~ L'épidémie ~
Fiona était malade. Depuis quelques jours, elle avait des valises énormes sous les yeux et passait son temps à tousser.
Ses camarades, éxcédés de se faire cracher dessus à longueur de journée avaient fini par aller se plaindre à Miss Peregrine qui lui avait diagnostiqué une bonne grippe. Elle avait alors ordonné à sa pupille de rester au lit le temps que le virus passe.
Évidemment, la jeune fille n'avait aucune envie de rester enfermée toute seule dans sa chambre à se faire assommer par les tisanes aux vertues apparement médicinales que l'Ombrune lui concoctait chaque matin pendant que les autres jouaient dehors. Elle avait donc profité de la première occasion venue pour s'éclipser, un matin où Miss Peregrine avait le dos tourné.
Elle avait descendu à pas de loup les escaliers en prenant bien garde à ne pas être vue par les autres enfants et était allée rejoindre son jardin-potager chéri.
Agenouillée dans l'herbe, sa chemise de nuit blanche traînant dans la terre, Fiona regardait avec adoration ses plants de tomates, de carottes et de navets. Elle aimait tellement venir ici... Elle aurait pû y passer ses journées.
La jeune fille sourit et passa délicatement ses doigts le long d'une tige fanée. Celle-ci se redressa aussitôt fièrement vers le ciel. Fiona fit de même avec une carotte puis passa un bon quart d'heure à remettre d'aplomb tous les pensionnaires de son petit potager.
Elle se sentait l'âme d'un médecin venant soigner ses patients. Cette idée l'amusa et elle rit doucement. Rire qui laissa rapidement place à de l'anxiété lorsqu'elle observa un évènement étrange.
Fébrile, elle se dépêcha d'aller vérifier ce qu'elle venait d'observer. Un frasier aux feuilles tombant tristement vers le sol se trouvait près d'elle. Fiona fit glisser ses doigts le long de ces dernières. Rien. Il ne se passa absolument rien.
Paniquée, la jeune fille recommença l'opération. Idem. C'était comme si sa particularité s'était envolée.
Fiona sentit de grosses gouttes de sueur lui dégouliner le long du dos.
Elle s'apprêtait à courir prévenir Miss Peregrine quand soudain, la plante reprit miraculeusement du poil de la bête et ses feuilles reverdirent. Un soulagement sans nom empli la particulière.
Finalement, ce n'était qu'une fausse alerte. Heureusement. Elle ne savait même pas ce qu'elle aurait fait dans le cas contraire.
Toute retournée par ce qui venait de lui arriver, Fiona rentra au manoir plus tôt que ce qu'elle avait initialement prévu. Elle décida d'attendre de voir comment évoluerait la situation avant d'en faire part à la directrice.
Après tout, si cela s'arrêtait là, ça ne valait pas la peine d'inquiéter les autres et surtout, de donner à Miss Peregrine la preuve qu'elle lui avait désobéi, ce qui lui aurait à coup sûr valu une punition.
***
Affalés dans les meilleurs fauteuils du salon, Olive, Horace et Emma discutaient mollement, le ventre rebondi par le copieux repas qu'ils venaient de prendre.
Hugh, allongé sur le canapé, les pieds posés sur les genoux d'Olive, somnolait.
Soudain, une quinte de toux le prit à la gorge. Ses amis ne s'en préoccupèrent pas : à force de traîner hors de sa chambre, Fiona avait finit par refiler sa grippe à presque tous les enfants de la boucle.
La toux de Hugh redoubla d'intencité et bientôt, il devint tout rouge. Les trois autres se précipitèrent vers lui.
Le garçon ne parvenait plus à respirer, comme si quelque chose bloquait le passage de l'air jusqu'à ses poumons.
Emma lui tapa énergiquement le dos pour faire ressortir se qui faisait bouchon et Hugh finit par recracher une petite créature noire et jaune. Les autres la regardèrent sans comprendre.
