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/!\ Certains propos peuvent heurter la sensiblité de certaines personnes, je préfère vous prévenir. Les sujets abordés dans ce chapitre sont difficiles et peuvent faire remonter de vieux démons. Prenez soin de vous ! /!\

Harry

Calé dans les bras de Louis, je réfléchis à ce qu'il vient de me dire.

J'ai du mal à comprendre comment il peut être aussi confiant en l'amour quand on sait ce qu'il a subi avec son ex-copine. Elle l'a rabaissé pendant des années au point de le convaincre de la véracité de ce qu'elle disait et pourtant il veut encore croire que c'est possible. Il n'a pas peur de se lancer à nouveau, je ne sais pas comment il fait. Je n'ai pas vécu ce genre de choses, je ne veux pas comparer nos expériences, mais pour ma part, je suis paralysé à l'idée d'essayer encore.

Quand je dis que je le trouve fort, je le pense vraiment.

Je l'admire beaucoup. J'aimerais bien qu'il se voie à travers mes yeux pour qu'il prenne conscience de sa valeur. Plus je le connais et plus je tombe amoureux et il est bien là le problème.

Car plus je tombe amoureux et plus j'ai peur.

Je lui ai menti quand je lui ai dit que je me sentais aussi bien que possible avec lui. La vérité est que je ne me suis jamais aussi senti bien avec quelqu'un. Je me refuse de le lui dire, car j'ai peur de me livrer totalement sur mes sentiments. Je lutte en permanence contre moi-même pour ne pas craquer et me laisser aller avec lui. Ce serait si simple... mais toujours ces foutues barrières mentales qui m'en empêchent.

Je ne sais pas comment gérer la situation. Je suis paumé dans mes ressentis et plus j'y pense, plus j'ai envie de m'enfuir loin d'ici pour ne plus à avoir affronter la situation.

Je l'ai dit, je suis lâche.

Cela fait tellement d'années maintenant que mes relations ne se résument qu'à des coups d'un soir, la plupart du temps à la sauvette dans les toilettes d'une boîte de nuit, que je n'arrive pas à m'imaginer un autre avenir. Pas d'attachement, pas de sentiments. C'est la ligne de conduite que je me suis fixée depuis de nombreuses années pour ne pas souffrir et je m'y suis toujours tenu. C'est plus simple, moins de risques, pas d'engagement ou de promesses... sauf que cette fois, ce n'est pas aussi simple.

Je suis tombé amoureux de Louis. Aussi simplement que ça, sans crier gare. Parce qu'il a tout en lui pour me séduire, sans même s'en rendre compte et je m'en veux. Je m'en veux de l'embrasser, de le câliner, de lui faire penser que je suis capable d'être avec lui et de le rendre heureux alors que c'est faux. Il a besoin d'une personne sûre d'elle, qui saura le mettre en avant et le faire briller or, je ne serai jamais à la hauteur. Je salis tout ce que je touche, je suis le nuage qui cache le soleil, qui amène avec lui la pluie et l'orage, qui gâche la vie des autres.

Lui mérite tout ce qu'il y a de meilleur. Tout ce que je ne suis pas.

Je suis brisé. Aussi brisé qu'un verre qui s'est éclaté au sol, que les vagues qui viennent se fracasser contre les rochers, qu'un oiseau qui a été touché en plein vol par la balle meurtrière d'un chasseur embusqué. Les morceaux de mon cœur et de mon âme ont été éparpillés et même avec toute la volonté du monde, je n'arriverai jamais à les rassembler.

Le mieux pour lui serait que je garde mes distances, que j'arrête de chercher son contact et ses attentions... mais c'est impossible. Je n'arrive pas à m'éloigner de lui, il m'attire beaucoup trop. J'ai besoin de lui pour être bien et je me trouve tellement égoïste de ressentir ça... parce que c'est à lui que je dois penser, pas à moi et lui, il n'a certainement pas besoin d'un homme fracassé par la vie.

