Ignorant la neige qui recommence à tomber, je reste debout à contempler le vide, le néant de ma vie. Voilà, c'est ainsi. Je dis à quelqu'un que je l'aime, et lui, il se fout de moi. Son rire cruel, j'ai l'impression de l'entendre encore résonner.

Je crois n'avoir jamais eu aussi mal au cœur qu'aujourd'hui. Si dire à quelqu'un qu'on l'aime fait aussi mal, alors plus jamais je ne dirai ces quelques mots. Mais surtout, je n'aimerai plus jamais personne.

- Hey ma puce.

Je relève la tête vers le regard inquiet de Joshua. Je suis incapable de prononcer un mot, incapable de bouger. Il s'approche de moi, m'attire à lui et me console en me berçant dans ses bras. Mon corps tremble une nouvelle fois. Je suis prête à exploser, mais je ne dois pas. Non, tout garder à l'intérieur, ne rien montrer devant Josh, ou qui que se soit.

- Je suis désolé Mel. Vraiment désolé.

- Je.. J'ai... Ça fait mal Josh.

Il me serre un peu plus contre lui, en murmant des chut, je n'aurai pas du te pousser à le lui dire. Ce n'est pas de sa faute, c'est la mienne. Uniquement la mienne. Se taire, c'est dorénavant ce que je ferai.

- Il me déteste Josh, je dis contre son torse, il me trouve horrible.

- Je suis sûr que non ma douce.

Je me détache des bras protecteurs et lui demande si il veut bien me donner une cigarette. Il fronce les sourcils mais ne dit rien et me tend son paquet.

- Je ne savais pas que tu fumais.

- Moi non plus, dis-je en reniflant.

J'allume la clope, et me mets immédiatement à tousser, mais je n'arrête pas pour autant à fumer. J'ai déjà entendu beaucoup de monde dire que ça les calmait, alors, pourquoi pas moi ?

Mon ami reste avec moi, bien qu'aucun son ne sort de nos bouches. Quoi dire de toute façon ?

Pourquoi m'a t'il traité de la sorte ? Je n'ai pourtant rien dit de mal. Non vraiment.

Je n'attendais pas une déclaration de Tyler. Je sais très bien qu'il est amoureux de Jenna ; il aurait pu se contenter de me répondre un merci ou encore ne rien dire du tout plutôt que de me cracher sa haine en pleine figure.

- Tu as froid Mélody, viens, rentrons.

Et risquer de croiser Tyler? Certainement pas ! Je préfère mourir de froid que de sentir son regard noir et sa cruauté sur moi.

- Je ne te retiens pas Josh.

- On va certainement mourir congelé, me dit-il avant de déposer ses lèvres sur ma tempe.

Ça ne serait pas plus mal si je finissais congelée...

**
Vers 3 heures du matin, je finis par rentrer sur la pointe des pieds. Il reste quelques personnes, mais j'ai réussi à passer inaperçu en rejoignant ma chambre. Faut dire aussi que Josh m'a été d'une grande aide. Il s'est assuré que Tyler n'était pas dans les parages, puis s'est arrangé pour que les derniers invités me laisse en paix.

Je ne le remercierai jamais assez.

3h10. Je viens à peine d'enlever cette fichue robe et l'observe du coin de l'œil, alors quelle est roulée en boule sur mon lit.

Tout est de sa faute ! J'ai voulu être jolie pour une fois, jolie pour Tyler, qu'il me remarque, qu'il me dise quelle m'allait bien, qu'il... qu'il voit que j'existe autrement que comme la casse pieds que je suis à ses yeux.

Maudite robe ! Mon regard ne se détache pas du tissus.

Prise de folie, j'attrape la paire de ciseaux traînant sur bureau et découpe la robe noire, avant de la déchirer jusqu'à ce quelle tombe en lambeaux. Mes collants couleur chaire subissent le même sort avant de balancer mes chaussures à travers ma chambre. Je ne sais comment j'arrive à ne pas hurler de ma rage.

Idiote. J'aurai pourtant dû m'en douter. Tyler peut être méchant quand il est en colère. Il lui est déjà arrivé de me gueuler dessus pour une broutille. Son sale caractère ne me fait pas peur, mais mon cœur en prend à chaque fois un coup. Et ça fait mal. Comme aujourd'hui.

Comment ai-je pu être aussi bête de lui avoir avoué mes sentiments ? Pourquoi ai-je écouté les autres, au lieu de ma pauvre petite cervelle ?

