Témoignage de ses dernières heures
En ce sixième jour de décembre, Dimitri se retrouve prisonnier dans sa maison familiale. Cette oppression le poussera sans doute à fuir dans ce chapitre où on le pousse à Conter les jours ! J'ai effectué quelques modifications sur ce chapitre et j'espère que cela l'a amélioré ! Bonne lecture !
Le premier réveil de Dimitri se fit en douceur alors que le Soleil était levé depuis longtemps. Lui qui avait l'habitude de se lever aux aurores, il fut surpris de voir que l'astre brillait tant. Le plus étonnant demeurait dans le repos qu'il avait en se réveillant. D'ordinaire, il avait un sommeil agité lorsqu'il sortait de l'un de ces tourments nocturnes. Alors que cette fois, il s'était rendormi comme si rien ne s'était passé. Pour une fois depuis que ce fichu mois avait commencé, il avait bien dormi. Dimitri se doutait qu'il avait sous-estimé la fatigue qui l'envahissait car il avait dormi plus longtemps. Trop longtemps, à son goût. Alors qu'il émergeait, il s'en voulut presque d'avoir été inconscient autant de temps. Cela ne lui ressemblait pas. À sa décharge, il avait du mal à se reconnaître depuis que ces chimères hantaient ses nuits. Dans le but de ne pas traumatiser ses muscles encore endormis, il se leva lentement. Il prit son temps pour se relever et s'étirer de tout son long. Se précipiter hors du lit ne servait à rien. Rien ne l'attendait hormis cette famille qu'il s'évertuait à fuir. Au contraire, être lent au sortir du lit lui permettrait de retarder cette rencontre fatidique. En pensant à cela, il se mit à ouvrir ses valises et ranger ses affaires pour ne pas descendre tout de suite. Au bout d'un moment, un détail le frappa : la maison était plongée dans un silence sans fin.
Connaissant ses deux frères, il sut que c'était impossible. Même si ces diablotins étaient endormis, il entendrait ses parents s'agiter ou monter les escaliers pour les réveiller. Il entendrait également le bruit de la machine à café et du grille-pain agiter la cuisine. Alors que là, il n'y avait aucun son qui résonnait dans la demeure familiale. Il y régnait une telle quiétude que Dimitri pouvait percevoir les battements réguliers de son myocarde. Il fut intrigué de connaître les raisons d'une telle accalmie. Non pas que cela lui déplut, mais cela était étrange de se réveiller dans une atmosphère tranquille. Avant de revenir, il s'était attendu à se faire brusquer. À ce que des hurlements perçants le forcent à émerger d'un puissant sommeil. Dimitri s'était préparé à ce que deux tornades blondes vinrent le secouer farouchement. Il s'était même mentalement préparé à ce qu'on vint lui crier dessus, de bon matin. Par pur bonheur, rien de tout cela n'était arrivé. Le jeune blondin se retrouvait dans la plus paisible des harmonies qui lui eut été donné d'entendre. Seule la nature s'énervait quelque peu au-dehors. Tandis que l'intérieur demeurait imperturbable. Pour un temps, il était seul. Pour un court instant, la douce impression qu'il était toujours à Paris l'envahit.
Conscient que ce ne fut que pure folie, il se croyait encore là-bas, loin de l'agitation familiale propre à chacun de ses retours en Russie. Dans cette chaleureuse bulle de crédulité, rien ne pouvait l'atteindre, tout pouvait arriver. Chaque erreur ne serait que la conséquence de son fait. Dimitri serait superbe, libre et puissant. Il suivrait ses ambitions et l'envie fougueuse de retrouver quiétude et solitude. L'adonis soupira d'un air las, conscient qu'il ne devait pas s'accrocher à ce rêve. Son retour au bercail demeurait la réalité, rien ne viendrait le sauver. Il devait juste patienter. Attendre que les fêtes de fin d'année fussent passées. L'attente serait longue, mais pas infinie. Il allait y survivre, il le faisait chaque année. Celle-là ne ferait pas exception à la règle. Quand il fut pour de bon tiré de ses rêveries, il alla se doucher pour mettre d'aplomb tant son corps que son esprit. Une fois qu'il fut propre et pourvu de nouveaux habits, il se mit à chercher une réponse à ses questions. Tête de mule, il ne serait serein que lorsqu'il saurait ce qui était arrivé. Il voulait connaître la raison qui avait bousculé la routine de ses pairs. Le jeune homme n'était pas inquiet, il était juste perturbé car rien ne bougeait dans ce manoir. Tout se déroulait toujours exactement de la même façon. Pour lui, le moindre changement d'attitude pouvait signer l'apocalypse. Ses parents étaient aussi précis que des montres suisses. S'il se moquait de leur sort, il se souciait de ses cadets. C'étaient les uniques êtres humains qui avaient de l'importance à ses yeux. C'étaient pour eux que Dimitri était prêt à fouiller leur foyer de fond en comble. Eux seuls suscitaient son intérêt. S'il pouvait ne plus jamais revoir ses géniteurs, il serait un homme comblé.
Sans tergiverser une seconde de plus, il se mit à la recherche de ce qui expliquerait la disparition soudaine de ses cadets. Dimitri était certain qu'ils n'étaient pas présents, l'ambiance était trop apaisante. Logiquement, Dimitri commença par vérifier qu'ils ne faisaient pas une grasse-matinée improvisée. Pourtant, il put constater que toutes les chambres étaient vides. D'un pas rapide, l'éphèbe descendit au rez-de-chaussée, traversa leur cuisine pour se rendre directement dans leur grande salle à manger, là où ils avaient l'habitude de prendre leur repas. Une fois encore, l'endroit était désert. Par automatisme, Dimitri s'approcha de la table sur laquelle trônaient des restes de petit-déjeuner ainsi qu'un mot portant son prénom. Immédiatement, il s'en saisit et ses prunelles découvrirent les instructions qui lui avaient été laissées. Son angoisse le quitta quand l'information atteignit son cerveau. Les jumeaux allaient bien, ils avaient juste suivi leurs parents qui avaient décidé de sortir pour faire des courses. Une fois n'était pas coutume, on ne l'avait pas réveillé. Dimitri s'en moquait éperdument. Tout ce qui comptait, c'était de savoir que ses petits frères allaient bien. D'après l'écriture légère de sa mère, ils ne rentreraient pas avant la fin de la journée.
Cette nouvelle détendit Dimitri, ce premier jour à la maison serait moins éprouvant que ce qu'il avait prévu. Cela faisait une journée de moins à leur mentir et à jouer le fils prodigue. Ou plutôt quelques heures de répit avant d'entamer toute sorte de simagrées pour leur faire plaisir. Il se retrouvait seul avec lui-même. Isolé du reste du monde, Dimitri aurait le temps de se ressourcer et de redevenir le maître de son âme. Le laps de temps de quiétude dont il disposait semblait court, mais cela suffisait au jeune homme. Il saurait en faire bon escient. Profiter de chaque seconde afin de respirer et de retrouver le contrôle. Pour se faire, il n'y avait qu'une solution viable, mais il ne la connaissait pas. Celle qui lui permettrait de venir à bout de ces sordides cauchemars. Ceux-là même qui se permettaient de troubler chacune de ses nuits. Ces horribles chimères qu'il désirait ardemment détruire. Dimitri ne désespérait pas de les vaincre, mais cela demanderait du temps.
