~ Randonné en montagne ~
En sortant de la cuisine, Océane se prit les pieds dans le tapis recouvrant le sol du salon et s'étala de tout son long au centre de la salle. Le plat plein de sauce bouillante qu'elle tenait dans les mains se renversa, l'éclaboussant à moitié.
Blessée dans sa trop grande fierté et la peau toute brulée, la jeune fille aux cheveux de feu se redressa d'un bond. Furieuse de s'être humiliée de la sorte, elle décida de laisser libre court à sa colère pour empêcher les personnes présentes dans la pièce de se moquer d'elle.
« J'en ai marre de cette boucle de merde ! hurla-t-elle en tapant du pied par terre. On ne peut rien faire sans que ça ne se passe mal. Et même quand on ne fait rien, quelque chose ne va pas ! Je n'en peux plus ! Un de ces jours je vais me casser d'ici une bonne fois pour toutes ! Et là, fini les journées monotones toutes plus ennuyantes les unes que les autres, à vivre entourée de crétins en tous genres !
Boris, qui se trouvait dans un canapé un peu plus loin, ouvrit la bouche pour protester.
- Mais...
Il n'eut pas le temps de finir sa phrase qu'Océane déchaînait déjà son pouvoir contre lui. Une seconde plus tard, il avait perdu le contrôle de son corps qui se retrouvait totalement immobilisé, tout comme la jambe droite de la jeune fille.
- D'autres amateurs ? reprit cette dernière en balayant ses amis du regard.
Ernest, Azilis, Elisa et Gabin la regardèrent sans répondre. Aucun n'avait envie de s'exposer à la colère de la particulière.
- Non ? Très bien, je vais choisir moi-même alors !
- Océane, tu ne peux pas, on ne t'a rien fait !
- Tais-toi ! Il faut bien que je défoule ma particularité de temps en temps et c'est le seul moyen que j'ai trouvé. »
Océane fusilla celui qui avait osé s'opposer à elle, c'est à dire Ernest et plongea son regard dans le sien, le paralysant à son tour.
Azilis et Elisa étant toutes deux incapables d'utiliser leurs particularités pour stopper la jeune fille - l'une étant trop mortelle, l'autre pas assez offensive -, elles laissèrent ce travail à Gabin qui, se servant de sa super-vitesse, vint se placer dans le dos de son amie et lui plaqua les mains sur les yeux afin qu'elle ne puisse plus immobiliser personne.
En se utilisant de son pouvoir contre Azilis et Elisa, Océane avait perdu l'usage de ses deux bras en plus de ses jambes, elle ne pouvait donc en aucun cas se libérer de son emprise.
Pourtant, ce ne fut que lorsque Gabin se pencha vers elle et lui chuchota à l'oreille : « Océane, arrête s'il-te-plait. » qu'elle obéit. Ses muscles se détendirent d'un coup et Boris, Ernest et les deux filles redevinrent maîtres de leurs mouvements.
Ensuite, la jeune fille rousse tourna les talons, repoussa Gabin qui se trouvait en travers de son chemin et monta dans sa chambre.
***
Quand les enfants racontèrent la mésaventure de la matinée à Miss Ramier, elle ne fâcha pas, au contraire. Elle décréta qu'Océane avait raison dans ses propos, bien qu'elle se soit montrée un peu trop démonstrative et promit à ses pupilles de chercher au plus tôt un moyen de remédier à leur ennui.
***
Après avoir inspecté la question sous toutes les coutumes, avoir envisagé toutes ses options et leurs conséquences, Miss Ramier avait pris la décision audacieuse de violer toutes les lois qu'elle s'était elle-même fixées pour emmener ses pupilles hors de leur boucle le temps d'une après-midi. La directrice aurait préféré ne pas avoir à venir jusqu'à cette extrémité mais elle sentait bien que le moral de ses petits protégés était en train de chuter et que si elle ne faisait pas rapidement quelque chose pour y remédier, ils risquaient de gravement dégénérer.
