82. Tourments ☑️
Tyler
Je ne saurais dire combien de temps nous sommes restés accrochés l'un à l'autre, mais ce que je peux affirmer, c'est que la chaleur de ses bras, a été la meilleure chose qui me soit arrivé depuis mon réveil sur l'île.
Je m'y suis senti à ma place, comme si, ce corps avait été créé pour moi.
Ce petit bout de femme, que je ne connais pas, semble être la thérapie dont j'ai besoin pour recouvrer la mémoire, et pour me sentir mieux. Les psychiatres ne me serviront à rien. Elle, en revanche, me sera bénéfique, j'en suis certain.
Devoir la laisser dans cette chambre d'hôpital, m'a fait de la peine, et j'ai eu mal au cœur en la voyant, serrant dans ses bras ce psychiatre qui la suit, comme si on m'avait mis un coup de poignard dans le dos.
Je sais que sa dépression n'est pas encore guérie, mais ça n'empêche que, de la savoir avec lui, me rend malade.
- Ça va vieux ? Me demande Nathan en se tournant, fixant mon regard dans le rétroviseur.
- Mouais. Je suis juste fatigué.
- Tu vas pouvoir te reposer chez toi.
Reposer. Pas vraiment. Je vais surtout ruminer à Mel et moi. J'espère qu'elle va pouvoir rentrer chez nous. Chez nous. Ça me fait bizarre de dire ça, sachant que pour moi, je n'ai personne dans ma vie, et que je n'ai pas l'impression d'avoir un chez moi.
- Tu préfères peut-être que je te dépose chez tes parents ?
- Sûrement pas ! Je ne suis pas prêt à rencontrer mes géniteurs, après ce qu'il s'est passé avec Mélody !
- Ouais, c'est vrai, dit-il en tournant sur la gauche. Josh, on ne t'entend pas !
Ce dernier semble absorbé par le défilé du paysage qu'il voit à travers la vitre. Je me demande bien à quoi il pense.
- J'ai rien à dire en faite. Cette journée de dingue, m'a épuisé.
- Tu m'étonnes ! On est bientôt arrivé. Vous allez pouvoir souffler.
Personne ne répond et le reste du trajet se fait dans un silence de plomb.
**
Debout dans la cuisine, main sur les hanches, j'observe ce qui m'entoure, tentant de me souvenir d'un détail, la moindre petite chose, sans succès.
Quand ai-je acheté cette maison ? D'ailleurs, elle est juste à moi, ou également à Mel ? Ces meubles, qui les a acheté ? Qui a décoré ? Je peste en donnant un coup de pied dans une chaise.
- Merde putain !
Mais quel idiot bordel !
- Qu'est-ce tu as à sautiller et gueuler comme ça ?
- Je viens de me péter le pied en donnant un coup dans la chaise ! Je me laisse tomber sur cette dernière et retire ma chaussette.
- Quelle idée aussi ! Me dit Josh en roulant des yeux.
Je le regarde de travers en me massant le pied. Putain j'ai mal !
- Pourquoi tu as fait ça ?
- Parce que j'en ai marre ! Marre !
Il soupire en croisant les bras et me fixe d'un air blasé.
- Marre de quoi ? Tu es en vie, tu as vue un de tes frères, ta fiancée, c'est quoi le souci ?
Non mais c'est une blague ? Sérieux, il ose me demander c'est quoi le souci ? Je préfère ne pas relever et me mords la langue.
Je remets ma chaussette, me lève et fouille dans les placards pour trouver une tasse. Mais elles sont où bon sang ?
- Troisième porte en haut à droite, m'informe Josh comme si il m'avait entendu.
Il ne pouvait pas me le dire plus tôt, au lieu de me laisser chercher comme un con ?
Je claque la porte de l'élément une fois ma tasse en main, et me fait couler un café.
- Tu ne demanderais pas si moi, j'en veux un.