Comme toute chose que l'on souhaitait éradiquer, il fallait trouver la source de cette ignominie et comprendre son fonctionnement. Si le jeune homme aux prunelles vertes-gris avait saisi le mécanisme de ces affreuses illusions. Ce qu'il ignorait, c'était l'élément déclencheur de tout ce cirque. En prenant son petit-déjeuner, il émit une hypothèse aussi incroyable qu'improbable : il était maudit. Aussi impossible que cela lui parût, cette explication s'imposa à son esprit comme une évidence. Pourtant, plus il prononçait ces mots à voix basse, plus il se disait que c'était stupide. Dimitri ne croyait pas à ces choses-là et ce n'était sûrement pas maintenant qu'il allait se mettre à croire à ce type de fadaises. Quand bien même il serait traumatisé, il ne dévierait pas si simplement de sa logique. Il n'était pas si sot pour accréditer ce genre de faits juste parce qu'il faisait de mauvais rêves. Non, la magie n'existait pas sauf dans les contes. Dans ce monde réel dans lequel Dimitri vivait, le fantastique n'était rien d'autre que des fantasmes agités devant les iris d'un public naïf. Dimitri ne faisait pas partie de cette foule, il s'en était toujours démarqué. Ce n'était pas aujourd'hui que les choses changeraient.
Il ne pensait pas qu'un stupide être magique eut pu jeter son dévolu sur lui. Cela n'aurait aucun sens. S'il avait un esprit atypique, sa vie et son esprit ne sortaient pas du lot. Cela faisait six ans qu'il s'arrangeait pour se fondre dans la masse. Ce n'était pas logique. Rien de ce qu'il subissait n'avait de sens. Trouver une raison logique et rationnelle serait donc complexe. S'il s'était ouvert au monde occulte, il aurait pu comprendre la nature de sa malédiction. Hélas, le jeune homme aux yeux vert-gris ne croyait pas à ces choses-là. Pour lui, ce n'étaient que des fadaises ou des contes que l'on évoquait pour se rassurer au mieux. Il ne faisait pas partie de ces gens-là. Dimitri regardait toujours la réalité en face. Le reste n'avait aucune place dans son esprit. C'était sûrement ce défaut qui le noyait dans l'incompréhension la plus totale. Convaincu de ne jamais avoir rien fait de mal, même l'évocation d'une punition divine lui semblait absurde.
Il ne croyait à aucune force supérieure quelle qu'elle fût. Le jeune homme était convaincu que chacun était responsable de ses actes. Que l'on ne subissait que les conséquences des choix que l'on avait faits. Aucune puissance extralucide ne les entourait, ce n'étaient que des sornettes pour apaiser les âmes égarées. Même la magie de Noël était étrangère au cœur du blondin. Certain que ce n'était que pour encourager la consommation, cet apaisement que tout le monde ressentait à l'approche de cette période enchantée lui était inconnu. Insensible à ce charme païen, il ne voyait qu'un discours empli de superstitions et de prétextes pour se dédouaner de ses fautes commises le reste de l'année. Un beau gâchis d'argent et de nourriture qui le dégoûtait un peu plus chaque jour.
Cet espoir qui gagnait tous les gens lors de la même période lui était étranger. Ce n'était qu'un ensemble d'effets erronés. Dimitri ne désirait pas s'attacher à des chimères. En admettant que les spectres de la nativité envahissaient le monde chaque année pour s'occuper de l'équilibre de la Terre, cela n'expliquait pas ce qu'il vivait depuis le début du mois de décembre. Il n'avait amassé aucun mauvais karma. Du moins, il en était assuré. Contrairement aux personnes qui avaient un physique imposant, l'adonis n'utilisait jamais son corps pour intimider son prochain. S'il le faisait, ce n'était qu'en cas d'absolue nécessité. Rancunier, Dimitri était du genre à rendre au centuple les torts qu'on lui faisait. Pourtant, il n'était jamais celui qui amorçait les hostilités. Cela ne l'intéressait guère. Ce ne serait que gâcher son énergie et son temps. Aucun crime n'entachait sa conscience rationnelle et pragmatique. Il fallait donc que Dimitri envisageât une autre option. Malheureusement, aucune autre idée sensée ne lui vint.
Il finit par secouer la tête. Se faire du mouron pour ces étranges rêves était stupide. Peu importait la raison de leur venue, ils finiraient bien par repartir, il fallait simplement se montrer patient. Ressasser ce qu'il endurait la nuit ne lui servirait à rien. Il se devait juste d'avancer et de passer à autre chose. C'était comme cela qu'il avait l'habitude de procéder lorsque ça n'allait pas. Jusqu'à ce jour, ça avait toujours fonctionné. Donc autant conserver ses vieilles coutumes de survie. Ce n'étaient pas ces illusions nocturnes qui auraient raison de lui ! Dimitri comptait se battre. Pour se faire, il devait continuer de déconnecter ses cauchemars et la réalité. Mêler les deux était le meilleur moyen de le consumer. Dimitri devait se dissocier de tout cela. Néanmoins, il ne pouvait tout oublier car il voulait trouver la solution à cette énigme qui le concernait. Tout ce qu'il devait faire, c'était prendre garde à ce que cela ne devint pas une obsession. Se connaissant, c'était le plus grand danger qu'il devait craindre. Pourtant, le plus urgent n'était pas d'obtenir des réponses, mais de faire attention à ce qu'il ne se fatiguât pas davantage. Sans s'en rendre compte, il avait dépensé une énorme énergie à se réveiller en pleine nuit. Si son mental pouvait éprouver cela encore plusieurs jours sans ciller, ce ne serait pas forcément le cas de son corps. Dimitri devait conserver un certain repos. S'il se laissait aller, son humeur s'en ferait ressentir. Alors qu'il était en famille, laisser exploser tous ses sentiments sans limite signait l'arrêt de mort des habitants de cette demeure, y compris le sien. Dimitri voulait éviter d'en arriver à de tels extrêmes. Il fallait donc qu'il trouvât une solution pour composer avec son manque de sommeil.
Une fois son fastueux repas achevé et ses pensées plus ou moins ordonnées, il rangea la table et disposa tous les couverts dans le lave-vaisselle qu'il n'oublia pas de démarrer. Puis il s'attela à nettoyer la table avant de chercher une occupation à accomplir pour cette journée de solitude. Il pourrait rejoindre sa famille qui cherchait certainement des cadeaux à offrir à leurs proches qui afflueraient entre le vingt-trois et le vingt-quatre décembre. Cette idée le surprit tellement qu'il faillit tomber par terre. Clairement, il manquait de lucidité pour avoir eu une telle lubie. Passer du temps avec les jumeaux lui paraissait normal, mais c'était pure folie que de supporter leurs géniteurs. Plus il se trouvait loin d'eux, mieux il se portait. En plus, ces quelques heures de paix et d'introspections seraient certainement les dernières avant un long moment. Il ne sacrifierait cela pour rien au monde. Pour autant, il ne pouvait pas demeurer ici et tourner en rond toute la journée. Cela épuiserait son moral et mettrait à rude épreuve sa patience. Ce dont il pouvait se passer en ce moment. Non, il devait sortir et respirer le doux air de sa terre natale. La neige qui recouvrait le sol semblait l'appeler à pleins poumons. S'y soustraire ne serait pas raisonnable. Aucun devoir ne l'éloignait de ce sol immaculé. Rien ne le retenait de rejoindre ce paysage nacré. Sortir lui permettrait de faire le vide en lui. Dimitri pourrait alors se débarrasser de ce fléau de pensées qui ne cessaient d'affluer et de refluer toutes les secondes. Cela lui permettrait de s'aérer et de se défaire de cette pression qu'il s'infligeait à lui-même : celle d'être parfait au moins en apparence.