Hugh venait de s'étouffer avec une de ses propres abeilles ? Ça ne leur disait rien qui vaille.
Un silence pesant s'installa sur le petit groupe. Ce fut Horace qui le premier, osa le briser.
« Je ne comprends pas ce qui vient de se passer...
Olive le fusilla du regard.
- Pourtant tu as vu la même chose que nous : Hugh a failli mourir.
Elle prit contre elle la tête de son ami toujours affalé sur le sofa et lui caressa doucement les cheveux. Il ferma les yeux.
- Je sais mais... avec un insecte. Ce n'est pas normal. C'est sa particularité d'en avoir en permanence qui entrent et qui sortent de sa bouche, ça ne devrait pas lui poser de problème.
- Horace... siffla Emma dans l'espoir de le faire taire. Peine perdue.
- Quoi ? On voit tous que quelque chose ne va pas, ça ne sert à rien de se voiler la face.
- Mais on en sait rien ! s'écria Olive d'une voix anormalement aïgue. Si ça se trouve, c'est l'abeille qui a eu un pépin et qui n'a pas réussi à trouver la sortie. On ne va commencer à paniquer alors que...
- Non, la coupa Hugh en se redressant.
- Non quoi ?
- Non l'abeille ne s'est pas perdue. Elle était en train de remonter mon œsophage de la façon dont elles le font chaque fois et là, d'un coup, ça à été comme si... Comme si je ne pouvais plus supporter sa présence. Il fallait que je m'en débarrasse à tous prix. Je...
Il ne termina pas sa phrase mais baissa les yeux vers le tapis, honteux de se qui venait de se passer, bien qu'il n'y soit pour rien. Horace, toujours aussi indélicat, se pencha en avant pour lui demander :
- Tu penses que ça pourrais être une sorte de... panne de ta particularité ?
- Horace ! répèta Emma en se pinçant l'arrête du nez.
- Qu'est-ce qu'il y a encore ?
- Arrête de lui parler de ça, tu vois bien qu'il est déjà assez chamboulé comme ça, pas la peine d'en rajouter !
- C'est bon, Emma, marmonna Hugh. Il a peut-être raison.
- Pas question ! intervint Olive. C'est impossible. On ne peut pas « perdre » sa particularité !
- En théorie non mais on doit être parés à toutes les éventualités. »
Hugh s'assit au bord du canapé et appuya ses coudes sur ses cuisses, la tête dans les mains et l'air perdu. Les autres continuèrent à débattre un moment sur le sujet. Le garçon les écoutait à peine, perdu dans ses pensées. Pourtant, une question de la part d'Horace le fit bondir de sa place.
« Vous pensez qu'on devrait en parler à Miss Peregrine ?
- NON ! s'écria Hugh, un peu trop énergiquement. Les autres se tournèrent vers lui, étonnés.
- S'il-vous-plaît, ajouta-t-il plus bas, comme une supplication. Je ne veux pas qu'elle ne me bannisse de la boucle en apprenant que je ne suis pas... que je ne suis plus...
N'y tenant plus, Hugh fondit en larmes. Olive s'assit près de lui et lui passa un bras autour des épaules.
- Ne dis pas ça ! Tu es et tu resteras toujours l'un des nôtres, tu m'entends ? Et ne t'inquiètes pas, on ne dira rien, lui promit-elle. Pas vrai vous autres !
Elle adressa un regard acéré à Emma et Horace qui se a dépêchèrent d'acquiescer.
- On ne dira rien. »
***
Enoch était comme à son habitude enfermé dans son atelier. Il était occupé à travailler sur son nouveau projet : des corbeaux à tête de poupée capables de voler.
Penché sur son plan de travail, le lève-morts observait le cadavre d'oiseau posé devant lui avec un air dubitatif.
