Insomnies

Bonsoir, j'ai pris le temps de retravailler mon chapitre suivant le thème Nuits blanches ! J'espère que ce thème trouvera grâce à vos yeux !

Il rouvrit les yeux sur un monde inconnu. Un monde qui paraissait beaucoup trop chimérique à son goût. Maintenant qu'il avait de l'expérience en la matière, il savait pertinemment qu'il n'était pas dans le monde réel. Au contraire, son corps somnolait. Comme d'habitude lorsqu'il se retrouvait dans des endroits sordides et incongrus. Cette folie ne semblait posséder aucune fin. Il allait sûrement être condamné à vivre des cauchemars jusqu'à ce qu'il expirât son dernier souffle. C'était tout de même assez étrange d'avoir peur d'accomplir la simple action de s'endormir. Pourtant, il comprit rapidement qu'il n'était pas le seul à éprouver une telle frayeur. En effet, l'enveloppe charnelle qui avait recueilli son âme semblait tellement fatiguée. Comme si elle était restée éveillée beaucoup trop longtemps. S'il était improbable qu'elle fût maudite de la même sorte que le russe, elle était sûrement assujettie par d'affreux tourments. Il fallait au moins cela pour se refuser à se livrer aux bras de Morphée. Pour une fois, il se sentait en osmose avec la personne qui l'abritait, mais ce n'était peut-être qu'un piège. Alors que Dimitri ne s'était jamais aussi bien senti dans un rêve, il craignait de ne pas être à sa place. Étrange paradoxe que son cerveau élaborait. Comme s'il se trouvait face à la mort elle-même. Il se retrouvait alors face à ses deux côtés. S'il voyait principalement sa douceur et l'apaisement qu'elle offrait, il ne se fiait pas à ses apparences. Il était conscient qu'elle était dangereuse, cruelle et implacable. Maîtresse quelque fût l'univers, elle l'inciter à s'abandonner à elle sans plus de réflexion. Elle lui coupait toute retraite qu'il pouvait avoir. Elle désirait avaler goulument cette âme errante.

Pourtant, il lui résistait. Par cet étrange songe, il s'échappait de cette tortionnaire vicieuse et ensorcelante. Encore une fois, il lui faussait compagnie. Comme s'il avait besoin d'un moment de réflexion. Après tout, si cette capricieuse dame le séduisait, cela voulait dire qu'il avait encore le choix. Le choix de vivre ou d'abandonner. Il décida de profiter de ces quelques instants de répit pour se décider. Perdu dans une nouvelle pièce, il observa ce qui l'entourait. Peu à peu, il chercha à discerner ce qui se trouvait autour de lui. Et à trouver des informations sur cette chambre qui lui demeurait méconnue et étrangère. Chambre dans laquelle il était enfermé. Décidément, il se trouvait de nouveau dans une prison. Celle-ci paraissait simple et banale. Comme quoi, le danger pouvait se trouver là où le soupçonnait le moins. Pourtant, la personne qui le guidait ne semblait pas chercher à fuir. Désormais, pas maintenant. Lentement, presque sereinement, il se leva et se dirigea vers la fenêtre. C'était la seule issue qui lui permettait d'avoir un aperçu du monde extérieur. Tout ce qu'il vit, c'était cette étendue sombre. Tout ce qu'il vit, c'était le royaume des êtres nocturnes, ceux qui s'éveillaient en secret lorsque tout semblait silencieux. Il put évidemment admirer la mère de ces créatures ceintes de noirceur. Il fixa plusieurs instants le ciel afin de profiter du spectacle que lui offrait cet astre lunaire presque plein. Ce qui pouvait exciter l'imagination de quelqu'un qui n'avait pas pu sortir depuis longtemps. Brillant de mille feux, elle éclairait le sentier des êtres vagabonds. Elle illuminait l'obscurité qui entourait les environs de cette geôle de fortune. Imposante, magnifique et sublime, elle lui permettait de s'évader, ne serait-ce que quelques secondes. Elle laissait son esprit errer quelques instants et imaginer les bestioles qui pouvaient cheminer dans les ténèbres silencieuses de ces heures noires.