Il ne pouvait pas se permettre de flancher. Encore moins en Russie. Le jeune homme ne retrouverait pas la quiétude de cet endroit avant l'année prochaine. Il avait beau exécrer les humains qui habitaient ces lieux, son pays lui manquait, il ne pouvait le nier. Ce serait idiot de profiter pleinement des alentours alors qu'il ne les reverrait pas pendant onze longs mois. S'il ne pouvait pas avoir de repos correct, sa contrée pourrait au moins avoir du temps pour se ressourcer et affronter dignement les prochains jours qu'il subirait avec sa famille.
Évidemment, il ne souhaitait pas rester en ville. Dimitri ne désirait pas prendre le risque de côtoyer des personnes qu'il connaissait autrefois. Ni même de devoir s'adresser poliment à des étrangers. Non, il voulait profiter du silence de la nature. Soudain, il se rappela ce centre équestre auquel il se rendait quand il résidait encore ici à plein temps. C'était l'un des endroits dans lesquels il aimait se plonger pour aspirer au calme et la tranquillité des bois. Le désert forestier qui entourait le centre était devenu son repaire. Dimitri y avait passé tant de temps qu'il ne pouvait se perdre dans cet amas d'arbres, de vieilles branches et de buissons. Pour se moquer, on lui avait parfois répété que cela était son domaine. Ceux qui le pensaient se trompaient, c'était juste l'un de ses refuges. Si rien n'avait changé, cela lui procurerait le même bien-être que par le passé. Le jeune russe se doutait qu'il n'allait pas déboiser toute la forêt, mais certains coins pouvaient avoir changé depuis la dernière fois qu'il s'y était rendu. Enfin, tant que l'atmosphère demeurait identique, cela n'avait pas de réelle importance. Une promenade équestre pourrait lui faire du bien. L'éphèbe pourrait profiter de l'air pur de la nature, loin du bitume de la capitale. Changer d'environnement lui permettrait de savourer encore un peu la douce impression qu'il n'était pas de retour chez eux. Qu'il n'était pas encore une fois enfermé dans cette prison dorée dont les geôliers l'étouffaient. Le jeune homme pourrait arrêter de se torturer le cerveau avec toutes les préoccupations qui l'assaillaient. Quelques heures, il pourrait juste s'évader. Être seul avec sa monture. N'avoir de compte à rendre à personne. Retrouver son fidèle destrier qu'il avait déjà trop délaissé. Il fut donc résolu de se rendre au centre équestre qu'il avait tant colonisé pendant sa jeunesse. Il y passerait toute la journée même s'il n'emmena aucune provision. Après tout, il n'avait besoin rien d 'autre que d'une monture pour admirer les bois sacrés de son enfance. Il ne restait plus qu'à prier pour qu'il eût encore quelque talent de cavalier.
Décidé à retourner à ces sources de son enfance, il prit les clefs de voiture que sa mère avait laissées pour emprunter son véhicule. Pour une fois, elle avait agi intelligemment. Armé d'un fin sourire, il conduisit jusqu'à la campagne de Vologda qui se trouvait à deux heures de chez lui. Étrangement, le trajet ne lui avait jamais paru aussi long. Il n'avait qu'une envie : sauter de sa voiture et monter à cheval. Plus les kilomètres défilaient, plus ce besoin l'envahissait. Cela ne faisait que moins d'un an qu'il n'avait pas monté le moindre étalon, mais pour lui, cela faisait une éternité. Une fois arrivé à destination, il se rendit compte qu'il n'avait emporté ni à manger ni à boire alors qu'il passerait sûrement toute sa journée dans la forêt près du ranch dans lequel il se garait. Il haussa les épaules en coupant le moteur. Il aviserait le moment venu. Le plus important était de retrouver son cheval favori. Une fois sur les lieux, il bondit par terre même s'il prit le temps de verrouiller l'engin qui l'avait mené jusqu'ici. Il ne voulait pas qu'on la volât. Éviter d'avoir des ennuis avec ses parents dès le premier jour serait préférable. Il ne voulait pas avoir affaire à leur mauvaise foi dès les premiers instants de son séjour. Cela le ferait céder à la tentation de fuir. Ce qu'il ne pouvait décemment faire par égard pour ses cadets. D'un pas pressé, il se dirigea vers l'entrée puis patienta que ce fût son tour pour pouvoir louer une monture. Heureusement, il n'y avait qu'une seule personne devant lui. Cela lui évita d'attendre mille ans et de trépigner d'impatience. Dimitri pouvait conserver son habituel air froid et hostile. La jeune femme qui s'occupait de l'accueil des clients sembla le reconnaître et lui sourit avant d'engager la conversation :
« Dimitri ?
— Euh oui ?
— Tu ne te souviens plus de moi alors que ça ne fait que deux ans qu'on ne s'est pas vus ! Bah bravo !
— A...Ania ? lui demanda-t-il les yeux exorbités.
— Gagné, andouille !
— Woaw, tu as vraiment changé !
— Je me demande comment je dois le prendre, le taquina-t-elle en souriant.
— Bien, bien, ne t'en fais pas ! J'ai beau ne pas être le plus sociable du monde, je sais encore être courtois ! répondit-il du tac au tac.
— Parfois, tu peux être autant stupide que les autres hommes...
— Si c'était vraiment le cas, nous ne serions pas amis, se défendit le blondinet.
— J'ai dit parfois et c'est déjà bien assez. Bon, qui est-ce que tu veux prendre ?
— Est-ce que mon Raspoutine est encore en mesure de tenir toute une journée ?
— Oui, cette vieille mule est aussi tenace que son maître ! affirma-t-elle en riant légèrement.
— Ce n'est pas sympa ça, grogna-t-il.
— Ce n'est pas ma faute si c'est vrai. Pour combien de temps veux-tu le louer ?
— Le reste de la journée s'il te plait.
— Vraiment ? Alors que tu n'as ni gourde ni de nourriture, es-tu sérieux ?
— Roh, c'est bon, ça ne va pas me tuer ! grommela le jeune russe.
— Ne bouge pas triple buse, je vais te chercher de quoi survivre, soupira-t-elle.
— Ce n'est pas la peine, Ania !
— C'est soit ça, soit tu repars avec un poney !
— Okay, okay, je t'attends ici, se résigna-t-il. ».
