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Une routine agréable s'était petit à petit installée dans leur quotidien. Le matin, Harry partait généralement se promener. C'était un bon entraînement pour ses sens. Il n'allait jamais très loin et se contentait souvent du petit jardin de Rogue. Le voyage lui manquait terriblement.
Cela faisait des années qu'il avait pris l'habitude de partir, fuir, profiter. Malgré tout, Rogue était un élément non-négligeable de son passé et sa présence lui rappelait ce qu'il avait laissé derrière lui. Les problèmes qu'il avait fui en partant découvrir le monde.
Voyager avait eu quelque chose de thérapeutique pour Harry. Découvrir tous ces gens, ces lieux, épargnés par la guerre, par Voldemort, donnait du sens à leur victoire, à leurs souffrances.
Revenir ici, en Angleterre, c'était comme replonger dans la mort. L'air lui collait à la peau comme un mauvais souvenir. Ce n'était rien de visible, pourtant c'était ici, tout autour de lui. Les séquelles de la guerre. Rogue en était la preuve vivante chaque jour. Et malgré lui, plusieurs choses revenaient le tracasser. Des questions qu'il avait juste écartées avec son départ.
Ron et Hermione par exemple, il n'avait aucune idée de ce qu'ils avaient bien pu devenir. Il avait reçu des lettres de leur part au début, mais il n'avait jamais réussi à les ouvrir, à les lire. C'était une symbolique trop lourde, qui ne collait plus avec la vie qu'il s'était choisie.
À ce jour leur souvenir se rappelait à lui. Et il se sentait coupable de les avoir ainsi écartés.
Harry rentra à l'intérieur, estimant qu'il devait bientôt être l'heure du repas. Il trouva effectivement Rogue qui sortait de sa chambre, comme s'il avait lu dans ses pensées. Harry ignorait ce qu'il pouvait bien faire le matin. Toutefois, il savait que ce moment de solitude leur était nécessaire à tous les deux. Harry avait appris à comprendre un peu mieux l'homme avec lequel il cohabitait. Rogue était quelqu'un qui n'était pas habitué à la compagnie. Harry savait qu'il était venu à apprécier celle d'Harry, même s'il ne l'avouerait pour rien au monde. Il savait également que l'homme avait besoin de se retrouver avec lui-même parfois. Et qu'il avait besoin de temps pour lui. Cela ne dérangeait pas Harry pour le moins du monde, cela dit. Il aimait également prendre du temps pour lui.
Ils préparèrent le repas dans une complicité familière. Et Harry prit soudainement conscience de la douceur de son quotidien. Malgré son retour en Angleterre et un début de cohabitation explosif, sa vie avec Rogue lui plaisait. Elle participait à apaiser les angoisses qui menaçaient de ressurgir, parfois.
Une fois le repas terminé et débarrassé, ils se déplacèrent au salon. Rogue s'installa dans son fauteuil habituel. Et comme tous les après-midi, Harry vint se caler entre ses jambes, sa tête posée sur les cuisses du plus âgé. Puis la lecture de Sherlock débuta et Harry se laissa aller à la voix grave de Rogue. Il y avait quelque chose d'un peu rauque, un peu écorché dans le timbre de Rogue. Peut-être représentatif de ce qu'était le sorcier. Mais il y avait aussi quelque chose de terriblement enveloppant. Harry n'expliquait pas bien ce sentiment. C'était juste captivant.
Ensuite, ils préparèrent le repas du soir, dans la même dynamique que celui du midi. Puis, comme chaque soir, Rogue s'asseyait dans le canapé. Cela n'arrivait que les soirs. Ils buvaient ensemble un verre de whisky. Harry jouait du violon et Rogue feignait de ne pas l'écouter, un livre sur les genoux. Harry savait pertinemment qu'il était observé. Cela ne le dérangeait pas, pourtant. Il n'était pas particulièrement bon en musique. Il ne se sentait pas transporté par son instrument, comme le disait l'être les grands musiciens. Il aimait juste la sensation de l'instrument contre sa peau. Sa lourdeur. Il savait que sa musique n'était pas spéciale. Elle n'avait rien de magique. Pourtant la routine avait quelque chose de réconfortant.
Harry reposa son violon et vint s'allonger sur le canapé. Il entendit Rogue mettre son livre non-lu de côté. Et Harry posa sa tête sur les cuisses de Rogue et attrapa sa main entre les siennes. Il traça les aspérités qu'il connaissait maintenant par coeur. Il y avait quelque chose de rassurant dans le processus.