Après un dernier soupir, il s'écarta de toutes ces promesses que lui offrait ce paysage nocturne. Il revint à la réalité de ce guide charnel et s'assit lourdement sur le lit de ce dernier. C'était extrêmement étrange. Pour la première fois depuis que ce cirque avait commencé, Dimitri était le seul maître de son rêve. Peu importait le corps qu'il adoptait, il pouvait s'en servir à sa guise sans que rien ne vînt le retenir et le censurer. Il était passé de pantin à marionnettiste et cela lui procurait un incroyable sentiment de puissance. Il se sentait apaisé alors même qu'il se trouvait dans un endroit dont il ne savait rien. Cela ne le dérangeait pas car il pouvait contrôler les gestes et les pensées qu'il pouvait mener. Enfin, il pouvait agir comme si ce corps était le sien. Il n'était désormais plus un simple spectateur. Hélas, cela l'amputait de pouvoir connaître. Tout avait un prix. Le pouvoir se payait pas le manque de savoir. Pourtant, cela ne dérangeait nullement Dimitri. Ce n'était pas grave qu'il dût découvrir son environnement s'il était libre de faire, de ressentir et de penser ce qu'il voulait. Il n'était plus la simple conscience qui devait sagement observer ce qu'il se passait. Il n'était plus ce sordide individu qui avait un champ d'action réduit voire inexistant. Il était lui. Il était dans le corps de quelqu'un d'autre et plongé dans une autre dimension, mais il était lui tout entier. Il pouvait faire ce qu'il voulait. Et cette liberté nouvelle acquise n'avait pas de prix aux yeux de Dimitri. Néanmoins, il devait fouiller ce qui se trouvait dans cette fichue pièce pour tenter de comprendre la vie de nouveau captif. Ce qu'il vit ne lui apporta pas d'informations cruciales. Outre sur le lit qu'il avait déjà eu la chance de tester, il fit la découverte d'une armoire pleine de vêtements simples, mais pratiques. Il vit également qu'un bureau traînait fans le fond de la salle. La couleur des murs était grise, ce qui était très impersonnel pour le jeune russe. Elle ne le renseignait pas sur ce qu'il faisait là. Il avait l'étrange impression que cette chambre n'aurait pas dû lui appartenir. Finalement, ses prunelles se posèrent sur le seul trésor qui ornementait cette sombre pièce : à savoir un journal intime.

Il s'assit de nouveau, désireux de connaître les mots qu'avait écrits son alter ego. Il était fasciné par les lettres qu'il découvrait sur ce papier blanc. Il lui délivrait la litanie qu'avait récitée maintes fois ce jeune homme dans son esprit. Elles lui révélaient qu'il n'était pas si heureux que cela. Elles lui apprirent qu'il se sentait mal, opprimé par cet emprisonnement qu'on lui imposait. Il rêvait alors de s'en aller, de découvrir les contrées qui se trouvaient si près de lui. Il était fiévreux de vivre toutes ces aventures que l'on décrivait dans les contes merveilleux. En un mot, il voulait s'évader de cette existence d'ennui et de périls vains et mille problèmes. Plongé dans ses palabres qui le poussaient à la réflexion, il ne vit pas le temps passer. Il se dit que cet étranger lui ressemblait plus que ce qu'il ne croyait. Que toute cette comédie n'était peut-être pas dénuée de sens. Il devait y avoir un but à toute cette ignominie. En tout cas, il se pencha si longtemps sur cette fameuse lecture qu'il sentit le soleil caresser peu à peu sa chevelure et son dos, étant assis dos à sa grande fenêtre. Même si le temps ne s'écoulait pas de la même manière que dans sa vie réelle, il était persuadé qu'il avait dû passer e nombreuses heures sur ce papier qui lui livrait tant de secrets. La curiosité et le mystère qui avaient habité le russe durant la nuit ne s'étaient pas dissipés à la lumière du jour. Ce fut à ce moment qu'il déposa ledit journal avant de lâcher un léger soupir. Il avait découvert que cette âme errante ne pouvait plus supporter ce que le Destin lui imposait. Il voulait s'en débarrasser et trouver un autre chemin. Hélas, la seule voie à laquelle il avait pensé était d'attenter à ses jours. Pourtant, il devait exister un autre moyen de se défaire de ce cauchemar éveillé. Étrangement, le russe n'acceptait pas que cet être qu'il possédait se résignât à tout abandonner. Tant que cet abruti vivait, il subsistait encore un espoir d'arranger les choses. Dimitri hésitait à sauver cette âme damnée. Il ignorait comment il pouvait l'aider. Il pouvait également simplement attendre que celui qu'il occupait vînt à trépasser. Ce serait plus long, mais ce serait beaucoup moins complexe.