Je lui lève mon majeur, ce qui me vaut un rire de la part de mon ami. J'attends que ma boisson soit prête puis, munis de ma tasse, je quitte la cuisine pour le salon et me laisse tomber sur le sofa.
Quelle journée de merde !
**
Mélody
- Mais je veux passer le réveillon avec Tyler !
Adam soupire en posant ses mains sur le bureau et baisse la tête. Je ne lâcherai pas l'affaire ! Hors de question de le laisser seul le réveillon de Noël. Maintenant qu'il est revenu, je ne veux plus jamais le quitter une seule seconde.
- Mélody ! Il a sa famille, qu'il doit rencontrer aujourd'hui, tu peux patienter un jour de plus, merde à la fin !
J' écarquille les yeux, étonnée par le ton colérique qu'il emploie. C'est la première fois que je l'entends hausser vraiment le ton avec moi. A travers ses lunettes, je lis l'exaspération dans ses yeux.
Je suis tellement déconcertée que je suis incapable de parler.
- Écoute, il soupire avant de reprendre un ton plus calme, je sais que c'est dur pour toi. Tyler est revenu, mais tu dois comprendre qu'il n'est plus le Tyler que tu aimes. Il faut lui laisser le temps de... Non, ne pleure pas Mélody.
Il s'avance vers moi pour me prendre dans ses bras, et me berce doucement pour me calmer; mais c'est l'effet inverse qui se produit. Mes sanglots rebouble.
Il n'est plus le Tyler que tu aimes.
Je ne peux pas admettre ça ! Non, c'est juste impossible. L'homme que j'aime est toujours là, il est juste perdu.
Perdu.
Je ne peux pas croire qu'il est tout oublié ; c'est forcément sa mémoire qui lui joue des tours, pour nous tourmenter, ou me tourmenter. J'ai sans doute fait quelque chose de mal, et on se venge. Je ne vois que ça. C'est la seule chose possible.
- Chut Mélody, ça va aller. Ça va aller.
Ça va aller ? C'est trois mots me mettent dans une colère noire !
Comment veut-il que ça aille ?
- Non, ça n'ira pas ! Je lui dis en quittant ses bras. Ça ne peut pas aller ! Tyler a perdu la mémoire, il ne sait même pas qui je suis vraiment, comment on s'est rencontré, combien il m'aime, combien je l'aime ! Tu ne sais pas ce que c'est Adam ! Tu ne sais pas ce que je ressens , ni comment j'appréhende ce futur. Alors ne me dit pas que ça va aller !
Du revers de la main, j'efface les larmes sur mes joues, alors qu'Adam reste immobile, à me fixer, le visage pâle, les yeux humides.
- Je veux partir d'ici ! J'en ai ma claque d'être enfermée entre quatre murs, ma claque de devoir prévenir de mes moindre faits et gestes ! Marre qu'on me prenne pour une cinglée, incapable de s'occuper d'elle même !
Adam soupire à nouveau, avant d'enlever ses lunettes, qu'il jette sur le lit, puis frotte ses mains sur son visage, puis finit par s'accrocher à mes iris. Je suis incapable de lire dans son regard, et j'espère du plus profond de moi, qu'il va me laisser quitter la clinique et me laisser rentrer chez moi, auprès de Tyler.
Mais j'en doute.
- A la condition que tu viennes à la maison, il lâche finalement. Et que tu laisses Tyler tranquille au moins aujourd'hui. Laisse-le découvrir sa famille, d'accord ?
Je ne dis rien, lui jette un dernier regard et file m'enfermer dans la salle de bain.
J'avais bien dit que je doutais qu'il ne me laisserait pas y aller.
J'entends Adam pester à travers la porte; je sais bien qu'il a raison, que je devrais laisser Tyler respirer, reprendre lui aussi des forces, et surtout, réapprendre sa vie... Mais c'est tellement difficile d'accepter de faire face à un étranger...