Il tint sa promesse même si cela ne lui plaisait clairement pas. De toute façon, il n'en avait pas vraiment le choix. Son unique autre option se résumait à enjamber la barrière de l'entrée et courir jusqu'à l'enclos. Physiquement, cela pouvait se tenter surtout qu'il connaissait par cœur l'endroit où se trouvait son superbe étalon. Cela pouvait se faire, mais il devrait sceller sa monture en quelques secondes. Une mission difficile, mais qui n'était pas impossible. Le seul souci demeurait Ania. Elle pourrait lui en vouloir pendant un moment et elle pourrait se sentir trahie. Sans cette confiance aveugle, chevaucher quand bon lui semblait s'avèrerait complexe. En plus, il s'entendait plutôt bien avec elle. Il ne voulait pas risquer de briser le lien qui les unissait depuis tant de temps. Surtout si cela menaçait également son assurance de trouver un refuge lorsqu'il allait mal. Il avait besoin d'Ania car il avait besoin de retrouver Raspoutine. Son séjour chez les monstres Ierofeiev allait être assez rude à endurer. Il ne pouvait risquer de se priver bêtement d'un de seules échappatoires. Il devait donc attendre sagement. Tandis que son amie disparut dans sa réserve, Dimitri s'appuya contre un des poteaux de l'entrée et observa les environs. Outre la verdure qui entourait les environs, son regard se porta en premier sur la pancarte de bienvenue qui se trouvait à quelques mètres. Bien qu'ancienne, elle avait été changée récemment. Du moins, la pancarte avait été rénovée puisque son support en bois trahissait son ancienneté. Ensuite, il y avait l'entrée du ranch. À ses côtés, la barrière boisée était assez grande pour retenir toute personne zélée de la franchir. À condition de ne pas mesurer près de deux mètres comme c'était le cas pour le blondinet. Ces mêmes limites plutôt frêles conduisaient au matériel équestre et aux box où reposaient les bestioles. Enfin, à sa gauche se situait le bureau d'accueil qui possédait une face extérieure, visible au public et une porte menant sur une partie intérieure que nul ne pouvait franchir hormis le personnel. Assez basique comme salle d'accueil, il n'y avait pas de réelle séparation entre les employés et ceux qui venaient chevaucher. Dimitri avait toujours trouvé cela peu prudent surtout quand la caisse était plus ou moins visible. Pourtant, c'était un centre équestre familial. Personne ne penserait jamais commettre un crime ici et la caisse ne serait pas aussi remplie que celle d'un magasin de grande surface. Le plus intéressant se trouvait sur les murs de la face externe du bureau.
Dans le fond, il y avait une cage renfermant des trophées ainsi qu'une photo de la promotion des jeunes cavaliers de cette année. Tout comme il y avait des images plus vieilles qui relataient de vieux évènements. Certaines dataient de l'enfance de Dimitri, affichaient les enfants aux côtés des poulains, nés depuis peu. Puis il y avait des images beaucoup plus antiques qui mettaient en scène les prémices de ce centre équestre ainsi qu'une image du ranch lors de sa première inauguration. D'anciennes photos que Dimitri pouvait voir chaque fois qu'il venait ici. Même s'il pensait que la décoration devrait être refaite, le jeune homme fut plongé dans une profonde nostalgie. Sans en connaître la raison, il en vint à regretter cette paisible période où il était un enfant et où sa plus grande occupation était d'apprendre à chevaucher. Il était loin, ce petit garçon, et il était presque mort, disparu à jamais. Cette époque de l'insouciance était révolue. Pourtant, il la recherchait. Alors qu'il allait se noyer dans un torrent de réflexions, des bruits de pas le firent sortir de sa torpeur muette. C'était Ania qui revenait à la charge, armée d'une sacoche dont le contenu lui était encore inconnu. Dès qu'elle fut assez proche de lui, elle lui remit la sacoche sans mot dire. Dimitri baissa son regard vers l'intérieur de la sacoche et découvrit une gourde, un pain garni de fromage et une pomme. Étonné du silence de la jeune femme, il releva les yeux et croisa son air réprobateur. En guise de réponse, il se contenta de lui adresser un sourire innocent. Ce qui la fit maugréer :
« Je devrais te faire payer ce ravitaillement.
— Mais tu ne le feras pas, affirma le jeune cavalier d'un ton triomphant en enfilant la sacoche.
— Ah oui, et pourquoi donc petit tsar ?
— Mh, je dirais que c'est parce que tu m'apprécies beaucoup trop et que ma santé passe avant tout.
— Il est dans le box 66 et tu as intérêt à rentrer avant le coucher du soleil.
— Oui maman, la charia-t-il.
— Je t'emmerde, sale gosse. ».
Cette injure lui arracha un sourire amusé, satisfait de constater que son amie n'avait pas changé. D'un pas rapide, Dimitri s'en alla au box indiqué par la jeune mégère. Une fois arrivé devant ce dernier, il se glissa à l'intérieur de l'habitacle qui retenait l'animal. Ce dernier reconnut immédiatement l'un de ses maîtres, il hennit de joie et vint lécher ce jeune ami de longue date. Le jeune blond fit semblant de râler, mais lui aussi était content de retrouver sa monture. Dimitri connaissait Raspoutine depuis qu'il avait treize ans. Enfant, Dimitri venait presque tous les jours s'entraîner dans ce centre équestre. Si ses parents avaient été réticents à le laisser s'y rendre tant de fois, ceux d'Ania avaient proposé de se charger du retour de l'enfant. Ils avaient alors accepté conscients que leur fils serait prêt à faire le trajet à pied s'il le fallait. Sa passion pour cette noble pratique échappait à ceux qui avaient mis ce blond au jour. Pourtant, ils le connaissaient suffisamment pour savoir que son entêtement n'avait aucune limite. Même durant son adolescence, Dimitri se moquait d'avoir l'aval de ses géniteurs tant qu'il obtenait ce qu'il désirait. Avant de s'enticher de ce fidèle destrier, il s'était attaché à son géniteur, Éclair.
C'était avec ce bel étalon noir que Dimitri avait appris tout ce qu'il savait sur ce noble sport. Hélas, l'équidé finit par tragiquement succomber d'une crise cardiaque alors que le jeune homme aux yeux vert-gris n'avait que treize ans. Traumatisé par sa mort, il songea à délaisser cette passion qui l'animait depuis son plus jeune âge. Heureusement, avant qu'il n'abandonnât cette idée à jamais, il avait croisé le chemin du poulain Raspoutine. Quand il apprit qu'il fut le fils de celui qu'il avait tant aimé, il résolut que ce cheval serait le sien. Décision unanime à laquelle personne ne s'était opposé. Et même si depuis quatre ans, il ne voyait ce cheval qu'une fois par an, il avait gardé l'habitude de venir le visiter dès qu'il le pouvait. Cet animal était l'un des rares êtres pour qui il avait des émotions. Il était surpris que cet animal pût avoir un tel pouvoir sur lui. Avec les années, il s'était juste accommodé à cette emprise mutuelle. En effet, même si l'étalon ne pouvait pas parler, il démontrait plus d'affection à Dimitri qu'à ceux qui s'occupaient de lui quotidiennement. Aussi étrange que fût leur amitié, elle était d'une sincérité et beauté extraordinaire. Un lien les unissait et seuls eux deux pouvaient le comprendre.
Une fois qu'il cessa de câliner la bête, l'éphèbe la harnacha et la prépara pour la monter. Il saisit la bride de Raspoutine et sortit à l'extérieur de l'établissement d'équitation en marchant. Une fois dehors, il grimpa sur sa superbe monture et lui indiqua de marcher jusqu'à la forêt. Même si aller à toute vitesse était tentant, cela risquerait de froisser un muscle du cheval. Le duo avança donc lentement dans cette profonde forêt. Perdu dans cette majestueuse flore, Dimitri empêchait son destrier d'aller trop rapidement. Il voulait profiter de ce merveilleux paysage qu'il n'avait plus eu le loisir de voir depuis l'année passée. Il se rappela comme cela était compliqué de retourner dans une autre contrée. Chaque année, il devait se couper de cette magnifique atmosphère dans laquelle il avait grandi et qui lui apportait un incroyable bien-être. Cela ne lui suffisait plus de vivre loin de ce territoire qui lui emplissait les poumons de bonheur. Or, il ne pouvait pas rester en Russie toute l'année. Cela était au-dessus de ses forces.
