~ L'Arpent du Diable ~

Cette nouvelle s'appuie sur certains points sur celle d'origine de Miss Peregrine et les enfants particuliers mais j'espère qu'elle vous plaira quand même. ^^

============================

Il faisait chaud en cet après-midi de juillet et les pupilles de Miss Peregrine s'étaient rassemblés sur la plage pendant que cette dernière, partie au village, tâchait de trouver de quoi nourrir ses petits protégés.

Assis sur une balançoire de fortune pendue tant bien que mal à une blanche de chêne, Hugh se laissait aller mollement d'avant en arrière en traînant des pieds. Il avait chaud et cela le rendait grognon.

« C'est bon on a compris, tu peux arrêter de faire la tête, le rabroua Olive en allant se planter devant lui, les mains sur les hanches.

- Non je peux pas, lui répondit-il en levant les yeux vers elle.

- Et pourquoi donc, je te pris ?

- Parce que ça voudrait dire que tu aurais gagner. »

Olive s'apprêtait à lui jeter une réplique cinglante lorsque la voix de Millard les interrompit.

« Vous savez si Miss Peregrine est rentrée au manoir ? Parce que sinon, il va falloir commencer à s'inquiéter : ça fait presque quatre heures qu'elle est partie.

- Mais non, tu t'inquiètes pour rien, s'agaça Hugh. Elle doit déjà être rentrée depuis une demie-heure et doit nous préparer un bon petit gâteau pour quand on rentrera !

- Peut-être mais quand même, je serais plus rassuré si on allait vérifier...

- Et bien on y va, trancha Olive. Comme ça, tout le monde sera content et en plus, on commence vraiment à cramer ici. »

Le petit groupe s'éloigna donc tranquillement en direction de la maison, vite rejoint par Emma et Enoch qui trottinaient pour les rattraper.

***

Ils arrivèrent rapidement à destination. Olive tourna la tête de droite à gauche tandis qu'ils traversaient le jardin, comme pour s'assurer que la directrice ne se cachait pas derrière un buisson ou un massif de fleurs.
Enoch, pressé d'en finir avec cette histoire, sonna à la porte.

Ce fut une Fiona à l'air inquiet qui vint leur ouvrir.

« Vous n'auriez pas vu Miss Peregrine ? leur demanda-t-elle sans préambule. Ça fait un moment qu'elle devrait être rentrée et ce n'est toujours pas le cas. En plus, Horace dit avoir vu des hommes louches traîner près du manoir.

- Heu... Non, justement. C'était ce qu'on était venus vous demander.

- Mais où a-t-elle bien pu passer, bon sang ? s'énerva Fiona en tirant sur ses tresses. On ne disparaît pas comme ça, ce n'est pas possible !

- Du calme, raisonna Olive. On va d'abord s'assurer qu'elle n'est nulle-part sur l'île avant de tirer des conclusions attives.

- Vous pensez que Miss P a été enlevée par des estres ? intervint Claire en sortant sa tête des jambes de Fiona derrière lesquelles elle s'était dissimulée.

- Mais non ma chérie, répondit Olive en se penchant vers elle pour la prendre dans ses bras. On veut juste savoir où elle s'est cachée.

- Pourquoi elle s'est cachée ? Elle veut jouer à cache-cache ?

- Oui c'est ça, elle joue à cache-cache !

- Moi aussi j'veux jouer, moi aussi, s'écria la fillette en se précipitant dans le jardin. Allez vous cacher, je compte ! »

Hugh jeta un regard appuyé à Olive qui haussa les épaules et murmura un « désolé » du bout des lèvres.

***

La suite des événements se passa très vite. Emma réunit tous les aînés dans le salon et il fut décidé qu'un groupe serait envoyé pour fouiller le village tandis que l'autre préparerait la maison à une possible attaque d'estres.

Hugh, Olive et Millard faisaient partie du premier et Fiona, Enoch, Emma, Horace et Claire du second. Victor et Bronwyn n'étaient pas présents. Ils étaient partis un peu plus tôt dans la matinée pour se « promener entre frère et sœur ». Bien sûr, personne n'était dupe quand à l'issue de cette balade : une bonne bagarre.

