Chapitre 30 : Qui enquête, dîne.
Je fermai discrètement la porte du 221B et avançai à pas de loup dans l'entrée. Il était 19h passé et Mme Hudson devait regarder son feuilleton. A l'étage du dessus, j'entendais le violon résonner. J'hésitais brusquement à faire demi-tour, dormir encore une nuit dans le squat me semblait être plus agréable que ce qui m'attendait là-haut. Je montai silencieusement les escaliers et entrai dans le salon après avoir pris une grande inspiration. Sherlock était de dos, en face de la fenêtre, frottant son archet sur les cordes de son violon avec brutalité.
-Salut...
Il m'ignora et continua de jouer comme si il était seul dans la pièce.Je m'assis dans le canapé et l'écoutait jouer un moment mais je ne pus m'empêcher de saisir mon instrument et de me joindre à lui dans sa sonate. Nous n'avions pas besoin de nous parler, nos reproches,nos remords, nos peurs, passaient à travers la musique. Cela sembla durer une éternité, si bien qu'épuisée par cette journée, je m'endormis sans crier gare.
***
'Clic'
Le déclencheur d'un appareil photo me tira de mon sommeil. Je vis le visage souriant de l'inspecteur Lestrade, son téléphone à la main.
-Hey ! Qu'est-ce que vous faites là !? M'écriai-je surprise. Non mais ça va pas !?
-Calme toi, j'étais venu prendre de vos nouvelles, pour voir si vous ne vous êtes pas entre tués !
Sherlock grogna non loin de moi, il s'était endormi ici aussi mais lui s'était retrouvé contorsionné dans tout les sens. Il s'écroula et gémit de douleur.
-Gnaaah ! Grégoire, que faites vous là...? Vous avez pris quoi en photo ?
-Je vous ai trouvé tellement mignons, une petite famille endormie.
-Vous êtes un voyeur Inspecteur ? Demandai-je en étirant mes muscles endoloris par la dureté du canapé.
Ses joues prirent une teinte rosée et il bafouilla.
-Je..Non ! Pas du tout !
-Il adore me prendre en photo dans des moments embarrassant. Quand La Femme m'avait drogué pour récupérer son téléphone par exemple. D'ailleurs, cela fait un moment qu'elle ne s'est pas manifestée...
-Hum, La Femme... hé hé...c'est vraiment étrange n'est-ce pas ? Murmurai-je dans mes dents. Quelqu'un veut un thé ?
***
-Oh mon Dieu mais quelle tête j'ai !
Je me regardai dans ma petite cuillère et constatait que je ressemblais à un panda échevelé avec mon maquillage coulé à cause de la nuit et mon chignon complètement plat.
-Pourquoi tu ne m'as rien dit !?
-Pourquoi devrais-je dire quelque chose ? Je pensai que c'était une de ces modes ou je ne sais quoi d'autre !
-Mais non Sherlock, c'est tout sauf à la mode ! Arrête de penser mode tu veux-bien ?
Je finis mon café d'une traite et filai me laver dans ma chambre.J'optai pour quelque chose de plus simple aujourd'hui : Un tee-shirt Star Trek noir et un short en jean accompagnés de mes fidèles converses blanches hautes. Je regardai un instant le mur au dessus de mon lit ; il était complètement recouvert par des pistes, des indices, des photographies et rien ne menait à une piste concrète. Pourtant j'en avais une, mais c'était beaucoup trop...Trop.
-Lorsque vous avez éliminé l'impossible, ce qui reste, si improbable soit-il, est nécessairement la vérité.
Sherlock venait d'apparaître à la porte de ma chambre et de dire ces mots comme si il lisait dans mes pensés.
-C'est bien la vérité qui me fait peur. Tu m'excuseras, il faut que j'aille voir Mycroft.
***
Je serrai les brettelles de mon sac à dos nerveusement tendis que j'avançai vers le bureau de mon Oncle. Ce n'était pas le voir qui m'angoissait autant mais ce que j'avais à lui demander. Je n'avais aucune envie d'en connaître la réponse.
-Mathilde, que puis-je faire pour toi ? Me demanda Anthéa en me voyant assise par terre, devant la porte du bureau de Mycroft.
-Je suis venue pour parler à mon Oncle mais j'ai entendu deux voix dans son bureau alors j'attends.
-Oh ne t'inquiètes pas, c'est sa mère qui est venue lui rendre visite.Mais fais attention, il risque d'être de mauvaise humeur.