Il demeurait indécis sur ce qu'il devait faire. Après tout, il n'avait aucun intérêt à lui venir en aide. Il ne savait même pas quoi faire pour secourir cette âme égarée. Il ignorait comment soigner ce mal qui poussait cet autre humain à se donner la mort. Pourtant, quelque part, Dimitri ne se sentait pas si différent que cela de lui. S'il n'avait pas volontairement mis fin à son existence, il n'avait pas fait assez attention pour s'assurer qu'elle continue. Tout ça parce qu'il était perdu et esseulé. Tout ça parce qu'il ne supportait pas ce qu'on appelait famille. Tout simplement parce qu'ils l'avaient délaissé au moment où il en avait le plus besoin. À quelques exceptions près, il avait dû se débrouiller seul. On n'avait pas tenté de lui venir en aide tout comme on abandonnait cet homme avec qui il partageait l'existence. Peut-être qu'il ne voulait le sauver que parce qu'il trouvait quelques similitudes entre eux. Néanmoins, il ne pouvait pas se résoudre à le regarder se consumer sous ses yeux. Il souhaitait faire quelque chose pour l'aider. Il pouvait commencer par s'échapper de cette vétuste cage qui emprisonnait ses plus grands rêves. Il pouvait s'en aller, tout laisser derrière lui. Partir à l'aventure et tenter sa chance hors de ce nid infâme.

Ou s'en servir pour découvrir le lieu où il était enfermé. Il pourrait s'évader de cette morne prison et fuir en suivant le vent. Rester ne lui servait à rien. Égoïste pouvait paraître son geste, mais à l'instant oùil regarda aux alentours, il dut se rendre à l'évidence : personne ne le regretterait. Alors, il choisit de partir. Il décida de s'affranchir de ses chaînes invisibles. Peu importe ce qu'il allait découvrir, ce serait toujours mieux que de dépérir dans ce taudis infernal. Sortit de cet Enfer lui permettait d'avoir un nouveau souffle et de trouver un nouvel espoir, une nouvelle raison de survivre. Pourtant, il s'évada prudemment de cette satanée chambre. Naturellement, il faisait ça pour ne pas éveiller les autres personnes qui pourraient le surveiller. Des inconnus qui viendraient l'empêcher de découvrir la magie salvatrice de l'extérieur. Alors qu'en son for intérieur, il devait bien avouer qu'il était effrayé de partir à l'aventure. Il ignorait ce qu'il allait trouver. Il ne savait plus jusqu'où son esprit pouvait aller. Ni quelle extravagance il pouvait former. Il ne savait plus à quoi s'attendre et quelques part, cela lui faisait peur. Cette légère peur qui l'animait fut rapidement vaincue par sa curiosité et son besoin viscéral de s'en aller. Une fois décidé à plier bagage, ils e rendit ce qu'il devina rapidement être la cuisine. Sans perdre la moindre seconde en rêverie, il remplit son sac à dos de vivres pour ne pas périr à son étrange expédition. Une fois certains qu'il possédait de quoi survivre plusieurs jours, il enfila ses chaussures et son manteau avant de quitter l'humble demeure dans laquelle il s'était réveillé. Il ne se retourna pas une seule fois et avança le plus vite possible en direction de cet environnement qui l'entourait.