***

Au village, Hugh et Olive se dirigèrent vers l'étal que Miss Peregrine visitait généralement en premier afin d'interroger le vendeur, celui de fruits et légumes.

Bien sûr, ce fut Olive qui parla car nul doute que la réaction du pauvre homme ne serait pas des plus rationnelles s'il voyait des abeilles sortir de la bouche de son interlocuteur.

« Excusez-moi monsieur, commença donc la jeune fille. Nous sommes désolés de vous déranger mais nous venons de la maison pour enfants de Miss Peregrine et notre directrice à disparu. Nous aimerions savoir si vous ne l'auriez pas vue à votre stand aujourd'hui.

- Mmmm, laissez-moi réfléchir... répondit l'homme en se grattant le front. Votre directrice, c'est bien cette petite dame habillée de noir qui boite un peu ?

- C'est bien elle.

- Alors oui, je l'ai vue. Elle m'a acheté des baies, des pommes et quelques carottes, il me semble. Ensuite, elle est partie par là, je crois mais comme je ne la regardais pas spécialement, je n'en suis pas sûr.

- Merci beaucoup monsieur et au revoir !

- De rien les enfants. »

L'homme de détourna d'eux pour s'intéresser à un client qui venait d'arriver et Hugh en profita pour se pencher vers Olive.

« Il nous a pas beaucoup aidé le vieux. Qu'est-ce qu'on va faire maintenant ?

- Continuer, je suppose. On finira bien par trouver quelqu'un qui pourra nous renseigner. »

Les deux amis passèrent de stand en stand, interrogeant chaque commerçant sur la disparition.

Au bout d'un moment, alors que Hugh commençait à s'impatienter devant ce manque d'informations évident, la main de Millard lui saisit le coude.

« Regardes là, par terre, lui souffla le garçon. Ce ne serait pas les baies que Miss P nous ramène parfois et qui sont si chère ?

- Si je crois, pourquoi ?

- Parce que si c'est ça, il a dû lui arriver quelque chose : personne ne gaspillerait de la sorte un aliment si coûteux.

- Tu as raison, je crois que nous tenons une piste ! »

En effet, après quelques minutes de recherches, Olive remarqua des traces de liquide rouge sur un buisson et Hugh le dérapage brutal d'une charette ayant laissé une profonde entaille dans le sol meuble du sentier.

Millard, paniqué, décrivait des cercles autour du lieu du « crime » en tergiversant tandis que Hugh, assis par terre, mâchouillait négligemment une baie qu'il venait d'essuyer sur son tee-shirt. Olive, fidèle à elle-même, restait debout et réfléchissait.

« Donc, disait-elle, si Miss Peregrine a bien été capturée, elle a dû être emmenée par là, comme le montre le virage sur le chemin. Elle a dû se débattre et se blesser avec les épines du buisson... Oui, ça me paraît logique comme explication !

- Sauf que ce n'est peut-être être que le sang d'un cheval qui se serait écorché en effectuant un demi-tour, renversant par la même occasion une partie du chargement de baies que son maître transportait dans sa charette, objecta Hugh avec toute la mauvaise foie dont il était capable.

- Peut-être, lui répondit la jeune fille, mais cette théorie n'explique en rien la disparition de Miss P alors que la mienne, si.

- Et bien qu'est-ce... Chut ! Regardez le type là-bas, celui avec le grand chapeau sur la tête.

- Oui, on l'avait remarqué mais je ne vois pas ce qu'il a de particulier.

- Il nous regarde depuis tout à l'heure puis il regarde sa montre. En plus, je ne me souviens pas l'avoir déjà vu sur l'île.

- Mmmm, étrange... Tu peux voir ses yeux ?

- Non mais j'ai un mauvais pressentiment... Je crains que ce ne soit un estre. »

Comme pour lui donner la réplique, l'homme se mit en mouvement et avança droit vers eux. Les trois enfants, terrifiés, ne savaient pas s'ils devaient le laisser les aborder ou bien s'enfuir en courant. Finalement, il restèrent là où ils étaient.

