~ Dame Blanche, es-tu là ? ~
« Monsieur Raynal, il ne sert à rien de regarder la copie de votre camarade : je sais très bien que vous n'avez pas appris votre leçon – encore – et que vous allez avoir une note catastrophique !
Miss Ramier tapa du bout de sa baguette de bois sur le coin de son bureau et fusilla son pupille au chant hypnotique du regard. Ce dernier détourna avec empressement les yeux de la feuille de Briac qu'il était en train de reluquer avec un peu trop d'intérêt et grommela avec toute la mauvaise foi dont il était capable :
- Je n'ai rien fait. Ce n'est pas juste, pourquoi c'est toujours moi qu'on accuse ?
- Peut-être parce que c'est toujours vous qui faites le bazar ? » rétorqua son Ombrune.
Boris se rembruni et serra les bras sur son torse en marmonnant des absurdités. Les autres, qui avaient tous levé les yeux de leur copie pour suivre le différent, se replongèrent dans la rédaction de leurs réponses. Ce matin, Miss Ramier avait décidé de soumettre ses élèves à une évaluation de niveau comme elle le faisait assez régulièrement. Bien évidemment, les enfants n'avaient pas les mêmes questions selon leur âge mais cela lui permettait de voir un peu là où chacun en était.
La plupart des filles étaient brillantes, mis à part Azilis qui préférait faire le singe en cours plutôt que d'écouter la leçon et Océane qui ne disait pas trouver d'utilité à apprendre si c'était pour rester coincée dans une boucle toute sa vie durant.
Du côté des garçons, par contre, c'était une autre histoire. Boris n'écoutait obstinément rien aux cours, Briac n'était qu'à moitié présent et profitait de chaque occasion pour suivre son cadet dans ses bêtises et Gabin passait son temps à rire aux blagues stupides de ses camarades ou alors à se disputer avec Azilis qui tapait dans sa chaise avec son pied. Jérémie n'essayait même pas de comprendre quoi que ce soit à tel point que c'était à se demander s'il avait capté le principe de l'école. Enfin, seul Ernest se débrouillait à peu près.
Miss Ramier, bien que désespérée par le comportement de ses élèves, continuait tout de même à leur faire des leçons car, disait-elle, elle ne voulait pas qu'ils perdent l'habitude d'apprendre. Hélas, cette obstination à l'éducation avait quelques travers. En effet, en plus de 70 ans, les enfants avaient largement eu le temps d'assimilé une bonne centaine de fois tout ce que des jeunes de leur âge étaient censés savoir et leur directrice avait plus d'une fois laissé échapper des vérités qui ne seraient découvertes que dans le futur de leur époque.
Azilis, qui partageait sa table avec Océane leva bientôt la main.
« Oui, Mademoiselle Guérin ? l'interrogea lassement Miss Ramier.
- Océane arrête pas de tricher sur moi !
L'intéressée se tourna vers sa voisine d'un mouvement brusque. Si un regard pouvait tuer, Azilis serait morte sur-le-champ.
- Espèce de sale petite cafteuse, cracha-t-elle entre ses dents.
- Mademoiselle Sellier, puisque vous me semblez très bien partie pour ce devoir, je suppose que vous ne voyez pas d'inconvénient à venir vous asseoir à côté de votre camarade ici présent qui a fini de répondre à ses questions, histoire que Mademoiselle Guérin puisse travailler en paix. »
L'Ombrune désigna d'un geste ample Gabin qui était assis seul à une table près du mur. Océane pâli mais, n'ayant pas d'autre choix que d'obéir, elle se leva et alla prendre place sur la banquette du garçon plus rapide que la lumière. Comme on pouvait s'y attendre, elle eut beaucoup de mal à se concentrer jusqu'à la fin de l'heure.
***
« Je ne sais pas vous mais moi je n'en peux plus de ces cours à répétition, pesta Boris en sortant de la salle de classe quelques temps plus tard.
- Pareil, répliqua Birac en étirant ses membres ankylosés. Et le pire, c'est qu'on ne peut même pas souhaitez que ça s'arrête car on sait tous que ce ne sera pas le cas : elle va nous faire suer sang et eau jusqu'à la fin de notre vie.