Étranger... Non, Tyler est tout, sauf un étranger pour moi. Je suis une étrangère pour lui, mais...
- Il faut que tu comprennes, que même si il a besoin de toi, même si tu l'aides à se souvenir, la nécessité absolue, est sa famille Mélody, enchaîne Adam. C'est difficile pour toi, pour lui, pour tout le monde. Mets-toi à sa place une seconde Mélody. Juste une seconde.
Mais c'est ce que je fais bordel ! Du moins, j'essaie ! Il ne se souvient de rien, mais ne pas m'approcher de lui, c'est le laisser tomber, l'abandonner dans ses tourments.
- Mel, reprend le médecin, il... Tyler Joseph est en vie. C'est tout ce qui importe en ce moment. Il faut que...j'entends des sanglots dans sa voix, tu profiteras de lui le restant de tes jours, même si... Même si sa mémoire continuerait à lui faire défaut. C'est merveilleux ça, Mélody. Merveilleux...d'être en vie.
J'ouvre la porte et relève la tête vers le médecin.
Son visage est traversé par la douleur, tandis que ses yeux si limpide d'habitude, se remplissent d'une émotion dont j'ignore la cause.
Enfin si, je la connais.
Sa femme.
En cet instant, je n'ai plus envie de crier, de pleurer, mais de consoler cet homme que je considère désormais comme un ami.
Je ne pense qu'à moi. Juste à moi.
Adam est veuf, et par ses mots, je comprends une chose. Il aurait préféré savoir sa femme en vie, heureuse, même avec quelqu'un d'autre, amnésique jusqu'à son dernier souffle, que de la perdre. A tout jamais.
Il est en vie... Je dois garder ça en mémoire, et rien d'autre.
Ma peine se mélange à celle d'Adam et je ne peux m'empêcher de rompre la distance entre nous, et de l'entourer de mes bras. Je le serre fort contre moi, ma tête posée sur son torse.
Cette étreinte, j'en ai besoin autant que lui. Nos vies sont certes différentes, mais nous avons tous les deux perdus un être cher à nos cœurs.
Sa femme. Mon fiancé. Une s'en est aller à tout jamais, le second est là, bien présent. Perdu. Mais entouré.
Adam est seul. Complètement seul. Enfin, pas vraiment. Je lui là.
Je suis là.
Il a promis de me sauver, mais sincèrement, je crois que c'est lui qui a besoin d'être sauvé. Surtout en cette période.
Comment réussit-il à aller de l'avant ? Comment peut-il continuer à vivre, sachant que, plus jamais, il ne pourra revoir sa merveilleuse épouse ?
Je mourrais à petit feu quand j'ai cru que, l'homme de ma vie, avait quitté ce monde.
Je ne voulais plus respirer, plus penser, ne plus voir... Je voulais juste m'endormir pour l'éternité, afin de le retrouver.
Où a-t-il puisé cette force pour rester debout ? Il continue d'avancer à son rythme, reprend goût à la vie progressivement, alors qu'elle est morte.
Moi, j'ai envie de mourir alors qu'il est vivant.
Les bras puissants d'Adam me serrent tellement fort, que j'ai l'impression qu'il va finir par broyer mes os. Je voudrais le repousser un peu, rien qu'un peu, mais je prends sur moi; les larmes que je sens tomber sur mon épaule, m'informent que ce n'est pas le moment. Et puis, la chaleur de ses bras me réconforte un peu. Juste un peu.
Nos âmes ont été brisées, et recoller tous les morceaux, sera sans doute un long chemin, semé d'embûches.
- Adam, je murmure contre sa poitrine, je suis désolée.
Je n'ai pas besoin d'en rajouter.
Il connaît la raison pour laquelle je suis désolée...
- Moi aussi ma douce.
Tyler
Josh a passé la soirée et la nuit avec moi, pour mon plus grand soulagement. Honnêtement, je me voyais mal rester seul dans cette maison qui m'est parfaitement étrangère.
