38. La Lettre ☑️
Mélody
- Merci de m'avoir reçu un samedi, Maître.
- Je vous en prie ! N'oubliez surtout pas de me donner votre nouvelle adresse lorsque vous serez installée à Columbus.
- Je n'y manquerai pas !
Je serre la main de Maître Peters et quitte l'étude, serrant contre moi la lettre que l'on m'a remise.
Traversant la rue sous une chaleur étouffante, je rejoins le Starbucks où j'ai mes habitudes, commande ce fameux latte à la vanille que je déteste, et pars m'installer au fond de la salle.
J'angoisse un peu à l'idée de lire cette lettre que m'a laissé maman; j'ai peur de me mettre à pleurer.
Je tiens l'enveloppe entre mes mains, et j'hésite à l'ouvrir. Il vaudrait peut-être mieux que je sois avec Tyler pour la lire.
Je soupire en fixant la jolie écriture de maman. Nette, précise, à la limite de la calligraphie. J'ai toujours admiré sa façon d'écrire, et pendant un moment, j'avais tenté d'écrire comme elle. Une grave erreur. Je rie en y repensant. Cela ressemblait plutôt à une écriture de médecin qu'un écrit délicat.
Ma fille,
Si tu lis cette lettre, c'est que la maladie a fini par m'emporter dans un autre monde, là où la vie sera plus belle et plus tendre avec moi.
Je n'ai plus toute ma tête, alors, ne t'offusque pas si mon écriture change, ou si je me répète. Je suis encore un peu lucide, alors je profite pour t'écrire.
Ma fille, je t'aime d'une manière inconditionnelle, d'une façon dont tu comprendras le jour où tu auras des enfants. Ça me rend triste de savoir que, jamais je n'aurais la joie d'être grand-mère, mais j'ai une telle confiance en toi, que je pars le cœur léger, tu sauras gérer "grave" comme vous dites, les jeunes. Tu seras une maman formidable, je n'en doute pas une seule seconde.
Ma fille, toi et moi, nous avons traversé des épreuves difficiles, mais nous sommes toujours restées unies, quoi qu'il arrive, quoi qu'il nous en coûte. Il faudra à présent que tu fasses sans moi. Ton ami Nathan saura te venir en aide, sera une épaule sur laquelle tu pourras te reposer.
Ma fille, j'ai bien réfléchi, et, ne gâche pas ta vie à cause de moi. Je sais que tu ne supporte pas tes études, ni ta vie à New-York, alors, quitte tout. Prends ton envole, fais ce dont tu as envie. J'ai eu tort de te forcer la main, j'ai eu tort de faire culpabiliser parce que je ne voulais pas écouter.
Ma fille, une maman protège son enfant, la prunelle de ses yeux, même si pour cela, elle doit mentir. Garde à l'esprit que, tout ce que j'ai fait, c'était pour toi et, pour moi, mais aussi par pur égoïsme.
Ma fille, quand tu liras les lignes suivantes, tu vas certainement me détester, me haïr peut être. Mais je t'en supplie, pardonne-moi. Je ne te demande pas d'oublier, mais de me pardonner. Je t'aime ma fille. Ne l'oublie pas.
Mélody, tu m'as très souvent demandé pourquoi, tu n'avais pas de deuxième prénom, mais juste une lettre, le J. C'est la première lettre du prénom de ton père. Jeb. Contrairement à ce que je t'ai raconté, ton père ne nous a jamais abandonné. C'est moi qu'il ait rejeté. Je voulais juste un enfant. Je me suis servie de lui uniquement pour avoir un enfant.
Ma fille chérie, je ne suis pas vraiment fière de ce que j'ai fait, mais je voulais tellement un enfant à aimer, juste pour moi. J'ai fait tout un tas de promesses à Jeb lorsque je lui ai annoncé que je voulais un enfant de lui. Il m'a cru.
Il était beau, intelligent, d'une gentillesse incroyable. Il aurait fait un bon père, je n'en ai jamais douté, mais je ne voulais pas d'un homme auprès de moi. Je l'ai privé de toi, privé d'une fille exceptionnelle durant 17 années.
Ma fille chérie, l'été de tes 17 ans, j'ai su que j'étais déjà malade, alors, j'ai pris contact avec Jeb, lui faisant promettre d'être là pour toi. Tu dois te demander comment j'ai réussi à le joindre ? J'ai toujours su où il était. Il ne s'est jamais contenté d'envoyer un chèque pour la pension alimentaire, que je n'ai jamais voulu d'ailleurs. Il prenait des nouvelles, je lui envoyais des photos de toi, des vidéos. Il devait se contenter de ça. Je n'en suis pas fière.