Les onze enfants particuliers de la boucle du 8 juin 1703 étaient justement tous rassemblés dans le salon et attendaient avec impatience la « grande nouvelle » que leur Ombrune devait leur annoncer. Cette dernière prit tout son temps pour respirer profondément avant de leur dire :
« Alors voilà. Le comportement, bien qu'inadmissible de votre camarade Miss Sellier, m'a fait réfléchir et je pense que vous avez sincèrement besoin de changement. C'est pour cette raison que demain, nous partirons ensemble nous promener dans le présent. Ou plus exactement nous irons effectuer une promenade de santé dans les montagnes les plus proches. Je sais ce que vous allez me dire : que vous risquez à tout instant de vous faire rattraper par les années que vous n'avez pas prises mais je vous rassure : nous ne resterons pas suffisamment longtemps hors de la boucle pour que cela puisse se passer. Une journée tout au plus. Maintenant, si vous avez des questions, c'est le moment de les poser. Sinon, allez préparer vos affaires.
Dorothy, assise entre Briac et Boris dans un des canapés, leva la main.
- Comment ferons-nous pour marcher dans les sentiers escarpés des montagnes sans nous prendre les pieds dans nos robes ?
La directrice fronça les sourcils. Elle n'y avait pas pensé mais pour rien au monde elle n'assumerait d'avoir été devancée par l'une de ses élèves.
- Eh bien, vous porterez des tenues un peu plus légères. Il me semble que toutes les demoiselles de cette boucle possèdent des robes plus ou moins adaptés à ce genre de pratique, je me trompe ?
Elisa et Azilis, qui n'étaient ni l'une ni l'autre de grandes fans des robes à froufrous, échangèrent un regard entendu en pensant aux tenues déchirées et pleines de boue qu'elles cachaient au fond de leurs placards et qu'elles utilisaient lorsqu'elles voulaient être à l'aise pour chahuter dans le jardin.
- Est-ce que ça va être dur de marcher ? demanda Boris qui n'était pas très friand des grands efforts physiques.
- Normalement, j'ai choisi un sentier assez accessible pour tous, même pour un enfant de six ans. »
Elle pointa du menton Jérémie et Boris grommela que le « normalement » ne lui disait rien qui vaille. L'Ombrune lui jeta un regard acéré et les enfants, comprenant que la conversation était close, montèrent un à un rejoindre leurs chambres pour choisir les tenues dont ils auraient besoin pour marcher.
***
Le lendemain matin, Miss Ramier réveilla ses pupilles à l'aube et leur fit prendre un peu petit déjeuner consistant avant de les faire sortir de la boucle pour la première fois depuis bien longtemps.
Les enfants restèrent un moment, ébahis devant les avancés que le présent avait pris sur leur époque. Ils serraient volontiers restés des heures à contempler les voitures, les immeubles modernes, les téléphones portables des passants et autres merveilles technologiques mais leur Ombrune les pressa vers le véhicule qu'elle avait loué pour l'occasion sans leur laisser le temps de s'imprégner plus que nécessaire de ce siècle qui n'était pas le leur. Elle craignait que l'attraction du XXIème siècle ne soit trop forte et qu'ils ne veuillent plus retourner en 1703.
Le trajet fut long mais sans encombre, même si Briac et Boris trouvèrent le moyen de se plaindre. « C'est trop long ! », « Quand c'est qu'on arrive ? », « Rappelez-moi qui à eut l'idée géniale de nous embarquer dans cette galère ? »
Le mini bus que Miss Ramier s'arrêta sur le bord d'une petite route isolée du vacarme de Paris. Elle fit descendre ses pupilles puis les conduisit un à un sous un petit porche. Il ne fallut pas longtemps aux particuliers pour comprendre qu'ils venaient d'entrer dans une nouvelle boucle.