Je sens ses lèvres se poser sur mon front ce qui me déclenche un frisson. Ces sensations-là aussi sont nouvelles. Je n'ai jamais ressenti rien de tel avec personne avant lui. Je resserre ma prise autour de son corps et enfouis mon visage dans son cou. Je me gorge de son odeur. Je dépose de doux baisers sur sa gorge et mon ventre tremble doucement alors que je goûte à sa peau. L'une de ses mains caresse mon dos et je me sens bien. Juste bien.

Je repense à notre discussion. Je sais qu'il ne me comprend pas. Il doit se dire que je suis réparable, qu'une fois que j'aurai dominé ma peur tout ira bien... ce n'est pas si simple. Je soupire en passant l'une de mes mains sous son tee-shirt afin de profiter de sa chaleur.

Lou ? je l'appelle doucement pour capter son attention.

Oui ?

Je ne sais pas si je pourrai un jour trouver le chemin... si je pourrai te rendre heureux comme tu le mérites.

Il soupire.

Je pense que si, mais il faut le vouloir. Tout le monde mérite d'être heureux, Harry, même toi contrairement à ce que tu penses. Je ne sais pas de quoi tu essaies de te punir, mais ce n'est pas juste. Ni pour toi ni pour moi. J'aimerais au moins que tu essaies... sauf si tu estimes que je n'en vaux pas la peine, ce que je peux comprendre.

Je secoue la tête en grognant.

Arrête de te dénigrer bon sang ! Tu es la seule personne qui en vaut la peine à mes yeux.

Alors pourquoi tu ne veux pas tenter ?

Sa voix est étranglée et je sens mon cœur se serrer. Putain, je ne veux pas lui faire de mal, mais c'est évidemment ce que je suis en train de faire. Il est temps que je lui livre un bout de moi, de mon histoire pour qu'il saisisse ce que je veux lui dire.

Je peux te raconter quelque chose ?

Bien sûr, je t'écoute.

Ça va être un peu long.

J'ai tout mon temps. Je le prendrai toujours pour toi.

Je souris et le serre un peu plus contre moi. Cet homme, en quelques mots, parvient à me faire décoller. Comment ne pas en tomber amoureux franchement ?

Merci.

Je souffle pour me donner du courage et mets en ordre mes idées avant de me lancer.

J'ai compris que je préférais les garçons vers mes treize ans, j'amorce en douceur, en fermant les yeux. Là où les autres garçons passaient leur temps à baver sur les jambes des filles et commençaient à fantasmer sur leurs poitrines naissantes, moi je matais les fessiers musclés des membres de l'équipe de football ou sur le calendrier des pompiers que ma mère avait affiché dans la cuisine. J'ai mis un moment avant de comprendre ce que j'étais, que ça portait un nom. J'étais gay. Homosexuel. Ces mots que prononçaient les gens avec dégoût ou jugement autour de moi sans que je sache pourquoi ça les mettait dans un tel état.

Je n'avais personne avec qui en parler. Ce n'est pas le genre de sujet qu'on aborde facilement avec les gens et encore moins avec mes parents qui étaient intolérants sur le sujet. J'ai grandi avec l'idée que c'était une tare et j'ai eu peur. Peur qu'on me rejette alors je l'ai gardé pour moi. Je ne voulais pas perdre Liam ou mes autres amis. Dans ma tête de gamin, j'imaginais que tout le monde détestait les personnes gay, tu vois ? C'était difficile de se sentir différent alors qu'en définitive je ne l'étais pas. J'étais seulement attiré par le même genre que moi ce qui n'était pas dramatique en soi.

Au début, j'ai essayé de combattre cette attirance, comme si c'était possible. J'ai acheté des magazines avec des belles filles dedans, j'ai accroché des posters dans ma chambre de mannequins féminins... je voulais gommer ce côté de moi que je détestais par mimétisme avec ma famille, leurs amis et toutes les personnes adultes qui gravitaient autour de moi. J'ai même essayé de sortir avec des filles pour voir, pour me rassurer, pour me prouver que j'étais comme les autres, que je me trompais en m'imaginant gay.