Ignorant le lieu dans lequel il se situait, il suivit la Lune qui était le seul guide auquel il pouvait se fier. Au fur et à mesure qu'il avançait, il reconnut un paysage urbain, mais cela ne lui indiquait pas où il se trouvait. Détail futile à ses yeux, il devait juste s'éloigner de cette hutte dont il avait été si longtemps prisonnier. La seule chose désagréable durant sa marche était la chaleur ambiante qui l'assaillait sans pitié. Bien que le climat nocturne fût assez doux, il faisait chaud pour ce géant de glace qui était habitué au froid été comme hiver. Pourtant, cela ne l'arrêta pas. Au bout d'un temps qu'il ne sut mesurer, il s'aventura hors de la ville. Il s'arrêta une seconde lorsqu'il se retrouva confronté à un immense désert se profiler à l'horizon. C'était juste majestueux et surprenant. L'espace d'un instant, le doute le submergea violemment. Il était encore temps pour lui de faire marche arrière. De retourner dans la ville et de vivre comme un vagabond. Non, ce n'était clairement pas pour ce genre de vie qu'il s'était défait de son ancienne vie. Il voulait aspirer à un Destin bien plus grand. De ce fait, malgré le danger que représentait ce milieu sauvage et fougueux, il avança lentement, mais sûrement dans ce désert plein de sable. Il ne savait pas ce qu'il espérait découvrir au-delà de cette étendue désertique. Il cherchait simplement à retrouver la trace d'une civilisation. Ce désert devait bien avoir une fin, n'est-ce pas ? Ce n'était pas la solitude qui alarmait le jeune errant. C'était plutôt le manque de toute ressource. Il ignorait où se situait la prochaine oasis ni même s'il y en avait ici. Il était donc seul sans repère ni destination. Cela ne fut pas suffisant pour l'arrêter. L'espoir du hasard emplissant ses poumons, il marcha de nuit comme de jour. Il ne cessa sa marche infructueuse pendant quinze jours d'affilé comme animé par une transe dont personne ne connaissait l'origine. Il poursuivait sa lancée sans avoir nulle motivation si ce n'était le plaisir de la découverte. Quoiqu'en fin de compte, il n'avait rien à découvrir hormis ce sable aride, ce ciel bleu et ce soleil cuisant. Pourtant, il ne s'arrêtait pas pour si peu. Son allure ressemblait à celle d'un mort-vivant animé par la seule force de la faim. À la différence de ces créatures, il continuait d'avancer pour éviter de réfléchir. Comme si cela vidait son esprit de tout mal et de toute douleur. C'était comme si la violence et le martyr que supportait son corps épuraient ses pensées qui l'assaillaient sans répit. Ce qui était plus reposant qu'il n'y paraissait. Pour Dimitri qui avait subi plus de vingt-deux jours d'affreux tourments, c'était comme une bénédiction. Pour une fois, il n'avait pas à réfléchir sur sa condition. Il n'avait rien de plus à faire que de mettre un pied devant l'autre pour survivre. Et c'était juste une pause incroyable qui s'offrait au jeune russe.

Hélas, tout avait une fin. Et vint un moment un moment où son corps ne supporta plus tous ces excès. Ce dernier demeurait humanoïde. Contrairement à l'esprit du vagabond, son enveloppe charnelle avait atteint ses limites. Il aurait pu succomber au manque d'eau, à l'air qui l'étouffait peu à peu ou au manque de nourriture. Ironiquement, ce fut le manque de repos qui eut raison de lui. Après tout, s'il avait pu rester debout si longtemps sans faire de pause, c'était que le sommeil ne l'avait pas pris d'assaut. Pendant cette quinzaine de jours à errer sur la Terre, Morphée avait semblé oublier même son existence. Hélas pour lui, cela ne pouvait durer plus longtemps. À cause de cela, il s'effondra subitement, il tomba à terre et fixait le soleil comme s'il appelait à l'aide en silence. Dépossédé de toute force, il ne cherchait même pas à appeler à l'aide. Il demeurait juste léthargique. Crier ne servirait à rien car ses cordes vocales semblaient réticentes à produire le moindre son. Résigné, il demeura là, inondé par la chaleur du Soleil. Il n'espérait recevoir aucun secours providentiel. Il avait l'affreuse sensation qu'il allait périr ici. Ce n'était pourtant pas le pire sentiment qui l'étreignait. Ce qui l'horrifiait le plus était de périr ici sans avoir pu effectuer le moindre exploit. Écroulé sur le dos, il osa fixer l'astre solaire en face, mais cela l'aveugla et il ne vit rien d'autre qu'une masse informe se fondant dans cette intense luminosité. De toute manière, il n'avait aucune chance de se relever. À moins d'un miracle, il resterait cloué sur le sol. La luminosité qui nimbait sa carcasse détruisit sa rétine et, impuissant, il se laissa happer par les limbes du sommeil.