Idiote. Je me regarde dans le miroir. Mon maquillage a coulé d'avoir tellement pleuré. Ma peau d'habitude pâle, a viré au gris. Je suis horrible, moche, non. Pas moche, laide. Tout en moi est affreux, de ma tête jusqu'à mes orteils.

Comment tu peux m'aimer ? Comment, en effet ! Ne pouvait-il pas se contenter d'un "merci"? Pourquoi m'a t'il humilié ? Pourquoi me cracher en plein visage des méchancetés ? Qu'est ce que je lui ai fait bon sang !

Comment tu peux m'aimer ? Je me le demande ! Tyler, tu n'es qu'un CONNARD ! Je te déteste, je te déteste !

Je le déteste !

Un rictus amer se forme sur ma bouche. Cette folle face à moi, me regarde en pitié. Je fais pitié. Jurant entre mes dents, je me laisse tomber sur le lit, attrape un coussin et hurle dedans, avant de chialer encore, comme une pauvre gamine qui vient de tomber sur les genoux !

Ça fait mal putain !

Regarde toi !

Dégage ! Hors de ma vue !

Si je le pouvais ! Je ne vais plus pouvoir quitter ma chambre, je ne veux plus jamais croiser son regard, plus jamais !

Je me déteste pour avoir posé mes yeux sur lui.

Je me déteste pour avoir croisé ses yeux rieurs un matin d'été.

Je me déteste, je le déteste !

**

Ce sont les premiers rayons du soleil qui me réveillent en ce premier jour de l'année. Je suis fatiguée, et n'ai vraiment pas envie de me lever. Glander toute la journée sous la couette, est la seule chose dont j'ai envie.

Dormir, pleurer, dormir, pleurer.

Et puis, je ne suis pas d'humeur à voir toute la famille Joseph réuni pour le premier petit déjeuner de l'année ! C'est quoi cette tradition venue d'un autre siècle ? "n'oublie pas le petit déjeuner à 10h00 demain matin ! Il est obligatoire pour la famille ! Pour la famille". Je n'en fais pas partie, du clan Joseph ! Et n'en ferai jamais partie.

Je me lève rapidement, glisse mes pieds dans mes savates et sur la pointe des pieds, je rejoins le rez-de-chaussée. Pourvu que je ne croise personne ! Il est à peine 8 heures, je devrais donc être tranquille.

Arrivée à la cuisine, j'attrape une bouteille de jus de fruits et en verse dans le plus grand verre que j'ai trouvé. Je me poste devant la fenêtre et râle en voyant la grosse épaisseur de neige. Me voilà prisonnière maintenant ! On va m'interdire de sortir. Merde, merde, merde !

Soupirant, je retourne au premier étage, verre à la main. Toujours personne à mon plus grand soulagement, mais je presse le pas en entendant un craquement au fond du couloir.

**
Des coups sont donnés à ma porte alors que je me traîne comme une âme en peine dans ma chambre.

- Oui ? Dis-je sans ouvrir.

- Le petit dej est servi ! On attend plus que toi !

Certainement pas. Je ne vais pas rejoindre ma famille d'accueil et risquer de croiser Tyler. Il faut que je trouve une excuse, et vite.

- Mel?

- Je ne me sens pas bien, excuse-moi auprès de tout le monde.

- Qu'est-ce que tu as ?

Ne peut-il tout simplement pas me dire : repose-toi ?

- J'ai mal au ventre.

- Tu veux un cachet ? Tu veux que je reste avec toi ?

- Non Jay. Je vais essayer de me rendormir.

- Tu es sûre ?

Je soupire. C'est très gentil de s'inquiéter pour moi, mais là, il m'énerve ! Je me mords la langue pour ne pas hurler. Jay ne mérite pas ma mauvaise humeur.

- Certaine, je fini par dire alors qu'il se répète.

- D'accord. Appelle-moi si tu as besoin de quoi que ce soit. A plus Mélo !

Aaargh putain ! Je déteste lorsqu'il me surnomme ainsi ! Je ne réponds pas et tire la couette au-dessus de ma tête.

Tyler... Est-ce qu'il est là ? Est-ce qu'il leur raconte en ce moment même ce qu'il s'est passé hier soir ? Oh mon Dieu ! Ils sont tous en train de se moquer de moi, j'en suis certaine ! Jenna doit être là, et elle doit certainement rire aux éclats.

