Hristina Cermeziu est née à Berlin en 1977. Quand la petite fille à peine née poussa ses glapissements de terreur face à ce nouveau monde froid, aveuglant, et sans liquide, elle ne se doutait pas à quel point elle avait raison d'avoir peur… En effet, dès la première minute de sa naissance, sa mère, aveuglée par tant de beauté intérieure, la lâcha. Heureusement, l'infirmière Naphtaline ( travaillant dans l'hôpital depuis 1944), en avait vu d'autres, et la rattrapa d'un pied. C'est ainsi que le pauvre bébé, à peine né, se trouva dans la position d'Achille plongeant dans le Styx. Et elle n'était pas au bout de ses peines, car elle fut affublée du nom (absolument ridicule, selon l'infirmière Naphtaline qui travaillait dans l'hôpital depuis 1939) de Hristina, nom qu'elle hérita de son arrière-grand-tante du côté de sa cousine au 5ème degré, que sa mère aurait adoré rencontrer car " elle semblait si élégante sur les photos" . Elle n'eut pas de deuxième ou de troisième prénom, malgré les tentatives du père afin de lui redonner une enfance normale, car "deux prénoms, c'est superflu, un suffit assez, surtout un aussi beau prénom.". La petite quitta donc la maternité avec sa mère, affublée du nom de Hristina (la fille, pas la mère), juste après que la mère eut dit au revoir à l'infirmière Naphtaline (qui travaillait dans l'hôpital depuis 1924 "Incroyable ! Vous ne faites pas votre âge.").

La mère décida qu'elle élèverait sa fille en France, car son grand-père était Français , et qu'il est bien connu que la France est un pays merveilleux pour élever un enfant. (Ce qui consterna le père, car si Hristina était un prénom rare en Allemagne, il l'était encore plus en France.) Ils déménagèrent donc dans l'ancien appartement du grand-père de la mère, à Orsay, qu'elle avait obtenu suite à une bataille juridique intense contre sa cousine Géraldine. Par chance, les deux parents étaient trilingues et n'eurent aucun mal à trouver un nouveau travail.

Hristina fut donc élevée en France, et apprit le Français, l'Allemand et le Roumain car son oncle au 3ème degré vivait à Bucarest. En grandissant, elle eut des cheveux bruns souris, et des lunettes, pour corriger sa myopie ( qu'elle tenait sûrement de sa tante Géraldine, d'après sa mère, malgré les suspicions du père, la mère portant d'énormes lunettes "pour se donner un air intelligent".) Les camarades de classe se moquèrent de Hristina au début, mais s'habituèrent à son nom étrange au fil du temps. Hristina eut même une meilleure amie, Sophie, avec qui elle partagea tous ses secrets (et coups de cœurs pour Roberto). Cependant, leur relation fut détruite quand Hristina constata au lycée que Sophie avait déclaré sa passion secrète à Roberto, et que désormais,ils sortaient ensemble. Hristina, trahie, se concentra sur la littérature, et réussit son bac L avec succès, rendant fier son père, mais décevant sa mère car, "un bac S lui aurait apporté un boulot." Hristina quitta son foyer familial pour aller dans une université publique ( à défaut d'aller à la Sorbonne, ayant raté le concours d'entrée) à Genève, où son nom fut connu dans tout le campus. Elle passa cinq années là-bas avant de passer un Master. Elle partit ensuite vers Paris, où elle travailla en tant qu'éditrice stagiaire dans un contrat à renouveler . Elle le renouvela huit fois de suite, et rencontra à son travail le nouvel amour de sa vie, Roger, et après 9 mois de flirt, ils se retrouvèrent dans le même appartement.

Un jour, Hristina se dit qu'elle en avait marre de corriger les fautes d'orthographes de manuscrits qui ne seraient jamais publiés de toute façon. Elle plaqua son travail et écrivit un roman sur la romance d'une comtesse de Hurluberlu, et un beau soldat espagnol du nom de Roberto (elle n'avait pas totalement oublié son premier amour).

Elle envoya son livre à des éditions françaises, allemandes et roumaines, et attendit. La France et l'Allemagne refusèrent son manuscrit, mais pas la Roumanie. Sont livre fut publié, mais il ne fut vendu qu'a 90 exemplaires. En effet, son livre avait été éclipsé par le succès d'un autre livre , publié par une certaine Cristina, "La vie sur Facebook."

Hristina, mortifiée par un tel flop, observa Cristina passer à la télévision roumaine, à la radio. Et personne n'observa son livre, personne ne lui fit de proposition pour passer à la télé, sauf une fois, où on l'avait confondue avec Cristina. De plus, Robert la quitta pour une jeune serveuse de 21 ans. Elle quitta son appartement, s'installa dans un studio parisien, et fut embauchée comme serveuse dans un café, ironie du sort.

Quand 3 ans plus tard, le Coronavirus commença à se propager en France, Hristina reçu un appel de sa mère : son cousin (au premier degré pour une fois) avait contracté le virus. Sa mère lui ordonna de ne pas sortir de chez elle, et bien que Hristina soit une adulte accomplie, elle écouta sa mère. Elle ne sortit que pour aller à son nouveau travail (assistante d'un libraire), et récupérer la clé de son nouvel appartement, plus grand. (Le fruit de 3 ans d'économies.)

Elle avait ouvert un compte facebook, où elle publiait des photos. Mais elles n'avaient jamais beaucoup de succès, son seul "buzz" ayant été de 5 likes, avec sa photo de géranium. Elle jalousait le compte Facebook de Cristina, qui avait plus de 200 likes, avec des recommandations de livres à lire. Elle apprit également que Cristina vivait heureuse, mariée et avait un enfant . Cela ne fit que renforcer la jalousie de Hristina, qui n'avait jamais pu trouver l'homme idéal…

Quand le confinement commença , la librairie fut fermée, et donc Hristina dut rester chez elle. Elle put faire du chômage partiel, et l'état lui versa de quoi pouvoir acheter à manger. Elle passa son temps à aller sur internet, et à jalouser Cristina.

Mais… Elle se rendit compte d'une chose… Si Amazon devenait le fournisseur exclusif de livres dans tout le pays, les librairies s'effondreraient ! Elle perdrait le seul boulot sympa qu'elle s'était dégoté en 3 ans, et devrait devenir caissière dans un supermarché ! Il fallait agir.

Aujourd'hui, Hristina respecte les mesures du confinement, et débat sur internet afin qu'Amazon ne nuise pas aux libraires. Depuis qu'elle en a fait son sujet de prédilection, son compte Facebook a de plus en plus de vues. Elle s'est également inscrite sur un site de rencontres, en espérant trouver quelqu'un d’intéressant….