« Bonjour les enfants, vous me semblez soucieux. Avez-vous besoin d'aide ?

- N...non merci, ça va aller.

- Vous êtes sûrs ? J'ai pourtant bien l'impression qu'il vous est arrivé quelque chose de fâcheux.

- Tout va bien monsieur, je vous assure. Nous comptions justement rentrer chez nous.

- Je vous fait peur, c'est cela ? C'est pour cette raison que votre ami, ici-même ne parle pas ?

- Non, il est muet.

- Pourtant je l'ai vu discuter avec vous tout à l'heure...

Olive inspira un grand coup, tâchant de relâcher un peu la pression qui montait en elle afin de rester sereine face à cet inconnu et ses questions très intrusives.

- Il est excessivement timide envers les personnes qu'ils ne connait pas. »

L'attitude de Hugh prouvait clairement le contraire mais l'homme s'en tint là. Il les inspecta alors tour à tour des pieds à la tête.

Ses yeux passèrent sur l'endroit où se trouvait Millard et s'y arrêtèrent un instant comme s'il devinait sa présence. Puis il se détourna de lui et son regard se posa sur les chaussures lestées d'Olive.

Toujours accroupi par terre, Hugh s'avança juste devant son amie pour cacher ses pieds de ce regard malsain. L'inconnu hocha la tête.

« Bon, si vous ne voulez pas d'aide, au moins pourrions-nous parler un moment. Je pense savoir des choses qui pourraient vous intéresser. »

Les enfants, intrigués, acceptèrent, tout en sachant qu'ils pourraient venir à le regretter. L'homme les conduisit jusqu'à un petit muret de béton.

« Alors, qu'avez-vous à nous dire ? Le pressa Olive sans lui laisser le temps de s'asseoir.

- Hé ! Du calme mademoiselle, il n'y a pas le feu ! Bon, par quoi vais-je commencer ?

Hugh, Olive et Millard étaient suspendus à ses lèvres. L'inconnu, parfaitement conscient de ce fait, se délectait de les faire attendre encore et encore.

- Déjà, (il se passa la langue sur les lèvres) il se peut qu'un trafic de volatiles se fasse sur cette île même et que le bateau chargé de les ramener sur le continent soit encore au port et sur le point de partir au moment où je vous parle.

Olive et Hugh échangèrent un regard inquiet avant de reporter leur attention sur l'homme pour qu'il finisse son récit le plus vite possible.

- Ensuite, il se peut que j'ai aperçu un homme portant un grand chapeau et des lunettes noires visées sur les yeux emporter une cage contenant un faucon pèlerin... Mais je suis sûr que cela ne vous intéresse pas le moins du monde, vu que vous êtes des enfants tout ce qu'il y a de plus normal, n'est-ce pas ? »

Sur ce, il se leva, un petit sourire en coin. Il se retourna pour partir, non sans avoir jeter un dernier coup d'œil entendu aux chaussures d'Olive et à la bouche close de Hugh. Il s'éloigna de quelques pas puis leur cria sans se retourner :

« Au fait, je me nomme Christopher. Christopher Temple. »

Ensuite, il partit.

Lorsqu'il fut suffisamment loin, Hugh se tourna vers Olive.

« Il est trop bizarre ce type ! Un coup il nous dit que ce qu'il nous raconte va nous intéresser et le coup d'après, c'est le contraire !

Quelques abeilles agitées voletaient autour de lui.

- C'est tout ce que tu remarques !? s'étrangla Olive.

Elle pointa un doigt accusateur vers son ami et reprit.

- Un homme avec un chapeau cachant ses yeux et qui nous parle d'un trafic d'oiseaux débarque et tout ce que monsieur Hugh remarque, c'est qu'il nous dit deux choses contradictoires !? Mais il faut te faire soigner, mon vieux ! C'est d'ombrunes qu'il nous parlait là, tu as remarqué ? Il était en train de nous dire qu'il a enlevé Miss Peregrine, tu piges !?

