Monstre ?
Il traversait les champs à toute allure, sans s'arrêter. Il ne prêtait même pas attention au paysage autour de lui, le connaissant déjà par cœur. Il bondissait par-dessus les haies, esquivait les arbres et arbustes et se fichait éperdument des cultures des humains ; celle-ci repoussait mais les morts, eux, ne revenaient pas a la vie. Il aperçu enfin au loin un village, il espérait de tout son être qu'il y avait un guérisseur, sinon il serait forcé de pousser jusqu'au village d'après et ainsi de suite jusqu'à ce qu'il trouve un médecin ou quelqu'un qui savait prodiguer des soins sur des blessures graves.
Il continua jusqu'au village tout en ralentissant l'allure pour éviter de se faire remarquer. Déjà que ses yeux vairons et ses longs cheveux roux ne l'aidaient pas des masses lorsqu'il fréquentait les humains. Il lui était déjà arrivé qu'il se fasse démasquer à cause de ces attributs. Il entra dans le bourg qui était de petite taille, la plupart des maison ayant vu sur la place central. Un marché avait lieu, surprenant car ayant habituellement lieu dans les villes plus grandes. Il était pour le moment chanceux car personne ne faisait attention à lui. Il entreprit de faire le tour des étals pour voir si il ne tombait pas sur un guérisseur - ou une guérisseuse, certes plus rare mais existantes tout de même - manque de chance il n'en trouva pas. Il aborda alors un homme en lui attrapant le bras avec le plus de douceur dont il était capable :
— Excusez-moi, j'aurais besoin d'un renseignement.
L'homme s'arrêta et le regarda de haut en bas, la méfiance brillait dans ses yeux. Il faut dire que ses vêtements était quelque peu différents de ceux des Hommes. Sa tunique lui arrivait jusqu'à mi-mollet - ou robe vu la longueur - était dépourvue de tout fioritures, ses jambes était recouvertes d'un collant en laine pour le protéger du temps encore légèrement frisquet par ce début de mars et ses gants lui faisait comme un seconde peau, c'était un travail un travail trop délicat pour des humains, de plus sa tenue ne laissait voir que la peau de son visage aussi il n'était pas étonnant que l'homme fut intrigué par son accoutrement.
— Qu'est-c'q'vous voulez savoir ? S'enquerra l'homme.
— Si il y'a un guérisseur dans ce village.
— Pourquoi vous avez b'soin d'un guérisseur ? Vous m'avez pas l'air d'être blessé.
— Ce n'est pas pour moi.
Il avait consentit à assouvir la curiosité du villageois pour ne pas le pousser à la méfiance.
— L'habite à un p'tit kilomètre du village, après l'bosquet d'hêtre, l'informa l'homme, en mâchant ses mots, comme le faisait souvent les Hommes de la campagne.
À peine l'information fut-elle parvenu à ses oreilles qu'il s'élança dans la direction qui lui avait été indiqué.
— Merci ! S'écria t-il, à l'intention du villageois
En quelques minutes il fut arrivé devant la maison du guérisseur qu'il avait tant cherché. Il s'arrêta quelques instants pour souffler et observer la-dite maison. Elle était simple, faite de pierres et d'un toit de chaume, non loin de la bâtisse se trouvait un puits et derrière celui-ci un potager. Un chat paressait sur le rebord d'un fenêtre. Stoppant sa contemplation il s'avança et et toqua à la porte. Il dû attendre quelques minutes avant que quelqu'un daigne venir lui ouvrir. « Bon sang ! Ce guérisseur ou cette guérisseuse ne pouvait-il donc pas se dépêcher ? Chaque seconde comptait ! » Pesta t-il, intérieurement.
Enfin on lui ouvrit la porte. C'était un vieil homme au crâne dégarni et aux lunettes aux verres d'une épaisseur démesurée.
— C'est pourquoi ? Demanda le vieillard.
— Vous êtes bien guérisseur ?
— Oui. Z'avez b'soin d'mes services ?
— Oui. C'est pour ma femme. Répondit-il en employant le terme humain qui convenait pour éviter d'éveiller les soupçons.
— Et qu'est-ce qu'elle a vôt'e femme ?
— Elle est gravement blessé, j'aurais besoin que vous veniez voir de vous même.
— Mmh.