Je n'ai presque pas fermé l'oeil; j'avais peur de m'endormir et de faire des cauchemars. J'en ai déjà bien assez la journée, alors bon...
J'ai tenté, en vain, de me concentrer sur le cadre accroché au mur, devant le lit.
Je l'ai observé durant deux bonnes heures, mais rien à faire. Cette photo de Mélody et moi, ne représentait rien à mes yeux.
Pourtant, ces visages, ces sourires, étaient sans doute un moment merveilleux. Derrière le couple inconnu, il y avait une fontaine illuminée par des centaines de lumières multicolores.
Je me suis demandé où se situait ce monument, et pourquoi nous étions si heureux sur cette photo.
C'est pathétique. Question stupide.
Parce que nous étions heureux...
Je me lève de la chaise, et file à l'extérieur, histoire de prendre l'air. Même cette vue m'est étrangère. Mes voisins, qui sont-ils ? Cette maison sur la gauche, suis-je en bon terme avec la famille qui y vit ?
Et celle là, devant moi, en briques rouges, qui y habite ?
Ça me rend malade ! Pourtant, je devrais bien reconnaître quelque chose non ?
Jamais je ne me souviendrai, j'en suis certain.
Je suis partagé entre l'envie de hurler, et l'envie de pleurer.
Hurler ma rage.
Pleurer sur mon sort.
J'ai le choix, et pourtant... Pourtant rien ne sort, hormis les grimaces que j' inflige à mon visage.
- Ah tu es là !
Je sursaute en entendant la voix de Josh derrière moi, mais ne me retourne pas.
- Tout va bien ?
Je hausse les épaules en glissant les mains dans mes poches.
Si je réponds, il me questionnera, et franchement, j'ai pas envie de ça dès le matin.
- Tu veux un café ?
- Ouais, j'arrive.
Sans aucun autre mot, j'entends la porte se fermer. Je reste encore quelques instants à observer le paysage, puis lève la tête vers le ciel couvert.
Pourquoi suis-je encore vivant ? J'aimerais mieux être mort, que de me sentir aussi mal.
Est-ce égoïste de vouloir mourir, pour ne plus souffrir ?
Je voudrais répondre que oui, mais en pensant à Mélody, en me repassant en boucle les propos de son psy, je ne pense pas que cela soit de l'égoïsme.
C'est simplement ne plus ressentir tant de souffrance.
Et je souffre, comme elle souffre, comme nous souffrons tous un jour ou l'autre.
Est-ce que je veux quitter ce monde ?
Si on m'avait posé la question il y a quelques jours, j'aurai dit oui.
Mais maintenant...
Non. Je veux continuer à respirer, mais pas pour moi. Pour elle. Pour essayer de redevenir celui qu'elle aime.
**
Le nez plongé dans ma tasse, j'écoute avec attention le programme du jour. Et ça me soule déjà !
- Oh tu m'écoute ?
Je relève la tête.
- Oui, je ne fais que ça Josh !
Il roule des yeux puis le lève de table et débarrasse son bol.
- Je me répète, mais je suis d'avis que tu n'ailles pas voir Mélody avant d'aller chez tes parents.
Je me lève à mon tour, pour me faire couler un troisième café et prends le temps de réfléchir avant de lui répondre.
- Pourquoi ? C'est ma fiancée il me semble, et nous sommes le 24 décembre.
Il soupire en essuyant son bol, le range et se tourne vers moi.
- Tu as vu dans quel état elle est ? Et puis elle sait que vous ne serez pas ensemble ce soir. Ce n'est pas l'aider.
- J'ai besoin de la voir Josh. Que tu le comprennes ou pas.
Mon ami souffle, en baissant la tête, puis quitte la cuisine avant de revenir avec un paquet de clopes. Il s'en grille une sans me demander si il peut fumer dedans ou pas. Bon, je m'en fiche, mais quand même, c'est chez moi ici.