« Savez-vous ce que sont devenus les gens après la guerre ?
- Que voulez-vous dire ?
- Cela fait deux ans que je n'ai plus eu de contact avec personne. Je suis simplement curieux.
- Et vous pensez que moi, entre tous, sais ce que son devenus vos petits copains de Gryffondor ?
- Je ne parle pas forcément des élèves. Peut-être avez-vous des nouvelles des enseignants. N'importe qui. Je ne sais pas. Le professeur McGonagall, peut-être ? Vous sembliez bien vous entendre durant nos années à Poudlard.
- Peut-être oubliez-vous le rôle que j'ai joué dans la guerre. Les vies que j'ai prises, une en particulier. Minerva n'a pas vraiment apprécié ma trahison. Disons qu'après cela, les choses sont devenues... tendues, entre nous.
- Sûrement a-t-elle changé d'avis quand vous lui avez raconté votre vrai rôle dans cette guerre ?
- ...
- Rogue ?
- Disons... Qu'elle n'a pas eu vent de ces nouvelles.
- Vous ne lui avez rien dit ? s'exclama Harry, abasourdi.
- Pourquoi l'aurais-je fait ? répliqua-t-il avec lassitude.
- Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ? »
Seul le silence lui répondit. Peut-être que Harry comprenait un peu, au fond.
«Vous savez, ajouta-t-il avec une voix prudente, si j'ai tenu à ce que le procès ne s'ébruite pas, ce n'était pas parce que je pensais que vous ne méritiez pas de reconnaissance. Juste parce que j'imaginais que vous préfériez votre tranquilité à une foule de média qui vous trouve soudainement héroïque après vous avoir craché sur le dos. Mais peut-être ai-je mal fait.
- Pour une fois, vous vous êtes montré étrangement... délicat, Harry.
- Alors pourquoi n'avoir rien dit à personne ? Je voulais vous laissez le choix de l'annoncer à ceux qui comptaient. Pas que vous finissiez reclus dans une ruelle abandonnée.
- Je vous signale tout de même que cette ruelle abandonnée vous sert de maison, à vous aussi. Et je me permets même d'ajouter que vous êtes plutôt mal placé pour me donner des leçons en termes d'amitiés et de relations humaines, conclut-il avec un petit reniflement. »
Harry embrassa doucement la paume qui lui était offerte, touché, mais pensif.
« Vous n'avez pas tort.
- Évidemment que j'ai raison.
- C'est pourquoi je vous propose un marché, renchérit-il doucement.
- L'idée que vous tentez de négocier avec moi est fort déplaisante, je dois dire.
- Je recontacte Ron et Hermione et vous recontactez le professeur McGonagall.
- Nous sommes supposé tirer un avantage d'un marché, Potter. Je n'en vois aucun, déclara-t-il d'un ton neutre.
- Au contraire, vous gagnez assurément de m'avoir un peu moins sur le dos. Et peut-être en prime de vous réconcilier avec une vieille amie. Je ne vois que des bénéfices. »
Harry savait qu'il avait coincé son vis-à-vis. Pour le détromper, Rogue était obligé d'avouer que la présence d'Harry ne le dérangeait pas. Ce qu'il ne ferait jamais de vive voix.
Peut-être Rogue avait-il réalisé cela également.
« La ruse vous sied terriblement mal, Harry, grogna-t-il en guise de reddition.
- Content de constater que je suis un bon négociateur malgré tout, déclara-t-il avec un sourire. »
Harry appuya sa main de façon rassurante contre celle de Severus. Ils laissèrent la cheminée crépiter entre eux, le temps passer et les mots s'imprégner en eux, saisissant doucement les implications de l'accord qu'ils venaient de passer. Quelque chose dans l'air avait changé. C'était comme si un bout d'eux-mêmes leur échappait, sans qu'ils ne comprennent tout à fait lequel ni comment.
« Vous avez le droit au bonheur, Severus, souffla Harry contre ses phalanges. »
C'était la première fois qu'il l'appelait par son prénom. Il roulait étrangement contre son palais. De façon pas tout à fait fluide, un peu brute. Pourtant l'homme ne releva pas. Il se contenta d'ajouter d'une voix posée:
« Et il est grand temps que vous viviez pour vous-même, Harry. »
Severus passa une main maladroite sur le front du plus jeune.
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Hello :)
Un très court chapitre, je sais. Il sert de transition à une nouvelle dynamique de la fic.
J'espère qu'il vous plaît, je le trouve un peu confus, par moment.
Take care !
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