« Bienvenue chez Miss Cigogne, leur annonça Miss Ramier. Sa boucle est un excellent point de passage pour accéder aux montagnes où je veux vous emmener randonner. De plus, comme elle se situe en 1529, c'est-à-dire avant la nôtre, aucun de nous ne risque quoi que ce soit ici. J'aurais aimé que vous rencontriez ses pupilles de la boucle mais malheureusement nous n'avons pas le temps si nous voulons être rentrés avant ce soir. »
Les enfants auraient volontiers fait remarquer à leur Ombrune qu'ils auraient préféré rencontrer de nouvelles personnes plutôt que d'aller souffrir en randonnée mais, personne ne voulant se dévouer pour parler au nom de tous, ils s'en abstinrent.
***
« On va vraiment monter jusque là-haut ? demanda Azilis alors que ses camarades et elle-même se trouvaient au pied d'une montagne éléphantesque.
- Oui, répondit miss Ramier en souriant. D'ailleurs, nous ferions bien de nous y mettre tout de suite. Allez, en avant mauvaise troupe ! »
Elle s'avança d'un pas décidé dans le sentier escarpé, son bâton de marche dans une main et son grand chapeau de paille visé sur la tête. Avec plus ou moins d'enthousiasme, ses pupilles la suivirent. Boris et Azilis fermaient la marche, chacun émettant des hypothèses sur celui ou celle que l'Ombrune traitait de « mauvaise troupe ».
***
« Briac ? appela Jérémie après un bon moment de marche intempestive au milieu des cailloux et des buissons épineux.
- Ouais ?
- Tu peux me porter ?
Le jeune homme ours faillit s'étouffer.
- Nan mais ça va pas la tête ! s'exclama-t-il en se retournant vivement vers le petit garçon. Y'a pas marqué « taxi » ici !
Il frappa à plusieurs reprise son index contre son front et Jérémie croisa les bras, vexé.
- M'en fiche, si tu veux pas me porter je vais t'embêter jusqu'à ce que tu en ai tellement marre de moi que tu acceptes !
- Ah ouais ? Ben j'aimerais bien voir ça, tiens ! »
Briac n'aurait pas dû parler si vite. Jérémie resta collé à lui pendant au moins deux kilomètres en se plaignant de tout et de rien si bien que Miss Ramier finit par ordonner au garçon ours de prendre son cadet sur ses épaules. Le jeune homme, horrifié, tenta par tous les moyens de faire entendre raison à sa directrice mais elle resta de marbre fasse à ses supplications et il fut bien obligé de se rendre, ce qui donna une cible aux moqueries de Boris et Azilis pendant un bon bout de temps.
***
Après encore plusieurs kilomètres de marche éprouvants à entendre des jérémiades de toutes parts, Miss Ramier accepta enfin de s'arrêter pour pique-niquer. Dorothy sortit une grande nappe à carreaux rouges et blancs de son sac et l'installa sur l'herbe verte tandis que ses amis cherchaient fébrilement l'endroit où elle avait caché les sandwichs.
Ce fut Briac qui les dénicha le premier et les autres se jetèrent sur lui en riant. Il ne lui resta bientôt plus rien entre les mains que quelques miettes de pain séché. Le garçon ours grogna et récupéra le casse-croute que Jérémie avait durement acquit avant de le fourrer tout entier dans sa bouche. Le gamin se mit à pleurer et Dorothy se lança dans une longue tirade sensée expliquer à Briac que ce qu'il avait fait était mal mais qui se transforma bientôt en récitation de la définition du mot enfant.
Un peu à l'écart des autres, Boris et Azilis avaient entamé un élevage de fourmis qu'ils nourrissaient avec les restes de leurs sandwichs et à qui ils tentaient sans grand succès d'apprendre des tours.
