Mel

Décidément, je suis incapable d'écouter ma tête. Je pense avec mon cerveau, mais c'est mon stupide cœur qui répond.

Comme toujours avec Tyler.

J'ai flanché, encore, et donc accepté d'écouter ce grand brun qui me faisait tant tourner la tête, et le fait encore d'ailleurs.

Je sors de la douche qui n'a pas adouci mon humeur, me sèche et m'habille rapidement. Je relève mes cheveux en une queue de cheval, un trait d'eye liner, un peu de mascara et une touche de gloss sur mes lèvres. Me voilà prête. Je passe par ma chambre, récupère mon manteau, gants et écharpe puis rejoins Tyler qui patiente dans la cuisine.

- J'enfile mes bottes, et on peut y aller.

Il se tourne vers moi en me souriant.

- Tu es super mignonne Mélody.

- Merci.

Une fois de plus, je suis gênée par ses iris qui me détail de la tête aux pieds, mais je ne peux pas cacher que son compliment me touche énormément, même si quelque part, je n'oublie pas qu'il sait très bien mentir.

Il passe sa veste, prends son sac à dos puis nous sortons de l'appartement. J'envoie un message à Nathan pour le prévenir que je sortais et de ne pas m'attendre pour le repas de midi.

Dans l'ascenseur, la proximité de nos corps me fait frissonner, comme toujours. Comment est-ce possible de réagir ainsi après tout le mal qu'il m'a fait ?

Du coin de l'œil, je l'observe se rapprocher de moi. Ne peut-il donc pas rester dans son coin ? Je me mords sur la langue pour ne pas lui dire de s'eloigner. J'ai promis de l'écouter, ce n'est pas le bon moment pour me prendre la tête avec lui.

- Je te sens nerveuse, me dit-il.

- Non, qu'est-ce qui te fait penser ça ?

- Je sais pas, c'est peut-être juste une impression.

Non, ce n'en est pas une.

- C'est une impression en effet, je rétorque.

Nous arrivons enfin au rez-de-chaussée à mon plus grand soulagement ; côte à côte, nous sortons dans du bâtiment et prenons la direction de Prospect Park, où j'aime passer énormément de temps. Je lui avais proposé d'aller là bas, plutôt que de rester à la maison. Je préfère être dans un endroit neutre et surtout, rester où il y a du monde. Je ne peux pas rester seule à seul avec lui dans la même pièce.

- Purée ça caille !

- L'hiver à New-York, c'est comme à Columbus. Mieux vaut prévoir des vêtements chaud.

- Ouais. J'aurai dû y penser. Je gèle avec ma petite veste.

- Tu veux qu'on aille dans un café ? Ou t'acheter un manteau ? Je propose à mon compagnon.

- Un manteau, oui je veux bien !

J'emmène Tyler dans ma friperie préférée, là où j'achète la quasi totalité de mes vêtements. Je ne suis pas une fan de shopping, je déteste ça même, mais je pourrais passer des heures dans cette boutique.

Poussant la porte, il m'attrape par le poignet avant d'entrer.

- Un magasin d'occase ? Il me dit, étonné.

- Oui, et ?

- Bah... Ce sont des vêtements déjà portés...

- Ça te pose un problème Tyler ? Je tire ma main afin de me libérer de sa prise.

La grimace qui déforme son visage, me rend folle de colère. En quoi est ce un problème d'acheter de l'occasion ?

- Ben...oui enfin y a des magasins où on peut acheter neuf. Tu achètes tes fringues ici ?

Je ne prends même pas la peine de lui répondre et quitte l'entrée du magasin et remonte la rue pour rentrer à la maison.

- Mélody attends ! Il me rejoint d'un pas rapide et passe devant pour s'arrêter net.

- Pourquoi tu es partie ?

Je croise les bras et lui lance un regard noire. Dois-je vraiment lui répondre ? N'est-il pas assez intelligent pour comprendre ?

- Tu te fous de moi ? T'as vu ta tête quand tu as su que c'était un magasin d'occasions ?

- J'ai pas pour habitude d'acheter des fringues là-dedans Mélody ?

- Parce que tu crois qu'on a tous tes moyens d'acheter du neuf ? Désolée d'être pauvre Tyler !

Je le contourne et me presse de rejoindre mon cocon où il ne foutra plus jamais un pied !

- Mel putain ! Je l'entends derrière moi, je ne voulais pas te vexer ou je ne sais quoi !

Et ben c'est loupé ! Je ne suis pas riche, je ne l'ai jamais été, et j'ai pas les moyens d'aller dans une boutique pour m'offrir quelques choses de neuf !

