180 et des brouettes
[Temporalité : 3 ans après la grande guerre et avant l'épilogue de Flambée de désir]
Le menton dans la paume et les yeux perdus et fixant l'horizon, le seigneur et dirigeant de la cité elfique de Stormaelyan poussa un soupir de nostalgie avant de laisser tomber sa tête dans ses bras posés sur la rambarde en pierre du balcon de sa chambre.
Ses longs cheveux blancs caressaient sa peau avec douceur grâce à la légère brise du matin et l'elfe s'autorisa, malgré la vie s'éveillant dans sa cité, à flemmarder pendant encore une heure avant la prise de ses fonctions.
Vyrr Loraelyan Rhapsody avait appris à aimer la simplicité de sa nouvelle vie loin des champs de bataille, du sang et de tout ce qui pouvait lui rappeler les événements funestes des trois dernières années.
L'ambition corrompue de Leone, la défaite face aux troupes de l'Alliance Étincelante du Héros, l'emprisonnement de l'âme de Yara dans NoMercy et la disparition d'Arley.
L'humaine qui lui avait appris à ne pas être le centre du monde.
Le dragon qu'il avait réussi à considérer comme un compagnon.
Celle qu'il n'arrivait pas à libérer.
Celui qu'il n'arrivait pas à retrouver.
*TOC TOC TOC* « Monseigneur, les troupes vous attendent à la frontière. »
À peine surpris par l'un de ses exécuteurs, Vyrr se redressa et quitta son balcon pour habiller son torse nu gris de sa tunique de nécromancien refaite sur mesure par l'un des tailleurs corrompus de sa cité.
Une longue robe violette avec des reflets bleu sombre et dont les dorures formaient de nombreux dessins ainsi que le blason de la maison royale Loraelyan dans son dos.
Il passa devant son grand miroir sur pied et observa son visage, toujours aussi gris et tirant inexorablement vers la malveillance par ses yeux rouges sang. Vyrr s'était depuis des années accommodé de son apparence d'elfe corrompu mais il lui arrivait de regretter sa peau de porcelaine et ses longs cheveux blonds.
Quelques minutes après sa préparation et une invocation de portail réussissent, Vyrr se retrouvait à la frontière du pays elfique, là où des troupes ennemies campaient et tentaient d'avancer depuis des années jusqu'à la ville.
À son arrivée, les soldats de Stormaelyan s'agenouillèrent par respect envers leur souverain qui marchait avec nonchalance sur la terre souillée par le combat depuis quelques années.
Vyrr leva ses mains au ciel tout en récitant une formule magique jusqu'à ce que de la fumée violette enveloppe son corps et se concentre petit à petit en deux sphères dans chacun de ses mains.
Soudain, il les posa violemment au sol et la fumée disparut. Un pentagramme l'entoura alors qu'il continuait à chuchoter son sortilège et, la barrière invisible protégeant l'entièreté du petit pays elfique, se mit à luire avant de disparaitre à nouveau.
Face à lui, ses guerriers squelettiques sortirent de terre comme à chaque fois qu'il revenait fortifier la barrière et se mirent à attaquer les armées ennemies.
L'usage de sa nécromancie n'étonnait plus personne et Vyrr se lassait presque qu'il n'y ait pas plus d'action lors des multiples tentatives de prise de Stormaelyan.
« J'en ai fini ici. Je reviendrais dans une semaine. » dit-il d'un ton monocorde avant de disparaître devant ses soldats.
Le nécromancien arriva devant les portes de sa cité dans un nuage de fumée violette que ces citoyens connaissaient tous très bien. Certains le saluèrent, d'autres se contentèrent de faire une courbette mais tous le respectaient alors que c'était lui qui les avait tués et corrompus pour les soumettre à sa volonté éternelle.
« Tous des marionnettes conscientes de l'être mais acceptant leur sort plus supportable que la mort... » pensa-t-il en mettant sa capuche avant de déambuler dans sa ville.
La cité de Stormaelyan était magnifique depuis la reconstruction d'après-guerre et les couleurs de la famille Loraelyan flottaient dans toutes les rues. Le commerce était florissant grâce à des navires partant de leur port jusqu'aux pays du continent ouest avec qui Vyrr n'avait aucune relation conflictuelle.
Une entente commerciale avait même été décidée entre Givreciel mais également le roi de Leonidia, l'elfe s'appuyant sur ses vieilles relations du temps de ses anciens voyages de l'autre côté de la mer. Les routes commerciales passant près de capitales ennemies comme celle de Blue Island n'étaient pas attaquées justement grâce à la présence de flottes des pays de l'ouest protégeant les mers du sud.
L'ancienne cité de Rhapsodia se portait mieux que les cent précédentes années que Vyrr avait connues. Des années souillées par la conquête du pouvoir royal, de trahison et de souffrance pour un elfe comme lui né dans une des familles royales les plus mal vues de l'histoire de son peuple.