La réalité m'a vite rattrapé. Je n'éprouvais aucun plaisir d'être avec elles, aucune envie de les voir et mes hormones ne réagissaient absolument pas. C'était une corvée et je me suis détesté de le penser ainsi. Je ne comprenais pas pourquoi ça m'arrivait à moi, comme si on pouvait choisir. J'avais l'impression d'être puni par la vie... n'importe quoi.

Je m'arrête pour reprendre ma respiration et lutter contre le poids qui appuie désormais contre ma poitrine. Louis, sans un mot, me laisse le temps. Il passe ses mains dans mes cheveux, les embrasse et peu à peu je me sens un peu mieux. Je retrouve le courage de continuer.

Quand je suis arrivé au lycée, je pensais que les esprits seraient plus ouverts, plus enclins à comprendre, à accepter, mais je me suis vite rendu compte que je me trompais. Le lycée abritait les mêmes abrutis qu'au collège, juste en plus vieux et en plus fort. Pour ne rien arranger, j'étais dans un établissement privé et religieux. Si chez moi les esprits étaient fermés, là ils étaient carrément étriqués. Je me trimballais donc mon orientation sexuelle comme une maladie honteuse. Je continuais à donner le change avec quelques filles, mais le soir, seul dans mes draps, c'était bien des hommes que je regardais et qui me faisaient fantasmer... je ne pouvais pas lutter.

Au milieu du premier trimestre, j'ai eu un crush pour le capitaine de l'équipe de football. James. Je suis devenu le vrai cliché du pauvre type qui bave sur le sportif populaire qui n'a qu'à tendre la main pour avoir tout ce qu'il veut. Il était tout ce qui me faisait rêver chez un garçon. Grand, musclé, bien bâti, un visage d'ange et un sourire à tomber. Dès qu'il entrait dans une pièce, je me sentais fondre. Dès qu'il posait ses yeux sur moi, mon ventre se tordait et mon cœur tambourinait comme un dingue. Un adolescent amoureux quoi.

Un léger sourire étire mes lèvres en y repensant, mais bien vite il se fane lorsque je me souviens de la suite. Je prends ma dose de Louis en le respirant fort puis reprends mon récit.

Dans ce lycée prévu, j'étais séparé de mes amis qui eux étaient dans le public. Je n'étais pas bien dans cet établissement, mais mes parents ne voulaient rien entendre. Avec le recul, j'ai compris qu'ils se moquaient de moi et de ce que je ressentais. Seuls l'image et le paraître comptaient à leurs yeux et il fallait que je sois dans un établissement prestigieux pour que leurs amis soient admiratifs, peu importe ce que moi j'en pensais, ou comment je pouvais le vivre.

J'étais donc seul et livré à moi-même et j'ai fait ce que j'ai pu pour m'en sortir et survivre dans ce milieu si différent de ce que je pouvais être. Je n'avais rien à voir avec tous ces gens, mais comme je plaisais aux filles, sans forcément m'intégrer dans le groupe des populaires, j'ai vite été accepté par eux. J'attirais ces demoiselles et eux en profitaient pour draguer. C'est tellement ridicule quand on y pense...

Moi, je me moquais bien de tout ça, mais comme l'étiquette compte, j'ai laissé faire les choses en me disant que ça contribuait à cacher mon secret. Je ne mangeais plus seul le midi et on ne m'emmerdait pas. Et puis, j'étais dans le groupe de James ce qui me permettait de le voir souvent et de passer du temps avec lui. Il n'était pas méchant et pas du genre à se prendre la tête. Du moins en apparence. Quand il me parlait ou riait avec moi, je fondais totalement. J'étais fou de lui et de ce qu'il dégageait.

Louis embrasse mon crâne sans cesser ses caresses. L'une de ses mains masse légèrement l'une de mes épaules. C'est comme ça que je me rends compte que j'étais tendu. Retourner à cette époque me fait mal et je ne contrôle pas les réactions de mon corps.

