Chapitre 5: Début d'épisode maniaque

Après avoir fait de notre mieux pour ne pas nous entretuer, hier on a décidé qu'on devait sortir. C'est ce qu'on a fait aujourd'hui vers midi, afin d'avoir une foule dans laquelle se fondre dans le hall. Surtout qu'Holden a refusé de remettre des pansements en disant que c'était encore plus suspect de les avoir.
Ses coupures guérissent déjà, mais quand même.

Maintenant au rez-de-chaussée du musée près de Central Park, je regarde des instruments de navigation datant de quand New York était Nouvelle-Amsterdam. Une colonie néerlandaise. L'instrument de navigation ressemble à un mix entre un rapporteur et un compas en métal. C'est un sextant et c'est un peu barbant. Je rejoins Holden qui regarde l'évolution de la géographie de la ville à travers les siècles sur un écran. Les bâtiments en 3D changent de forme en fonction des styles architecturaux des années. Holden dit:
-Ça a tellement changé, ça peut rendre dingue.

Je ris et réponds:
-J'imagine pas si on faisait voyager un des colons dans le temps.

Je demande:
-C'est quoi le pire? Être un colon qui voyage dans le temps ou un vampire qui voit l'évolution?

Ses cils noirs se baissent sur ses yeux azur et couleur bois quand Holden réfléchit avant de répondre:
-C'est complexe, parce que le vampire voit les choses mourir lentement alors qu'il s'y attache.

-Le colon, lui, il arrive et il y a plus rien qu'il connaissait.

On se regarde et on dit en même temps:
-Le vampire.

On rit et dans le coin de mon œil je vois deux femmes âgées nous observer en souriant. Holden me demande:
-Hey? Y'a un truc qui va pas? Tu t'es figée.

Je souris le visage toujours chaud de nervosité et lui dis:
-On a fait le tour deux fois non? On peut rentrer ou tu veux voir le truc sur la salsa encore une fois? T'avais l'air d'aimer.

-Ben oui, la musique est pas mal et les danseuses sont un plaisir à regarder.

-Pff.

Il émet son rire grave et répond:
-Mais non c'est bon, on va rentrer et apprendre à danser.

En marchant, je réplique:
-On qui? T'es tout seul.

-J'admire ta cruauté. Ta vie doit être facilitée comme ça. Je veux dire, t'économise combien en pièces non données aux plus nécessiteux?

-Tu vois? C'est pour ça que ce type t'a cogné. Encore plus pour ça que pour nous prendre l'argent.

Il rigole et on passe la porte du musée.
Dans le métro plus rempli qu'avant, on trouve quand même deux places en fin de rame. On voit un groupe de jeunes entrer pas loin et sans faire exprès mon regard croise les yeux onyx de l'un d'eux qui me fait un clin d'œil. Je ne sais pas pourquoi, mais je regarde Holden qui quitte son livre Les fleurs du mal des yeux pour me demander:
-Quoi?

-Rien.

-Non, dis.

Je secoue la tête et en observant du coin de l'œil, la femme sur son téléphone devant nous, j'insiste:
-Non rien.

En regardant plus loin que moi, Holden demande discrètement:
-Pourquoi ce type regarde vers nous avec ce sourire d'imbécile alors?

-Je crois qu'il cherche juste la merde en fait. En rentrant il m'a fait un clin d'œil.

Holden ricane et dit assez bas:
-Bravo, t'as du succès.

-Non, c'est juste qu'il cherche la merde.

-Pas que.

Je regarde Holden, mais il est retourné à son livre, le visage sous sa casquette. Au moins, il n'ira pas se prendre la tête avec ce type pour manque de respect, même si on n'est pas ensemble. Mon seul ex, ce cinglé se ferait déjà embarquer par les flics si ça avait été lui. Heureusement que j'ai complètement coupé les ponts. Les yeux toujours sur le livre Holden dit:
-En plus, il est là avec sa copine.

-Comment ça?

-En entrant, je l'ai vu lui tenir la main, mais il l'a lâché très vite. Sûrement quand il t'a vu. Tu sais bien que les gens altèrent les apparences à leur avantage. Enfin, ils font semblant quoi.

Je soupire puis plus détendue maintenant que la femme est partie, je demande:
-Dis-moi selon toi pourquoi elle reste? Parce qu'elle ne peut pas ne pas savoir. S'il a autant de culot, il doit avoir l'habitude de faire pire. Quand tu sais pas je comprends, mais sinon je vois pas.

Holden pose ses yeux presque tout bleus sur moi et me dit:
-Il doit peut-être la manipuler. Lui sortir le grand jeu quand elle est sur le point de se barrer et la faire culpabiliser des fois, jouer de ses insécurités.

-T'as l'air de bien t'y connaître.

Il ricane et esquisse un sourire en coin me faisant beaucoup trop d'effet. Surtout qu'il est tout près à côté. Il dit:
-Non, je fais pas ça et je l'ai jamais fait. J'ai pas encore l'âme pourrie. J'observe juste, mais si un gars fait ça à ma sœur, là je ferais pas qu'observer.

Je souris puis demande curieuse:
-Toi t'es celib?