Tu imagines bien qu'il en était heureux mais, à plusieurs conditions. La liste est longue, trop longue pour la femme malade que je suis, à tout te détailler.
Il a emménagé à Washington, juste la maison à côté de la notre. Il faisait tout pour ne pas te croiser, à ma demande, mais gardait un œil sur toi. Il a assisté à la remise de ton diplôme, il n'était pas très loin de nous lors de ta rentrée à l'université. Il était très fière de sa fille. Comme je suis fière de toi.
Ma fille, tu te souviens, tu avais toujours l'impression d'être espionnée à la maison ? Ce n'était pas totalement faux... Tu n'étais pas surveillée, mais moi, je l'étais. Ton père, aurait voulu s'installer chez nous, parce qu'il s'inquiétait que je tombe, ou que je fasse une bêtise à cause de ma maladie. Tu imagines bien que j'ai refusé. J'avais bien trop peur que tu apprennes la vérité. Il a alors installé des petites caméras qui étaient branchée au rez-de-chaussée. Quand j'ai été hospitalisé, Jeb et Luc ont tout enlevé. Je savais que tu viendrais tôt ou tard, alors, en pleine lucidité, j'ai tout fait rétirer.
Ma petite libellule, tu te souviens quand je t'appelais comme ça ? Je suis sincèrement désolée de mes mensonges, du mal que je t'ai fait, que je nous ai fait. Sincèrement. Si c'était à refaire, je ferai la même chose, à la différence que, tu connaîtrais ton père.
Ton ami Zayn, est au courant de tout, parce qu'il avait très bien compris que je cachais quelque chose, parce que, forcément, ma maladie me faisait parler. J'avais confiance en lui, alors, je lui ai tout raconté. Luc aussi, il sait tout, ou presque. Quant à Jeb... Donne lui une chance de te connaître, tu verras à quel point c'est un homme génial.
Mélody, je sais que tu dois te sentir trahie, et je ne peux pas t'en vouloir. Mais sache que je m'en veux de t'avoir privé de tant de choses.
Je t'aime ma libellule. Je veillerai toujours sur toi, tu es l'amour de ma vie. Celle pour qui j'ai tenu aussi longtemps.
Je ne sais pas si tu es venue me revoir avant mon dernier voyage, mais ne m'en veux pas si je ne t'ai pas reconnu. Ma tête ne se souvient pas toujours de toi, mais mon cœur, lui, si.
N'en veux pas à ceux qui savaient, ils n'y sont pour rien. C'est moi, et moi seule qui ait tout fait pour que tu n'apprennes rien. J'ai fait jurer de ne jamais rien te dire. Mais aujourd'hui, c'est un trop lourd fardeau pour moi, comme les autres.
Je ne sais pas si tu auras l'occasion de croiser Jeb avant... Avant que je m'en aille, alors, s'il te plaît, va le voir. Parle avec lui, vous avez tellement de temps à rattraper. Et puis, va voir ton ami Zayn, il est tellement adorable ! Peut-être que vous feriez un bout de chemin ensemble ?
Et puis, pardonne à Tyler. Je sais qu'il t'a fait du mal, que ton cœur a été brisé, mais vivre dans la haine, cela n'a rien de sain. Et crois-moi, je sais de quoi je parle. Tyler est un gentil garçon, il mérite que tu lui pardonnes.
Même si je perds la boule, tu vois, je retiens tout ce que tu me dis, enfin presque tout. Alors, pardonne lui.
Ma petite fille, je vais te laisser là. Je t'embrasse du plus profond de mon cœur. N'oublie jamais d'où tu viens, n'oublie jamais que, tout ce j'ai fait, c'est par amour pour toi.
Je t'aime, Maman.
Tyler
Vexé. Voilà comment je me suis senti ce matin. Non pas parce qu'elle m'a repoussé, mais parce qu'elle ne m'a pas demandé de l'accompagner à son rendez-vous. C'est idiot, je le sais bien, mais maintenant que je suis là, je ne veux pas être séparé de Mélody.
J'aurais pu lui demander si elle voulait bien de moi ce matin, mais je m'étais dis qu'elle le ferait d'elle même. Je me suis trompé.
Deux heures qu'elle est partie, et toujours aucune nouvelle d'elle. Dois-je m'inquiéter ? Surtout avec ce Jeb si j'ai bien retenu dans les parages, ou alors, elle a rejoint Zayn ? À cette pensée, je sens la tension s'emparer de moi. Peut être que j'angoisse pour rien, mais je ne fais pas confiance à ce type.