Se détacher demeurait le plus dur. Il devait chaque fois se faire à ne plus vivre dans ce milieu qui était le sien. Il devait se résoudre à cette réalité, la Russie lui manquait dès qu'il la quittait. Il avait du mal à l'avouer, mais il avait le mal du pays à chaque fois qu'il retournait en France. Il ne s'en rendait pas compte ou ne voulait pas en prendre conscience, mais il avait un besoin inextricable de demeurer dans sa terre natale. Après tout, c'était la terre de ses ancêtres et elle l'avait vu grandir. Elle avait été le témoin de ses malheurs et de ce qui l'avait transformé en glaçon vivant. Elle lui avait également offert un asile quand il était perdu et tourmenté. Ignorer tout cela serait faire preuve d'une effroyable ingratitude. C'était pour cela que la quitter était toujours aussi complexe. Lorsqu'il retrouvait sa chère partie, il retrouvait une part de lui, ce qui le remplissait d'une plénitude qu'il ne saurait décrire. Ici, il était authentique même s'il restait imparfait.
Sa famille était la seule barrière qui le séparait de cette terre adorée. Une simple frontière que le temps renforçait. Subir ses géniteurs tout le long de l'année lui paraissait inconcevable. Il finirait par craquer et Dieu seul savait ce qu'il serait capable de faire. Dimitri ne voulait imposer aucune violence aux jumeaux qu'il s'évertuait à protéger. Alors, il avait fait le choix de s'exiler. Cette évidence écœurait le jeune homme. Si bien qu'il secoua la tête pour se débarrasser de ces fantasmes qui ne se réaliseraient jamais. À moins qu'une hécatombe ne sévit, il ne pourrait jamais rester en ces lieux apaisants. Il s'y était fait, retourner mentalement le couteau dans la plaie ne servait à rien. Dimitri devait rester concentré sur sa mission : survivre une année de plus à ce mois de décembre. Il devait se focaliser sur cet unique objectif. Encore une fois, il devrait endurer de passer du temps avec des êtres qu'il méprisait pour la plupart. Ces mêmes êtres qui le répugnaient tant qu'ils le faisaient fuir loin de son habitat naturel.
Voulant s'éloigner de ces frêles frayeurs, il incita son étalon à partir au galop. La rapidité des mouvements de la bête ainsi que les secousses qui agitèrent le corps du jeune Apollon apaisa son esprit. Fermant à moitié les yeux, il profita du vent qui vint fouetter son visage. Il concentra toute son attention sur sa respiration ainsi que les renâclements de celui qui lui faisait traverser de nombreux feuillages ternis de blanc. Le silence de la nature l'aida à faire le vide et pour une fois depuis un an, il se sentit parfaitement bien. Le jeune homme se sentait enivré d'une pure extase. Et il rêva que ce moment ne finit jamais. Finalement, revenir aux sources lui avait permis de retrouver son calme légendaire. Il ne lui fallait que ça pour être certain d'encaisser ces retrouvailles familiales. Même les étranges chimères qui agitaient ses nuits semblaient être un souvenir lointain. Perdu au milieu de cette toundra russe, plus rien ne pouvait l'atteindre. Absolument rien ne pouvait ternir sa paix intérieure. Ici, rien ne pouvait le blesser. Cela le tentait de rester même s'il savait pertinemment que c'était impossible. Au bout d'un moment dont il ignora la longueur, il fit ralentir sa monture jusqu'à la faire arrêter totalement. Il ne voulait pas l'épuiser. Raspoutine avait besoin d'une pause même si cela venait à briser la bulle dans laquelle Dimitri s'était plongé. Il laissa même son cheval arracher quelques herbes qui n'avaient pas encore été engouffrées par la neige.
Une fois que Raspoutine fut reposé, il reprit sa marche cavalière tout le long de la journée. Alternant entre différentes allures, Dimitri fit tout pour que cette promenade fût aussi agréable pour lui que pour sa monture. Il quitta de nombreuses fois le sentier principal, il se perdit aussi, mais son cheval finit par retrouver leur chemin. Cela lui permit de s'émerveiller de ces arbres recouverts de givre et de ces allées immaculées. Durant l'escapade, il avait davantage nourri et abreuvé Raspoutine que son propre organisme. Pour lui, ce n'était qu'un détail. S'il était là, c'était pour se ressourcer. En plus d'avoir retrouvé son cheval préféré, l'air pur de la végétation lui apporta une force nouvelle. Quand il vit la silhouette du ranch se dessiner, le Soleil avait presque achevé sa chute et la Lune menaçait de pointer le bout de son nez. Il se rendit compte que son oubli de vivres n'était pas totalement involontaire. Évidemment, il ne le préciserait jamais à Ania. Cela ne ferait que gâcher la parfaite journée qu'il venait de passer. Et il refusait que sa journée se terminât de cette façon.
Son retour étonna presque sa comparse, certaine de ne pas le voir revenir avant le lendemain. Comme s'il était incapable d'écouter les ordres qu'on lui donnait. Il était vrai que Dimitri pouvait être une sacrée tête de mule, mais il n'était pas stupide. S'il avait obéi à cette condition, c'était pour éviter de se faire harceler. Même s'il avait été tenté de demeurer dehors toute la nuit, il craignait que cela ne plût pas à son compagnon et que ce dernier ne tombât de fatigue. Il avait donc préféré ne pas abuser de la chance qu'il avait eue de le retrouver. De toute manière, il reviendrait. Il revenait toujours. Son alliée se moqua de lui, mais il n'y prêta pas la moindre attention et se plongea dans un profond mutisme. Une fois descendu de selle, il se contenta de défaire machinalement l'équipement de son animal, de le brosser, de curer ses sabots, de remplir son abreuvoir et de remettre du foin dans le box de Raspoutine avant de s'en aller sans accorder un seul regard à Ania.
Il rejoignit le véhicule emprunté à sa génitrice afin de rejoindre son foyer familial. Au moment où l'adonis arriva chez lui, il soupira. Il ne se sentait pas d'affronter une conversation familiale ni de supporter les cris de ses cadets. Il décida alors de faire comme il avait l'habitude de procéder : filer le plus rapidement possible dans sa chambre sans se faire arrêter par un membre de sa famille. Cela allait être complexe, mais il allait quand même tenter sa chance. Il avait passé une belle journée et voulait la faire durer le plus longtemps possible. Le jeune blond musculeux sortit donc de la voiture, se fit de nouveau accueillir par le gros molosse qu'il caressa mollement quelques secondes. Avançant d'un pas rapide vers l'entrée, il poussa le portillon qu'il avait ouvert grâce à ses clefs de maison et en fit de même avec la porte d'entrée principale. Une fois à l'intérieur, il se déchaussa, ôta son manteau, déposa les clefs sur le buffet de l'entrée. Puis il s'arrêta un dixième de seconde pour vérifier que personne ne l'avait remarqué. Assuré qu'il avait toutes ses chances de réussir, Dimitri grimpa les marches des escaliers quatre à quatre. Ce ne fut que lorsqu'il atteignit la dernière marche que sa mère se tenant en bas le héla à voix haute pour le faire redescendre. Sauf que Dimitri ne comptait pas lui obéir et prétexta qu'il n'avait pas faim. Tandis que la raison de son attitude était tout autre. Quoiqu'il en fût, il parvint à s'exiler dans sa chambre où il s'enferma pour que personne ne vînt l'ennuyer. Dimitri soupira, profitant de cette solitude salvatrice. Il n'était pas fatigué, mais il était hors de question qu'il brisât ce moment sacré en se mêlant à ces bruits et à ces explosions de voix qui provenaient d'en bas. Il préféra rester dans sa grotte et y déambuler jusqu'à ce que la nuit tombât de manière nette sur le ciel de Saint-Pétersbourg. Quand les aiguilles de l'horloge qui trônait sur le mur de sa chambre sonnèrent les coups de vingt-trois heures, le jeune homme songea sérieusement à s'endormir. Se laissant aller à ce doux repos, il fut quelque peu soucieux de ce qu'il verrait cette nuit, ou plus précisément, de ce qu'il vivrait.
