L'heure pour tous
Bonjour.
Je suis une horloge, ou plutôt des horloges. Mais avant tout, je suis une oeuvre d'art. Mon créateur, Arman Fernandez, m'a donné le nom qui est inscrit sur la petite plaque à mes pieds : "L'heure pour tous".
Depuis 1958, je suis coincée devant la gare Saint-Lazare. Cela fait un certain temps, mais pour moi le temps ne compte pas. Je le contrôle.
J'ai vu toutes sortes de voyageurs passer devant moi en me jetant un coup d'œil. Des enfants capricieux, des adultes pressés. Des chiens et des pigeons. Mon rôle est de rappeler aux passants que leur train ne va pas les attendre. Que leur vie ne tient qu'à un fil.
Le temps c'est de l'argent.
Le temps et l'argent dirigent le monde. L'un le fait tourner, l'autre décide de comment il doit tourner.
Je suis le temps. Je suis immortel. Intemporel. Le monde n'a d'autre choix que de me subir.
Je le fais savoir par un moyen subtil mais compréhensible : lorsque le regard d'un voyageur croise l'un de mes nombreux cadrans, il est irrémédiablement attiré dans mon domaine. Le malheureux me fixe alors durant quelques secondes à plusieurs minutes, selon mon bon vouloir, jusqu'à ce que je le libère. Je le retiens souvent assez longtemps pour que son retard soit difficilement rattrapable. Cela me suffit pour rappeler à l'humanité leur insignifiance par rapport à moi, le temps.
Mais mes victimes ne semblent pas s'en rendre compte. Il y a bien des rumeurs qui circulent à mon sujet, mais aucune n'a été prouvée. Seuls les animaux le savent. Le pigeon s'envole, et le chien me regarde en jappant, la queue entre les pattes, pendant que son maître tire sur la laisse et essaye de ne pas être en retard.
Lui seul a compris.
Je suis une horloge.
Je suis le temps.
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