PAM#2 : Un goût d'amandes amères

Consigne : 

- écrire de la façon la plus automatique possible (consigne pas totalement respectée : j'ai tout écrit d'un coup, puis j'ai "arrangé" les fragments en les reliant à une chanson et y intégrant les mots imposés)

- remployer les mots de la liste suivante : 

convive, faux masque, royaume, tout venant, négligence, persister, se montrer, déchirure, chair laiteuse, vers minuit, prison, sommeil, jardin, orage, toit de brume, dernier amant, allusion, quête alchimique, phénomène, ailes

- s'inspirer d'une des images données

- environ 800 mots

(- se limiter à un temps d'écriture de 30 min (impossible pour moi, même sur papier et en écrivant sans réfléchir, je ne fais pas plus de 400 mots))

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Lala arpente les rues de Paris, perdue et comme dans un rêve.
Un cauchemar, plutôt. Elle a dû quitter Thiago et Santiago, la lumière et la couleur, l'amour et la joie.

Elle a un goût aigre dans la bouche, un goût d'amandes amères. Amandes. Amanda...Te recuerdo Amanda... 

Ils ont tué Allende. Ils ont coupé les mains de Victor Jara. Ses mains aériennes qui voletaient sur sa guitare comme de petits oiseaux.
Et Pablo Neruda, le poète aux mille mots d'amour qu'elle voudrait entendre de la bouche de Thiago, est mort, lui aussi, asphyxié de larmes de douleur dans sa maison blanche face à l'océan. 

Face à la mer verte et dorée qui pleure et qui gémit. Elle aussi. Qui a amené Lala jusqu'à la France. Ce pays froid. Cette ville aux monuments endormis.

Les convives ont déserté la fête. La danse s'est achevée avec le bruit des corps qui tombent et les cris des torturés. En un ballet de douleur fixe et incessant dans la tête des survivants.

On a vendu son royaume au tout-venant. On l'a piétiné, plongé dans le sang et la terreur.
Par négligence ? Non ! Et Lala n'oubliera pas la trahison, les vrais, les faux masques tombés.
La souillure sur les rideaux verts et ocres de sa petite maison, là-bas, dans son pays est indélébile.

Ne restent plus que peine, douleur, colère et sanglots. Un goût d'amandes amères...

Te recuerdo Amanda 
La calle mojada

Vers minuit, Lala sort à nouveau.
Elle ne trouvera pas le sommeil.

Alors elle marche. Pour calmer l'orage qui gronde dans son cœur. Elle se promène dans cette ville qui s'anime enfin.

Elle longe le Jardin des Plantes et respire l'odeur persistante des feuillages noirs de nuit.

Tout est si différent, ici.

Seule la chair laiteuse de la lune est la même. La jeune fille lève la tête vers les toits de brume que forment les nuages et se convainc que quand elle abaissera à nouveau les yeux, elle retrouvera  sa ville à ses pieds et Thiago à ses côtés. Thiago. Son seul, son premier, son dernier amant. 

Elle ploie sous son souvenir comme un arbre cède sous le poids de la cognée du malheur. 

Et elle reprend sa marche sur la chaussée glissante, humide et brillante de pluie.

Elle s'éloigne des grandes artères, s'enfonce dans les ruelles sordides. Seuls des matous faméliques remarquent son passage et la suivent. Sans se montrer. Comme pour respecter la douleur de l'oiseau perdu dans l'obscurité.

Elle, elle continue, le cœur gonflé de chagrin. A la bouche, un goût d'amandes amères... 

Te recuerdo Amanda
La calle mojada
Corriendo a la fábrica

Elle ne rejoignait jamais Thiago à l'usine. Il le lui avait interdit. Il disait que ç'était pour la protéger. Mais Lala sait bien qu'il avait honte de ses grosses mains d'ouvrier, qu'il ne voulait pas qu'elle le vît harassé et tremblant.

Alors, elle n'y allait pas, elle n'y faisait jamais allusion. Elle l'aimait trop. 
Elle attendait le soir pour le retrouver.

Elle se souvient du bar où ils se réunissaient. De son nom inscrit en français : Absinthe. Le premier mot qu'elle a su de cette langue pour laquelle elle a dû abandonner la sienne, si belle et si colorée.

Elle se rappelle même ce sous-titre qu'elle n'a jamais compris : "quête alchimique", même aujourd'hui. Mais les sonorités lui plaisaient.

Tout comme ce petit bar. Ses murs peints en vert. La fumée des cigarettes qui tamisait la lumière et donnait à l'air une odeur de révolution.

Elle croit parfois avoir rêvé ces interminables réunions d'étudiants et d'intellectuels.

Mais dès qu'elle ferme les yeux, elle entend à nouveau les bruits et rires. Elle voit les mains qui s'animent et s'agitent. Et elle, sur un genou de Thiago, pensive et un peu triste, nostalgique de ce pays qu'elle ne savait pas encore devoir quitter. Déjà un goût d'amandes amères... 

Te recuerdo Amanda
La calle mojada
Corriendo a la fábrica

Donde trabajaba Manuel

Elle peut courir toute la nuit, elle ne reverra plus Thiago. 

Sa peau dorée. Ses lèvres épaisses. Ses boucles sombres. Ses mains chaudes et caressantes qui... Voilà qu'elle pleure, les lèvres salées de baisers qu'elle ne recevra plus. La poitrine secouée de sanglots qui s'évadent de leur prison de chair et d'os. Tout un tremblement de terre comme celui qui dévaste le pays. Aussi tenace et profond, en une terrible déchirure.

Une femme accourt vers elle. Un phénomène, un oiseau exotique dans ce paysage conventionnel. Avec une extravagante robe à rayures, toute fardée de jaune et de bleu.

Elle l'enveloppe de ses bras énormes, la serre contre son opulente poitrine. Elle sent la pêche et le lilas. Elle l'interroge de sa voix chaude et rocailleuse :

"Ca ne va pas, ma petite ?"

Et les sanglots de Lala redoublent devant cette intonation si pleine de sollicitude.
Mais comment lui répondre que non, non ça ne va pas, non ça n'ira plus jamais puisque son amant et sa ville, son amour et sa vie sont loin, par-delà les mers. Inaccessibles. Perdus. Pour toujours.

Alors, elle s'arrache à l'étreinte de cette masse de chair formidable, de cette montagne humaine et s'enfuit. 

Légère et aérienne.

Elle voudrait avoir des ailes. S'échapper de son corps et rejoindre les siens. Et elle sent soudain les plumes qui chatouillent ses bras bruns, qui gonflent sous l'impulsion du vent.

Elle ferme les yeux et s'élance.  


Total : 878 mots


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