Quand Miss Ramier eut fini de manger, elle déclara qu'elle accordait une demi-heure de repos à ses pupilles le temps qu'elle fasse elle-même sa sieste de l'après-midi. Les enfants ne se le firent pas dire deux fois et moins de cinq minutes plus tard, une partie de cache-cache avait été organisée. Les particuliers étaient tout excités à l'idée de pouvoir aller se planquer dans des endroits qu'ils ne connaissaient pas tous par cœur si bien que même les plus retissant finirent par se laisser séduire.
« Je commence à compter ! déclara bien fort Briac en en s'appuyant contre un tronc d'arbre en attendant que ses camarades aillent se cacher.
- 1... 2... 3...
Les particuliers de la boucle du 8 juin 1703 s'éparpillèrent rapidement dans le petit bis qui bordait la clairière où ils avaient fait halte. L'exaltation était à son comble.
- 5... 6... 7...
Charline trouva refuge derrière un bosquet de fruits des bois mais fut contrainte d'ôter son beau chapeau qui dépassait un peu trop et l'aurait trahie sinon.
- 8... 9... 10...
Léa et Boris se bousculèrent pour grimper dans un sapin aux branches idéalement conçues pour l'escalade. Le garçon envoya sur pied exprès en direction du visage de la jeune fille aux sens accrus dans le but de la déstabiliser mais heureusement, sa particularité lui permit de voir le coup venir à l'avance et de l'esquiver juste à temps. Finalement, tous deux atteignirent le sommet de l'arbre et durent se serrer l'un contre l'autre, pour leur plus grand bonheur.
- 13... 14... 15...
Ernest, qui refusait catégoriquement de salir ses beaux vêtement – car oui, même pour aller randonner il avait tenu à s'habiller comme s'il se rendait à une soirée mondaine -, s'était contenté de se glisser derrière un gros chêne
- 17... 18... 19...
Azilis, décidée à trouver la meilleure cachette de toutes, s'enfonça plus profondément entre les arbres. Elisa, elle, s'accroupi dans l'ombre d'une grosse pierre.
- 20... 21...22...
Jérémie se téléportait sans cesse dans les endroits de la forêt qu'il avait déjà explorés, espérant que s'il faisait ça suffisamment rapidement, Briac ne le verrait pas. Gabin aurait bien utilisé sa propre particularité de la sorte mais il devait faire attention dans les sous-bois de ne pas se prendre les pieds dans une racine ou un caillou car la moindre chute lui serait fatale à la vitesse où il se déplaçait.
- 25... 26... 27...
Dorothy s'aida de ses clones pour se hisser en haut de l'arbre derrière lequel se trouvait Ernest. Elle proposa ensuite à Océane de la rejoindre mais celle-ci refusa, prétextant qu'elle n'allait pas se donner tant de mal pour un simple jeu.
- 30... J'arrive ! »
Briac ouvrit les yeux et balaya avidement du regard les alentours dans l'espoir de repérer l'un de ses amis.
« Jérémie ! Je t'ai vu.
Le petit garçon s'immobilisa, arrêtant par la même occasion de se téléporter.
- Mais c'est pas juste ! Comment t'as fait ? C'était super dur de me trouver normalement.
- Pas tant que ça, non. »
Le petit particulier s'apprêtait à répliquer mais l'autre ne lui prêtait déjà plus aucune attention : il venait d'entendre du bruit s'échappant de l'arbre sur lequel Boris et Léa étaient perchés. Le garçon ours vint se placer juste en dessous et, mettant ses mains en haut-parleur, il brailla :
« Trouvés ! »
Boris râla en sautant sur le sol mais il n'y pouvait rien. Ensuite, Briac s'enfonça plus profond dans le bois. Il ne lui fallut pas longtemps pour dénicher Charline et Ernest. Il trouva également Gabin et Océane après quelques minutes de fouille puis Dorothy et Elisa. Enfin, comme tout le monde semblait là, les enfants retrouvèrent voir Miss Ramier qui venait de terminer sa sieste. Celle-ci les compta. Une fois. Deux. Trois fois.