Dimitri sentit une vive douleur parcourir son corps. Cette douleur si surprenante lui était tout de même familière. Ce n'était pas la première fois qu'il était soumis à une telle souffrance. Pourtant, cela le rassura. Aussi étrange que cela pût paraître, cela voulait dire que sa chute ne lui avait pas été fatale. Il n'avait pas besoin qu'on le lui dit pour le comprendre. La dernière fois qu'il s'était blessé et qu'il s'était réveillé, la même horrible sensation l'avait parcouru. Il hésitait sur la positivité de cette nouvelle. Cela signifiait qu'il allait devoir endurer un énième Noël en famille. Cela signifiait aussi qu'il allait continuer de subir ces étranges rêves dont il n'avait toujours pas percé le secret. C'était vraiment étrange et ça en devenait insoutenable. Soupirant intérieurement, il daigna ouvrir les yeux quand il sentit qu'on lui assénait quelques claques. Pour prévenir cette personne qu'il était de nouveau vivant, il émit un grognement sourd. Une envie de meurtre surgit contre cette personne qui le violentait alors qu'il se remettait à peine de son sommeil si dangereux. Par réflexe, il repoussa même cette main qui le harcelait vivement. Il s'accorda plusieurs secondes pour recouvrir un minimum de stabilité spirituelle. Une fois qu'il se sentit prêt, il se releva lentement prêt à en découdre avec son donneur de claques. Il eut à peine le temps de reconnaître la personne que cette personne l'agressa vivement. Dimitri sourit car il reconnut immédiatement la fameuse voix qui lui hurla :

« Non, mais qu'est-ce qui t'a pris de faire un truc pareil ??? Est-ce que tu ne pourrais pas prendre soin de toi au moins une fois dans ta vie ?

— Tu me fais mal aux oreilles Yelena. ».

Cela lui valut le privilège de se prendre une gifle magistrale. Décidément, elle était toujours aussi délicate. À cause de la douleur, il grogna et lui lança un regard plein de véhémence et de reproches. En vérité, il devait bien avouer qu'il l'avait cherché. Pourtant, il aurait apprécié un réveil plus paisible. Hélas, il avait rarement ce qu'il souhaitait ces derniers temps. Il devait donc se contenter d'une cousine en furie qui était plus susceptible que d'habitude. Se massant la joue, il eut à peine le temps de râler qu'elle s'écria d'un ton théâtral :

« Tu auras ma peau un jour Dimitri, mais il est hors de question que j'accouche à Noël à cause de tes conneries !

— Ce n'est pas ma faute si tu fais deux fois la même erreur, dit-il avant d'attraper rapidement la main de sa cousine qui s'apprêtait à le gifler de nouveau. On ne frappe pas les infirmes !

— Sauf quand ils ont des têtes à claques et qu'ils sont responsables de leurs blessures.

— C'est pas sympa envers ton pauvre cousin, répondit-il d'un ton théâtral en lâchant sa main.

— Ah parce que ça l'est de martyriser une femme enceinte peut-être ?

— J'ai hâte que ce gosse naisse juste pour que tu arrêtes d'utiliser ce prétexte.

— Je peux toujours avoir d'autres enfants hein, le provoqua-t-elle.

— Ah nan ! Deux Gremlins, c'est suffisant ! ».

Lui qui s'attendait à recevoir une énième gifle eut le droit d'entendre sa cousine rire. Elle riait de bon cœur tandis que lui souriait tendrement. Cela faisait si longtemps qu'il ne l'avait pas entendu. Pourtant, son doux rire avait constamment le même effet sur lui. Il constatait que leur relation n'avait pas changé malgré la distance. Et c'était la plus belle chose qu'il avait pu constater en ce funeste mois de décembre. Une fois calmée, elle le prit dans ses bras et l'étreignit de toutes ses forces. Il fut surpris par ce geste et grommela, lui qui détestait ce genre de contact. Pour une fois, il ne se débattit pas. Si ça avait été une autre personne, il lui aurait clairement exprimé sa façon de penser. Sauf qu'avec sa cousine, ça faisait une vingtaine d'années qu'il refusait ses câlins et ça ne l'empêchait pas de continuer sa folie. Il se contenta alors de souffler en comprenant qu'il n'avait pas le choix. La tête collée contre le haut du rose de son cousin, Yelena murmura :

« Tu nous as vraiment fait peur, crétin.

— Désolé..., soupira-t-il.

— Tu devrais arrêter tes bêtises au lieu d'être désolé.

— Oui madame ! se moqua-t-il.

— Pfff, tu me désespères parfois.

— Mais c'est ce qui fait mon charme, n'est-ce pas ? tenta-t-il. ».