J'étais tellement accro, que je me suis débrouillé à intégrer l'équipe de foot du lycée. Ç'a été ma plus grande erreur. Alors oui, je passais beaucoup plus de temps avec James, entre les matchs, les entraînements et les réunions pour discuter stratégie, mais il y avait aussi la partie vestiaire... et qui dit vestiaire, dit se déshabiller, prendre la douche et avoir une vue imprenable sur ce corps qui me faisait tant fantasmer.

J'étais jeune, en pleine adolescence, les hormones en feu. Il était difficile pour moi de masquer mon trouble. Car, évidemment, presque à chaque fois mon corps réagissait. Je réussissais à le cacher en prenant ma douche après les autres ou avant, en restant habillé le plus longtemps possible. J'avais tellement honte, mais je n'arrivais pas à me contrôler.

Puis, au milieu de l'année, un des gars de l'équipe m'a pris en flag. Il a vu la bosse qui déformait mon caleçon tandis que James se changeait devant moi. Lorsque j'ai croisé son regard, j'ai compris que j'étais dans la merde. Je me suis habillé le plus vite possible et je me suis enfui du stade. Mais le mal était fait. J'ai passé une sale nuit, je n'ai osé en parler à personne, j'avais bien trop honte et de toute façon personne ne savait. Le lendemain matin, quand j'ai passé les grilles de l'entrée, tous les regards se sont tournés vers moi et les premières moqueries ont commencé à fuser. J'ai bien tenté de me défendre, mais contre tout un lycée, je ne faisais pas le poids.

Je grince des dents, une grosse boule obstruant ma gorge. Je me sens encore en colère, blessé par ces regards dédaigneux et moqueurs, par leurs mots, par leurs sourires narquois. Leurs rires retentissent encore dans mon sommeil parfois.

Si c'est trop difficile... commence Louis, mais je lui coupe la parole.

Non, ça va aller. J'ai besoin de t'expliquer.

D'accord. Prends ton temps.

J'embrasse son cou et me force à respirer calmement. C'est lui que j'aurais dû rencontrer à cette époque, ça m'aurait évité tellement de souffrance. Son humanité et ses attentions m'aident tellement. Après quelques secondes, je réussis à continuer mon récit.

Le pire du pire a été quand j'ai croisé l'équipe de foot au détour d'un couloir. Ils étaient déchaînés. Ils se sentaient trahis ce qui les mettait très en colère. Ils m'ont bousculé, menacé et m'ont interdit de me présenter aux entraînements. J'ai de nouveau essayé de me défendre, d'expliquer à James que ce n'était qu'un affreux malentendu, mais il ne m'a pas écouté. Personne ne m'a écouté. Lui ne disait rien. Il restait en retrait et observait la scène de loin. Je voyais bien qu'il était mal à l'aise, mais même s'il n'a pas pris ma défense, au moins il n'a pas cherché à me frapper ou à m'insulter. En tout cas, à partir de ce jour-là, ç'a été le début de la fin.

Je suis désolé... murmure Louis en me serrant contre lui. Les gens sont tellement stupides ! Comme si ça allait changer quelque chose à leur vie que tu sois gay et amoureux. Ce n'est pas comme si tu allais les forcer à faire quoi que ce soit...

Sa réaction est craquante. Il est craquant.

Les gens sont comme ça... ils jugent et condamnent sans même essayer de comprendre. C'est tellement plus simple.

Tu ne méritais pas ça, souffle-t-il tout en continuant à jouer avec mes mèches. Personne ne le mérite.

Je crois qu'il me fait des tresses, mais je m'en moque. C'est agréable, je le laisse faire. Je reprends le fil de mes souvenirs qui deviennent de plus en plus difficiles.

Les premiers temps, j'ai vécu un véritable enfer. Tout le bahut était contre moi. Puis, peu à peu, ça s'est calmé. La plupart des élèves se moquait finalement de savoir sur qui je bandais. Ils avaient suivi le mouvement, mais ils se sont vite désintéressés de moi, mais ça n'a pas été le cas de tout le monde.