Le vieil homme tourna autour de son visiteur en marmonnant dans sa barbe inexistante. Il le regarda faire son manège pendant quelques minutes, se retenant de l'empoigner par le bras et de l'emmener jusque chez lui. Soudain, le vieillard recula dans un sursaut, tremblant de la tête au pieds.
— N.. Ne vous approchez pas ! S'exclama l'homme.
Désormais celui-ci puait la peur, elle suintait par tous les pores de sa peau. Il avait vraisemblablement compris que son visiteur n'était pas humain. Ce dernier tenta de calmer le guérisseur, sans succès, la peur avait pris le dessus.
Soudain au loin il entendit des cris, il se retourna et aperçu des Hommes armés de fourches approcher. Ainsi l'homme qui lui avait indiqué où se trouvait le guérisseur avait compris ce qu'il était ou tout du moins ce qu'il n'était pas. Il prit quelques instants pour réfléchir, il avait trois solutions : soit il essayait de convaincre le guérisseur de l'aider malgré tout, il pouvait aussi l'emmener sans son consentement, voire carrément l'assommer ou il pouvait s'enfuir mais prendre le risque que sa « femme » — comme le dirait un humain — meurt. Il choisit la première option, dépourvue de violence et qui lui laissait une chance de la sauver.
— S'il vous plaît j'ai vraiment besoin de votre aide et je le jure devant la Créatrice que je ne vous ferai aucun mal, mais je vous en supplie aidez-moi, insista t-il auprès du guérisseur.
Il s'agenouilla les mains crispés l'une sur l'autre, sur son torse. Son visage était levé vers celui qui représentait son dernier espoir. Celui-ci recula encore de quelques pas tremblant comme une feuille.
— S'il vous plaît.
— V.. Vous êtes un.. m... monstre, pourquoi voudrais-je vous aider ? Demanda le guérisseur, le visage déformé par la peur.
— Je ne vous demande pas de faire ami-ami ou de m'épouser, simplement de sauver celle que j'aime ? Vous ne comprenez donc pas ? Vous ne savez pas ce que cela fait d'aimer ?
— Les monstres dans votre genre sont incapables d'aimer, vous ne méritez que la mort, lui cracha l'homme, revigoré par la proximité de ses semblables et par sa haine envers son interlocuteur.
— Notre vie mérite donc si peu de considération ? Demanda t-il blessé et affligé par la cruauté et l'animosité des humains envers lui et les siens.
— Bien sûr, vous devriez tous pourrir six pieds sous terre.
Il baissa la tête résigné, c'est donc comme ça que les humains les voyez ? Comme des monstres ? Si il étaient des monstres qu'en était-il des humains ? Eux qui jugeait les autres sans mêmes les connaître. Qui les persécutaient sans aucune raison que la peur. Une peur irrationnelle, seulement née de l'inconnue.
Les cris des villageois se rapprochaient de plus en plus. Il décida alors de partir et d'aller la retrouver, il ne souhaiter pas qu'elle meurt seule, ce serai un fin des plus tristes pour elle et lui il s'en voudrait tout le restant de sa vie — et encore si il résistait à la tentation de mourir pour ne pas souffrir de ne plus l'avoir à ses côtés. Cela pouvait semblait pessimiste comme pensée, mais il l'aimait plus que sa propre vie et elle était sa moitié, il ne pouvait s'imaginer vivre sans elle.
Tout à coup les villageois était à porté de vue, à peine à quelques mètres de là où il se trouvait.
— C'est lui le monstre, s'écria le guérisseur à ses semblables.
Ceux-ci se précipitèrent dans sa direction, criant sûrement pour se donner du courage. Il recula et se cogna contre le guérisseur.
— Vous ne passerez pas, s'écria ce dernier.
Il n'eut pas le temps de s'échapper qu'il fut encerclé, il n'avait plus aucun échappatoire, enfin ça c'est ce que croyais les humains. En effet il était hors de question qu'il se laisse faire de la sorte. De plus les humains semblait le sous-estimer. Si ils croyaient qu'il n'allait pas résister, ils se trompaient lourdement. Il ne comptait pas mourir ici loin des siens, parmi des humains qui le méprisaient et le haïssaient.