« Où est Miss Guérin ? demanda-t-elle avait la mine mécontente de celle qui aurait voulu pouvoir repartir rapidement.
- Azilis ? C'est vrai ça, elle est où ? »
Les particuliers regardèrent autour d'eux mais rien. La jeune fille semblait avoir disparu. Briac hurla son nom, pour le plus grand bonheur des oreilles d'Océane mais cela n'eut pour seul but de déloger quelques oiseaux qui s'envolèrent en criant.
Très vite, la confusion puis la panique gagna le petit groupe. Où pouvait donc être la jeune particulière ? Miss Ramier envoya ses élèves chercher dans tous les recoins dans lesquels Azilis et son esprit tordu auraient pu avoir l'idée d'aller se cacher.
Rien.
Ni dans les arbres, ni derrière les buissons, ni entre les hautes herbes...
« Quelqu'un se souviens de la direction qu'elle a prise au moment d'aller se planquer ? demanda Dorothy qui semblait au bord de la crise de nerfs.
Ses amis firent non de la tête. Ils étaient bien trop occupés à se trouver une cachette pour prêter attention aux autres.
- Génial, ça nous avance beaucoup... Bon, sinon, vous auriez une idée à proposer ? Quelque chose qu'on n'a pas encore testé ? Un endroit qu'on ne serait pas encore allés inspecter ?
Nouveau concert de négations. Jérémie se téléporta juste à côté de Dorothy.
- Dites, vous cherchez quoi ? lui demanda-t-il en tirant sur sa robe.
- Je... Azil... Ne t'en préoccupe pas ! Ce sont des affaires de grands que l'on va régler entre grands. »
Et ils reprirent leurs recherches. Jérémie, vexé que Dorothy n'est pas voulue lui expliquer la situation, alla se coller à Charline et ne la lâcha pas, ce qui la remplie d'une joie certaine.
« Bon Jérémie, tu ne veux pas aller voir quelqu'un d'autre, je suis occupée, là.
- Tu fais quoi ?
- Rien d'important !
- Mais pourquoi personne veut me dire ? Puisque c'est comme ça je vais pas vous dire où elle se cache Azilis !
- Attends, quoi ? Tu sais où elle est ?
- Ben oui. Je l'ai vue pendant que vous courriez tous comme des dindes. Mais puisque vous voulez pas que je vous aide ben je vais pas vous aider.
- Mais non mon chéri ! C'est juste que... Oh et puis zut ! Tu sais pourquoi elle ne nous répond pas ?
- Oui. Elle est trop loin. Mais je vais pas aller la chercher.
- Parce qu'elle est trop loin ? Je... Gabin ! Ramène-toi, on a besoin de toi !
Une seconde plus tard le garçon était là.
- Oui ?
- Vas inspecter la forêt de fond en comble, et pas seulement dans un périmètre normal de cache-cache. »
Gabin leva un sourcil interrogateur mais ne dit rien et obéi. Il ne lui fallu pas longtemps pour retrouver la cadette de la boucle. Bien callée dans un creux d'arbre mort, elle attendait que Briac ne vienne à sa rencontre sans se demander une seule seconde si elle n'était pas partie un peu loin. Quand le garçon fusée lui fit la leçon là-dessus, elle se mit à bouder et quand Dorothy, Briac et ensuite Miss Ramier en remirent une louche, elle se mit à pleurer en se plaignant que ce n'était pas de sa faute si Briac était nul au cache-cache.
Jérémie, tout fier d'avoir été celui grâce à qui on avait retrouvé Azilis, courait de partout en se ventant d'être le plus perspicace de la boucle. Bien sûr, personne ne voulait reconnaitre qu'ils avaient eu tord de le sous-estimer. Pourtant, Briac osa quand même glisser à l'oreille de Dorothy en passant devant elle pour repartir sur le sentier :
« « Ce sont des affaires de grands que l'on va régler entre grands » hein !