Finalement, il se décida et alla chercher ce dont il avait besoin dans les rayonnages de bocaux remplis de cœurs et d'autres éléments peu ragoûtants. Après avoir sillonné chaque étagère du regard, il jeta son dévolu sur un récipient où flottaient des morceaux brunâtres en écœurants.
Enoch revint le poser à côté du corbeau mort et commença son opération.
Tel un chirurgien, il ouvrit le corps de l'animal de haut en bas à l'aide d'un petit scalpel puis ôta le cœur qui se trouvait dans sa cage thoracique. Il glissa à la place le contenu du bocal et referma la plaie.
Il appuya ensuite trois longs coups sur la poitrine du corbeau en retenant une quinte de toux puis attendit qu'il ne se redresse en pestant contre Fiona et sa grippe. L'oiseau ne bougea pas.
Agacé, Enoch recommença ce qu'il venait de faire avec un autre cœur. Toujours pas le moindre petit mouvement.
Quand le troisième cœur se montra aussi inefficace que les précédents, le lève-morts commença à se poser des questions. Il arrivait fréquemment que l'un de ses instruments de travail se périme et donc ne fonctionne pas mais jamais autant d'un coup ! A la quatrième tentative avortée, il comprit que quelque chose clochait réellement.
Tout-à-coup, une idée horrible germa dans son esprit. Et si ce n'était pas ses cœurs qui avaient un problème, mais lui ? Il frissonna. Et si sa particularité bugait ?
Plus il y pensait, plus cette idée lui paraissait plausible et plus le nœud qui lui serrait les entrailles se resserrait.
Enoch avait peur. Extrêmement peur. Il avait peur de ne pas pouvoir contrôler la situation et qu'elle ne lui échappe complètement, lui arrachant ce à quoi il tenait le plus.
Des bruits de pas retentirent au-dessus de lui et des éclats de rire lui parvinrent.
Le lève-morts leva la tête vers le plafond. Il aurait aimé aller parler avec les autres enfants de la boucle de ce qui venait de lui arriver mais cela aurait signifier leur avouer ses faiblesses.
Or ça, il ne le supporterait pas. Ce serait comme perdre la bataille qu'il avait durement menée pendant des années pour leur faire comprendre qu'il n'avait besoin de personne.
Enoch resta donc là où il était, plus seul et plus inquiet que jamais mais avec sa fierté.
***
La chambre de Victor ressemblait à un champ de bataille. Bronwyn, en proie à une colère noire, avait entreprit de fracasser tout se qui passait à sa portée contre les murs de la pièce.
Son frère tentait en vain de lui faire entendre raison et Millard, bloqué dans la salle par une énorme armoire qui obstruait la porte, se cachait sous le bureau dans l'espoir d'échapper au carnage.
Plus personne, même pas elle, ne savait pourquoi Bronwyn était énervée mais il semblait impossible de la calmer.
« Bronwyn, tenta tout de même Millard, changeant de stratégie en évitant de justesse une pantoufle volante. Si tu n'arrête pas tout de suite, on va être obligés d'aller chercher Miss Peregrine et elle va te punir.
- NON ! hurla la gamine en se précipitant vers lui.
Elle souleva le bureau de Victor au-dessus de sa tête comme s'il ne pesait rien et fusilla du regard l'endroit d'où venait la voix de l'invisible.
- T'as pas intérêt à aller la chercher sinon je te jure que... »
Soudain, la petite fille s'écrasa sur le sol, entraînant la table dans sa chute. Bronwyn hurla. Les deux garçons se précipitèrent vers elle, craignant qu'elle ne se soit fait mal. Victor envoya valser les décombres du bureau un peu plus loin et se pencha vers sa sœur.
« Bronwyn, ça va ? Tu t'ai fait mal ? Mais qu'est-ce qui t'a prit de lâcher cette table ?
La fillette se releva d'un bond, une main sur son front où le choc avait fait poussé une jolie bosse.