- Je comprends que tu aies envie de la voir, mais ce que je ne comprends pas, c'est que, tu sais qu'elle va se mettre dans des états pas possible, mais tu veux quand même prendre le risque d'y aller.
Je croise les bras en fixant mes pieds. C'est un risque, j'en suis conscient mais...
- Cela devait être notre premier Noël Josh, dis-je d'une petite voix. Et ça me rend triste pour elle de... Enfin, tu vois quoi.
Josh ne me répond pas, mais il s'approche de moi en passant un bras autour de mes épaules.
- J'ai trop mal au cœur Josh.
Et je craque.
Les larmes dévalent mes joues, tout mon corps tremble. J'ai mal au cœur, au sens propre comme au figuré.
- Pleurs Tyler. Vas-y, tu en as besoin.
Comme une fille, comme une ado qui vient de se prendre le vent du siècle, je m'écroule dans les bras de mon ami.
De mon seul ami.
**
La voiture s'arrête devant la clinique, et j'en sors rapidement après un dernier conseil de Josh.
Je monte les quelques marches, pousse la lourde porte et fonce directement au premier étage, là où se trouve la chambre de Mélody.
Mais la pièce est vide. Le lit est fait, les quelques affaires de la brune ont disparues. Merde. Aurait-elle quitté l'hôpital sans me prévenir ?
Je sors en laissant la porte grande ouverte, et me dirige vers le bureau des infirmiers.
- Excusez-moi ?
Une infirmière, le visage froid et sévère, porte son regard sur moi.
- Oui ?
- Je cherche Mélody Parks, elle n'est pas dans sa chambre.
La blouse blanche me regarde à travers ses lunettes avant de soupirer et de pianoter sur son ordinateur.
- Elle a quitté la clinique il y a une heure.
Oh. Je ne m'attendais pas à ça !
- Pourquoi n'ai-je pas été prévenu ?
La femme m'observe étrangement, un brin énervée.
- Et pourquoi vous le dirai-je ? Je ne sais même pas qui vous êtes, elle me rétorque, en pinçant les lèvres.
- Tyler Joseph, son fiancé.
Elle lève les yeux au ciel avant de les reposer sur son écran d'ordinateur.
- Désolée, dit-elle sans décrocher son regard de l'ordinateur, vous n'êtes pas sur la liste des personnes de confiance.
- Mais je suis son fiancé !
- Et moi Lady Gaga, ça se voit non ?
Je retiens une réplique cinglante et lui offre mon plus beau sourire, enfin j'espère.
- S'il vous plaît madame, j'ai besoin de savoir où elle est.
- Je ne peux rien pour vous. Et maintenant, partez avant que je n'appelle la sécurité.
Mélody
Je devrais arrêter de fumer, mais je n'en ai pas le courage. Pas maintenant. Je remercie Adam de me tendre les deux paquets que je lui aie demander de m'acheter.
- Il ne fait pas très chaud Mel, me dit le psy alors que j'allume une clope, tu devrais fumer à l'intérieur, tu restes juste près de la fenêtre.
Je lui sourie mais décline son offre. Cela me fait du bien de rester sur la terrasse, visage au vent. Et puis, j'ai mon manteau et mon écharpe.
- Tu vas attraper froid Mel, insiste t-il.
J'ai l'impression d'entendre Luke. Toujours en train de me dire quoi faire, comment le faire "mets ça, couvre toi. Tu vas cramer au soleil. Bois de l'eau..." Blablabla.
- Je ne suis pas une enfant Adam, je rétorque en tentant de garder mon calme. Je n'ai pas besoin qu'on me donne des ordres.
Je jette un coup d'œil vers Adam, avant de tirer sur ma cigarette. Il secoue la tête mais ne dit rien. Tournant les talons, il s'éloigne de la porte fenêtre, à mon plus grand soulagement.