- Oh ça va toi ! Je ne pouvais pas savoir !
Le garçon capable de se transformer en ours leva les mains.
- Eh je disais ça pour rire, pas la peine de le prendre comme ça ! »
Dorothy lui jeta un regard soupçonneux puis se remit en marche sans même se donner la peine de lui répondre. Vexé, Briac alla chercher du réconfort auprès de Charline qui marchait derrière en discutant avec Ernest des dernières chaussures à la mode. Son grand chapeau de paille lui recouvrait la moitié du visage et cachait l'autre dans l'ombre mais il n'en fallait pas plus pour Briac qui vint lui prendre amoureusement la main.
***
« On chante ? Proposa Léa alors que ses amis et elle-même s'aventuraient sur un passage assez corsé de la randonnée. Ça donne du courage. »
Si n'importe qui d'autre avait posé la question, il aurait été immédiatement refoulé mais là, c'était Léa et elle était bien trop gentille pour qu'on la traite de la sorte. Les enfants entonnèrent donc à contrecœur un chant que Miss Ramier leur avait apprit en cours.
« Malbrough s'en va-t-en guerre
Mironton, mironton, mirontaine,
Malbrough s'en va-t-en guerre
Ne sait quand reviendra, ne sait quand reviendra
Il reviendra-z-à Pâques
Mironton, mironton, mirontaine
Il reviendra-z-à Pâques
Ou à la Trinité, ou à la Trinité
La Trinité se passe,
Mironton, mironton, mirontaine,
La Trinité se passe
Malbrough ne revient pas, Malbrough ne revient pas
Madame à sa tour monte
Mironton, mironton, mirontaine,
Madame à sa tour monte
Si haut qu'elle peut monter, si haut qu'elle peut monter
Elle voit venir son page,
Mironton, mironton, mirontaine,
Elle voit venir son page
Tout de noir habillé, tout de noir habillé
Beau page, mon beau page
Mironton, mironton, mirontaine,
Beau page, mon beau page
Quelles nouvelles apportez ? Quelles nouvelles apportez ?
Aux nouvelles que j'apporte
Mironton, mironton, mirontaine,
Aux nouvelles que j'apporte
Vos beaux yeux vont pleurer, vos beaux yeux vont pleurer
Quittez vos habits roses
Mironton, mironton, mirontaine,
Quittez vos habits roses
Et vos satins brochés, et vos satins brochés
Monsieur Malbrough est mort
Mironton, mironton, mirontaine,
Monsieur Malbrough est mort
Est mort et enterré, est mort et enterré
J'l'ai vu porter en terre,
Mironton, mironton, mirontaine,
J'l'ai vu porter en terre
Par quatre-z-officiers, par quatre-z-officiers
L'un portait sa cuirasse
Mironton, mironton, mirontaine,
L'un portait sa cuirasse
L'autre son bouclier, l'autre son bouclier
L'un portait son grand sabre,
Mironton, mironton, mirontaine,
L'un portait son grand sabre
L'autre ne portait rien, l'autre ne portait rien
A l'entour de sa tombe
Mironton, mironton, mirontaine,
A l'entour de sa tombe
Romarin fut planté, romarin fut planté
Sur la plus haute branche
Mironton, mironton, mirontaine,
Sur la plus haute branche
Un rossignol chantait, un rossignol chantait
On vit voler son âme
Mironton, mironton, mirontaine,
On vit voler son âme
Au travers des lauriers, au travers des lauriers
La cérémonie faite
Mironton
La cérémonie faite
Chacun s'en fut coucher, chacun s'en fut coucher
Les uns avec leurs femmes
Mironton, mironton, mirontaine,
Les uns avec leurs femmes
Et les autres tout seuls !
J'n'en dis pas davantage
Mironton, mironton, mirontaine,
J'n'en dis pas davantage
- Pourquoi tu ne chantes plus Azilis ? demanda Gabin en criant pour passer par-dessus la voix de Boris qui s'appliquait à chanter comme une casserole.