- Ouais est bon, je suis pas débile à ce point, j'avais bien compris tout ça !

- Je... Je suis désolée Hugh. C'est juste que... J'ai peur pour Miss P... »

Sur ces mots, elle fondit en larmes. Très embêté, Hugh lui tapota maladroitement l'épaule.

« Bon, c'est pas tout, intervint Millard, mais on devrait peut-être aller avertir les autres et se dépêcher d'agir avant que nous ne perdions la trace de notre Ombrune bien-aimée. »

***

Quelques minutes plus tard, tous les pupilles de la boucle du 3 septembre 1940 étaient rassemblés derrière un tas de caisses, près du ponton du port.

Ils attendirent patiemment le moment propice puis se faufillèrent un à un à bord du bateau que Christopher leur avait indiqué.

Ce n'est qu'une fois en mer qu'ils réalisèrent qu'ils n'auraient peut-être pas dû tous venir mais il était trop tard pour faire marche arrière.

Entassés dans une petite cale humide et froide, les dix enfants particuliers n'en menaient pas large. Ils tremblaient à chaque bruit retentissant, craignant de ne se faire découvrir.

Au bout d'un moment, n'y tenant plus, Millard sortit de la cale pour aller inspecter les environs. Il revint peu de temps après et apprit à ses amis que des oiseaux étaient bel et bien retenus prisonniers dans une pièce adjacente et que les propriétaires du navire avaient l'intention d'en « tirer une bonne somme » une fois sur le continent.

La nouvelle ne rassura pas outre mesure les enfants mais au moins, ils étaient au bon endroit.

Le trajet fut long mais sans encombres et les particuliers purent bientôt remettre pied à terre.

Le port du continent était sale et très différent de celui de Cairnholm. Un panneau géant leur apprit qu'ils se trouvaient à Londre. Un peu déboussolés, ils eurent du mal à s'y retrouver. Heureusement, Horace remarqua l'homme occupé à décharger le bateau remettre une cage à un autre personnage encapuchonné. Le garçon jura avoir vu l'aile de Miss Peregrine dans le cage. Les enfants le crurent et le suivirent sans discuter. Horace semblait soucieux ces derniers temps mais il refusait d'en parler à quiconque. Ses amis le soupçonnaient d'en savoir plus qu'il ne voulait bien l'avouer sur l'issue de cette histoire.

L'homme à la cage avançait rapidement. Il regardait régulièrement derrière lui comme pour s'assurer que personne ne le suivait. Les enfants, conscients de ne pas être très discrets à se balader en bande de dix, avaient envoyé Millard en éclaireur.

Ce dernier leur apprit que l'homme s'était aventuré sous un pont où il avait disparu.

Quand les enfants arrivèrent là où il se trouvait quelques instants plus tôt, ils ne trouvèrent rien à part une vieille barque abandonnée.

Horace invita ses amis à aller se cacher sous la bâche recouvrant l'embarcation et d'y rester jusqu'à la fin du trajet. Il n'en dit pas plus mais tout le monde devina qu'il savait que cette solution était la seule possible.

Au bout de quelques minutes d'attente interminable sous la lourde couverture puante, un homme prit place sur la barque. S'il s'aperçut de leur présence, il n'en montra rien. 

***

Ils arrivèrent, comme Horace l'avait prévu peu de temps après. Ils attendirent que l'homme soit partit pour descendre et ce qu'ils virent leur glaça le sang.

Ils étaient dans une ville de cauchemars où de partout, les gens s'insultaient, se battaient... Les petites se mirent à pleurer et Emma les prit dans ses bras.

Ne sachant pas vraiment par où commencer leurs recherches, les enfants décidèrent de d'abord arpenter la ville pour se rendre un peu compte de l'état de saleté de l'endroit où ils se trouvaient.

En chemin, chacun faisait bien attention de regarder dans chaque vitrine pour s'assurer que Miss Peregrine ne s'y trouvait pas. Ce n'était pas le cas.