- MAIS JE L'AI PAS LÂCHÉE, TA TABLE ! brailla-t-elle. ELLE M'EST TOMBÉE DESSUS ! ALORS QUE JE LUI AVAIT RIEN DEMANDÉ ! D'AILLEURS POUR QUI ELLE SE PREND ? ELLE CROIT QU'ELLE VA ÉCHAPPER À LA COLÈRE DE BRONWYN BRUNTLEY ? JE VAIS LUI APPRENDRE, MOI ! »
Là-dessus, la petite hercule se précipita vers les débris du meuble et se mit à leur envoyer des coups de pied de toutes ses forces en leur hurlant des injures.
Elle n'avait pas l'air de s'inquiéter plus que ça de se qui venait de lui arriver, elle était juste furieuse. Victor et Millard, par contre, eurent un regard soucieux.
Bronwyn qui ne parvenait plus à soulever un objet aussi insignifiant qu'une table ? Même si elle avait apparemment retrouvé toute sa force en un rien de temps, ça ne leur disait rien qui vaille.
***
Claire brossait avec application les cheveux blonds de sa poupée. Elle chantonnait une contine que Miss Peregrine lui avait apprise il y avait quelques années déjà. Le dernier nœud glissa de la chevelure et Claire bailla.
Elle entreprit ensuite de tresser ses longues mèches blondes. Une fois le travail terminé, elle noua un ruban pour maintenir le tout en place et la poupée alla rejoindre ses congénaires dans leur petite maison de bois.
La petite fille se passa une main dans les cheveux en réfléchissant à ce qu'elle allait faire à présent. Soudain, elle se figea. Sous ses boucles dorées, là où se cachait sa deuxième bouche, elle avait remarqué quelque chose d'étrange.
Claire essaya d'ouvrir la bouche. Impossible. C'était comme si ses mâchoires étaient scellés entre elles. La petite fille ne comprenait pas. D'habitude, ça ne lui arrivait pas.
Elle réessaya, toujours sans succès.
Claire saisit alors ses mâchoires dans ses mains et tira de toutes ses forces. Ses dents se décollèrent lentement les unes des autres, comme si des filets de colle les retenaient. Cela faisait mal.
La fillette frotta ses gencives endolories en retenant ses larmes. Ce n'était pas juste. Elle n'avait rien fait de mal et pourtant, on la punissait !
La cloche anonçant l'heure du goûter retentit et bientôt, Claire ne pensa plus du tout à sa mésaventure, se contentant de saliver à l'idée de ce que Miss Peregrine aurait préparé à manger.
***
« Enfin, c'est pas trop tôt ! Si j'avais sû que cette maison était si crado, je ne me serais jamais portée volontaire pour aider Miss P à faire le ménage !
Olive venait d'entrer dans la chambre de Hugh et se laissa tomber sur son lit, où il était lui-même allongé, jouant avec une balle en mousse qu'il faisait rebondir sur le plafond.
- Et ouais, répondit-il sans détourner les yeux de son jouet. C'est ça de vouloir jouer aux Cendrillon ! Ah, au fait, tu as oublié de nettoyer ma chambre. Qu'est-ce que tu attends ?
Olive souffla et lui pinça gentiment le molet.
- Non mais ça va pas mieux, toi ! Espèce d'esclavagiste !
Le garçon se retourna vers elle.
- Je ne t'esclavage pas, je profite de la situation, nuance.
- Crétin ! »
Olive fit mine d'être vexée et Hugh s'exclaffa. Il lui tira affectueusement une mèche de cheveux et roula sur le dos afin de pouvoir l'observer plus à son aise. Elle lui adressa un regard faussement méprisant et il lui sourit.
Soudain, il se figea et bondit sur ses pieds.
« Co... comment tu as fait ça, s'exclama-t-il, un doigt accusateur pointé vers son amie.
Celle-ci le regarda sans comprendre.