Je lui répondis par un sourire froid.
-Merci pour le conseil. A plus tard.
Elle me sourit en retour et repartit comme elle était venue. Ce n'était pas dans mon habitude de ne pas vouloir gêner les gens mais ce que j'avais à dire étais tellement...éprouvant mentalement. Je me levai et frappai à la porte doucement. Je l'ouvrai après avoir entendu un « Entrez » et me trouvai face à mon oncle et ma grand-mère.
-Oh Mathilde, ma chérie, comment ça va ? Je comptait passer chez vous cet après-midi, George est à une journée de pêche dans le Hampshire avec son club et pour ne pas rester toute seule, j'ai décidé de prendre le train pour...
-Oui Mère nous avons compris... Soupira Mycroft. Et si tu allais voir Sherlock maintenant, je suis sûr qu'il sera ravi de de voir. Et tu pourras prendre le thé avec sa logeuse, vous vous entendrez sûrement très bien. Mathilde, quel est l'objet de ta visite ?
Je souris à la vielle dame.
-Bonjour Granny, ça va très bien et vous ? Mon Oncle, j'ai à discuter avec toi. Il s'agit d'une affaire de la plus haute importance.
-C'est à dire que j'ai un rendez-vous avec le premier ministre dans quinze minutes et...
-J'insiste. C'est une affaire, à propos de MON affaire qui pourrait bien se transformer en TON affaire aussi.
Devant mon regard insistant, Mycroft soupira et finit pas céder.
-Soit. Mère, une voiture vous attends à la sortie, Mathilde vous rejoindra plus tard chez Sherlock.
Ma grand-mère se leva.
-Très bien. Cela m'a l'air bien important. J'espère que Sherlock ne t'a pas mêlé à ses enquêtes étranges ma chérie. A bientôt Mickey.
Elle pinça la joue de son fils comme à un enfant et sortit du bureau, laissant derrière elle un silence de plomb. Je m'en voulais de la laisser toute seule mais je n'avais pas le choix. Je me laissai tomber lourdement sur un des sièges et me prit la tête dans les mains.
-Bon je vais être brève. Je suis allées à Canterbury comme tu le sais, et mes doutes se sont confirmés. Pour confirmer mon hypothèse, j'ai besoin d'informations qui, je le crains sont gardés secret défense. J'espérais que tu puisses m'aider si je te dis de quoi il en retourne.
Il vit la gravité de mon expression et hésita un instant. Il déglutit alors.
-Dis moi de quoi il en retourne dans ce cas.
Jamais il ne m'a semblé, je n'avais demandé quelque chose de plus douloureux. Je dus presque me retenir pour ne pas fondre en larmes.
-Je...Auriez-vous... Existe-t-il une liste... Une liste exhaustive des victimes de la tueuse en série Charlene Moriarty à ce jour ? Et si c'est le cas, serait-il possible d'en avoir connaissance ? Mon lien familial avec cette personne n'est en aucun cas ma motivation dans cette demande, elle n'est que purement professionnelle, dans le but de permettre à une jeune femme de savoir où est sa sœur jumelle disparue sans laisser de trace il y a plus de dix ans.
-Oui, il en existe une. Mais malheureusement, comme tu l'as dit plus tôt,cette liste est classée secret défense car pour la plupart, les noms de cette liste n'ont pas encore été tous découverts et leurs cadavres toujours cachés dans la nature.
-Très bien. Dans ce cas, j'irais lui demander moi-même.
-Es-tu sûre que tu supporteras la rencontre ?
Ce n'étais plus le Gouvernement que j'avais en face de moi, mais mon oncle inquiet. Cela me procura un peu de réconfort pour l'épreuve qui m'attendait.
-Oui. Par contre, je n'en suis pas aussi sûre pour elle.
***
-Je suis rentrée...
Sherlock déboula dans les escaliers, paniqué. Il me saisit par les épaules en me secouant dans tout les sens.
-Oh mon Dieu tu es enfin là, il faut que tu me débarrasse d'elle ! Je n'en peux plus !
-Sherlock ? Mathilde est rentrée ? Dit la voix de ma grand-mère de l'étage au-dessus.
-Rebonjour Granny !
-Fais quelque chose ! Elle m'étouffe !!
-Mais enfin Papounet, on ne traite pas comme ça sa maman chérie !
-Tu veux vraiment que l'on parle de ta mère ?