Ma vue se brouille à cette idée. Tous en train de se fondre la poire sur mon compte.

Il faut que je sorte d'ici. Que je me casse pour la journée. Mais comment quitter la maison sans qu'on ne me remarque ? Impossible de passer par la fenêtre, c'est beaucoup trop haut.

Soupirant, je décide finalement de m'habiller en quatrième vitesse, le plus chaudement possible, et enfile mes bottes. J'attrape mon sac à dos, mon portable et descends en essayant de faire le moins de bruit possible. Pourvu que les escaliers ne craquent pas sous mes pas !

À mon plus grand soulagement, j'arrive au rez-de-chaussée sans me faire remarquer et quitte la maison.

Le froid me mord le visage, mais je m'en fiche, le plus important, c'est de quitter cette maison où ma place n'est plus.

**
En ce premier janvier, il n'y a aucun magasin ouvert, mais je sais que le café de Jason, enfin, de ses parents, est ouvert, aussi je presse le pas pour rejoindre l'établissement, en espérant que mon ami sera là.

Poussant la porte du bar, je repère immédiatement le grand brun accoudé au comptoir, discutant avec son père.

Je m'approche et m'installe sur le tabouret jute à côté de Jason.

- Salut !

Il sursaute en se tournant vers moi, une main sur le cœur.

- Tu m'as fait peur ! Me dit-il avant de m'entourer de ses bras et de me souhaiter une bonne année.

Et c'est là que je mets à pleurer, encore.

- Mel, qu'est-ce que tu as ?

Je me détache des bras de mon ami, et du revers de la main, j'essuie mes yeux. Entre deux sanglots, je lui demande si on peut s'éloigner du comptoir. Il nous fait couler deux cacao, puis nous allons nous installer au fond du café, près de la sortie de secours.

- Dis-moi ce qu'il se passe ma chérie.

Prenant une grande inspiration, je lui explique ce qu'il s'est passé hier soir entre Tyler et moi. À mesure que j'avance dans l'histoire, je remarque les traits du visage de Jason se durcir. Cela ne présage rien de bon...

- Attends, tu es en train de me dire que tu t'es fait insulter ? Qu'il s'est moqué de toi ?

Je hoche la tête en guise de réponse. J'attrape ma tasse, la porte à ma bouche. Même le goût du chocolat ne me réconforte pas. Pourtant, lorsque j'étais enfant, maman guérissait tout mes maux avec cette boisson chaude. Aujourd'hui, je crois qu'il me faudrait rajouter une bonne dose de sherry dans ma boisson. Quoi que, vu que je ne supporte pas l'alcool...

- Je vais le tuer Mélody. Je te jure je vais le tuer !

- Non, ne fais rien Jason, s'il te plaît.

- Quoi ? T'es sérieuse là ? Non mais attends ! Il te fait du mal, et tu crois que je vais rester gentiment assis sans rien faire ?

- Ça ne sert à rien, je lui réponds d'une petite voix.

- Ça, c'est ce que tu crois !

Je relève rapidement la tête en entendant la haine dans la voix de mon ami, mais Jason a déjà quitté sa place. Je le vois sortir à toute vitesse du café, alors je le suis en courant et hurlant son prénom.

Trop tard.

Parfois, mieux vaut se taire.

Qu'est-ce qu'il va lui faire ? Merde, il va aller directement chez les Joseph ! J'essaie d'avancer le plus vite possible pour rattraper Jason, mais j'ai beaucoup de difficultés à cause l'épaisse couche de neige. Pitié, que Tyler ne soit pas à la maison !

**
Il n'était pas à la maison. Mais mon soulagement est de courte durée en lisant le message de Zack que je viens de recevoir.

"Je suis aux urgences avec Tyler. Ton ami lui a sauté dessus. Faut qu'on parle".

Manquait plus que ça !

**

Cela fait maintenant plus d'une demi-heure que j'hésite à répondre. Qu'est-ce que je peux bien lui dire ? Et puis, qu'est-ce que mon ami a bien pu lui faire pour atterrir au urgences ? Mon angoisse grimpe d'un cran.

Je décide de joindre d'abord Jason, il sera à même de me dire ce à quoi je dois attendre.

Bien évidemment, il ne me répond pas cet abruti ! Je lui envoie donc un message, en espérant avoir des nouvelles rapidement.

"Qu'est-ce que tu as fait à Tyler ? Il est aux urgences !! Je vais encore avoir des problèmes !".