Alors déterminé il se mit en action, trouva un échappatoire. Échappatoire qui nécessitait qu'il se transforme, qu'il leur montre sa vrai nature. Il se déshabilla puis se concentra. Le duvet roux qui recouvrait déjà son corps et qui était jusque là cachés par ses vêtements, poussa pour se transformer en fourrure, son visage s'allongea et s'affina. Ses canines étaient désormais semblables à celles des tigres à dent de sabre et ses oreilles à celles d'un renard. Son corps changea du tout au tout, passant de l'humain à un mammifère au pelage paré des couleurs de l'automne et aux yeux écarlates. Ils mesurait désormais près de deux mètres de haut, dépassant les humains présents. Ses assaillants reculèrent de quelques pas surpris et effrayés mais reprirent bien vite leurs esprits, leur haine étant tenace. Les hommes lancèrent l'assaut sur la créature qui se tenait désormais devant eux. Celle-ci usa de ses deux longues queues pour balayer ses ennemis. Plusieurs hommes furent éjectés bien des mètres plus loin. La colère de ceux encore debout augmenta et une des hommes lança sa fourche qui écorcha la créature. Elle couina, une plaie barrait une de ses cuisses arrière. Il était temps qu'il parte d'ici avant qu'il soit trop tard, avant qu'elle meurt. Il recula de quelques pas et pris son élan avant de sauter par dessus ses assaillants.
Ceux-ci le regardèrent faire, hébétés. Il profita de leur stupéfaction pour s'enfuir sans se retourner, il ignora la douleur cuisante qui avait pris possession de sa cuisse et accéléra encore, et encore. Le vent lui fouettait le visage, ses sabots soulevèrent des nuages de poussière alors qu'il suivait toujours la route pour le moment. Il bifurqua soudainement sur sa gauche et sauta par dessus une haie et augmenta encore sa vitesse.
Au bout de plusieurs dizaines de minutes interminables il gagna une forêt surplombée d'une falaise. Il continua sa route esquiva les arbres et échappa aux pièges que lui tendait branches et racines. À travers le feuillage, le ciel commençait à rosir et le soleil y était déjà bien bas.
Il arriva près d'une grotte le dominant plusieurs mètres plus hauts, creusé dans la falaise. Il se transforma une nouvelle fois et était désormais nu, ayant laissé ses vêtements chez les humains. Il commença alors à escalader la falaise, il monta en priorité ses jambes et épargna ses bras qui servait principalement à le maintenir à la paroi. En quelques minutes il parvint à l'entrée de la grotte et pénétra à l'intérieur. Au fond de la cavité une femme était allongée, son corps caché d'une couverture.. Il attrapa une tunique et un pantalon qui traînaient sur le sol. Il les enfila pour se protéger du froid et s'approcha de la femme avant de s'agenouiller à ses côtés. Son visage était recouvert par une chevelure de jais. Sa peau diaphane était piquetée de taches de rousseur sur l'ensemble de son corps. Il écarta quelques mèches de cheveux et dévoila son visage où ses yeux se révélèrent être fermés. Heureusement son torse se soulevait, preuve qu'elle respirait toujours. Elle remua et se tourna sur le dos. Ses paupières se soulevèrent sur deux yeux gris.
— T... Tu es en..en...fin rentré S..Sionn, articula-t-elle.
Sa voix n'était qu'un simple murmure, à peine inaudible et difficilement dicté. Elle sonnait malheureusement trop juste avec les cernes qui ornaient le dessous de ses yeux.
—Ayla ! Ne te fatigue pas.
— Ne... Ne t'inquiètes pas pour moi. Je n'en peux plus du silence.
— Désolé. Je n'ai pas trouvé de guérisseur, ou du moins je n'ai pas pu le convaincre de venir.
— Ce n'est pas grave. Tu es là c'est tout ce qui compte.
Son cœur se déchirait à la voir dans cet état, au seuil de la mort. Chaque mot qu'elle prononçait semblait lui coûter et il ne pouvait que souffrir de la voir dans cet état. Elle autrefois si rayonnante avait dépéri de jour en jour et de plus en plus vite. Sionn savait qu'elle était triste d'être aussi faible. Et cet tristesse résonnait dans tout son être, sans qu'il put faire quelque chose pour apaiser les tourments de sa bien-aimée.
— Serre-moi dans tes bras, s'il te plaît, demanda Ayla.
— Et comment, répondit-il, la tristesse transparaissant jusque dans sa voix, avant de s'exécuter.
