Troc malin

[Temporalité : après la Grande Guerre de Flambée de désir]

« Approchez ! Approchez ! Venez voir les marchandises du petit mais fabuleux Venkle Sandson ! »

Le gobelin agita ses mains remplies de fioles multicolores alors qu'aucun acheteur du grand marché de Southbay ne daignait lui porter attention. Il soupira en faisant la grimace tout en observant ses concurrents nains qui, à peine plus grands que lui, faisaient les meilleures ventes du marché.

Les humains ne lui achèteraient rien. Il s'en doutait sur le chemin vers la ville du sud mais était maintenant convaincu qu'il y avait bel et bien une discrimination des races sur ce continent Est.

Depuis que la Grande Guerre s'était terminée il y a quelques années, les « monstres », comme les humains aimaient bien les appeler, s'étaient dispersés dans différents pays. Quand certains avaient fui pour le continent Ouest plus charitable et tolérant, d'autres refusaient de perdre leurs origines et persistaient à développer des villages et commerces.

Venkle Sandson était de ceux-là.

Il avait fait fortune dans le monde des ténèbres puis dans le monde d'Heranyon en organisant des combats de géant dans les arènes désolées du désert jusqu'à ce que l'invocatrice Stormrage ne recrute tous ses combattants.

Tout ça à cause d'une gamine humaine qui avait réussi à battre sa pièce maîtresse. « Mais quel combat ! » se souvint-il en repensant aux cheveux noirs ébène et à la peau de porcelaine abîmée de la jeune combattante devenue La Lame de la Haine.

« Vous avez quoi comme arme ? »

Le gobelin sursauta devant l'homme à la grande cape noir s'étant approché sans un bruit de sa carriole de marchandise. Il retrouva immédiatement son sourire commercial affublé de ses dents jaune et pointue typiques de son espèce.

— Qu'est-ce que vous désirez, monsieur ? J'ai des épées, des dagues, des arcs, des bâtons de mages, des t-

— Tout ce que l'on peut récupérer sur un champ de bataille en somme.

— Nous les marchands gobelins ne révélons jamais nos secrets.

— Cette épée, dit l'homme encapuchonné en la pointant du doigt, vu le pommeau et les inscriptions elle appartenait à un ancien chevalier de Greenland. Tout comme ce bouclier qui vient de Northway. Et alors la dague, je suis sûr qu'elle est enchantée et fait partie des vestiges de feu Rhapsodia.

Le gobelin tiqua, énervé par les connaissances qu'étalait son potentiel client. C'était naturel de faire les poches des cadavres après la guerre mais, à cause d'une vieille loi stupide venant de Greenland, la possession d'armes de la Grande Guerre était interdite.

Les lames avaient connu beaucoup trop de sang, de malheur et étaient susceptibles d'être corrompues.

— Si vous n'achetez pas, veuillez-vous en aller, humain.

— Oh, je ne compte pas acheter. Je souhaite faire un échange. Un troc d'arme.

Venkle haussa un sourcil, surpris par la proposition mais perplexe. Il regarda autour de lui, vérifiant si ce n'était pas un guet-apens et attrapa son grand tabouret pour être un peu plus à la hauteur de son client.

« Qu'est-ce que vous avez à me proposer ? » demanda le gobelin. « Ça a intérêt à valoir le coup ! »

L'homme ouvrit doucement sa cape noire et en sortit une dague argentée, mais dont le pommeau était serti de cristaux rouge.

— Hum... Très jolie en effet. Contre quelle arme ?

— Je souhaite cette épée, au fond. Celle avec les pierres bleu nuit incrustée.

— AHAHAH ! Vous êtes un humain comique ! C'est une épée faite en okril, pas moyen que je vous l'échange, même avec quelques pièces d'or en plus !

— Vraiment ? Voulez-vous examiner bien plus attentivement cette dague, monsieur Sandson ?

Le gobelin prit la dague dans ses mains vertes et la contempla avec attention, ne manquant aucun détail, jusqu'à remarquer des initiales en or gravées sur le pommeau de l'arme.

« V L R »

Venkle ouvrit grand les yeux avant de prendre un air faussement neutre, ne voulant trahir son intérêt soudain pour l'objet.

— Oui... Bien entendu. C'est effectivement une dague de valeur. Mais qu'est-ce qui m'assure qu'elle est bien authentique ?

— C'est un métal perforateur, capable de blesser n'importe quelle créature divine. Et vous l'avez bien vu, je l'ai volé à l'elfe corrompu V-

— Chuuut ! s'écria le gobelin. Vous souhaitez notre mort ?!

Il regarda derrière l'homme discrètement et soupira de soulagement car ses concurrents nains n'avaient rien entendu.

— C'est déjà une aubaine qu'un être des ténèbres comme moi ait un pass pour accéder à un marché public de Southbay alors si l'on apprend que je souhaite posséder une dague de l'ancien seigneur de Stormaelyan, je suis bon pour les prisons du nord !

— Mais vous la désirez tout de même ? Est-ce que notre échange peut avoir lieu ?

Venkle réfléchit longuement. Certes, posséder cette dague était dangereux mais c'était un trésor inestimable qu'il pourrait revendre à prix d'or au plus offrant. Mais il risquait également sa vie.

« Un gobelin marchand se doit de prendre des risques pour obtenir le plus fabuleux des trésors. »

Il descendit de son tabouret et détacha le fourreau de l'épée en okril que convoitait l'étranger. Le gobelin plissa les yeux, méfiant du troc qu'il allait effectuer mais ne se ravisa pas pour autant et tendit l'arme.

— C'est d'accord. Je prends la dague, vous prenez l'épée.

— Marché conclu.

— Pourquoi vouloir échanger cette dague ? demanda Venkle en rangeant soigneusement l'arme dans sa carriole. Elle vaut bien plus que l'épée en okril. J'aime faire de bonne affaire mais mon brave, vous venez de vous faire arnaquer par un gobelin marchand !

— Ah oui vraiment ? N'est-ce pas l'inverse ?

Venkle fronça les sourcils alors que l'homme encapuchonné sortit l'épée de son fourreau, dévoilant aux autres clients du marché la lame en okril.

Soudain, en appuyant sur le joyau central de l'épée, la lame se sépara en deux pour aller sur les côtés et actionna un mécanisme complexe dévoilant des fils d'acier. Les fils se tendirent en même temps que les deux lames s'éloignèrent l'une de l'autre pour créer une nouvelle arme : un arc en okril.

Le gobelin en tomba de son tabouret et tous les vendeurs aux alentours furent tout autant stupéfaits que lui.

— C-C'est... Impossible ! Cette arme ! C'est...

— L'épée de l'ancien roi de Givreciel et l'arc de la déesse de l'hiver.

— La Valkyrie Impure... C-Comment ?! Jamais je ne m'étais rendu compte ! Je l'ai ramassé il y a à peine un an à Stolheim ! Comment une arme de Givreciel pourrait s'y retrouver ?!

— Merci pour l'information, c'est encore plus précieux que cette épée-arc ! C'était un bon marchandage, maintenant il est temps de filer. Pour moi comme pour vous.

L'étranger rangea l'arme dans son fourreau puis la cacha sous sa cape alors que les nains derrière lui le regardaient avec envie et jalousie.

« Au plaisir de vous revoir, Venkle Sandson ! Puisse la richesse venir jusqu'à vous ! »

Le gobelin tenta d'attraper l'étranger, criant à l'arnaque, mais ce dernier disparut devant lui dans un écran de fumée violette. Venkle écarquilla les yeux en devinant à ce moment précis l'identité de son client : Vyrr Loraelyan Rhapsody.



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