Je grimaçai à cette remarque et montai les escaliers sans dire un mot de plus.
***
-Mange une part de gâteau Mathilde ! Nous l'avons fait ensemble tout de même !
-Non merci, je n'ai pas très faim.
Granny me tendait une assiette de gâteau à la pomme en tentant de me faire manger quelque chose, mais il m'était impossible d'avaler quoi que ce soit. La boule que j'avais au ventre m'empêchait d'ingérer le moindre aliment solide.
-Si j'en crois mes calculs, cela fait trois jours que tu n'as pas mangé Mathilde, tu vas bientôt arriver à cours d'énergie si tu ne manges pas ce gâteau. Marmonna Sherlock sans grande conviction tendis qu'il jouait sur ma console de jeux.
-Ton père à raison ma puce, regarde comme tu es maigre, c'est affolant !
Je bus une gorgée de mon café au lait en marmonnant entre mes dents mais ils ne le remarquèrent pas.
-Et le café ne t'aidera pas à tenir debout longtemps.
-Mais non, je vais très bien je vous dis ! Si j'avais besoin de manger, je le ferais ne vous inquiétez pas !
Je me levai pour aller poser ma tasse vide à la cuisine mais trop brutalement, aussi, et mes jambes s'affaissèrent et je du me rattraper à l'accoudoir du fauteuil pour ne pas tomber.
-Oh Mathilde ! Tout va bien ? Tu es toute pâle !
-Granny, je suis anglaise, c'est mon teint naturel, je vais bien ! Je me suis juste relevée trop rapidement, ce n'est ...
-Faux. Me coupa Sherlock. Tu vas mal et nous filons chez John immédiatement.
-Quoi ?
Sherlock éteignit la console et se leva. Il enfila son manteau malgré la température estivale et me donna ma veste au passage.
-Maman, tu reste avec Mme Hudson, nous n'en avons pas pour longtemps. En fait si, cela risque de prendre beaucoup de temps. Je t'appelle un taxi qui t'amènera à la gare.
-Non Sherlock, j'imagine qu'il est inutile de te demander de vous accompagner donc je reste ici ! Je vais dormir à l'hôtel cette nuit et je repartirais quand Mathilde ira mieux !
-Bon très bien. A plus tard.
Malgré le fait que je n'avais pas envie de le suivre, la fatigue m'empêcha de protester plus longtemps. Nous descendîmes les escaliers et je vis qu'il se retourna plusieurs fois pour voir si je suivais son rythme quand nous marchions pour chercher un taxi. Je souris à cette intention et mes jambes s'affaissèrent à nouveaux. Sherlock courut me rattraper et arriva de justesse avant que je ne percute le sol.
-Attends qu'on soit arrivé avant de mourir s'il te plaît.
-J'aimerais bien.
Il me soutint pour marcher jusqu'à un taxi qui s'était enfin arrêté et m'aida à monter à bord. Sherlock indiqua l'adresse au chauffeur et garda les yeux visés sur son téléphone durant tout le trajet, pianotant frénétiquement sur le clavier. Comment en étais-je arrivé là ? J'étais tellement concentrée, absorbée,angoissée par mon travail que j'en avais oublié ma santé. Mais je mangeai moins depuis mon emménagement définitif à Londres. Je regardai mon poignet. Il est vrai que j'avais toujours été fine mais là, ça devenait affolant. J'avais l'impression qu'au moindre choc, ma main se détacherait de mon bras. Une fois sortis du taxi,Sherlock m'attrapa par le bras (doucement, heureusement) et me tira jusqu'à la porte de John sur laquelle il frappa avec brutalité. Ce dernier ouvrit et nous fit entrer rapidement, visiblement prévenu de notre arrivé. Il avait transformé son salon en salle d'examen : toise, balance,tensiomètre, nécessaire pour une prise de sang il ne manquait plus que le bonbon pour me dire que j'avais été sage. John saisit un stéthoscope et le posa sur ses épaules. Sherlock me poussa jusqu'au canapé et m'obligea à m'asseoir. Tous ceci se déroula sans un mot.
-Depuis combien de temps n'a-t-elle pas mangé ?
-Depuis trois jours, au moins.
-Et bu ?
-Elle vient de boire un café.
Il parlaient comme si je n'était pas dans la pièce puis brusquement John se tourna vers moi.
-Qu'est-ce qui t'es passé par la tête ?
-Fais moi passer tes fichus examens avant de m'engueuler Doc.
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