Les footeux et leurs potes ont décidé eux de me faire payer mon orientation sexuelle. J'étais une honte, un monstre d'après eux et comme il s'agissait des populaires, personne ne songeait à prendre ma défense. Tous se contentaient de m'ignorer, laissant les autres m'humilier tranquillement. Venir en cours était devenu mon cauchemar quotidien, ma punition pour avoir osé aimer un garçon. Sécher n'était pas envisageable, car mes parents étaient intraitables sur le sujet et très stricts. Et puis, quelle aurait été mon excuse ? Ils n'étaient pas au courant pour mon homosexualité.

Plus le temps passait, plus les intimidations devenaient de plus en plus violentes. Ils prenaient confiance et même si j'essayais de me défendre, de me battre, ils étaient toujours plus nombreux et plus forts que moi. Comme je n'en parlais pas aux adultes, ils se sont sentis intouchables. On me passait à tabac, on me mettait la tête dans les toilettes, on me jetait dans les bennes à ordures... j'avais de plus en plus de mal à cacher mes bleus. Je ne dormais plus, je vomissais à cause du stress le peu que j'arrivais à manger, j'étais devenu une épave. Mes parents ne se rendaient compte de rien, bien sûr. Ils n'étaient pas souvent là et lorsque ça arrivait, ils ne regardaient que mes notes que j'arrivais à maintenir par miracle.

Je sens une goutte m'atteindre, je relève la tête pour remarquer que Louis pleure en silence.

Hey... ne pleure pas... je chuchote, touché par son émotion sincère.

Je me redresse et dépose en douceur mes lèvres sur les siennes. Il me rend le baiser avec une telle passion que mon cœur s'emballe au point de menacer de s'envoler. Je mets fin au baiser en douceur et lui essuie les joues d'un geste tendre.

Désolé, renifle-t-il en rougissant doucement. C'est juste que ça me rend dingue de voir que tu as autant souffert pour quelque chose que tu n'as pas choisi et que les personnes censées t'aider et te soutenir n'ont rien vu.

Ils ont fait pire que ça... je remarque en sentant mon cœur se serrer.

Je me réinstalle contre lui pour continuer, ne voulant pas affronter son regard si expressif. J'ai peur de ne pas trouver la force de finir mon histoire.

Eleanor et Liam ont bien essayé de me faire parler, de comprendre, mais je ne me suis jamais confié à eux, je reprends, la voix rendue rauque par l'angoisse. Ils étaient pourtant mes meilleurs amis, mais j'avais trop honte. Plus le temps passait, moins je parlais. J'étais seul tout le temps et encore aujourd'hui je me demande encore comment j'ai fait pour tenir le coup sans craquer. J'avais peur en permanence, le moindre bruit me faisait sursauter. Dès que les couloirs étaient vides, je me savais en danger. Les adultes fermaient les yeux, trop occupés à compter les billets que les familles des populaires leur ramenaient.

Un soir, je suis allé chez Eleanor. Je venais de me faire rouer de coups et j'étais couvert de sang, j'étais proche de chez elle, c'était plus simple pour moi et je n'avais pas la force de rentrer chez moi. Elle a pris peur en me voyant. Elle m'a soigné comme elle l'a pu et m'a fait dormir chez elle pour me remettre un peu. Elle n'arrêtait pas de me dire d'aller parler à mes parents, mais je refusais. J'avais peur de les décevoir. Leur fils n'était qu'une tapette qui se faisait martyriser et qui était incapable de se défendre. Non, c'était juste impossible.

Tu n'étais pas en tort, Harry... tu n'étais qu'un gamin persécuté qui avait besoin d'aide.

— Peut-être, mais qu'est-ce que ça change au fond ? Elle y est allée quand même, derrière mon dos, têtue comme elle est et comme je l'imaginais, mes parents, mes géniteurs, n'ont pas compris. Elle ne leur a pas dit pour mon homosexualité, c'est le lycée qui s'en est chargé et eux, plutôt que de retenir le fait que je me faisais casser la figure depuis des mois, ils n'ont retenu que le fait que j'étais gay. Quand je suis rentré de chez Eleanor, sans savoir qu'elle les avait contactés, mon père m'a sauté dessus en m'insultant. Il m'a frappé et m'a jeté à la rue. Ma mère m'a renié et m'a insulté en me traitant d'anomalie.