- Comment j'ai fait quoi ?
- Tu t'es assise ! Normalement ! Comme si la gravité te tirait vers le bas ! Mais ce n'est pas possible ! Olive, tu es plus légère que l'air, tu n'es pas sensée pouvoir poser tes fesses sans que cela te coûte un effort visible !
Comprenant où il voulait en venir, la jeune fille blêmit.
- Oh mon dieu, tu as raison ! »
Elle se releva à son tour et, fébrile, ôta une à une ses chaussures lestées de plomb. Hugh plaça ses mains de chaques côtés de sa taille, prêt à la rattraper quand elle s'envolerait. Il n'en eu pas besoin.
Après s'être élevée à quelques centimètres au-dessus du sol, Olive stoppa son ascension et resta suspendue à son niveau. Elle regarda son ami avec des yeux paniqués.
« Hugh ! s'écria-t-elle. Hugh, qu'est-ce qui m'arrive ?
- Je... Je ne sais pas. La même chose qu'à moi hier, je suppose.
- Mais ça veut dire que moi aussi je...
Elle se mit à trembler et se laissa tomber dans les bras du garçon qui la serra contre lui dans l'espoir de la rassurer alors que lui-même tremblait de peur. Au bout d'un petit moment, les jambes d'Olive se mirent à s'élever vers le ciel, signe que sa particularité était revenue.
« Tu vois, lui murmura Hugh à l'oreille. C'est fini.
- Oui mais si jamais ça revient et que je perds ma particularité pour de bon, est-ce que Miss Peregrine va me virer de la boucle ?
- Peut-être mais si c'est le cas, et bien on sera au moins deux. »
Elle se pressa un peu plus fort contre lui.
« Il faut qu'on aille en parler avec les autres, décrèta-t-elle. Si ça se trouve, eux aussi ont été victimes de phénomènes semblables.
Hugh aquiesça.
- Je suis d'accord. On a qu'à leur donner rendez-vous dans ta chambre ce soir. »
***
Hugh et Olive avaient comme prévu avertis les autres qu'un rassemblement était prévu et tous les particuliers de la boucle du 3 septembre 1940 étaient entassés dans l'espace restreint de la chambre d'Olive.
Horace, coincé entre Victor et Millard, rouspetait qu'il ne voyait pas l'utilité de se rassembler dans un placard à balais et que cela allait à coup sûr foisser sa redingote.
« Bon, se lança la jeune fille au poid plume. Je ne sais pas si certains d'entre vous l'on remarqué mais il se passe des choses étranges en ce moment. Des sortes de « perte de particularité ». Cela vous est-il déjà arrivé ?
Les enfants échangèrent des regards gênés, comme s'ils n'osaient pas en parler. Finalement, Victor déclara :
- Personnellement moi, non. Par contre, j'ai assisté à une scène peu commune où Bronwyn se faisait écraser par la table qu'elle portait.
L'interessée se tourna vers lui, le regard noir.
- C'est pas vrai ! Tu dis n'importe quoi !
Personne ne prêta attention à son intervention.
- Moi, avoua Fiona presque à regret. Je ne suis pas parvenue à faire pousser une plante, une fois.
- Et moi, c'est un corbeau que je ne suis pas arrivé à ranimer », renchéri Enoch.
Finalement, à force de discution, les enfants se rendirent compte qu'à part quelques uns, ils avaient tous été victimes, ou au moins témoins de cet étrange phénomène. Le cerveaux en ébullition, ils cherchaient une explications logique à tout cela. Enfin, sauf Bronwyn et Claire qui elle, se fichaient royalement de cette histoire et n'avaient qu'une envie : pouvoir retourner jouer avec leurs poupées.
« Et si c'était des estres qui contrôlaient nos particularités et faisaient en sorte qu'elles ne marchent plus pour qu'on soient obligés de sortir de la boucle et qu'on se fasse dévorer par leurs sépulcreux ? proposa Enoch, toujours aussi optimiste.
