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Il avait été étonnamment facile de convaincre Ron et Hermione de se voir à nouveau.
Après réflexion, Harry n'était pas si surpris. Certes, il les avait abandonné comme un lâche mais c'était lui qui avait coupé contact, pas eux. Ils avaient été meilleurs amis après tout, ils voudraient au moins entendre ses explications, et peut-être même lui mettre quelques coups bien mérités, s'ils étaient sympathiques.
C'était ainsi que Harry se retrouvait à gesticuler dans le salon de Severus, tripotant nerveusement les boutons de sa manche.
« Vous êtes bien sûr que c'est une tenue convenable?
- Potter, de vous à moi, j'ai un bien meilleur sens de la mode, donc si je dis que c'est correct, ça l'est.
- Justement, repris Harry en laissant échapper un rire nerveux, je crois que nous n'avons pas le même sens de l'esthétisme. Je ne veux pas que Ron et Hermione pense que je suis devenu une sorte de croque-mort.
- On dit Mangemort, railla Severus.
- Très drôle.
- Je sais.
- Vous me promettez que ce n'est pas du noir ?
- Potter. Cela fait des mois que vous vous habillez tous les matins sans mon aide. Je pense qu'aujourd'hui ne fait pas exception.
- Excusez-moi mais je ne pense pas que vous m'auriez dit si ma tenue était atroce.
- Très juste.
- Vous ne m'aidez pas.
- Vous êtes très bien Harry, soupira-t-il. Je vous assure. »
Le fait que Severus l'appelle par son prénom démontrait sa sincérité. Aussi, cela calma quelque peu le plus jeune.
« Vous ferez sans doute moins bonne impression si vous arrivez en retard, en revanche, ajouta Severus.
- En retard ? Je suis en retard ?
- Pas encore. Mais ça ne saurait tarder.
- Mais pourquoi ne m'avez-vous rien dit ? s'insurgea-t-il, en enfilant promptement sa veste.
- Je croyais être en train de le faire, M. Potter, souffla-t-il en se pinçant l'arrête du nez.
- Je suis prêt.
- Alors allez-y.
- Je serai rentré pour dîner, promit-il.
- Je me languis déjà de vous, ricana-t-il.
- Je sais Severus, je sais, conclut-il avec un sourire. »
Il transplana avec un clin d'oeil. Ce qui, compte tenu de sa cécité, donnait un rendu étrange. Du moins Severus se persuadait-il que c'était pour cette seule raison qu'il était troublé.
.
Harry arriva à Pré-au-Lard et fut immédiatement déstabilisé par le bruit environnant. Pourtant, le village sorcier restait plutôt calme. Mais Harry n'avait plus l'habitude d'autant de sollicitations sensorielles, accoutumé au calme de la maison de Severus.
Heureusement, Harry avait anticipé la difficulté de se repérer seul dans le village et il avait transplané directement sur le perron des Trois Balais. La chance devait être de son côté car personne n'était passé à ce moment-là, ce qui aurait rendu sa première interaction avec le monde extérieur plutôt chaotique.
Il entra et fit un effort de mémoire considérable pour se rappeler où était le comptoir. C'était quelque chose qui semblait élémentaire. Et évidemment, il avait une vague idée de l'emplacement de celui-ci. Pour autant, il était compliqué de le situer avec exactitude. Après quelques tâtonnements dans le vide, une voix familière vint à sa rencontre.
« Je peux vous aider, peut-être ?
- Mme Rosmerta ? demanda Harry, incertain.
- M. Potter ? renchérit-elle, surprise. Je ne savais pas que vous étiez dans les parages.
- Surprenant, je sais. Est-ce que vous savez si mes amis sont arrivés ?
- Je ne crois pas. Je peux vous installer à une table, je les préviendrai quand ils arriveront.
- Je veux bien, merci. »
Une main bourrue se posa sur son épaule et le guida fermement jusqu'à une table. Harry remercia encore son interlocutrice et s'installa à la place qu'on lui avait indiquée. Si le bruit dehors était troublant, celui à l'intérieur de la taverne était bien pire. Il y avait non seulement les multiples discussions mais aussi le bruit des verres et de la vaisselle, des chaises et du mobilier.
Harry sentit poindre le mal de tête. Il regrettait la lecture de Sherlock au coin du feu.
Il fut distrait par des voix familières.
« Harry ! »
Il y eut quelques secondes avant qu'il ne sente des bras qui l'enlaçaient et sa tête pressée contre le torse de ce qui semblait être Hermione. Il l'embrassa en retour, machinalement. Il n'avait pas remarqué jusque là à quel point son odeur était familière.
On lui fit une tape maladroite dans le dos suivit d'un « Salut mon pote. ». Il rendit son salut à Ron, légèrement embarrassé. Visiblement, ses interlocuteurs étaient tout aussi gênés car aucun ne s'assit.