Les autres approuvèrent vigoureusement ses paroles.
- Vous savez ce qu'il nous faudrait ? reprit le garçon ours alors qu'ils descendaient les escaliers en direction du salon. Du changement. Il faut absolument qu'il se passe quelque chose d'innovent dans nos vies ou bien on va finir par se dessécher comme de vieux pruneaux !
- Tu as raison bien sûr, le coupa Ernest. Mais c'est impossible. Dois-je te rappeler que nous vivons dans une boucle temporelle ? Donc par définition, comme nous revivons sans cesse la même journée, il ne peut pas y avoir de changement.
- Sauf si c'est nous qui l'apportons, intervint Léa en ralentissant le pas.
- Qu'est-ce que tu entends par là ? Développe ton idée.
- Et bien on n'a qu'à... Je ne sais pas, inventer une activité ou bien en trouver une que nous n'avons jamais faite. Ça, ça pourrait nous redonner goût à la vie.
- C'est bien beau tout ça mais on a déjà fait tous les jeux et toutes les choses que nous connaissions une bonne centaine de fois, plaida Boris profitant qu'il passait devant un miroir suspendu au mur pour se recoiffer.
- Non, non et non. On ne peut pas avoir tout fait. C'est impensable. Il reste forcément deux ou trois petits trucs que nous n'avons pas testés !
- J'ai peut-être une idée... hasarda Elisa, les yeux perdus dans le vague.
Les dix enfants présents dans le couloir tournèrent leurs visages aux expressions avides vers elle.
- Quoi ??
- On n'a jamais essayé... d'invoquer un esprit par exemple, si ? »
***
La proposition d'Elisa fut votée à l'unanimité – même par Jérémie qui n'avait aucune idée de ce que signifiaient les mots invoquer un esprit – et ni une, ni deux, les particuliers de la boucle du 8 juin 1703 s'organisèrent de façon à pouvoir mener à bien leur projet.
Pour donner plus de réalisme à la mise en scène, ils avaient décidé que celle-ci aurait lieu la nuit, ce qui ajoutait la contrainte de ne pas se faire prendre par Miss Ramier. Chacun avait récupéré ce qui lui semblait le plus utile pour aller jouer avec les morts et Dorothy avait tout organisé dans la cave. Elle avait dessiné sur le sol tout un tas de symboles complexes qu'elle avait trouvé dans un livre sur les sorcières et elle avait disposé des bougies tout autour de la salle, si bien que celle-ci pouvait, grâce à celles-ci, être entièrement éclairée d'une lumière vacillante. Briac avait aussi insisté pour que l'on répande de l'encens pour l'ambiance et à présent, la cave embaumait.
Le soir venu, les enfants durent attendre minuit que la directrice soit endormie pour pouvoir enfin sortir de leurs chambres. Quelques-uns se désistèrent, parmi lesquels Jérémie qui s'était endormi et qui était de toute façon trop jeune pour ce genre de jeux.
L'excitation était à son comble au moment de descendre traverser le couloir de la chambre de Miss Ramier mais il fallait être discret si on ne voulait pas réveiller la directrice. A un moment, Gabin marcha sur un jouet qui traînait et dû se mordre le poing pour ne pas crier tant la douleur était vive.
Enfin, tous arrivèrent en un seul morceau dans les sous-sols de la maison.
« Alors ? demanda Dorothy en prenant place au centre du cercle tracé sur le sol. Vous êtes prêts ?
Les autres acquiescèrent.
- Parfait. On va pouvoir commencer. Bon, déjà, je tiens à vous préciser que je ne suis pas plus experte que vous en matière de fantôme donc je ne peux absolument pas vous assurer que ça va marcher. Vous êtes priés de ne pas m'en vouloir si c'est le cas.
- Je ne promets rien », ironisa Boris.
Dorothy lui jeta un regard courroucé puis s'assit en tailleur, invitant ses amis à faire de même. Tous posèrent une main sur la pierre froide et fermèrent les yeux.