- Non, objecta Emma. Les estres n'ont aucun pouvoir magique et puis de toutes façons, ça ne leur ressemble pas d'agir ainsi. Par contre, l'idée qu'on se fasse manipuler par quelqu'un d'extérieur est bonne. Je pencherait pour un particulier reclus qui rôderait autour de notre boucle et s'amuserait à y semer la pagaille pour je ne sais quelle raison. »
Les autres eurent l'air de trouver cette supposition plausible.
« Quoi qu'il en soit, dit Olive. On devrait aller en parler à l'Oiseau. Je ne voulais pas au début, de peur qu'elle ne me chasse de la boucle (elle échangea un regard significatif avec Hugh) mais je sais maintenant qu'elle ne le ferra pas car sinon, elle devra tous nous mettre à la porte. De plus, si ce qu'avance Emma se révèle véridique, il faut qu'elle soit au courant.
La plupart des particuliers se rangèrent à son avis mais bien sûr, quelques uns s'y opposèrent.
- Je ne veux pas croire que ce soit vrai, déclara Millard. Notre particularité fait partie intégrante de nous, au même titre que nos bras ou nos jambes. On ne peux pas la perdre sans raison. Je ne dis pas que ce qui vous est arrivé est faux mais peut-être que sans le vouloir, vous avez activer dans votre cerveau une partie permettant de bloquer l'accès à votre pouvoir, ce qui ferrait que...
- Millard, stop, le coupa Olive. On sait très bien ce qui nous est arrivé et je peux t'assurer que nous n'y sommes pour rien : j'aurais bien aimé ne jamais avoir la frayeur que j'ai eue quand ça m'est tombé dessus. Donc maintenant, on va aller parler à Miss Peregrine que ça te plaise ou non ! »
L'invisible s'apprêtait à répliquer quand soudain, son corps devint visible. Pas suffisamment pour qu'on ne puisse voir la couleur de sa peau ou les traits de son visage mais juste assez pour permettre aux autres de distinguer ses contours.
Tous les enfants présents dans la pièce fixèrent Millard avec des yeux ronds. Ce dernier baissa avec horreur le regard vers son ventre opaque et hurla. Il se mit à se frapper ses membres un à un dans une sorte de danse celtique comme si cela aiderait à les refaire disparaître. Les petites se mirent à rire.
« Aidez-moi ! hurla-t-il à ses amis qui ne pouvaient hélas, pas faire grand chose pour lui. A l'aide ! »
Au bout de quelques minutes de danse effrénée, le corps de Millard finit enfin par redevenir invisible et il se laissa tomber sur le lit, à bout de forces et profondément meurtri. Personne n'osa piper mot, même pas Bronwyn et Claire.
Tous attendaient en silence qu'il se remette de ses émotions. Finalement, Millard finit par déclamer d'une voix chevrottante :
« Bon, c'est quand qu'on va la voir, Miss P ? »
***
Miss Peregrine était en train de préparer une dinde aux marrons dans la cuisine quand ses pupilles vinrent la trouver. Elle fut surprise de les voir ainsi tous regroupés, eux qui étaient plutôt du genre à courir dans tous les sens en temps normal. Olive serrait même Claire dans ses bras. Ils avaient tous les visages graves comme si quelque chose de tragique venait d'arriver.
« Que vous arrive-t-il les enfants ? leur demanda-t-elle, les yeux plissés d'inquiétude.
Elle posa le couteau dont elle se servait pour découper ses légumes sur la table, signe qu'elle allait leur accorder toute son attention.
Olive posa Claire par-terre et fit un pas en avant. Quelqu'un toussa derrière elle. La jeune fille se râcla la gorge avant de commencer d'une voix mal assurée.
- Ces derniers temps, il nous est arrivé des évènements pour le moins anormaux. C'était comme si quelqu'un ou quelque chose s'interposait entre nous et notre particularité.