Il la serra délicatement, avec toute la tendresse dont il était capable. Il voulait lui montrer tout l'amour qu'il lui portait sans pour autant la serrer trop fort, il aurait bien trop peur de la briser. Elle qui était il y a peu, forte comme un roc. Il restèrent ainsi plusieurs minutes, aucun des deux amants ne voulant lâcher l'autre. Ils se séparèrent d'un commun accord, seulement pour mieux pouvoir se voir. Il lui sourit, elle aussi. Sionn attrapa la main de sa bien-aimée et la baisa.
— Demande moi ce que tu veux, déclara-t-il. Je préfère que nous ne nous mentions pas : j'ai peur que tu ne vives plus très longtemps, et peur est un euphémisme, en vérité je suis terrifié, alors demande moi ce que tu veux. Je veux que te rendre heureuse avant la fin.
— Je suis contente que tu soit aussi franche dans tes paroles, souris-t-elle.
— Ne me mens pas Ayla. S'il te plaît. Tu n'as pas besoin de te forcer à sourire, pas avec moi en tout cas.
— Tu as raison.
Son sourire s'effaça instantanément.
— Je n'ai aucune envie de partir, de te quitter, je hais cette idée. J....j'ai envie de pleurer rien que d'y penser... et puis je veux continuer à courir dans la forêt à chasser, à me baigner dans la rivière. Les dieux peuvent bien attendre avant que je les rejoignes, non ?!
Sa voix dérailla sur ces derniers mots, elle commençait à s'énerver, révoltée par l'idée de mourir.
— J'aimerais tant moi aussi, mais malheureusement les dieux n'en font toujours qu'à leur tête. Je sais que je me répètes mais que veux-tu ? Cela peut-être n'importe quoi, je le ferais.
Elle le regarda, ses yeux remplis de tendresse, de tendresse envers cet homme prêt à tout pour elle. Elle réfléchit quelques secondes .
— J..je ne demande qu'une seule chose.
Elle toussa et cracha du sang, signe que son état empirait. La main de Sionn se crispa sur celle d'Ayla. Il se pencha sur elle mais celle-ci lui fit signe que tout allait bien, bien que ce ne fut pas le cas.
— Laisse-moi finir. Je ne demande qu'une chose : après ma mort ne meurt pas Sionn, continue à vivre. Je ne te demande pas de m'oublier, ni de ne pas être triste, mais de ne pas te laisser mourir, d'apprendre à vivre sans moi. Mais surtout d'aimer à nouveau si l'occasion se présente. Ne t'empêche pas de ressentir des sentiments pour quelqu'un d'autre que moi.
—...
Il ne trouva rien à redire, elle avait lu en lui comme dans un livre ouvert, comme toujours. Elle avait deviné ses pensées noires et les avait contrées. Puisque c'est ce qu'elle voulait, il n'irait pas contre sa volonté. Elle souri :
— Viens là.
Elle lui ouvrit les bras et Sionn en profita, s'allongea contre elle et la serra entre ses bras.
Ils restèrent comme ça pendant des heures, les heures précédant l'arrivée de la mort. Le silence planait, ce n'était pas un silence pesant. Au contraire il résonnait de paroles muettes, ils n'avaient pas besoin de communiquer pour se comprendre.
Malheureusement la tant redoutée arriva beaucoup trop vite à leur goût. Ayla la sentir l'envelopper et Sionn huma son odeur. Ils se regardèrent une dernière fois dans les yeux, jusqu'à ce que l'étincelle de vie dans ceux d'Ayla s'éteigne, jusqu'à ce que son torse arrête de se soulever et que son cœur ne batte plus. Alors Sionn s'effondra. Il pleura tout l'océan de larmes qu'il avait retenu jusque là. Il ne chercha pas à se retenir. Il ne reverrait plus, il n'entendrait plus jamais le doux son de sa voix et ne l'embrasserait plus jamais. Il cria toute sa douleur au monde, et repensa à ces humains qui l'avaient traités de monstre un peu plus tôt dans la journée, qui avait refusé de l'aider. Peut-être serait-elle encore ne vie si ils n'avaient pas eu l'esprit si fermés à ceux qui n'étaient pas humains. Il pourrait chercher la vengeance mais ils ne méritaient pas qu'il se préoccupe d'eux. Il redirigea ses pensées vers Ayla. Il se remémora tous ses souvenirs d'elle, d'eux. Elle aurait toujours une place spécial dans son cœur, ça il en était persuadé.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top