À un moment cependant, Enoch eu un doute. Il arrêta ses amis et les fit entrer dans une boutique. Là, des dizaines et des dizaines de cages regroupant des espèces d'animaux étranges et inconnus s'étalaient sur les étagères.

Les enfants scrutèrent fébrilement chaque endroit dans l'espoir d'apercevoir leur directrice.

La marchande, suspicieuse, les observait d'un œil réprobateur depuis son bureau. Elle ne disait rien mais attendait la première opportunité pour les mettre dehors.

Celle-ci lui fut donnée par Bronwyn qui abattit sans faire exprès son petit poing sur une cage. Cette dernière vola en éclats, libérant un essaim de gros insectes répugnants que même Hugh ne connaissait pas.

La bonne femme, hors d'elle, se jeta sur les enfants en leur hurlant de déguerpir. Ces derniers ne se firent pas prier. Ils prirent leurs jambes à leur cou et s'enfuirent de la boutique tandis que quatre hommes se précipitaient à leur poursuite.

Ils ne craignaient pas tellement la colère de la dame, qui n'aurait de toutes façons aucune chance face à eux, mais plutôt que quelqu'un ne découvre leurs particularités et ne décide de les enfermer comme les pauvres gens qu'ils avaient pu voir dans les vitrines de la grande rue, vendus comme des marchandises.

Soudain, Hugh s'arrêta de courir.

« Mais qu'est-ce que tu fous ? Lui hurla Enoch. On a pas le temps !

- Où est Olive ? Je ne vois pas Olive ! Personne n'a pensé à la prendre sur son dos ?

- Oh merde, jura le lève-morts en comprenant ce que Hugh entendait par là.

- Il faut aller la chercher ! Elle ne peut pas se débrouiller toutes seule. Elle ne peut même pas courir ! Elle va se faire rattraper ! Enoch !

- Non, on a pas le temps. Si on retourne en arrière, on se fera tous kidnapper. Mieux vaut aller se trouver une cachette et revenir quand tout se sera calmé.

- Mais tu ne comprends pas !? Elle est seule et sans défense, entourée de gens qui veulent faire d'elle leur esclave !

- Écoutes Hugh. Ta copine est intelligente et pleine de ressources. Avec un peu de chance, elle trouvera un endroit où se planquer et attendre qu'on revienne la chercher. Maintenant, viens avant qu'ils ne nous rattrapent. »

Sur ce, il saisit le garçon aux abeilles par le bras et le traîna derrière lui.

Ils retrouvèrent les autres un peu plus loin alors que Victor défonçait une porte d'immeuble pour permettre à ses amis de se réfugier à l'intérieur.
Blottis les uns contre les autres, ils attendirent longtemps pour être sûrs que les marchands d'esclaves n'étaient plus à leurs trousses. Hugh de rongeait les sangs dans le noir. Il savait qu'il n'y avait même pas une chance sur un milliard qu'Olive s'en soit sortie indemne et mourrait d'inquiétude à cette idée.

***

Quand ils ressortirent enfin de l'immeuble, la rue était calme. La nuit était tombée et les passants se faisaient plus rares. Ils se dirigèrent prudemment vers le lieu de l'incident. Ils fouillèrent la zone de fond en comble mais ne trouvèrent pas trace d'Olive. Hugh, en proie à une curieuse crise d'hystérie, hurlait en tapant du pied par terre, à bout de nerfs.
Finalement, ils durent se rendre à l'évidence : leur amie avait été enlevée.

Ils passèrent la nuit à arpenter la ville, cherchant en vain des traces de son passage. Hugh se traînait derrière ses amis avec lenteur. On aurait dit une loque. Personne n'osa le lui faire remarquer.