Je renifle, ravalant mes larmes.

Tu te rends compte ? je demande d'une voix étranglée, ta propre mère qui te rejette en te qualifiant d'erreur de la nature ? Comment vivre avec ça ensuite ? Comment se reconstruire et devenir un homme équilibré après ça ? Elle m'a voulu, porté, donné la vie et à ce moment-là, elle me regardait comme si j'étais un étranger. Je la dégoûtais.

Je me redresse et m'assois sur le lit, les jambes remontées contre mon torse. Je sanglote sans réussir à m'en empêcher. Parler de mon passé fait remonter tout une série de sentiments qui me tordent les boyaux. Je sens deux bras m'encercler et une tête se poser sur mon dos. Ce geste vaut tous les mots que Louis aurait pu prononcer et qui auraient de toute façon sonné creux. Il me donne la force de finir ce que j'ai à lui dire.

C'est la famille de Liam qui m'a recueilli et qui m'a hébergé. Ils ont été adorables, présents et ont tout fait pour me reconstruire. Ils ont également essayé de parler à mes parents, mais ils n'ont rien voulu entendre. Ils ont pu tout de même récupérer mes quelques affaires, mais c'est tout. À ce jour, je n'ai plus jamais eu de nouvelles d'eux et à partir de ce jour-là, je n'ai plus jamais reparlé à Eleanor. La famille Payne m'a changé de lycée en cours d'année et j'ai dû essayer d'avancer de nouveau, comme j'ai pu.

Ils se sont occupés de moi comme mes parents auraient dû le faire. Ils m'ont fait voir un psychologue bien que ça n'ait servi à rien, ils ont surveillé mon alimentation et surtout ils ne m'ont pas jugé. Jamais. Ils m'ont entouré, donné de l'affection et de l'attention comme jamais je n'en avais reçu auparavant. Tu sais, juste le fait de me demander comment je vais lorsque je rentre le soir, ça peut paraître rien, mais c'était énorme pour moi. Ça prouvait que je comptais un minimum, que j'existais en tant que personne à leurs yeux. Ce sont des gens merveilleux et rares. J'ai appris un peu plus tard que Liam aussi était gay et que ses parents le vivaient bien et l'avaient parfaitement accepté. Comme quoi, d'une famille à l'autre...

Je passe une main tremblante sur mon visage pour essuyer les dernières traces de pleurs qui s'y trouvent et me retourne pour faire face à Louis qui est bouleversé. Je me penche pour l'embrasser, et ses lèvres ont le goût salé des larmes qu'il a versé. Je pose mon front sur le sien et souris.

Mais tu vois, je m'en suis finalement sorti. Je suis désormais un adulte accompli, avec un métier que j'aime et des amis toujours présents pour moi, même si ça implique de devoir continuer à voir Eleanor. J'ai perdu ma famille, mais j'ai gagné celle de Liam avec qui je continue à entretenir des relations particulières et uniques. Pourtant... je ne suis pas réparé. Le trou dans ma poitrine est toujours là et la peur de souffrir toujours bien présente. Je ne sais pas si un jour je parviendrai à surmonter ces traumatismes.

— Je comprends que ce soit difficile, souffle-t-il d'une voix douce, mais si tu n'essaies pas, tu ne le sauras jamais. Je ne veux pas te forcer, mais je ressens des trucs pour toi et si tu ressens aussi des trucs, même pas très fort, je me dis qu'on pourrait faire un truc.

Je lâche un rire silencieux face à sa détermination maladroite. Ce gars aura ma peau.

Le truc, pour reprendre ses termes, c'est que je ne suis pas certain de pouvoir t'apporter ce que tu es en droit d'attendre de ton compagnon.

Je te l'ai déjà dit, laisse-moi le décider... peut-être que j'ai tort, peut-être pas, mais je préfère avoir des remords que des regrets.

Je souris en lui caressant la joue.