« Installez-vous, je vous en prie, les invita Harry avec un sourire qu'il voulait chaleureux. »
Des raclements de chaise hésitants se firent entendre. Et Mme Rosmerta vint prendre leur commande.
Une fois la propriétaire repartie, un silence tendu s'installa entre eux les anciens amis.
« Je vous remercie d'avoir accepté de me voir, se lança Harry en prenant une lente inspiration. On ne va pas passer par quatre chemins. Je sais que mon comportement a pu vous paraître incompréhensible et que je suis resté des mois sans vous donner de nouvelles. Je m'excuse pour ça. Très honnêtement, je n'ai pas de raison particulièrement valable à vous donner, aucune qui ne justifie vraiment mon silence. Les choses sont devenues compliquées à gérer, et j'ai préféré fuir mes responsabilités plutôt que de les affronter. Ce qui incluait vous laisser de côté... Je suis désolé... »
Il y eut un long silence.
Finalement, Ron se racla la gorge avant de déclarer:
« Je suis en train de suivre une formation pour devenir cuisinier. Si c'est pas marrant, que je passe plus de temps à faire à manger qu'à actuellement manger... Et Hermione travaille au Ministère, maintenant. Pas vrai Hermione, dis-lui... »
Bien que légèrement déstabilisé par le brutal changement de sujet, Harry comprit que c'était là la manière de Ron de lui montrer qu'il acceptait ses excuses. Tout n'était peut-être pas pardonné et ils avaient sûrement des choses à s'expliquer, à digérer. Mais Harry avait fait un pas vers eux, et Ron en faisait un vers lui.
« Oui, j'ai été acceptée en tant que stagiaire. Ce n'est pas vraiment un travail brillant, mais c'est passionnant. Il y a tellement à apprendre sur le monde magique. Et sur le nombre de lois qui régissent la magie. J'aimerais me spécialiser dans l'étude du droit des créatures, dont la magie gobeline.
- Je te reconnais bien là, reconnut Harry avec un sourire timide.
- Et toi, Harry, que fais-tu ? demanda Hermione avec une curiosité polie.
- Pas grand chose, je le crains. Comme vous savez, j'ai longtemps voyagé. Je suis rentré il y a quelques mois. Ma vue s'est complètement éteinte et le ministère m'a rapatrié après avoir accepté ma demande d'aide. Je n'ai pas trop eu le temps de réfléchir à un travail. S'adapter à mon nouveau quotidien était un job à plein temps. Pas que je sois à plaindre, cependant...
- C'est sûr que perdre la vue doit être très déstabilisant. Je ne savais pas que c'était aussi critique. Je suis désolée, Harry...
- Tu ne pouvais pas savoir, Hermione, je vous ai tenu à l'écart.
- C'est comment de plus pouvoir me mater, mon pote ? Décevant ? Est-ce que c'est différent quand tu manges ? Plus savoureux ?
- Honnêtement, c'est difficile à décrire. C'est un tout autre mode de vie. Mais on s'y fait. C'était moins éprouvant que la cohabitation avec Severus, finalement.
- Severus ? répliqua Hermione, interpellée.
- Rogue.
- Cohabitation ? répéta Ron, hébété.
- Oui, on vit ensemble. »
Un bruit sourd suivit d'un son étranglé se fit entendre.
« Putain Harry mâche tes mots avant d'annoncer que t'es en couple avec le putain de bâtard graisseux ! gémit misérablement le roux.
- En- Mais enfin non, Ron ! La demande d'aide. Le ministère. C'est eux qui m'ont dirigé vers Severus. C'est un simple arrangement. Il m'aide et je l'aide.
- Oh putain, souffla-t-il de soulagement.
- D'aide ? Tu as dit que le professeur Rogue avait lui aussi besoin d'aide ?
- Oui... Je ne sais pas si vous vous souvenez de la potion anti-venin que nous lui avons donné dans la cabane hurlante.
- Bien sûr.
- Bon... Nous avons plus ou moins bousillé sa vie ce soir-là. Les nerfs de ses mains sont endommagés. Il ne peut pratiquement plus s'en servir. Ce qui signifie un accès restreint à la magie et évidemment... aux potions.
- Ça doit être terrible pour lui, Harry, s'horrifia Hermione.
- Et terrible pour toi d'habiter avec un Rogue deux fois plus aigri que d'habitude.
- Il n'est pas si terrible, déclara Harry avec un haussement d'épaules. Il est même agréable, quand il veut.
- C'est une pensée terrifiante, répliqua gravement Ron.
- Peut-être pourriez-vous passer à la maison, un jour. Pour constater par vous mêmes.
- Merlin, retourner dans l'ambiance cachots de Poudlard ? Très peu pour moi, mon pote...