L'obscurité.
C'était tout ce qu'il voyait. Tout était noir. Le jeune homme avait beau plisser les yeux, rien n'était visible. Tout ce qu'il parvenait à percevoir demeurait la peur et le froid. Dimitri fut surpris car aucun de ses rêves n'avait commencé dans une atmosphère aussi glauque et inquiétante. D'ordinaire, il réussissait rapidement à trouver quelques repères pour lui expliquer où il se trouvait, ce qu'il était et qui il était. Alors que là, il n'avait que rien des impressions. Des émotions étranges qui affluaient en vrac dans son esprit. Il se sentait effroyablement seul et cela ne semblait pas dater d'hier. Il sentait aussi toute cette oppression qui l'assaillait. Les rares odeurs qui l'entouraient étaient pestilentielles. Tout comme il ressentait la crasse, le manque, la faim, la soif, l'anxiété et l'inconfort. Dimitri lui-même se sentait méfiant, plongé dans cette dimension inconnue, recluse de son esprit. Pourtant, le spectateur de ce rêve gardait un sang-froid incroyable. À force d'endurer des cauchemars incongrus, il en était moins émotif.
Ce n'était pas exactement vrai, mais le jeune russe ne voulait pas l'admettre. Cette situation lui était plus familière que les autres, c'était sûrement pour cela qu'il réagissait si bien. Dimitri n'avait pas besoin de mille informations pour comprendre qu'il était détenu. Pas seulement d'un corps anonyme, mais également d'un lieu crasseux et peu agréable à vivre. Si Dimitri avait passé sa vie enfermé dans une prison dorée, il savait tout de même ce que cela faisait d'être enfermé dans un lieu et de ne pouvoir s'en échapper. Il avait appris à s'en accommoder et à renier tout le désarroi qui aurait pu s'emparer de lui.
Être retenu contre son gré n'effrayait pas le jeune rêveur, il en avait l'habitude. Ici, il se rassurait du fait que son enclos ne contenait aucune âme indésirable hormis la sienne. C'en était presque rassurant. Comme un lointain repère que l'on fixait sans s'en rendre compte.
Cette impression de sécurité fut renforcée par l'individu qui accueillait son esprit. Il ou elle ne ressentait aucune émotion violente. Cet humain semblait être une coquille vide, privée de toute impulsion vitale. Comme si son isolement avait happé ses sentiments et n'avait laissé qu'un vide béant et incommensurable. Une enveloppe charnelle dénuée de toute envie et de tout désir. Dimitri fut surpris d'incarner une personne qui se rapprochait tant de sa véritable nature. Cela lui assurait de ne rien vivre de stupide. Quelqu'un de pragmatique ne se laissait pas guider par de sottes pulsions et cela l'empêchait de commettre d'absurdes erreurs. Le jeune russe en était certain. Pour la première fois depuis plusieurs jours, il se sentait en sécurité malgré les étranges choses qu'il pourrait voir ou subir.
Au bout de quelques instants, ses prunelles s'accommodèrent à la pénombre et découvrirent ce qui l'entourait. La première chose qu'il distingua fut le plafond grisâtre qui surplombait sa tête et remplaçait le ciel. Cette vision confirma les soupçons du jeune dormeur : il n'était pas libre, mais cela lui importait peu. Cette première impression fut confortée par les barreaux qu'il vit s'élever face à lui.
En constatant son état, Dimitri ressentit le premier émoi traverser le véhicule qu'il empruntait. Un profond désarroi l'empara, lui désirait être libre. Dimitri comprenait cette volonté, mais il demeurait assez conscient pour savoir que c'était une chose impossible. Même si l'incarcéré parvenait à s'évader, il resterait prisonnier de ce qu'il a vécu à l'intérieur de cette geôle. La liberté n'était qu'une illusion que l'on forgeait pour mener une existence paisible. Les plus crédules y arrivaient, ce qui n'avait jamais été le cas de Dimitri.
Au vu de la barbe qu'il finit par voir et des habits qu'il portait, Dimitri comprit qu'il était piégé dans un corps masculin qui n'était ni jeune ni vieux, enfermé dans une sorte d'entre-deux. Même son corps semblait se moquer de lui et lui signifier que le temps ne reprendrait jamais pour lui. Malgré cette dernière lueur qui habitait le cœur de cet inconnu, il était clair qu'il ne sortirait jamais. Dimitri vit de multiples croix qui indiquaient les jours que ce dernier avait passé en cellule. Vu le nombre, il ne reverrait jamais la douce chaleur du Soleil. Espérer ne servait à rien. Sauf à exaspérer Dimitri et l'emplir d'un profond mépris pour ce misérable qui était en cage.
Ce courroux fut redoublé quand ce dernier agrippa frénétiquement les grilles de fer et les agita de toutes ses forces. S'il était certain d'être entendu, Dimitri lui dirait que c'était vain. Qu'il ne sortirait jamais, peu importe la fougue qu'il mettait à vouloir sortir. Tout comme il savait que crier ne ferait que s'attirer les foudres des gardes. Hélas, le jeune russe n'avait aucune emprise sur cet imbécile qu'il contemplait. Ce dernier, empli d'une rage nouvelle se mit à hurler :
« Laissez-moi sortir ! Je n'ai rien à faire ici ! Je suis innocent !
— Arrête de gesticuler, grogna un gardien à la voix grave et déformée par le mal qui régnait dans la bâtisse. Si tu es là, c'est pour une très bonne raison. Et si tu pouvais passer tes dernières heures en paix, ça nous arrangerait !
— Tu as sûrement dû oublier de lui donner sa bougie et de quoi écrire Vince. Rien de grave en somme, intervint un autre gardien à la voix calme.
— Ouais, quoiqu'il en soit, vivement qu'il crève !
— Sois un peu plus respectueux envers ceux qui sont condamnés s'il te plait, le sermonna le second gardien.
— Roh, c'est bon, arrête avec tes remontrances, Jay !
— Bon, je m'en occupe si ça te contraint tant.
— Avec plaisir ! Occupe-toi donc des condamnés, cher altruiste que tu es ! ».