Je m'avance jusqu'à la rambarde et observe les lumières de la ville.
Ce soir, c'est la veille de Noël; j'imagine que tous ou presque, sont en plein préparatif du repas. Je sourie en pensant à tous les parents se hâtant d'emballer les derniers cadeaux de Noël; je suis la championne de l'emballage de présents cinq minutes avant de les ouvrir.
Je soupire en écrasant ma clope puis rentre dans le salon, où m'attend Bella, couchée sagement sur le tapis.
Je lui caresse entre les oreilles, en lu murmurant qu'elle a bien de la chance de ne pas avoir de soucis. Un endroit où dormir, de la bouffe, de l'eau et des câlins par ci par là.
Moi aussi, j'aurai dû être un lapin. Ma vie serait certainement moins...disons problématique.
Je soupire en me relevant et me laisse tomber sur le sofa.
Je me demande ce que bien faire Tyler. Est-il déjà chez ses parents ? Comment les retrouvailles se sont-elles passées ?
Des souvenirs ont-ils pu remonter à la surface ?
Tant de questions sans réponses.
- Tout va bien ?
Je ferme les yeux pour éviter de montrer mes larmes qui menacent de couler.
- Ça ira mieux demain, je murmure.
Je sens le matelas s'affaisser à côté de moi. Pourquoi le colle t'il ainsi ? Je préfère ne rien dire. Ce n'est pas le jour à se disputer.
**
Nous sommes restés silencieux un bon moment. Silence pesant, mais bénéfique. Il m'a permis de voguer dans mes pensées.
Je sais, ce n'est pas sain de cogiter tout le temps, mais c'est plus fort que moi.
- Tu aimes les fruits de mer ?
Tyler, où es-tu, que fais-tu ?
- Mel ? Tu m'entends ?
- Pardon, tu disais ? Dis-je en me tournant vers mon ami.
Adam m'observe avec ce sourire dont lui seul a le secret. Il vous séduit, vous déroute, vous rassure, vous.... Bref, tout à la fois.
Je te cherche Mélody, où es-tu ?
Oh non, ça recommence, j'entends une voix, sa voix. Tyler me parle, il me cherche ! Putain !
-Je te demandais si tu aimais les fruits de mer ?
- Euh oui.
Je me force à sourire, pour ne pas qu'il remarque mon changement d'humeur, même si, j'en suis persuadée, il a compris que quelque chose avait changé.
- Ok, ça sera notre repas du réveillon, avec...
Il se tait et me fixe d'une étrange manière, me mettant mal à l'aise. Son sourire s'efface, pour laisser place à un pli amer. Qu'est-ce qu'il vient de se passer ?
Pourquoi ce changement d'humeur ? J'avale difficilement ma salive à mesure qu'il avance vers moi.
- Adam... ? Que... ?
- Je viens de... Enfin je... Il se tait et se gratte l'arrière de la tête, avant de faire craquer sa nuque. Je me suis rendu compte que, la première fois que j'ai invité ma femme à Noël, je lui avais demandé si elle...
- Aimait les fruits de mer.
Je termine à sa place. Immédiatement, tout mon corps se détend. Sur le moment, j'ai eu peur. Peur de ce regard, de cette grimace sur son beau visage.
- Je suis désolée de te rappeler ce souvenir douloureux Adam.
Et je suis sincère.
- Ne sois pas désolée. Les souvenirs, c'est ce qu'il me reste d'elle et je...
Il se tait alors qu'une sonnerie stridente nous perce les tympans.
- Tu attends quelqu'un ?
Adam secoue la tête et se dirige vers la porte d'entrée. J'en profite pour aller dans la chambre d'amis afin de récupérer mon portable. Même si j'ai promis de laisser Tyler tranquille, j'ai besoin d'avoir de ses nouvelles.
Moi
Coucou Zack. Comment va Tyler ?