J'attrape mon portable laissé sur la table de nuit, et, avant que je ne compose le numéro de Mel, je vois qu'elle m'a envoyé un message.
Mel
Mon Rdv est terminé, je suis au Starbucks. Je rentrerai vers 12h avec quoi se restaurer. Je t'aime.
Moi
D'accord mon ange. Je commençais à m'inquièter. Je t'aime aussi.
Mélody
Désolée. Je ne vais pas tarder.
Je fronce les sourcils à la lecture de son message, que je trouve étrange. J'espère que tout va bien pour elle.
Je pose mon téléphone et file me laver.
**
Je me suis allongé sur le lit en attendant le retour de ma belle, en me promettant de m'excuser de mon comportement. Je suis vraiment idiot par moment. Se vexer pour si peu.
12 heures à ma montre, et elle n'est toujours pas là. Aucun message, aucun appel en absence. Mais qu'est-ce qu'elle peut bien fabriquer ?
Je me lève pour regarder par la fenêtre, et sursaute en entendant la porte s'ouvrir.
- Je suis en retard, désolée, dit-elle en reniflant. Il y avait du monde au tacos.
Je l'observe sans rien dire, alors qu'elle dépose son paquet et sac sur la petite table. Tout son corps semble tendu, son visage trop pâle. Je n'aime pas ça.
- Mélody, est-ce que tout va bien ? Je demande inquiet en approchant d'elle.
Elle se contente de secouer la tête avant de me tendre une enveloppe. Je m'en saisi mais ne l'ouvre pas.
- Qu'est-ce que c'est ?
Elle ne me répond pas, hausse les épaules, puis s'assoie sur le lit pour enlever ses baskets. Je vais me mettre à côté d'elle, et l'oblige à me regarder en attrapant son menton.
- Mel ? Parle-moi.
Mélody
Que je lui parle... Que je lui dise quoi ? Après avoir lu et relu cette lettre, ou plutôt ces horribles confidences que ma mère a laissé.
Que dire, alors que je ne sais même pas quoi penser ! J'ai mal au cœur, mal jusqu'au plus profond de moi, je déteste ma mère autant que je l'aime. Je hais cette ville, je hais cette vie, je hais toutes ces personnes qui savaient, toutes ces personnes qui m'ont cachées la vérité !
Ils savaient. Tous ces mensonges, tous ces...
Je regarde dans le blanc des yeux l'homme que j'aime. L'inquiétude que j'y vois, ne fais que me briser un peu plus, et m'empêche de prononcer un mot. Un simple mot se refuse à sortir de ma bouche.
- Mel, je déteste te voir comme ça, il pose sa main sur ma nuque et me colle à lui. Je t'aime, et je suis désolé pour ce matin. J'aurais juste voulu t'accompagner et...
Il se tait en m'entendant éclater en sanglot contre son épaule. Il m'entoure alors de ses bras et me berce comme un bébé.
- Ça va mieux ? Me demande t-il une fois un peu calmée.
- Oui, merci. J'avais.. Je me recule légèrement, c'est le contre coup je crois.
C'est tout ce que je trouve à dire. D'ailleurs, c'est la stricte vérité. Cette lettre...
- Tu veux me dire...?
- Je n'en ai pas le courage. Écoute, mangeons, et... Et on verra après, tu veux bien ?
- Bien sûr mon cœur.
Il pose ses lèvres sur ma bouche, avant de se lever et de me tendre une main que j'attrape en souriant tristement.
On s'installe sur la petite table. Tyler mange avec appétit, mais m'observe du coin de l'œil, inquiet. Quant à moi, je grignote, n'ayant vraiment pas faim.
Le silence est pesant, mais ce n'est pas grave de mon point de vu. Cela me permet de réfléchir à ce que j'ai lu.
C'est difficile d'admettre que, celle qui vous a mis au monde, celle qui vous a tout appris, cette personne qui vous aimez de toute son âme, vous a menti.
19 années de mensonges.
19 années où, cette mère, osait vous regardez droit dans les yeux, en vous mentant, sans aucun scrupule. Les yeux ne mentent jamais, elle me répétait sans cesse... Tu parles ! Ça aussi, c'est un mensonge.
Je soupire en laissant tomber le reste de mon tacos et me passe les mains sur le visage.
Je suis sur le point de craquer.
Tyler
L'ambiance de ce repas est tout, sauf ce que j'avais imaginé. C'est tendu. Stressant. À la limite du supportable.
Mel est sur le point de fondre en larme, moi, sur le point de me mettre à hurler pour qu'elle me parle ! J'en ai assez qu'elle se taise.