« Esprit, nous sommes ici aujourd'hui pour tâcher d'entrer en contact avec toi. Nos intentions ne sont pas mauvaises, au contraire. Donc, si tu le veux bien, nous aimerions que tu répondes aux questions que nous allons te poser. »
La jeune fille capable de se cloner sortit des plis de sa robe en dentelle une chaine en argent au bout de laquelle pendait une sorte de diamant.
« Où tu as trouvé ça, souffla Gabin qui avait rouvert un œil.
- Chut. »
La particulière russe laissa pendre le bijou au-dessus des dessins sur le sol et reprit :
« Esprit, nous allons à tour de rôle te poser des questions et tu te serviras de cette chaîne pour nous répondre. Si elle bouge vers la droite cela voudra dire oui et vers la gauche non. Est-ce clair ?
- Quelle droite ? interrompit Azilis.
- Eh bien la même que d'habitude.
- Ouais mais moi je suis assise en face de toi donc ta droite est ma gauche et inversement.
- On va dire que c'est ma gauche qui compte. Maintenant, arrêtez de tous me couper la parole ou bien on ne va jamais arriver à rien. »
Azilis râla que tout cela n'avait aucune logique mais Dorothy l'ignora et reprit son rituel. Elle était tellement à l'aise que c'était à se demander si elle en était vraiment à sa première invocation.
« Esprit, es-tu d'humeur joyeuse ?
Il ne se passa rien. La chaine ne bougea pas d'un poil. Dorothy réessaya :
- Esprit, as-tu déjà communiqué avec des vivants ?
Comme il ne se passait toujours rien, Boris prit le relais.
- Esprit, j'ai besoin d'aller aux toilettes, est-ce que toi aussi ? Est-ce que tu peux aller aux toilettes déjà ? C'est vrai que comme je ne connais pas l'état physique dans lequel tu te trouves, tout peut être possible !
Elisa lui adressa une petite claque à l'arrière du cran en ravalant le petit rire qui menaçait de s'échapper de sa gorge.
- Etais-tu comme nous avant ? Es-tu l'esprit d'un ancien vivant ?
Où qu'il soit, qui qu'il soit, qu'il ait besoin d'aller aux toilettes ou non, celui que les enfants essayaient tant bien que mal de joindre ne semblait pas très disposé à leur répondre car il resta une fois de plus silencieux. Espérant tous arriver à le faire parler, les particuliers l'interrogèrent à tour de rôle.
- Es-tu un amant déchiré qui se serait suicidé après avoir perdu sa bien-aimée ? J'espère : ce serait tellement romantique.
- A quelle époque vivais-tu ?
- Tu as souffert quand tu es mort ?
- Tu en as marre de nous et de nos questions stupides ?
- Tu peux nous voir de là où tu te trouves ? »
Toutes leurs questions restèrent une fois de plus sans réponses. Ils continuèrent un moment puis, lassés par le manque de coopération du côté des limbes, ils abandonnèrent et remontèrent de la cave, non sans avoir pris soin d'éteindre toutes les bougies et d'effacer les dessins sur le sol.
Comme personne n'avait très sommeil, ils décidèrent de rester un moment au salon pour jouer aux cartes avant de retourner se coucher. Les parties de batailles avec les cartes usées de Briac furent longues et sans grand intérêt. Ainsi, ce fut avec un certain soulagement lorsque Dorothy proposa de monter chacun dans sa chambre.
Azilis se leva la première du canapé et sortit du salon en baillant. Les autres s'apprêtaient à la suivre quand elle revint dans la salle commune en courant, les yeux écarquillés d'horreur.
« Qui a-t-il ? Que s'est-il passé ? la pressa Gabin alors que la petite fille se laissait tomber dans les bras de Dorothy.
- C'est... C'est le... L'... L'esprit !
Gabin et Briac échangèrent un regard interrogateur.
- Qu'est-ce qu'il a l'esprit ?
- Il... Il est là ! A l'étage. En haut des escaliers. Il regardait la porte de ma chambre. Je crois... Je crois que nous l'avons énervé tout à l'heure et qu'il est venu pour se venger ! »
***
La déclaration d'Azilis avait jeté un froid sur l'assemblé déjà assez peu joyeuse des enfants. Aucun n'osait piper mot comme s'il craignait que le fantôme décrit par la jeune fille blonde ne les entende. Finalement, Briac se décida enfin à briser ce silence qui devenait pesant.