- Ron plaisante. Nous serions ravis de voir où tu vis, Harry, déclara Hermione d'une voix douce.
- Et vous deux, alors ? Vous vivez ensemble ? rebondit Harry avec un sourire taquin.
- Comment il a fait pour savoir, Hermione ? Ce n'est pas écrit sur nos fronts, hein ?
- Je suis aveugle, Ron, répliqua-t-il, espiègle. Mais vous êtes arrivés de façon bien synchronisée pour des gens qui vivent séparément. Félicitations à vous deux. »
Harry n'avait pas besoin de voir pour deviner la teinte écarlate qu'avait pris son ami. Peut-être que certaines choses ne changent pas, après tout.
.
Severus ruminait. Il faisait les cent pas dans le salon. Cet entretien avec Minerva le stressait horriblement. Il était stupide de s'être ainsi fait piéger par l'impertinent qui lui servait de colocataire. Harry avait contacté la directrice de Poudlard quelques jours auparavant, stipulant qu'il avait des informations à lui fournir sur le procès de Severus qui était resté très secret et méconnu et demandant un entretien avec elle.
« Severus, voulez-vous bien vous calmer ? Je suis certain que tout va bien se passer.
- Vous n'en savait rien. Je n'aurais jamais dû accepter d'être mêlé à vos histoires ridicules.
- Le professeur McGonagall a le droit de connaître la vérité. Vous êtes son ami, Severus.
- Je l'étais. La guerre, ça ne s'oublie pas, Harry. Vous êtes bien placé pour le savoir.
- Comme vous le soulignez, nous étions en guerre, Severus. Vous avez fait des choix discutables mais de bons, aussi. Laissez au professeur le droit de disposer de toute l'histoire. »
Trois coups secs mirent fin à leur conversation.
« Voulez-vous que j'aille ouvrir ? demanda doucement Harry.
- S'il vous plaît, souffla Severus. »
Harry se leva de son fauteuil et trouva sans peine son chemin jusqu'à Severus. Il attrapa fermement la main de Severus et y déposa un baiser tendre.
« Je sais combien c'est difficile pour vous Severus. Je connais les réflexes qui s'ancrent en nous, les mécanismes de défense. Mais il est temps de laisser la vie reprendre son cours. Nous ne sommes plus en guerre. »
Severus se contenta de serrer sa main en retour, avant de laisser Harry se diriger vers la porte. Harry déverrouilla l'entrée de leur demeure.
« Bonjour professeur.
- Bonjour Harry. Appelez moi par mon prénom, je vous prie.
- Je suis content que vous ayez accepté de vous déplacer, Minerva.
- Vos propos sur le procès de Severus m'ont intriguée. Et le lieu de notre rendez-vous également. Ma curiosité l'a emportée, on dirait.
- Entrez-donc, je vous prie. »
La sorcière suivit docilement le plus jeune à l'intérieur.
« Severus, fit froidement la directrice, aussitôt arrivée dans le salon.
- Minerva, répondit-il sur le même ton, défensif.
- Je vous ai promis la vérité sur le rôle de Severus dans cette guerre. Mais ce n'est pas à moi de vous livrer cette histoire, Minerva. Je vous laisse. »
Harry s'éclipsa discrètement et se retira dans sa chambre, laissant un silence glacial s'installer dans le salon.
Severus détailla un instant la femme qui se tenait raidement devant lui. Elle n'avait pas changé. Cela dit, quelques années dans le monde sorcier, ça ne représentait pas grand chose. Severus se sentait lui aussi épié. Il se demanda brièvement si lui aussi lui paraissait inchangé.
« Vous voulez du thé ?
- Sans sucre.
- Naturellement. »
La sorcière s'assit en face de lui, dans le fauteuil d'Harry, nota-t-il distraitement. Il remercia silencieusement ce dernier d'avoir pensé à préparer leur boisson. Il en aurait été bien incapable seul et serait passé pour un malpoli. Pas que son image actuelle soit tellement reluisante, cela dit.
« Alors, qu'avez-vous à dire ? »
Severus fit de son mieux pour ne pas se braquer face à tant de sécheresse. Il se pinça l'arrête du nez et prit une profonde inspiration.
« Harry tenait à ce que je vous tienne au courant de mon... Positionnement, dans cette guerre.
- Comment êtes-vous même en liberté ?
- Nous faisons tous des choses regrettables en temps de guerre, Minerva, dit-il d'une voix plate. »
L'esprit de Severus était soudainement vide.
« Nous n'avons pas tous tué Albus Dumbledore, cracha-t-elle. Comment avez-vous pu, Severus, c'était votre ami, notre ami...
- Vous n'étiez pas son confident, répliqua-t-il, amer. Albus était un homme fou.
