Expédition dans le monde des ténèbres (2)
« J'ai cru que j'étais arrivé en enfer.
La chaleur autour de moi et l'odeur m'en avait convaincu. J'entendais des grognements de bêtes et des mots qui ensemble formaient probablement des phrases mais d'une langue totalement inconnue pour l'elfe savant que j'étais.
Lorsque j'ouvris enfin les yeux, les membres endoloris et un mal de crâne affreux, la première chose que je vis fut l'iris vert émeraude et les écailles bleues d'un des lézards géants nous ayant attaqué moi et mes compagnons.
Je sursautais et faillis crier lorsque le monstre appuya sa patte écailleuse sur ma bouche pour me faire taire. Le reptilien me surprit en mimant un signe de silence avec son doigt avant de regarder aux alentours, comme s'il cachait un secret.
Et le secret, c'était moi.
Je ne l'ai compris que plus tard mais ce fameux lézard avait tiré une de ses flèches sur moi mais avait volontairement touché une zone non vitale. Il avait ramené mon corps dans ce qui semblait être le camp de son clan et m'avait caché à la vue de tous.
Le reptilien m'avait observé sans rien dire pendant de longue minute alors que je prenais le temps de détailler son environnement et de tout noter dans mon carnet malgré la peur de mourir qui ne quittait pas mon corps. Il « vivait » dans une petite grotte, elle-même dans une immense caverne dans les profondeurs d'une montagne où tout son clan résidait.
Moi qui avais cru que ce monstre était une bête sauvage, l'organisation de son campement était très similaire à celle de nos combattants sur les champs de bataille : un feu central, au-dessus une petite poêle en ferraille faisant cuire des œufs et une viande dont l'apparence et l'odeur m'était inconnue, plusieurs armes contre les murs, parfois propres mais souvent couverte de sang noir et un seul élément qui me fit remettre en question l'emploi du mot « monstre ».
Une pile de parchemin ouvert négligemment et un bâton de charbon pour y écrire dessus.
J'ai tout d'abord essayé de lui parler, de lui dire mon nom, mais rien. Il continuait à m'observer comme si j'étais une... bête. Après de longues minutes de silence gênantes, il retira sa poêle du feu et me la tendit avec un bout de bois taillé comme une cuillère. Je n'ai pas hésité à me servir en œuf mais lorsque je lui demandais la provenance de la viande, il grogna quelque chose avant de faire des gestes vagues pour finalement me montrer sa queue de lézard.
J'ai dû manger un bout de sa queue coupé. Une blessure éphémère pour un reptilien dont le membre allait repousser et qui avait réussi à m'expliquer bien plus tard que partager un tel morceau était un signe de respect profond chez son espèce.
Nous avons passé plusieurs jours sans rien dire. Le reptilien bleu partait pendant des heures de son campement pour aller se battre avec son clan et revenait le soir pour me « nourrir » et m'observer en silence.
Quant à moi qui récupérais de ma blessure, j'avais cédé à la tentation et essayé de déchiffrer les parchemins qu'il avait écrits. Mais j'ai vite compris que ce n'était pas un alphabet mais des dessins qui racontaient une histoire. Des dessins de lui se battant, chassant, discutant avec les membres de son clan et enfin un dernier qui me fit oublier toute peur de cet être sauvage : un dessin de lui enlaçant un autre reptilien bien plus petit.
Peut-être son enfant ?
Est-ce qu'une telle créature pouvait avoir la notion de famille ? Ces bêtes étaient capables de ressentir des sentiments ? Arrivaient-ils à faire autre chose que se battre ?
Et puis un jour, j'ai tenté de le comprendre un peu plus. Pendant notre repas silencieux, j'ai attrapé son parchemin et lui ai montré le dessin de son présumé enfant. Le reptilien a rapidement sorti sa dague en me menaçant de reposer son bien, ce que je fis tout en posant une main sur mon cœur pour lui faire comprendre mon intention.
Il m'imita en baissant la tête, l'air triste, avant d'essuyer sa peau écailleuse et de sortir de la grotte.
Je les avais vus.
Ses larmes.
Ce « monstre » avait perdu son enfant. Ce « monstre » n'en était pas un. C'était simplement un être vivant comme les autres qui pouvaient ressentir des émotions semblables aux nôtres.
Alors, au lieu de trouver un moyen de rentrer chez moi en vie, je décidais d'en apprendre plus sur cet être étrange et complexe qui allait me fasciner tout le reste de mon séjour dans cet autre monde que le mien. »
À SUIVRE...
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