De nouveau, il apparaît devant moi et attrape mes bras et serre pour ne pas que je ne me sauve. Enfin, je suppose que c'est pour ça !

- Fous moi la paix Tyler.

**
Tyer

Encore une fois, je m'y suis mal pris, et j'ai fini par la vexer. Encore. Ce n'était pas ce que je voulais, loin de là ! J'ai jamais rien acheté d'occasion, pas même lorsque j'étais jeune. Mes parents m'ont toujours emmené dans des boutiques ayant pignon sur rue, jamais dans une friperie.

- On ne va pas se prendre la tête pour ça !

- Ce n'est pas moi qui me prend la tête Tyler. C'est toi !

- Moi ? Attends, j'ai rien dit de mal ! C'est pas mon genre d'acheter des trucs déjà portés. C'est mon droit non ?

- Bien évidemment ! Mais tu as sous entendu que j'étais pauvre !

Je la regarde, yeux écarquillés. Où a t-elle pêché ça ?

- J'ai rien sous entendu ! Je soupire et baisse d'un ton en voyant les iris de la brune se brouiller. Il n'y a rien de mal à acheter là dedans, bien sûr ! Mais je préfère le neuf, c'est tout. J'ai de l'argent, elle tente de me couper, non, laisse moi finir s'il te plaît, et je peux m'acheter du neuf, même dans un Walmart !

Elle semble se calmer mais son corps est encore crispé.

- J'ai jamais sous entendu que tu étais pauvre Mel. Et je sais pertinament qu'à New-York tout est cher.

Je la relâche, en espérant qu'elle n'en profite pas pour s'en aller. À mon plus grand soulagement, elle reste devant moi.

- Je n'aurai pas dû m'emporter mais... Elle baisse la tête en soupirant. Excuse-moi.

Je lui souris en prenant doucement sa main. Je suis étonné qu'elle me laisse faire, et je n'en suis que plus heureux.

- C'est à moi de m'excuser. Écoute, on va retourner à cette boutique. Qui sait, ça va peut-être me plaire ?

Cette fois-ci, totalement détendue, elle m'offre un joli sourire. Profitant de ce moment, je garde sa main dans la mienne et reprenons notre chemin en sens inverse.

**
Mel

Il faudrait que j'apprenne à me détendre et surtout ne pas interpréter  des paroles, ou même une grimace. C'est tout moi ça ! Faire des histoires pour rien.

C'est surtout ce que j'ai vu sur son visage qui m'ait mit hors de moi. Qu'elle idiote je suis. Faire toute une histoire pour si peu. D'ailleurs, avant d'arriver à Big Apple, mes vêtements étaient tous achetés neuf. Il n'y a qu'ici que je me suis mise à acheter de l'occasion. Tout est très cher ici. Même un vulgaire pantalon en toile coûte une bonne semaine de pourboires. Tout ce que je porte, provient de friperies, même mes sacs à mains. Par contre, mes sous vêtements, collants et chaussettes, sont tous neufs. Je ne peux pas porter ces choses là, sachant qu'une autre les mettaient avant moi.

Tyler semble apprécier ce qu'il voit en tout cas. Pire qu'une fille ! Cela fait maintenant plus d'une heure que nous sommes là maintenant. Il n'a pas choisi qu'un seul manteau, mais aussi des sweats et des jeans. Hallucinant.

- Tu as bientôt terminé ? Je finis par lui demander dans le rayon des chemises. Il va être midi là.

- Ce magasin est extraordinaire Mélody !

On dirait un gosse déballant ses cadeaux de Noël tant ses yeux brillent.

Il me sourit de toutes ses dents et passe à la caisse. Je lui dis que je vais l'attendre dehors, histoire de fumer ma clope et d'envoyer un message à Nathan pour le rassurer.

- Voilà, on peut y aller !

- Tes affaires sont où ? Il porte sur lui  le manteau, mais je ne vois pas ses sacs.

- Elles me seront livrées à mon hôtel.

- Ah je vois. Bon, on se prend un truc à manger et on file à Prospect Park ?

- Tu as faim ?

Si j'ai faim ? Mon ventre cri famine. Cette petite balade m'a ouvert l'appétit. Il me propose d'aller nous acheter des tacos que nous pourrions manger au parc, j'accepte volontiers.

**
Installés sur un banc à l'abri du vent, nous mangeons tranquillement notre repas dans un silence de béatitude. Il n'y a pas trop de monde, mais guère étonnant avec ce froid. Au printemps comme en été, il est beaucoup plus compliqué de s'installer pour se reposer ou simplement manger un petit en cas.

- C'est magnifique ici !

- Ouais. Je pourrais passer ma vie ici. Dès que j'ai du temps libre, je me pose dans ce parc.