J'ai tout lâché pour lui venir en aide, et voilà comment elle me remercie, en se taisant. Ça me fout en rage.
J'essaie de prendre sur moi, et lui attrape les mains. Bien que je sois énervé par ce comportement, je comprends néanmoins que, cela ne doit pas être évident pour elle. Tout va changer. Sa mère n'est plus là, son ami lui ment certainement, quant à ce Jeb, peut-être est-ce une mauvaise personne !? Il lui a peut-être fait du mal ?
- Mélody, je sais que je me répète, mais s'il te plaît, parle moi !
Mélody
Je plonge mon regard dans celui de Tyler. Bien qu'inquiet, je vois bien son agacement à mon mutisme. Et je le comprends. À sa place, je crois sincèrement que je l'aurais secoué pour qu'il me parle.
Soupirant, je retire mes mains des siennes et attrape l'enveloppe et la tends une nouvelle fois à mon compagnon.
- Lis cette lettre Tyler, dis-je d'une voix enrourée. Je ne peux pas moi. Je l'ai déjà lu trop de fois.
Il se saisie de la lettre, et me demande si je suis certaine de le vouloir. Je me contente de hocher la tête, puis me lève, prends mon paquet de clope et me dirige vers la fenêtre.
Tyler
Je ne peux pas croire ce que je viens de lire. C'est juste impossible. Aurora, mentir ? Je ne le crois pas une seule seconde. En plus, elle détestait le mensonge, elle me l'avait bien fait comprendre plus d'une fois.
Je ne suis pas étonné du comportement de Mélody. Après avoir lu un contenu pareil, je comprends sa tristesse et son désarroi.
Je relis une seconde fois cette lettre, pour être certain d'avoir bien compris et si c'est vraiment la réalité, je ne sais que penser.
Une partie de moi la trouve égoïste, tandis qu'une autre, comprend son comportement. Elle voulait un enfant, lui donner la vie qu'elle n'a jamais eu. Donner un amour inconditionnel à la prunelle de ses yeux. C'est un magnifique, mais tellement triste à la fois.
Je pose la lettre et rejoins Mélody, pose mes mains autour de sa taille, et colle ma tête contre le creux de son épaule.
Je ne sais quoi lui dire. Quels mots pourraient la soulager ? Quels mots pourraient la rendre heureuse ?
- Je t'aime Mélody, je finis par lui dire. Je t'aime.
Elle se tourne vers moi, le visage ruisselant de larmes, mais me sourit. Un vrai sourire.
- Je t'aime aussi, dit-elle contre ma bouche.
**
Nous avons fini par faire l'amour sur le lit, nous nous sommes aimés toute l'après midi. J'ai essayé de panser ses blessures, et à présent, elle semble comblée.
- À quoi tu penses ?
Elle se colle à moi avant de déposer ses lèvres contre mon cou.
- À cette lettre Tyler. Je n'arrive pas à croire que, durant toutes ces années, maman m'a mentit. Elle a fait preuve de tant d'égoïsme vis à vis de moi ! Et puis, ce Jeb, mon père ! Tu imagines, elle m'a privé de lui durant 19 ans !
Elle s'emporte avant de se lever et passer sur son corps nu un peignoir rose. Je l'observe se diriger vers la table et prendre dans ses mains la lettre laissée par Aurora.
- Tu imagines Tyler ? Elle m'a mentit ! Elle m'a enlevé mon père, m'a enlevé tout une partie de ma vie ! Et pour quoi ? Hein pour quoi ? Par pur égoïsme ! Je n'arrive pas croire qu'elle m'ait fait ça !
Elle chiffonne la feuille et la bance à travers la pièce. À mon tour, je la rejoins après avoir enfilé mon caleçon. Je passe mes bras autour de sa taille, colle ma tête dans le creux de son épaule.
- J'ai mal au cœur Tyler.
Je me détache d'elle pour la tourner vers moi, et pose mes mains sur ses joues avant de l'embrasser tendrement.
- Je sais que tu souffres mon ange. Mais, tu as eu la chance d'avoir une mère aimante, toujours présente pour toi. Et par dessus tout, tu n'as jamais manqué de rien.
Elle m'observe de ses grands yeux pendant quelques secondes, juste avant de repousser mes mains.
- Pardon ? Parce que je n'ai jamais manqué de rien, ça devrait me passer au-dessus de la tête ?
- C'est pas ce que j'ai dit Mel !
- Tu le sous-entends, c'est la même chose !
Elle s'éloigne de moi, et s'enferme dans la salle de bain, après m'avoir claqué la porte au nez.
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