« Qu'est-ce que tu dis ?
- Tu... Tu n'as qu'à aller v... voir par toi-même si tu ne me crois pas. »
Le particulier capable de se changer en ours se serait passé de cette sale besogne mais tous les regards s'étaient braqués sur lui, le pressant d'aller vérifier les dires d'Azilis. Ne voulant pas que les autres ne le voit comme une mauviette, lui qui s'appliquait à paraitre comme très courageux à leurs yeux, Briac finit par se diriger lentement vers la porte du salon.
Celle-ci grinça lorsqu'il l'ouvrit. Le jeune homme grimaça puis se reprit et sorti dans le couloir en essayant de ne pas penser à ce qui pouvait l'y attendre.
De toutes évidences, Briac aurait espéré que sa camarade au corps capable d'absorber la chaleur ai mentit, ou du moins vu quelque chose qui n'existait pas. Ce fut donc dire sa déception et surtout sa frayeur extrême lorsque quelques mètres seulement au-dessus de lui, à l'endroit exact où Azilis l'avait décrit, il vit une silhouette menue et vêtue d'une chemise de nuit blanche un peu trop large qui attendait, les yeux rivés sur la porte menant à la chambre de la deuxième plus jeune pupille de Miss Ramier.
Les jambes de l'adolescent brun se mirent à trembler. Il n'avait plus qu'une envie : s'enfuir le plus loin possible de cette créature des enfers et ne plus jamais remettre les pieds ici. Hélas, c'était impossible. Il ne pouvait pas laisser ses amis seuls face à cela.
Rassemblant tout son courage, Briac lança donc d'une voix forte mais néanmoins tremblante :
« Qui êtes-vous ? Que faites-vous ici ? Que nous voulez-vous ? Répondez ou je me chargerais de venir personnellement vous faire parler !
Ces menaces ne semblaient pas avoir le moindre effet sur le spectre car il ne bougea pas le moins du monde. Il ne prit même pas la peine de lui montrer qu'il avait entendu. Les autres enfants de la boucle par contre avaient parfaitement entendu et se faufilèrent un à un hors du séjour pour venir se ranger derrière leur aîné.
- Pourquoi il ne répond pas ? chuchota Azilis en s'avançant, essayant de paraître courageuse malgré ses yeux écarquillés et sa main gauche agitée de tics.
- Parce que ça ne sert à rien de discuter avec des gens que tu t'apprête à tuer, Idiote ! répondit dédaigneusement Boris.
- Tu ne lui parle pas comme ça, le gourmanda Dorothy qui restait fidèle à sa nature, quelles que soient les circonstances.
- Chut vous allez... »
Trop tard. Les bruits de la dispute semblaient avoir attiré l'intention de l'apparition car elle se tourna vivement vers les enfants. L'obscurité empêchait de distinguer les traits de son visage mais un mince rayon de lumière filtrait par une fenêtre éclairait sa robe immaculée et une main à la peau laiteuse.
Pendant que Gabin essayait tant bien que mal de chasser l'image qui s'imposait à son esprit de cette chemise blanche tachée de taches de sang pourpre, Elisa elle fixait le poignet de l'apparition. Le bracelet qui y était accroché lui rappelait vaguement quelque chose mais elle n'arrivait pas à savoir quoi.
Soudain, le fantôme fit un pas. Il se trouvait maintenant juste en haut des escaliers. Gabin, Briac, Dorothy, Boris, Azilis, Charline, Elisa et Océane reculèrent. L'autre posa un pied sur la première marche des escaliers puis commença à descendre avec une lenteur extrême, faisant grincer le parquet même à travers la moquette qui le recouvrait.
« A mon signal, courez ! ordonna Gabin en poussant ses amis vers le bout du couloir, là où se trouvait l'unique accès à l'extérieur, la porte d'entrée à doubles battants.