Jay s'efforça d'ignorer les moqueries de son collègue tout en apportant le nécessaire. De son côté, le forcené devint aussi silencieux que la mort. Il semblait abasourdi par le choc d'endurer comme s'il avait oublié l'endroit où il se trouvait. L'enfermement avait probablement rongé les parties saines de son esprit. Cela expliquerait les absences qu'il subissait et le fait même qu'il pût omettre sa condition. Dimitri constata que le vieil homme était là depuis longtemps. Outre ses habits sales et sa crasse corporelle, ses prunelles étaient vides de toute lumière et de tout espoir. Il était là depuis trop longtemps pour vraiment croire qu'il aurait une chance de sortir. Estimer son temps n'était pas chose aisée ni pour lui ni pour le rêveur.
Les paroles froides du geôlier lui avaient rappelé la cruelle vérité. Celle que le prisonnier tentait sûrement d'oublier chaque jour. Savoir que l'on était condamné pouvait détruire plus d'un homme. Dimitri comprit que l'homme eut préféré l'oublier. C'était plus facile et cet humain semblait encore plus faible que ceux qu'il avait côtoyé. Une telle charge mentale que sa propre fin lui serait insupportable. Un simple rappel avait ébranlé tout son être. Cet être si frêle que le jeune russe observait froidement. Étrangement aucune pitié ne traversa son être.
Le prisonnier devait mourir. Pour le gardien, ce n'était que des mots. Pour celui qui allait subir la condamnation, c'était bien plus. C'était le douloureux rappel de son existence qui s'achèverait dans la pénombre. La peur qui rongeait ses entrailles à la simple pensée que cela allait finir. C'était cruel et injuste. Pourquoi devait-il périr ? Y avait-il un quelconque crime qui autorisa une fin si terrible ?
Comme il n'avait aucune information sur celui qui lui prêtait son corps, le rêveur ignorait tout de son passé même si maintenant, il savait de quoi serait fait son avenir. Il ignorait si ce sentiment d'injustice qui parcourait son alter ego était légitime ou non. Ce dernier pensait qu'aucune raison ne justifiait le sort qu'on lui réservait. Il était conscient du crime qu'il avait commis, il s'évertuait juste à s'en défaire. À moins qu'il ne tentât d'en nier la gravité. Peut-être cet individu s'évertuait à apaiser son âme avant de passer l'arme à gauche. Si on écoutait celui qui était enfermé, il n'avait rien commis d'assez affreux pour qu'on désirât voir sa tête trôner au bout d'une pique. Pourtant, s'il était retenu dans cette prison vétuste, ce n'était pas le fruit du hasard. Et vu le comportement de cet étrange homme, ce n'était pas non plus une erreur.
Dimitri supposa alors qu'il avait tué. Quel que fût le pays où il se trouvait, seul un homicide pouvait expliquer que l'on voulut abattre ce prisonnier. Le jeune homme ignorait s'il n'y avait qu'une victime ou si elles se comptaient par dizaines et cela le frustrait. Ici, il possédait plus de questions que de réponses et rien ne semblait venir y répondre. Il devait se contenter de cette compagnie absurde qui réfutait ce pour quoi on l'avait incarcéré. Répugné par sa lâcheté, Dimitri soupira de désespoir de devoir partager sa nuit avec ce cloporte infâme.
Le russe n'eut pas le temps de réfléchir davantage que le gardien de la paix bienveillant revint près de leur cellule. Il posa un plateau par terre qu'il fit passer à l'intérieur comme lorsqu'on lui distribuait ses repas. À ceci près que cette petite plate-forme était composée d'un cierge, d'une pile de feuilles blanches, d'une plume et d'un encrier. Si cela n'émut pas le jeune russe, le prisonnier lança à son surveillant un regard pétillant de reconnaissance. Pour quelqu'un d'autre, cela n'était rien, mais pour lui, c'était tout. Écrire lui permettait de se rattacher à la réalité. À ne pas sombrer dans cette folie qui essayait chaque jour de le happer davantage. Cela lui accordait un ancrage, une raison de continuer de respirer. De continuer d'être un être humain et d'être entier jusqu'à ce qu'on vînt l'exécuter.
S'il vouait une grande gratitude à l'un de ses ravisseurs, il n'était pas assez stupide pour avoir oublié d'éprouver toute sorte de crainte à son égard. Cela poussa l'homme enfermé à rester assis loin des grillages pour éviter tout risque d'agression. La gentillesse de l'homme qui était libre pouvait n'être qu'une apparence. Dans ce lieu infernal, il fallait toujours demeurait sur ses gardes. Ne faire confiance à personne. Pas même à ceux qui vous témoignaient l'ombre d'un égard.
Le gardien s'occupa d'allumer la fine mèche de la chandelle, ce qui éclaira l'étroite pièce où se trouvait le pauvre homme. Elle éclaira la crasse et l'insalubrité que le captif s'efforçait d'oublier. Pour autant, elle lui permettait de voir plus loin que le bout de son nez et lui évitait d'avancer à tâtons. Enfin, elle lui apportait une infime chaleur qu'il croyait avoir perdue pour toujours.
Le malheureux posséda la chance de ne pas pouvoir observer son reflet. Cela ne lui servait à rien de voir à quoi il ressemblait désormais. Au contraire, cela aurait ravivé le dégoût qu'il ressentait. Peut-être même que découvrir son état misérable l'aurait achevé.
Au lieu de s'inquiéter de son apparence, il se demanda ce qu'il pourrait écrire. À moins qu'il ne se demandât ce qui valait encore la peine d'être retranscrit. Dimitri supposa que ce n'était pas la première fois qu'il le faisait car il aperçut du coin de l'œil une pile de feuilles. Sur sa droite, elles reposaient sur le sol, noircies par la plume de cet homme que Dimitri tentait de percer à jour. Curieux, il espéra que celui qu'il occupait penserait à se replonger dans ses souvenirs. Encore une fois, le jeune blond ne pouvait agir, ce n'était qu'une ombre pensante. Au bout de plusieurs heures, la chance lui sourit et le vieillard saisit la chandelle avant de s'emparer de son témoignage pour le relire et le parfaire.
Avec stupeur, il put lire ce que le criminel avait commis. Dimitri savait enfin ce qu'il avait fait et la mort lui paraissait être un châtiment trop doux. Un sentiment de violent mépris et d'écœurement s'empara du spectateur quand il découvrit la vérité. Ce savoir permit à Dimitri de juger ce spécimen qu'il habitait.
Aussi ridicule que le reste de l'humanité, il méritait ce qu'il subissait. Il méritait de se voir détruire morceau par morceau. Tout comme il méritait de perdre ce qu'il avait de plus précieux en ce monde. Si Dimitri pouvait agir, il aurait brûlé ces nouvelles feuilles qu'on avait apportées. Ce détritus devait périr et cela allait arriver tôt ou tard.
Dimitri pensait également qu'il mériterait d'être torturé. Hélas, ce qu'il lisait lui apprenait que la torture n'était pas le point fort de cet établissement carcéral. Ce que ce détenu avait subi était tellement dérisoire. D'après son écriture, le pouilleux avait eu le droit à des simulations d'asphyxie ainsi que des simulations de noyade. On lui avait coupé deux doigts de pieds et scarifié son corps. Ce qui fit bien rire le jeune homme, c'était que celui qui avait écrit semblait fier de ne pas avoir craqué sous la pression. Pour Dimitri, il avait tellement peu subi par rapport à ce qu'on aurait pu lui faire. Des idées saugrenues de torture passaient dans l'esprit du rêveur tandis que l'autre racontait ses petites blessures. La seule violence que reconnut le russe, ce fut les deux doigts de pied sectionnés.