- Pitié, ne jouez pas la victime avec moi, Severus.
- Et vous, Minerva, vous n'avez aucune idée de ce dont vous parlez ! s'exclama-t-il, soudainement à vif.
- C'est bien la raison pour laquelle je me trouve dans votre pitoyable salon !
- Il me l'a ordonné ! M'a supplié de l'achever. Il était mourant, Minerva. Saviez-vous seulement que votre supposé ami était empoisonné et condamné ?! Qu'avez-vous fait pour le sauver ? Vous n'étiez pas là, à vous démener pour le sauver, tout ça pour qu'il vous exige de le tuer. »
La rage qui émanait de Severus semblait résonner entre eux, électriser l'air, les frapper tous les deux.
Severus se sentit soudainement très las.
« Vous n'étiez pas là, Minerva, conclut-il d'une voix terne.
- Racontez-moi, déclara-t-elle.
- Vous ne savez peut-être pas, soupira-t-il lourdement, mais le Seigneur des Ténèbres avait crée ce qu'on appelle des Horcruxes. Il s'agit d'un de ses plans de conquête d'immortalité. Ces Horcruxes sont des fragments d'âmes, qui se logent dans des réceptacles et permettent à la personne de subsister en cas de mort de l'enveloppe corporelle. Ainsi, pour que Potter ait une chance de le vaincre, il fallait éliminer ces Horcruxes. Albus était parti en quête de ces objets afin de les détruire. Seulement vous vous en doutez, ce n'est pas de la magie très blanche. Albus a eu la brillante idée d'en porter un sur lui, une bague. Cela a irrémédiablement empoisonné son organisme. Il serait mort dévoré par la magie noire, quoiqu'il en soit. Ce n'était qu'une question de temps. En parallèle de cela, le Seigneur des Ténèbres avait chargé le jeune Drago Malefoy d'une mission, en guise d'initiation. Albus m'a demandé de m'engager dans un serment inviolable d'accomplir la tâche à la place du garçon, s'il s'avérait incapable de le faire. Je pense que Albus se doutait de la nature de l'action, même s'il se refusait à me l'avouer. Drago Malefoy devait tuer Albus. Il n'a pas pu, il n'a jamais été dans les plans d'Albus qu'il en soit capable. En tuant Albus, je m'assurais une place en or aux pieds du Seigneur des Ténèbres et donc un champ d'action important pour l'année à venir. Je vous épargne les détails sordides. Aucun de nous deux ne tient à revivre cette période, je suppose. Quoiqu'il en soit, la dernière mission d'Albus était peut-être la plus tordue. Harry était un de ces Horcruxes. Albus savait que le garçon devait mourir, il m'a gentiment remis la tâche de lui annoncer. Comme si j'étais la figure idéale pour ce faire. J'ai tué beaucoup de gens. J'ai fait énormément de mal. Je ne sais pas exactement comment Harry a vu en moi un héros, ou tout du moins quelqu'un qui ne méritait pas de pourrir le restant de ses jours à Azkaban. Mais c'est lui qui a témoigné en ma faveur, qui m'a obtenu un procès. Et c'est pourquoi je me tiens devant vous aujourd'hui. »
Minerva but une longue gorgée de son thé, visiblement pensive, tentant de digérer le lot d'informations qui lui était délivré.
« Cela paraît invraisemblable à dire mais... je reconnais bien Albus dans ce que vous décrivez. Il aurait pu effectivement planifier toute cette folie, soupira-t-elle. Pourquoi ne m'avez-vous rien dit Severus ? Je pensais que nous étions amis, conclut-elle, une lueur blessée dans le regard.
- Je n'avais pas le droit. C'était trop dangereux pour vous. J'étais déjà au coeur des diverses manigances. Mais Albus était catégorique sur le fait que ce merveilleux foutoir ne revenait qu'à moi.
- En temps de guerre, je comprends. Mais ces dernières années, Severus, pourquoi ce silence ?
- Je ne me sentais aucun droit...
- Je vous reconnais bien là vous aussi. Qu'ai-je fait pour m'entourer d'imbéciles pareil ? grommela-t-elle, bien qu'il y ait de la douceur dans ses yeux. »
Son regard mis Severus mal à l'aise.
« J'ai entendu dire que vous avez pris la direction de Poudlard ?
- Pourquoi ? Votre poste vous manque ? le taquina-t-elle.
- Merlin non, ricana-t-il. »
Et soudainement, l'amertume dans le fond des yeux se fit plus douce, moins abrupte. L'air s'allégea.
La guerre s'estompait.
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Ça fait littéralement un mois que j'ai commencé à écrire ce chapitre. Je suis contente de l'avoir terminé. J'espère qu'il est lisible, malgré le fait qu'il ait été écrit de façon morcelée.
Belle soirée :)
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