- Maintenant ! »
Les pupilles de la boucle du 8 juin 1703 ne se le firent pas dire deux fois. Charline ouvrit la porte à la volée et tous huit se jetèrent au dehors puis prirent leurs jambes à leur cou comme si leur vie en dépendait.
***
Ils coururent à perdre haleine le plus loin qu'ils purent, ne s'arrêtant que lorsqu'ils se trouvèrent à la fin du grand jardin de la maison, et donc à la limite de l'étendue de la boucle. Là, ils se laissèrent tomber dans l'herbe, à bout de forces.
Il leur fallu de bonnes minutes pour reprendre leur souffle et remettre un peu d'ordre dans leurs pensées. Enfin, Charline sembla réaliser qu'il leur manquait quelque chose et demanda :
« Mais... Et les autres ?
- Quoi les autres ?
- Jérémie, Léa Ernest, on les a laissés là-bas aux griffes de... de cette chose. Vous ne pensez pas qu'on devrait retourner voir si...
Boris sursauta si violement que sa caquette, qui était miraculeusement restée sur son cran pendant toute la durée de leur course, tomba par terre.
- Pas question ! On vient déjà de risquera notre peau on ne va pas recommencer.
- Mais...
- Charline, intervint Dorothy avec douceur. Je comprends ce que tu ressens et je partage ton angoisse mais on ne peut rien pour eux. En plus, je ne pense pas qu'ils risquent grand-chose : après tout, c'est nous qui avons réveillé cette bête pas nos amis.
- Tu as surement raison... N'empêche que je ne serais pas sereine tant que nous ne les aurons pas retrouvés et oh ! Imagine que la créature s'est prenne à eux sous prétexte de nous faire du mal à nous ! »
La passe-muraille laissa échapper un sanglot étouffé et se prit la tête dans les mains. Briac se traina jusqu'à elle et passa un bras protecteur autour de ses épaules. Elle se laissa aller contre son torse tandis que des larmes coulaient le long de ses joues, reflétant le clair de lune.
Comme personne ne savait quoi répondre à la dernière supposition de Charline, on préféra se taire et un silence de mort s'abattit une nouvelle fois. Azilis bailla. Dorothy, mère poule qu'elle était, installa la petite fille le plus confortablement qu'elle put et calla sa tête sur ses genoux. Moins d'une demi-seconde plus tard, Azilis dormait à poings fermés.
Il n'en fallu pas plus aux enfants pour l'imiter et tous, par deux ou trois, s'activèrent bientôt à trouver une position plus ou moins agréable pour passer la nuit.
Dans le lointain, on entendit un bruit de porte qui se claque et de pas qui s'éloignent mais, Léa n'étant pas là, personne n'avait l'ouïe suffisamment fine pour l'entendre, ni l'esprit assez clair pour y prêter attention.
***
Le lendemain matin, les enfants furent réveillés - pour ceux qui avaient réussi à s'endormir – par les rayons naissants du soleil. Boris grogna en se redressant tandis qu'Elisa, couchée tout près de lui frottait ses yeux encore bouffis de sommeil.
Un peu plus loin, Azilis et Charline émergeaient également. Les autres étaient déjà réveillés et les attendaient en discutant à voix basse.
Ils se rassemblèrent et décidèrent du plan à adopter. Elisa proposa d'envoyer Gabin faire l'état des lieux car en plus d'être le plus rapide de tous, il serait presque invisible s'il utilisait sa vitesse maximale. L'intéressé essaya de marchander pour ne pas avoir à retourner seul là-bas mais on ne lui laissa pas le choix.
Ainsi, le garçon-fusée reprit en sens inverse le chemin qu'ils avaient parcouru la veille en courant.
***
Il ne fallut pas plus d'une minute à Gabin pour faire l'aller-retour, passer en revue toute la maison et venir faire son compte rendu.
« Tout semble normal là-bas, affirma-t-il à ses amis en haleine qui s'étaient regroupés autour de lui. Jérémie, Léa et Ernest dorment encore. Miss Ramier est la seule déjà réveillée et comme il est tôt, elle ne semble pas s'être rendu compte que nous n'étions pas dans nos chambres. Aucune trace du fantôme d'hier soir. Je ne sais pas si cela signifie qu'il est parti ou bien s'il se cache en attendant la nuit mais dans tous les cas je pense que nous pouvons rentrer sans risquer de nous faire agresser tout de suite. Ce soir par contre, ce sera une autre histoire.