Ce ne fut que vers six heures, alors que l'aube commençait à pointer que les enfants particuliers trouvèrent enfin ce qu'ils chercheraient. Mais cette découverte leur glaça le sang. Debout derrière une vitrine, une corde nouée autour de la taille, Olive lévitait. Juste en dessous, une pancarte annonçait :

A louer
Particulière plus légère que l'air
30 pièces la journée

Quand Hugh arriva devant la vitrine, il manqua de s'étrangler. Il se précipita vers la vitre et colla son front en face de celui de la jeune fille. Il lui chuchota quelque chose que personne, hormis elle, ne comprit.

Les enfants restèrent longtemps devant la boutique, jusqu'au moment où le vendeur les chassa sans ménagement, prétextant qu'ils faisaient fuir la clientèle. Hugh bouillonnait. Il ne cessait d'insulter les marchands de particuliers et d'imaginer toutes sortes de façons et les mettre à mort.

Plus rationnels, Emma, Enoch et Victor étaient déjà en train de réfléchir à un moyen de la faire libérer. Ils savaient qu'il serait vain de tenter de marchander avec le vendeur et que lancer un commando pour attaquer la boutique serait suicidaire. Ils décidèrent donc qu'il leur fallait « acheter » Olive. Sauf qu'ils n'avaient pas d'argent. Et pour en gagner, il n'avaient qu'une seule solution. Une solution qui n'aurait sûrement pas plu à Miss Peregrine et qui ne les enchantait guère plus...

***

« Oyé oyé bon gens ! Approchez et venez louer nos particuliers très particuliers ! Nous avons Victor, l'homme hercule ! Nous avons Emma, la fille étincelle ! Et enfin, nous avons Horace, le devin ! Venez, n'ayez pas peur, je vous assure que vous ne serez pas déçus ! »

Cela faisait plus d'une heure qu'Enoch s'égosillait sans que personne ne se présente au stand de fortune qu'ils avaient fabriqué avec des planches en bois. Derrière, Victor, Horace et Emma attendaient, les mains liées dans le dos. Les autres enfants, assis un peu plus loin, ne faisaient pas partie de la marchandise de prêt.

Les enfants commençaient à désespérer quand enfin, un homme s'approcha.

Il examina les trois particuliers à « louer » des pieds à la tête puis se tourna vers Enoch.

« C'est combien pour une journée avec le hercule ?

- 10 pièces mais on vous en demande le double pour être sûrs que vous nous le ramènerez.

- Tu me prends pour un voleur, gamin ?

- Jamais monsieur mais on ne peut être sûr de rien dans un endroit comme celui-ci.

- Pas faux. Bon, je vais te le prendre.

- D'accord donc 20 pièces s'il vous plaît.

L'homme sortit de sa poche un tas de pièces qu'il posa sur la table en grognant.

- Voilà. Je viendrais te le rendre ce soir au coucher du soleil.

- Ça marche.

L'inconnu attrapa Victor et le poussa violemment devant lui.

- Allez esclave, on y va !

Victor obéi en fixant ses pieds, espérant que cette attitude conforterait l'autre dans l'idée qu'il lui était soumis.

- Monsieur, une dernière chose ! intervint Enoch. Victor peut détruire n'importe quelle matière rien qu'avec son petit doigt mais étrangement, il ne peut rien contre le plastique. »

Le garçon espérait que son mensonge pourrait aider Victor.

L'homme acquiesça et disparu dans une rue adjacente, emportant Victor avec lui. Les enfants le regardèrent faire en silence, bouleversés. Ils n'avaient jamais vu le jeune hercule dans un tel état et cela leur faisait mal.

L'homme revint comme convenu à la fin de la journée pour ramener Victor. Ce dernier refusa catégoriquement de parler à des amis de ce qu'il lui avait fallut faire.

***

Le lendemain, Victor fut une nouvelle fois « emprunté » ainsi qu'Emma. Si il n'y eu pas de problème du côté du garçon, les deux malfaisants ayant loué Emma refusèrent de la rendre à ses amis.

Heureusement, grâce à la discrète enquête de Millard, les particuliers la retrouvèrent facilement et la récupèrent. Les deux locations de la journée avaient permis de récolter l'argent nécessaire pour récupérer Olive.