Apparemment, on tenait à ce qu'il donnât le nom exact des victimes qu'il avait abattu et l'endroit où il les avait enterrées. L'homme captif avait passé un marché : il ne coopérerait que si on lui apportait de quoi écrire. Ses aveux seraient recueillis le jour de son exécution, ce qui permettrait aux familles d'enfin faire leur deuil. Lui qui aimait jouer avec les mots, il avait retranscrit sous forme d'énigmes qui paraissaient complexes à élucider. Malgré sa curiosité naturelle, Dimitri ne souhaita pas résoudre les énigmes de ce malade mental. Il ne voulait pas le comprendre. Il n'aspirait qu'à une chose : la fin de ce rêve.
Pourtant, le captif se concentrait pour savoir ce qu'il avait à écrire. Il était peut-être arrivé à la fin de ses aveux et de ses autres écrits. Ignorant combien de pages il aurait besoin de rédiger, on lui avait offert chaque jour une ration de feuilles, d'encre et une bougie pour écrire. Dimitri estima que ces gardiens étaient tout aussi stupides que la Justice qui régnait ici. En voyant la date des premières pages, il constata que cela faisait une dizaine d'années que le vieillard croupissait en prison. Et ses lignes les plus récentes annonçaient que son exécution devait avoir lieu dans peu de temps. Au final, le jeune homme pensa qu'il avait eu ce qu'il méritait. Même si la littérature avait adouci sa peine, cet homme coupable avait passé une décennie à se torturer l'esprit et à se demander quand elle tomberait le jour fatidique. Un sadisme étatique qui redonna un élan d'espoir à Dimitri.
Tandis que le captif relisait son écriture, Dimitri comprit que l'écriture était devenue davantage un loisir qu'une obligation. Il jugea les gardiens impotents de cette prison car ils ne vérifiaient même pas ce que cet être dangereux faisait dans sa cellule. Cela le désespéra de l'espèce humaine. À cause de leur incompétence, Dimitri découvrit que le prisonnier avait couché sur papier ses passions les plus noires et les plus obscènes. Certaines étaient si crues qu'il fallait avoir le cœur bien accroché pour les lire. Ces feuilles qu'on lui apportait étaient devenues son journal intime. Cela lui permit d'échapper à la démence et lui offrit un refuge spirituel. Ce qu'il ne méritait clairement pas, aux yeux de son seul et unique autre lecteur. Écrire lui permit d'oublier la solitude dans laquelle il était plongé depuis une dizaine d'années. Elle lui permit d'oublier qu'il avait perdu toute sa famille. Elle lui fit oublier qu'il n'avait plus aucune nouvelle de ses enfants qu'il avait tant chéris. Elle lui faisait oublier les injures et les moqueries que certains gardes lui adressaient. Tout simplement, elle lui permit de s'abriter dans un autre monde lorsque la réalité devenait insupportable. Il décrivit également tout ce qui le tourmentait, il expliqua que cette écriture était son seul moyen de ne pas mettre fin à ses jours. Cette fine plume qu'il tenait entre les mains et avec laquelle il venait à se faire mal au poignet lui permettait de se décharger de tous ses démons.
Sur ces nouvelles pages vierges, il peignit en des formes incurvées tout ce qui l'avait poussé à massacrer ces innocents. Il expliqua son mobile même si aux yeux du monde, il ne pouvait en exister. Il fallait forcément être un monstre pour commettre de telles choses ! Dimitri ne le considérait pas comme un monstre, mais comme un homme faible qui avait cédé à ses bas instincts. Et c'était plus pour cela que pour autre chose qu'il méprisait ce vieil homme.
Trente jours.
C'était le nombre de jours qu'il lui restait à vivre. Dimitri le sut puisque c'étaient les premiers mots de la journée qu'il avait inscrits. Il ne lui restait que trente journées à subir avant que son sort mortifère ne pût s'accomplir. Le prisonnier était devenu impatient de trépasser car il ne tolérait plus ce qu'il endurait que le Soleil ou que la Lune dominât le ciel. Cette incarcération lui était insupportable, il voulait sortir. Cet être enfermé avait beau se former une vie parallèle à travers ces mots qui lui tenaient tant à cœur, il n'en pouvait plus. Il fallait qu'on le sortît d'ici. Il fallait qu'on en finît avec son sort.
Si ça ne tenait qu'à lui, il aurait hurlé pour qu'on vînt l'achever. Si Dimitri avait pu, il l'aurait encouragé à faire cette tentative. Hélas, l'égo du vieillard le força à se taire. C'était l'une des rares choses qu'il possédait encore dans cette immonde cage faite de fer et de poussière. Dimitri en avait tout aussi marre que le quinquagénaire de se retrouver dans ce lieu austère. Lui n'avait commis aucun crime pour se retrouver dans cet endroit. Dimitri ne méritait pas d'être enfermé dans son propre esprit. Il se faisait torturer sans raison valable.
Enfin, le jour salvateur vint à tomber. Celui qui allait l'éloigner pour toujours de ces ténèbres terrestres. Le captif fut traîné jusqu'à cet échafaud qui semblait l'attendre. Une fine pluie tombait du ciel, ce qui apaisa davantage l'esprit du condamné. Alors qu'on le menait vers la pire épreuve de sa vie, il étira ses lèvres en une mince demi-lune. Il marchait la tête baissée afin que personne ne vît son bonheur, suivant celui qui l'entraînait jusqu'à cet endroit où on allait l'achever. Une fois arrivé face à ce vieil outil, on passa la corde autour de sa nuque sans afficher aucun sentiment facial. Le sourire du condamné s'agrandit et cet illuminé finit presque par rire au moment où le socle qui retenait ses jambes céda. Sa carcasse se débattit dans le vide, et, les mains clouées dans le dos, au lieu de s'agiter dans tous les sens, il ferma les yeux et se laissa aller aux limbes de Thanatos.
Dimitri se réveilla en sursaut, secoué par ce rêve sans queue ni tête. Il se prit à se demander si son sort n'était pas lié à celui du vieil homme dont il avait endossé la peau. Il se demanda si quelque part, ils n'étaient pas pareils. Il s'évertua à chasser brusquement cette pensée maladive de sa tête. Lui était innocent. Il lui fallut plusieurs secondes pour se persuader de cette certitude. Dimitri décida de s'extirper de ses draps, sortit à pas de loups de sa chambre et se dirigea tout aussi furtivement vers la cuisine. Par chance, le plancher des escaliers ne craqua pas sous sa masse corporelle. Il atteignit donc la cuisine sans se faire repérer et pensa à se faire un café. Sauf que la caféine ne ferait que renforcer son insomnie et contracterait ses nerfs qui avaient besoin de se détendre. Pris d'une soudaine nostalgie aberrante, il décida de se faire un chocolat chaud qu'il accompagna d'une certaine dose de chantilly. Une fois le breuvage prêt, il s'installa dans le canapé du salon, la cuisine étant frigorifiant pour sa chair mortifiée par la fatigue. Une fois bien installé, il but toute la tasse qu'il avait faite et s'allongea sur le canapé, inconscient de l'efficacité de cette potion remplie de cacao et de lactose sur son état physique. Une fois allongé, ses yeux demeuraient ouverts, mais sa respiration devint beaucoup plus lente et régulière.
Woili woilou, j'espère ne pas trop avoir fait un petit hors-sujet pour ce thème ! J'espère que le prochain thème sera mieux !
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