Je suis lâche, Louis. Je n'ai pas la force de me battre contre mes démons et je ne veux pas qu'ils te fassent du mal aussi.

Je sais me défendre, s'entête-t-il, et encore une fois, tu te punis pour quelque chose que tu n'as pas fait. Tu n'y es pour rien, Harry. On ne choisit pas son orientation, tu es né comme ça et tu ne peux rien y faire. Ce n'est pas ta faute si tes parents t'ont rejeté, si ce James était trop con pour ne pas se sentir flatté que tu aies des sentiments pour lui, même s'ils n'étaient pas partagés... ce n'est pas ta faute.

Je force un sourire et me penche pour l'embrasser. Je ferme les yeux pour profiter de son contact, de tous les sentiments qu'il fait passer dans ce baiser. S'il savait à quel point je suis amoureux... mais je dois le protéger. Le protéger de moi. Parce que c'est ça aussi, aimer. Faire en sorte que l'autre aille bien et le protéger coûte que coûte, même si ça implique de le protéger de soi.

Si tu mets de côté tes peurs et tes appréhensions, qu'est-ce que tu veux, toi ? s'enquiert-il en s'écartant de moi et en plongeant ses orbes bleu ciel dans les miens.

Je te veux toi, mais je sais que c'est égoïste.

Alors soit égoïste...

Tu es têtu, je remarque sans méchanceté.

Tu ne sais pas à quel point !

Je soupire, je ne sais pas comment lui ouvrir les yeux sans le blesser.

Ne me rejette pas, s'il te plaît...

Mon cœur se serre à ses mots. Il est bouleversant et je vois bien qu'il est sincère. Bien sûr que je veux essayer, que je veux le garder près de moi... mais je sais aussi que ce n'est pas raisonnable.

Je pense que c'est une connerie de me vouloir dans ta vie parce que tu ne seras pas heureux avec moi. Je préfère être honnête avec toi. Je suis une catastrophe en termes de sentiments et je ne parle pas de relation, puisque je n'en ai jamais eu.

Je suis un grand garçon qui les assume ses choix. Laisse-moi décider ce qui est bon pour moi. Je me suis déjà trompé, je suis tombé, je me suis relevé... la vie n'est pas facile, mais je suis certain que nous deux, ça peut donner quelque chose de bien.

Il soupire en se passant une main sur le visage puis reprend en m'observant.

Si tu ne veux pas de moi, regarde-moi en face et dis-le-moi. Je te laisserai. Tu sais tout comme moi que tu ne le feras pas parce que tu sais tout comme moi que si on s'est trouvé, ce n'est pas pour rien et qu'on a un bout de chemin à faire ensemble. Tu n'as rien à répondre à ça, car tu sais que j'ai raison.

Je ne réplique pas, car il a raison. Je ne peux pas lui dire que je ne le veux pas, car tout mon corps et toute mon âme le réclament. Je suis lâche et égoïste et je le veux, même si ce n'est pas ce qu'il lui faut. Je me déteste d'être si faible, mais je ne peux pas le rejeter, c'est impossible.

Je ne peux pas lui résister.

Parce qu'envers et contre moi, je l'aime.

Je suis amoureux de lui.

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Un chapitre difficile dans lequel une partie de l'histoire d'Harry nous est dévoilée😢 j'espère que tout le monde va bien ! ❤

Vous en savez désormais peu plus sur ce qu'a vécu Harry, même si on le savait plus ou moins avec la discussion qu'avait eu Louis avec Eleanor.. 😔 Il n'a pas tout dit, vous connaîtrez toute sa vie bientôt🤗

Harry doute énormément de lui, il est persuadé que Louis mérite mieux que lui. Il n'arrive pas à lui résister, pour le moment, espérons que ça dure...

Louis ne lâche rien pour l'instant. Il y croit, il veut se battre pour qu'un "eux" puisse exister...😍C'est un personnage fort, combatif et entier ! Mais attention de ne pas trop user sa patience non plus 💙

Comme toujours, j'attends vos réactions !😘

💚💙

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