- Je te comprends. Ça fait longtemps que tu habites ce quartier ?

Je bois une longue gorgée de mon café avant de lui répondre.

- Ça va faire 2 deux ans que je vis à Brooklyn. Je suis arrivée dans ce quartier après avoir rencontré Nathan.

Tyler

Pourquoi je lui ai posé cette question stupide ? Je suis ici pour m'expliquer, par pour qu'elle me raconte sa vie avec Nathan. Parfois, je devrais éviter d'ouvrir la bouche. Il faut absolument que je change de sujet, avant que je me mette à piquer une crise de jalousie.

- Tu... Enfin tu es avec lui ?

Bien évidemment, je lui pose quand même la question ! Je dois être maso, c'est pas possible.

- Non, je relâche le souffle que je retenais. C'est pas que j'en ai pas envie mais....

Pitié, qu'elle se taise. Je ne veux pas entendre la suite. Ça ne me plaira pas, j'en suis certain !

- En faites, ma vie me plaît telle quelle est en ce moment, termine-t-elle à mon plus grand soulagement.

Je l'observe du coin de l'œil. Elle est tellement belle, tellement parfaite à mes yeux. J'ai bon espoir qu'elle me pardonne pour tout ce que je lui ai fait endurer. Après ça, je pourrais alors tout faire pour qu'elle me revienne.

- Tu sais Mélody, j'ai énormément de choses à te dire. Tu sais que je n'ai jamais été très à l'aise avec les mots et les discours, alors s'il te plaît, ne me coupe pas.

- Bien sûr Tyler.

- Même si ce que je te dis ne te plaît pas, jure moi que tu me laisseras finir.

Elle hoche la tête avant de s'allumer une clope. Moi, c'est d'un verre dont j' aurais besoin pour me donner du courage.

Je ne peux plus reculer. C'est maintenant ou jamais. Je prends une longue inspiration et me jete à l'eau.

Mel

J'ai peur. Affreusement peur de ce que je vais entendre, mais essaye de ne pas lui montrer. Je m'allume une cigarette, me cale contre le dossier du banc, et attends les premières paroles de Tyler.

- Avant tout, je tiens à m'excuser d'avoir été un très mauvais ami avant cette soirée du nouvel an. Il y a une bonne raison à cela. Il marque une pause, puis reprend en fuyant mon regard. Tu me faisais ressentir des choses que... Qu'une gamine de 14 ans ne devrait pas faire ressentir à un gars de 23 ans. Mel, la première fois que je t'ai vu quand tu as emménagé dans mon quartier, tu m'as plus. Je m'en suis énormément voulu, parce que je trouvais ça dégoûtant. Je tombe des nues. Plus je te voyais, plus tu me plaisais. Et puis tu as fini par vivre à la maison. Même si j'étais avec Jenna, c'est toi et toi seule qui envahissait mes pensées. J'ai tout fait pour te détester, pour que tu me déteste. Mais rien n'y faisait, tu étais toujours dans ma tête. Au départ, je pensais juste que c'était ton physique qui me rendez fou, mais il a bien fallu que je m'avoue qu'il n'y avait pas que ça. C'était beaucoup plus que physique. Je... J'ai honte de l'avouer, mais je t'épiais souvent, je te suivais même. Je voulais toujours savoir ce que tu faisais, avec qui tu étais.... C'était plus fort que moi. Et puis je te faisais vivre l'enfer, je me moquais de toi, parce que c'était ma façon de me protéger de mes sentiments envers toi. Et puis je me suis jeté corps et âme dans la musique pour ne plus penser à toi, pour m'éloigner. Et j'ai essayé de paraître très amoureux de Jenna. Ça a marché, enfin un peu. Et je t'ai vu un jour arriver avec Jason, ton meilleur ami je crois. J'ai cru devenir complètement fou. J'étais fou de jalousie.

Il s'arrête quelques instants et lève la tête vers le ciel en fermant les yeux, comme si il revivait ce moment. Quant à moi, je suis au bord des larmes par ce que je viens d'entendre.

- Tu t'es rapprochée de Josh et de mes frères. J'en étais malade Mélody, tu ne peux pas savoir. Ça m'empêchait de dormir, je me faisais des films. Je te voyais dans... dans les bras de ces mecs, alors que moi...Putain Mel, t'imagine pas ce que j'ai enduré toutes ces années avant et après nouvel an !

Il se tourne vers moi, les yeux humides. Il se trouve dans le même état que je ne le suis.

- Je suis qu'un imbécile Mélody. Et ce que j'ai fait après, c'est... Je m'en veux encore, et je m'en voudrais toute ma vie.