« À quoi sert la toute-puissance si l'on ne désire pas conquérir le monde ? Quand nos objectifs s'éloignent de nous au fil du temps et que notre âme appartient à la faucheuse ? »
L'elfe corrompu, las de sa non-vie, continua à traverser les rues de sa cité jusqu'à arriver au palais royal entièrement reconstruit depuis sa prise de pouvoir trois ans plus tôt.
Il arriva dans ses appartements royaux après avoir donné ses directives à ses exécuteurs corrompu et enleva sa robe de nécromancien. À nouveau torse nu et habillé d'un simple pantalon en coton de couleur marron foncé, Vyrr retourna à son balcon et s'assit sur sa rambarde de pierre pour reprendre son observation, ses doigts gris jouant avec ses cheveux.
*TOC TOC TOC*
« J'ai dit que je ne voulais pas être dérangé. Qui est-ce que je dois tuer ici pour me faire comprendre ? »
*TOC TOC TOC*
Vyrr se leva en roulant des yeux et se dirigea d'un pas colérique jusqu'à la porte, prêt à littéralement maudire la personne le dérangeant lorsqu'une fois ouverte, il tomba sur le dos.
Une odeur de rose envahissant ses narines.
« BANANIVERSAIRE VYRR ! »
La petite masse de cheveux blonds étalée sur son torse chatouillait involontairement sa peau alors que le rire d'un enfant entrant dans la pièce et sautillant partout lui fit enfin comprendre la situation.
« Monseigneur ! » s'exclama une de ses exécutrices en arrivant à son tour, « Je suis sincèrement désolé mais ils ne tenaient pas en place et voulaient absolument vous le souhaiter. »
« Bananiversaire ! » répéta la masse blonde collée à lui et dont la chaleur corporelle élevée, due à sa nature divine, procura une rare sensation de bien-être chez l'elfe.
Il l'avait oublié tellement cela lui était dérisoire : Vyrr Loraelyan Rhapsody fêtait aujourd'hui ses 185 ans. Les elfes ne fêtaient pas leur naissance, ou alors par tranche de dix ans, et le fait d'entendre un « bon anniversaire » mal prononcé de la part d'une enfant le perturba.
— Arwin, commença-t-il en relevant la tête pour s'adresse au garçon sautillant autour de lui, tu peux dire à ta sœur de me lâcher ? Vous n'êtes pas croyable les morveux !
— Alleeeez descend Talya ! cria Arwin en tirant sur la jambe de sa sœur.
La petite blonde releva soudainement la tête, ses yeux bleus rieurs fixant ceux rouges de l'elfe qui ne put s'empêcher d'être troublé à cause de la ressemblance avec Yara.
Voyant qu'elle ne voulait pas bouger, Vyrr se redressa et resta assis au sol, Aetalya dans ses bras et Arwin commençant à se battre avec sa sœur pour avoir une place près du nécromancien.
« Tu peux nous laisser, Faraelyne. » déclara Vyrr à son exécutrice en regardant sévèrement les enfants. Aetalya et Arwin arrêtèrent de se chamailler, intimidés par l'air mécontent de leur « oncle » jusqu'à ce que le garçon aux cheveux noirs de jais ouvre sa main droite en la lui tendant. Aetalya imita son geste avec la gauche avant de murmurer :
— C'est ton cadeau d'ananiversaire, oncle Vyrr.
— Des rubans ? s'étonna l'elfe.
— C'est pour tes cheveux tout longs ! s'exclama Arwin en souriant.
— Comment des petits merdeux comme vous avez su pour mon anniversaire ?
— C'est quelqu'un qui a dit ! T'es pas content ?
Le nécromancien soupira avant de se mordre la lèvre et de s'étaler à nouveau sur le sol, Aetalya toujours sur lui.
Et il fit quelque chose qui surprit et remplis de joie le cœur des deux enfants de Yara et Arley : Vyrr se mit à rire. Pas un rire malveillant mais un rire sincère.
« En eux je ne voyais que des avantages, des armes pour le futur. Mais ils se sont directement attachés à moi et je commence à avoir la sale habitude d'être aimé à cause de ces deux-là... Je les traite de « petits merdeux » et ils se battent pour la moindre attention de ma part. »
Les deux enfants se joignirent à son hilarité, tous les trois étalés sur le sol de pierre et ne remarquant pas un seul instant que, pendant une courte minute, l'elfe avait retrouvé son apparence d'origine. Ses longs cheveux blonds caressant la pierre, ses yeux bleus fermés et sa peau de porcelaine rougie par le bonheur éphémère l'envahissant.
« Quand est-ce que mon cœur s'est remis à battre ? »
[Histoire spécial anniversaire demandée par Elviie_ ! BON ANNIVERSAIRE !]
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