- Qu'est-ce qu'on fait alors ? demanda Azilis en venant prendre place sur les genoux de Dorothy.
- Je pense que oui. De toutes façons, si on n'y retourne pas, ce n'est pas le spectre qui va nous tuer mais Miss Ramier. »
Cet argument finit de convaincre les derniers hésitants et les enfants reprirent péniblement le chemin du manoir. Une fois là-bas, ils s'aidèrent mutuellement à rentrer sans être vus en passant par la fenêtre de la cuisine. Ce ne fut pas chose simple et Briac et Boris faillirent se faire prendre. Heureusement, tout le monde arriva sain et sauf dans sa chambre et les enfants descendirent à tour de rôle prendre leur petit déjeuner en prenant bien garde à respecter l'ordre de réveil qui était le leur habituellement.
***
« Bien dormi Monsieur Raynal ? interrogea gentiment la directrice en voyant Boris entrer dans le salon et venir prendre place aux côtés de d'Océane, Gabin et Briac qui finissaient de prendre leur petit déjeuner.
- On peut dire ça comme ça, répondit le garçon au chant hypnotique en échangeant un regard avec ses camarades.
Gabin poussa un long soupir et Miss Ramier leva un sourcil.
- Quelque chose ne va pas Monsieur Morel ?
- Quoi ? Non, je...
- Bonjours tout le monde ! lança Léa à la cantonade en débarquant à son tour dans la pièce à vivre. Elle souriait déjà et avait la mine fraîche de quelqu'un qui vient de sortir de dix bonnes heures de sommeil.
- Salut à toi ma belle » répondit Elisa depuis la cuisine où elle s'affairait depuis un moment.
Tandis que Léa tirait la chaise à la droite de Gabin pour pouvoir s'y asseoir, la jeune métisse clairesentante arriva avec dans les mains un plateau chargé d'une pile de croissants. Elle les posa sur la table puis servit ses camarades un à un. Tout allait pour le mieux jusqu'à ce qu'en passant près de Léa, elle remarque un détail qui attira son attention. Une chaine en argent ornée des lettres L-E-A. La tête de la jeune fille se mit à tourner.
« Elisa ? se précipita Briac en la retenant d'une main. Est-ce que tout va bien ?
- Je... Je ne sais pas... J'ai besoin... de prendre l'air un moment. Tu veux bien m'accompagner ? »
Le garçon-ours hocha la tête, soucieux. Elisa le conduisit immédiatement dans le jardin et l'entraîna derrière un petit bosquet de roses.
« Je crois que je viens de percer le mystère de notre dit-fantôme, dit-elle sans préambule.
- Comment ça ?
- Tu vois le bracelet de Léa ? Celui qu'elle porte sans arrêt ?
- Heuu... Oui ?
- Eh bien figure-toi que je suis presque certaine d'avoir vu le même au poignet de l'apparition, cette nuit. Je n'en suis pas sûre à cent pour cent parce qu'il faisait noir et que je n'avais pas vraiment la tête à penser à ça mais...
- Attends. Tu voudrais dire que...
- Oui, que le fantôme n'est autre que notre amie Léa qui ferait une... crise de somnambulisme par exemple !
- Alors ça c'est trop fort ! On aurait paniqué, se serait enfuis, aurait fait dans notre froc et tout ça pour ça ?
- Je ne vois pas d'autre explication.
- C'est juste... dingue. Une crise de somnambulisme ! Une crise de somnambulisme ! Une crise de somnambulisme ! »
A chaque fois que Briac prononçait la phrase « une crise de somnambulisme », sa voix montait d'une octave. Et puis soudain, il explosa et tomba dans l'herbe, secoué de spasmes de rire incontrôlables. Elisa eu un discret sourire : elle était rassurée par la fin de cette histoire.
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L'inspiration pour cette nouvelle l'est venue juste après avoir regardé L'Exorciste, est-ce que c'est étonnant ?
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