Il répond avec un sourire:
-Oh.

-Eh, pas dans ce sens. C'est juste de la curiosité.

-Celib, mais pas novice.

Je dis moqueuse:
-Pardon Casanova.

Il rit et regarde dans notre côté maintenant vide de la rame, vu que beaucoup de gens sont descendus, dont les jeunes et donc l'allumeur. Holden me dit:
-Tu vas pas me croire, mais j'ai pas fait grand-chose avec des filles.

-Attends t'as jamais...

-Ne rêvons pas non plus.

Je souffle et il rit. Il continue:
-Je crois que je suis demisexuel.

Je le regarde confuse. Alors je connais bi, mais demi? C'est moins? Il rigole face à ma tête et me dit:
-En gros d'après la définition, c'est quand il faut avoir une forte connexion avec quelqu'un avant de ressentir de l'attirance sexuelle.

-Tu vas pas me dire que si un mannequin nu se pointe tu vas faire demi-tour.

-Je vais pas te le garantir, mais il y a des chances que oui. Je veux dire, quand c'est physique avec un autre physique, c'est compliqué si je ressens rien.

-Tu sors ce truc romantique à toutes les filles, pour après leur dire qu'elles sont spéciales parce qu'elles t'attirent et hop dans ton lit?

Son regard bleu aussi teinté de marron se plisse d'amusement. Il me demande:
-T'as pas été un sale type dans une autre vie? Parce que t'as l'air de t'y connaitre.

Je fais sarcastiquement:
-Ah. Ah. Ah.

Il rit puis me dis plus sérieusement:
-Oui bon, sinon voilà et on arrive dans un arrêt.

-On a vraiment parlé de ça...

-T'as commencé.

Je souffle.

De retour à l'appartement, je mange des chips pendant qu'Holden note dans son carnet. Je demande:
-T'écris quoi?

Holden répond:
-Des mots.

-Tu pouvais aussi dire "c'est privé" hein.

Il rit et me dit:
-Je travaille sur un poème sur mon avenir.

-Qui est?

-Attraper des enfants.

Je grimace et il rit avant de dire:
-Pas dans ce sens cinglée...mais depuis des années, depuis que j'ai eu ce rêve, j'aimerais seulement faire ça. Dans le rêve, il y avait des enfants qui couraient et s'amusaient dans un champ de seigles en haut d'une falaise et moi je les attrapais. Avant qu'ils ne tombent dans l'autre monde, celui d'après l'enfance. Et toi tu veux devenir quoi?

-La gamine qui échappera à tes bras de cinglé?

Il rit puis répond:
-Non toi t'es une rose, une rose fermée. Mais un jour, tu te sentiras mieux et tu t'ouvriras complètement. Juste pour moi.

Troublée, j'éclate de rire et heureusement il ne se vexe pas. Il rigole aussi. Je lui dis plus calmement:
-T'es cinglé. Qu'est-ce que tu feras quand tu réaliseras enfin que tu peux pas sauver ces enfants?

-Je peux le faire.

-Holden, tu peux pas les empêcher de grandir. C'est malheureux et tout, mais c'est inévitable. Mais...hey t'es littéraire, t'as jamais pensé à être avocat? Pour aider les enfants. C'est pas facile, mais...

Il hoche la tête et dit pensif:
-C'est une idée, t'as de bonnes idées.

Je souris puis il se remet à écrire. Je demande:
-Je peux t'emprunter ton livre?

-T'es sûre que tu veux pas allumer la télé?

-J'ai demandé autre chose.

Il rit et dit:
-Bien sûr. Mon livre est ton livre.

Je souris en disant:
-Merci.

Des heures après, il est 3h du matin et on est toujours sur le lit, à nous raconter nos vies entières. Holden dit énergiquement:
-Si je le vois, je le cogne, sans explication. Que je me fasse casser la gueule ou pas.

J'éclate de rire et lui réponds:
-Je pensais pas que c'était ton style.

-Ah non, mais ton ex est bien cinglé. Te menacer de mort parce que t'as découvert que c'était un chien? Non.

Je ris et dis:
-On n'a pas eu de chance toi et moi avec tous ces canidés.

Il rit et je continue rêveuse:
-J'aimerais vraiment partir vivre en Suisse, dans les Alpes en montagne. Comme Heidi.

-Je crois pas que ce soit impossible d'obtenir la nationalité, ou si je crois que c'est super dur. Je crois que j'ai confondu avec la Suède.

Quand même motivée je propose:
-On pourrait se renseigner.

-Oui, on pourrait bosser dans un fast-food et économiser et se barrer.

Ma motivation baisse en réalisant quelque chose. Je soupire et dis:
-Mais la Suisse c'est super cher. On ne trouvera rien qu'on peut acheter, louer je ne sais même pas. Surtout dans les Alpes. Ça doit être plein de gens friqués.

-Alors ici. Dans le Montana.

De nouveau à fond, je m'exclame:
-Oui, c'est plus simple!

Avec son beau sourire, Holden dit:
-On pourrait même construire une cabane géante.

Je m'exclame:
-T'imagines les hivers dedans!