Il s'écarta d'elle et la regarda d'un air préoccupé comme s'il s'inquiétait pour elle. Cela ne lui ressemblait clairement pas. Il n'était pas du genre à se faire du souci pour ceux qui l'entouraient. Il n'eut pas besoin de parler pour qu'elle comprît ce qui lui traversait l'esprit. Elle lui lança alors un sourire rassurant comme pour lui signifier que tout allait bien. Malgré sa bêtise constante, il restait ce cousin qu'elle aimait tant. Cet instant de quiétude confirma ce que le jeune russe pensait. Leur complicité d'antan n'avait été rompue ni par le temps ni par la distance. À les voir comme cela, on aurait pu penser qu'ils étaient frère et sœur. Ensemble, ils n'avaient pas besoin de parler pour communiquer. Leurs prunelles leur permettaient simplement de se transmettre le plus important de leurs pensées. Pendant leur enfance, cela leur avait permis de fomenter de nombreux complots sans se faire prendre. Cette torpeur ne pouvait malheureusement durer une éternité. Dimitri s'apprêtait à rompre le silence, mais le bruit de pas de course d'un enfant l'interrompit. Assis sur le lit, il lança un regard interrogateur à sa cousine comme pour se demander quel était ce monstre qui se dirigeait vers eux. Il devrait aussi demander comment il avait atterri sur son lit, mais ce n'était pas le plus urgent. Le plus important était ce petit monstre dévoreur d'âme qui se dirigeait vers eux. Tandis qu'une fillette blonde aux yeux turquoise entrait à la volée, Yelena eut le temps de souffler en souriant :

« C'est un des Gremlins dont tu parlais.

— Tonton Dimitri ! T'es réveillé ! s'écria la fillette en courant vers son oncle. Tout le monde était très triste parce que tu allais pas bien !

— Oui, mais je vais mieux maintenant. Est-ce que tu penses que je devrais quand même me reposer à cause du monde qu'il y a ou pas Alex ?

— Huuuum, tu devrais rester ici très longtemps, je crois. ».

Dimitri était soulagé de constater que c'était le seul petit monstre qu'il appréciait qui avait déboulé sur lui telle une furie. Décidément, elle était toujours aussi pleine d'énergie et cela lui rappela la fougue dont ils faisaient preuve à son âge. Suite à la réponse innocente de la petite fille, les deux adultes éclatèrent de rire sans qu'elle ne comprît pourquoi. Il se contenta de tapoter doucement la tête de l'enfant comme pour la distraire. Ce minuscule stratagème eut l'effet escompté puisqu'il récolta un sourire de la part de l'enfant. C'était si facile de divertir ces petites créatures. Cela les rendait plus pathétiques aux yeux du jeune russe. Enfin bon, Alexandra avait la particularité de ne pas être infâme et démoniaque. Contrairement aux autres enfants de son âge, elle était gentille. Ce qui faisait qu'il la tolérait contrairement aux autres enfants qu'il ne pouvait pas voir en peinture. Dimitri finit par se lever en soupirant. Il se décida alors à sortir de sa chambre. Il aurait largement préféré rester éternellement dans sa coquille protectrice. Ce ne serait pas vraiment raisonnable de le faire. Puis se cacher ne servirait à rien, il finirait par se faire débusquer par sa génitrice ou par sa grand-mère. Quoiqu'il en fût, on viendrait le déloger de ce sanctuaire pour qu'il jouât le jeune homme poli, ce qu'il n'était clairement pas. Enfin bon, ce stupide spectacle allait bientôt prendre fin. Jouer la comédie serait bien suffisant.

Malgré sa récente convalescente et les cris de contestations de sa cousine, il se mit à porter sa nièce tout en descendant au salon d'où s'élevaient de nombreuses clameurs. Tous furent heureux de voir que Dimitri se portait bien. Cela l'étonnait que tout le monde se fût soucié de son sort. Ce n'était pas dans ses habitudes qu'on vint prendre de ses nouvelles. Quand bien même ce fut étrange, il sourit à cette horde familiale qui l'assaillait de toutes parts. Il prit tout de même le temps de saluer tout ce beau monde. Après tout, ils étaient venus pour célébrer Noël en famille et non pour se coltiner un ours grognon et mal léché. Il fit donc l'effort de jouer le parfait jeune homme agréable et souriant. Ce qui était bien loin de ce qu'il était vraiment, mais ce n'était qu'un détail. Rapidement, il faussa compagnie à cet amas de personnes qu'il connaissait si peu. Sa seule option de fuite était de se rendre dans la cuisine où il n'y avait que sa mère, son aïeule et une de ses tantes. Ce n'était pas forcément la meilleure idée qu'il avait eue car on le força à se nourrir pour reprendre des forces. Pourtant, entre supporter l'effervescence des conversations familiales dès le réveil et se faire gaver comme une oie, le jeune russe préférait largement la seconde option surtout que son estomac grondât avec force.

A suivre...

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