Ils se rendirent donc tous à la boutique où était exposée leur amie. Elle avait été louée pour la journée et ils durent donc attendre jusqu'au soir avant de pouvoir la voir.

Hugh, mort d'inquiétude, scrutait la rue et sursautait à chaque bruit de pas durant tout le temps de l'attente.

Enfin, elle arriva. Elle marchait d'un pas lourd, le dos vouté, à la suite d'un homme d'âge mûr à la barbe broussailleuse. Quand elle se rendit compte de leur présence, elle releva la tête vers eux et leur sourit tristement. Son regard était éteint.

Enoch et Victor durent s'y mettre à deux pour retenir Hugh de se jeter sur l'homme pour le réduire en bouillie.

Ils le forcèrent à s'asseoir et à attendre que l'homme ait réglé ses comptes avec la marchande.

Une fois que ce fût chose faite, Horace et Fiona entrèrent dans la boutique. Ils ressortirent cinq minutes plus tard en traînant Olive derrière eux.

Ils durent attendre de s'être éloignés avant de pouvoir cesser leur comédie et prendre leur amie dans leurs bras. Celle-ci semblait anéantie. Elle s'appuya contre un mur et éclata en sanglots.

Quand Hugh arriva, il se précipita directement vers elle et la prit dans ses bras. Elle se laissa aller contre son torse et ferma les yeux.

Gênés, les autres n'osèrent pas s'interposer entre eux.

« Qu'est-ce qu'il t'a fait ? Demanda Hugh à Olive, la bouche dans ses cheveux. Il t'a fait du mal ? Oui, bien sûr, quelle question idiote ! Si je le retrouve, ce connard, il va comprendre sa douleur ! Oh Olive, je suis tellement désolé ! J'aurais dû m'assurer que tu suivais, j'aurais dû...

- Chut, tais-toi, tu n'y es pour rien, lui répondit la jeune fille en se redressant. C'est fini maintenant alors, n'en parlons plus. On a une autre libération à effectuer aujourd'hui, non ?

- Oui, on doit retrouver Miss Peregrine, confirma Emma. Et il faudrait s'y mettre tout de suite parce que cette ville est très grande et que retrouver un oiseau là-dedans ne va pas être une partie de plaisir.

- Je ne suis pas sûr, intervint Victor, mais il me semble l'avoir aperçue dans une boutique d'oiseaux particuliers.

- QUOI !? s'écrièrent Fiona et Millard en même temps. C'est que maintenant que tu nous le dit ?

- Je vous ai dit que je ne suis pas sûr, je n'ai pas voulu vous faire de faux espoirs et puis je préférais qu'on se concentre d'abord sur la libération d'Olive.

- Bon, et bien maintenant que c'est chose faite, tu vas pouvoir nous conduire à cette fameuse boutique ! »

***

Aussitôt dit, aussitôt fait. Cinq minutes plus tard, les dix enfants particuliers se tenaient devant une bâtisse annonçant en lettres capitales : Chez Bernadette, prêts et ventes d'oiseaux.

Fiona, Horace et Emma entrèrent tandis que les autres attendaient dehors. Olive s'efforçait de rassurer les petites sur la situation alors qu'elle-même tremblait de peur. Hugh ne la quittait pas du regard depuis qu'ils l'avaient retrouvée.

Soudain, des cris retentirent dans le magasin. Victor se précipita et appela sa sœur à la rescousse. De nouveaux hurlements se firent entendre puis enfin, ils ressortirent.

Fiona avait les cheveux ébouriffés et tenait une cage contre son cœur. Elle courut vers ses amis et leur fit signe de la suivre.

***

Ensemble, Miss Peregrine et ses pupilles quittèrent donc cette boucle maudite, cet arpent du diable.

La directrice reprit sa forme humaine dès que possible et ramena ses protégés dans leur boucle. A la fois horrifiée et émerveillée de tout ce qu'ils avaient fait pour elle, elle leur passa un savon monumental dont ils se souviendraient longtemps. Ils furent également tous privés de sortie mais cela n'était pas pour leur déplaire...

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top