranger certaines choses.. lui avait expliqué Chûsei d'une voix encore tremblante. Et puis... Il n'y a qu'en toi que j'ai confiance, même après toutes ces années.
– Ce serait pas un piège, pour me faire avouer des choses des fois ? Tu peux pas débarquer ici au bout de quinze ans et espérer que je te crois sur parole, l'avait accusé Dayan.
- C'est vrai, il serait stupide de ta part de le faire. Ton nom est présent dans les bases de Majistri. Pas plus qu'un autre, mais quand même."
Cette révélation lui serra l'estomac. Elle sortit un objet de sa poche. Chûsei lui montra un bijou.
« Tu l'as encore après tout ce temps ?
– Tu me l'as offert juste avant que je parte, et nous avons juré dessus d'être amis pour la vie.»
Dayan avait alors sorti le sien d'un tiroir, poussiéreux et oublié depuis longtemps. Le fait de tenir le bijou dans ses mains lui avait rappelé cet moment. Il n'avait de toute façon plus rien à perdre depuis longtemps déjà.
« Suis mon mouvement » ordonna Chûsei, le sortant de sa rêverie.
Elle se plaça sous le scanner de l'entrée. Une lumière jaune la ratissa de haut en bas. Un voyant vert s'alluma. Dayan fit de même, la boule au ventre.
C'est là que ça va se jouer, pensa-t-il.
Après une attente qui lui parut interminable, le voyant tourna une nouvelle fois au vert. Dayan laissa échapper un discret soupir de soulagement, puis avança dans la fraicheur du hall. De nombreux escaliers et ascenseurs montaient dans les étages. Des employés, pressés comme des insectes, vaquaient à leurs occupations sans leur accorder un seul regard. Des écrans géants diffusaient toutes sortes d'informations. Un piédestal trônait au centre, à hauteur d'homme, présentant une roche noire sous un dôme de verre. Sur l'écriteau, on pouvait lire « Dernier morceau de charbon du continent ».
Le duo continua vers les ascenseurs. Au moment, où celui devant lequel ils se tenaient s'ouvrit, ils se retrouvèrent nez à nez avec un Maj.
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