J'envoie le message et file dans la salle de bain. J'ai terriblement mal à la tête tout d'un coup; j'ai besoin d'un médoc. Je sais qu'Adam en a dans l'armoire à pharmacie. Je fouine sur les étagères et tombe sur une boîte de comprimés. J'en prends deux et garde avec moi les médicaments.
Je quitte la salle de bain pour aller dans la cuisine, et m'arrête net en tombant nez à nez avec l'homme qui me hante depuis tant d'années.
Tyler.
Mon mal de tête disparaît, mon cœur bat à mille à l'heure.
- C'est une mauvaise idée, j'entends dire Adam à mon beau brun.
Tyler serre les poings, avant de jeter un œil vers moi. Un sourire timide aux lèvres, il avance jusqu'à se retrouver à quelques centimètres d'une Mélody complètement retourné.
- J'avais besoin de te voir, me dit-il simplement. Je me suis inquiété en ne te voyant pas à la clinique. Comment tu te sens ?
Je suis incapable de prononcer ne serait-ce qu'un son. Je ne m'attendais vraiment pas à le voir, surtout ici. Je continue à observer ce visage tellement parfait à mes yeux, et fixe durant un long moment ses iris couleur caramel ; avant, je pouvais lire tout ce que cet homme pensait, ses émotions, sa colère, sa peine, mais, là tout de suite, je n'y vois rien. Pas même l'inquiétude qu'il dit avoir pour moi.
Pourquoi ? Je suis mélangée entre la colère et la tristesse. Je me rends vraiment compte que mon fiancé a changé, qu'il n'est plus celui que... Celui que j'ai connu.
Adam a raison.
Et ça fait mal de l'admettre.
Les lèvres de Tyler bougent, mais je sais pas ce qu'il dit. C'est comme si mes oreilles avaient perdu l'audition ; que m'arrive t'il ?
Les larmes au bord des yeux, je baisse la tête vers mes pieds. Ne pas pleurer. Ne pas pleurer.
Tyler
C'était une mauvaise idée. Mais je ne pouvais pas me rendre chez mes parents, sans avoir vu la jolie brune.
Même si elle est une parfaite inconnue à mes yeux, je sais qu'au fond de moi, un lien très fort nous unis. Ma tête a peut-être perdue la mémoire, mon âme, elle, n'a pas oublié cette femme.
Elle baisse la tête, tentant certainement de cacher les larmes qui brouillent sa vue, et mon cœur se serre. Loin de moi l'idée ou l'envie de la faire pleurer.
Je ne veux que la voir sourire.
Doucement, j'attrape ses mains, espérant de tout mon être qu'elle relève la tête vers moi. Mais elle ne bouge pas, comme si tout son corps c'était transformé en pierre.
Sa peau est glacée. Merde.
- Mélody ? Je chuchote alors que je sens sur moi le regard noir d'Adam. Mélody ? Tu m'entends ?
Pas un mot, mais j'entends sa respiration accélérer.
- Tyler, tu ne vois pas que tu lui fais du mal ?
Je me tourne vers le psy, le fixant d'un regard assassin. Je retiens une remarque cinglante. Ce n'est pas le moment.
Reportant mon attention sur la brune, je chuchote à nouveau son prénom, mais toujours aucune réaction.
Je n'aurai pas du venir.
Nous restons ainsi un long moment, jusqu'à ce que Mel, sans relever la tête, se colle à moi, retire ses mains des miennes, m'entoure de ses bras, son front contre mon torse.
- Je t'aime Tyler, j'entends murmurer. Je t'aime, je t'aime. Tu as disparu, tu es perdu. Où es-tu ?
J'ai mal au cœur... Je suis la raison de sa peine, et je déteste ça.
À mon tour, après quelques hésitations, j'enroule mes bras autour d'elle.
Dorénavant, elle n'est plus la seule à pleurer.
Nous sommes deux.
- On va s'en sortir. On va s'en sortir.
C'est tout ce que je trouve à dire.
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