- Je vois... Expliquez-moi ce qui s'est passé plus en détail. »
Olive lui raconta tout. Ce que chacun avait vécu, comment, les hypothèses qu'ils avaient pour expliquer cela... L'Ombrune l'écouta sans mot dire, les bras croisés sur la poitrine.
Quand sa pupille eu fini, elle la regarda longuement puis se détourna, récupéra son couteau et reprit son travail d'épluchage. Les enfants n'en étaient pas sûrs mais l'espace d'un instant, ils avaient cru voir un petit sourire amusé flotter sur les lèvres de leur directrice.
« Alors ? demanda Fiona au bout d'un moment, n'y tenant plus. Que pensez-vous de tout cela ?
Miss Peregrine ne leva même pas les yeux vers elle.
- Je penses... que vous vous êtes inquiétés pour rien.
- Q... quoi ?
- Je viens de comprendre de quoi vous souffrez et je me demande d'ailleurs comment j'ai fait pour ne pas y penser plus tôt. En fait, tout cela est de votre faute, mademoiselle Frauenfeld.
Fiona la fixa, éberluée, la bouche ouverte comme un poisson hors de l'eau.
- Pardon ?
- Si vous ne vous étiez pas baladé dans toute la maison comme vous l'avez fait ses derniers jours, vous seriez la seule atteinte de ce virus et on ne serait pas tous réunis ici dans cette cuisine. En fait, vous avez attrapé une grippe particulière, maladie assez rare mais pas inconnue dans notre monde. C'est la seule dont les symptômes sont présents sur la particularité du malade. Ils la rende plus ou moins inopérante pendant une durée variable et dans les cas les plus graves, peuvent aller jusqu'à la faire complètement disparaître momentanément. Heureusement, cela ne dure jamais bien longtemps et après quelques jours de repos, le malade est de nouveau sur pieds !
Les enfants la scrutèrent avec des yeux ronds. Ils ne s'attendaient absolument pas à de telles révélations.
- Vous voulez dire... qu'on ne doit tout cela qu'à une simple grippe ? interrogea Hugh, incrédule.
- Tout à fait monsieur Apiston. D'ailleurs, je ne vois pas ce que vous faîtes encore ici. Allez, tous au lit, et pas de discution ! »
***
Miss Peregrine raccompagna ses pupilles dans leurs chambres respectives en veillant bien à ce qu'aucun n'échappe au repos forcé qu'elle leur imposait. Dans les escaliers, Hugh se pencha vers Olive et lui chuchota à l'oreille, un demi-sourire scotché sur le visage :
« Tu vois finalement, on ne sera pas bannis de la boucle.
- Oui et heureusement : je ne tiens pas spécialement à passer les derniers jours de ma vie à vivre comme une hermite avec pour seule compagnie celle d'un garçon au ventre garni d'insectes !
- Menteuse ! Je lis bien dans ton regard que c'est ton vœux le plus cher ! »
Elle roula des yeux et lui envoya un coup de poing dans le bras. Il s''éloigna en riant.
***
Il fallut presque une semaine aux enfants avant d'être complètement remis. Ils eurent tous entre une et quatre nouvelles crises mais cette fois-ci, personne ne s'en inquièta.
Miss Peregrine passa tout le temps de leur convalescence à gaver ses pupilles d'un tas de remèdes de sa fabrication qui les endormaient plus qu'autre chose. Horace et Millard émirent l'hypothèse que c'était son but ultime mais personne ne les écouta.
Finalement, ce que les enfants retinrent de cette mésaventure fut que leur particularité était sûrement ce qu'il avait de plus précieux au monde, ce qui faisait d'eux ce qu'ils étaient.
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Et voilà pour cette nouvelle. Qu'en avez-vous pensé ? Moi je la trouve un peu répétitive mais ce n'est que mon avis^^.
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