-Avec le feu et les couvertures.

Je pense tout haut:
-Et en été, on pourra faire des barbecues avec de vrais feux de joie.

Il pose son regard bleu où brûle du marron sur moi. Il demande avec un sourire:
-Toi et moi?

Son regard me trouble tellement que j'ouvre et referme la bouche, en me réveillant un peu. Je lui dis doucement:
-On est complètement barges.

Il rit puis me dit plus calmement:
-Non, je crois qu'on commence peut-être un épisode maniaque.

-Au moins, on est synchro et tu nous fais pas un début de dépression.

Il en rajoute avec son sourire:
-Et on est encore un peu lucides. Les ateliers sur la reconnaissance des états ont fini par marcher, j'y croyais pas.

Je dis:
-Oui mais c'est parce que c'est le début aussi. On a la chance d'avoir un début cette fois. On est vraiment lucides pour l'instant.

Je m'assieds et lui aussi. Je plonge mon regard dans ses iris bleus au centre marron. Avant que les conséquences de notre fugue n'emportent tout sur leur passage, je me force à lui demander:
-Tu crois que tu m'aimes bien parce que t'es en plein épisode? Parce que je sais que tu m'aimes bien, un peu.

Ses lèvres distrayantes s'étirent et ses yeux froids et chauds me parcourent. J'oublie presque de respirer et j'ai l'impression que la pièce s'est resserrée autour de nous. Il me dit:
-Non, je t'aime pas un peu. Je t'aime déjà plus qu'un peu et je suis pas du genre à changer de fille avec mes états. Si je suis avec toi, je suis comme ça.

Il lie ses petits doigts ensemble et je souris. Il me demande:
-Et toi? Parce que je sais que tu m'aimes bien, un peu.

La chaleur prend mon visage et je dis:
-Ben, tu sais...j'ai connu que l'autre fils de pute.

Holden siffle de choc et je ris avant de dire:
-Je m'en fous je retire pas, et j'allais dire que j'étais pas très pro là-dedans. Dans les relations.

Il glisse sa main sur le côté de mon visage et je me retiens presque de respirer. Il me demande de sa voix grave, enveloppante:
-Donc tu me réponds? Tu m'aimes bien ou...

Je ris nerveuse et lui dis:
-J'enlèverais pas mes vêtements Holden.

-Tu peux même mettre ta veste.

Je ris et il me fixe intensément donc j'avoue:
-Ok, je t'aime un peu beaucoup trop.

Il rit avec ses belles dents, mais s'arrête et je vois de la tristesse. Anxieuse, je demande:
-T'as euh...

Il me sourit un peu et me dit:
-Tu vas trouver ça chiant, mais j'ai pensé à mon frère, à Allie. Je pense à lui quad je vis des choses bien et ça peut me rendre triste. Mais il y a aussi un autre sentiment bizarre plus positif. Des fois, j'aimerais que ça s'arrête. Mais c'est pas parce qu'il est mort que je peux juste effacer son existence, m'arrêter de l'aimer.

Je me surprends à retenir des larmes et réussis juste à dire:
-Holden...

J'inspire, souris et dis la première chose qui me vient:
-T'as un beau prénom.

Il replace une de mes tresses derrière mon oreille et me répond:
-J'aime bien ton prénom aussi, il est cool. T'es cool.

Je réplique en souriant:
-Mais tu penses que je suis une grosse emmerdeuse.

Il sourit et avoue:
-Des fois.

Je tente de le frapper, mais il attrape mon poignet et juste après sa chaleur et ses lèvres me saisissent. Nos lèvres laissent nos langues se joindre à la danse quand il se couche. Il m'emporte sur lui et sa main caresse mon dos. Une partie de moi voudrait que sa main se balade plus. C'est ce qu'elle commence à faire sur mes fesses. Mais soudain il s'arrête et nos lèvres se séparent. Je le regarde confuse et anxieuse que quelque chose cloche. Il a l'air désolé en disant:
-Je dois me calmer.

Je lui réponds en souriant:
-T'es bête, tu le sais ça?

En se rasseyant il réplique:
-Peut-être, mais je veux pas être ton regret.

Il esquisse un sourire intéressé et dit:
-Mais si t'es sûre...

-Non, j'allais m'arrêter.

Il répond pas convaincu:
-Bien sûr.

Je tente à nouveau de le frapper et il recommence. Il attrape mon bras, me tire et ses lèvres se lient aux miennes. Je  sens ensuite la pression de sa morsure sur ma lèvre inférieure me donnant des frissons. Il me lâche et dit:
-Tu fais exprès d'essayer de me frapper à ce point-là.

Je ris puis je bâille et il se couche en me tirant près de lui. Il nous recouvre de la couverture et je me love dans ses bras. Il dit:
-Pas mal comme coussin, hein?

Je rigole puis m'arrête et il dit:
-Demain, on va devoir les appeler.

Je réponds la mort dans l'âme:
-Oui, oui.

-On ira au musée d'abord.

-Bonne idée.

Je cligne des yeux pendant qu'il me caresse le dos et trop tôt le sommeil m'arrache des heures auprès de lui.

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