- Elle est trop triste cette chanson ! Pourquoi il meurt Malbourgh ?
- Mais c'est juste une chanson il ne faut pas croire que...
- Haha laisse tomber Gab, c'est juste que c'est une grosse chochotte ! intervint Boris en ralentissant le pas pour arriver à leur hauteur.
- Nan c'est pas vrai !
- Ah oui ? J'aimerais bien voir ça !
Azilis se retourna vivement vers le garçon au chant hypnotique et se jeta dans ses bras. Pris au dépourvu, Boris ne réagit pas tout de suite, si bien que son amie eu le temps de mettre en œuvre sa particularité et d'aspirer la chaleur son corps. Le particulier hurla quand sa température naturelle baissa de 10°C pendant quelques instants.
- MAIS T'ES COMPLETEMENT MALADE !! J'AURAIS PU MOURIR, TU EN AS CONSCIENCE DE CA ? »
Las d'entendre les altercations interminables de ces deux cadets, Gabin mis le turbo et partit en courant, tâchant d'arriver rapidement au sommet. Malheureusement, au bout de peu de temps, il fut trop fatigué pour continuer et dû reprendre le rythme beaucoup trop lent et exaspérant des autres.
***
Enfin, alors que le soleil commençait à se coucher, l'Ombrune et ses onze pupilles arrivèrent en haut de la montagne. Miss Ramier avait mal calculé son coup et ils allaient devoir redescendre dans la nuit mais pour l'instant peu leur importait : ils avaient fini leur ascension.
Briac se laissa tomber dans l'herbe avec un soupir de soulagement et très vite, les autres l'imitèrent.
Boris et Azilis, bons derniers, n'arrivèrent qu'une dizaine de minutes plus tard. Ils étaient en train de débattre sur la cuisson idéale du poisson et la tension dans leurs voix démontrait qu'ils n'étaient pas loin de craquer et de se disputer pour la millième fois de la journée. En apercevant ses amis assis par terre, Azilis poussa un cri de joie et couru les rejoindre.
« Alors ? On a fini ? Il y a quoi à voir ?
Elle tourna la tête de gauche à droite et son enthousiasme retomba d'un coup.
- Attendez ? C'est quoi ça ? Pourquoi il y a rien ? »
Personne ne se donna la peine de lui répondre. Il était évident que s'ils étaient tous convaincus qu'il y aurait un but précis à atteindre à la fin de la randonnée, Miss Ramier ne l'avait pas entendue de la même oreille quand elle l'avait organisée.
***
Quand tous se furent suffisamment reposés pour envisager la descente – bien que reposés soit un bien grand mot étant donné les courbatures et les crampes qu'ils devaient endurer -, les enfants particuliers et leur gouvernante se relevèrent. Ils remirent leurs sacs sur leurs dos et repartirent à la queue leu-leu sur le sentier.
« Attendez... Les arrêta Charline en regardant autour d'elle. Où est Jérémie ?
- Oh non, s'exclama Briac. Ça va pas recommencer !
- Jérémie ! hurla Dorothy.
- Haha !
- Qu'est-ce qui te fais rire ? siffla la jeune fille capable de se cloner à l'adresse d'Océane qui pouffait nerveusement.
- Eh bien... Il vient tout juste de se téléporter en bas de la montagne, en nous laissant marcher comme des crétins alors qu'il sera en train de se la couler douce sans nous !
Les enfants virent rouge.
- Bon ben allons le rejoindre puisque nous n'avons pas le choix !
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Est-ce que cette histoire sent l'expérience vécue et regrettée ? Oui ? Ben c'est normal puisque cet été mes parents ont décidé de nous emmenez à la montagne faire des randonnées presque tous les jours ! C'était horrible ! 😣
Et sinon, il ne me reste plus qu'une nouvelle à écrire et deux à publier avant d'avoir finit ce livre !
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