~ A la tienne ! ~

« Je m'ennuie...

- Et bien jettes-toi par la fenêtre, ça t'occupera.

- Hahaha. Non mais sérieusement Boris, t'es pas drôle !

- Je sais. »

Boris et Azilis étaient avachis sur le lit de cette dernière et réfléchissaient à une activité susceptible de les divertir. Enfin, surtout Azilis parce que Boris, lui, ne semblait jamais intéressé par rien.

« Et si on sortait de la boucle, proposa la jeune fille.

- Pour que Miss Ramier nous démonte pièces par pièces quand on rentrera ? Très peu pour moi.

- Oh, mais si tu n'es pas content de ce que je propose, monsieur Raynal, tu n'as qu'à te charger toi-même de nous trouver quelque chose d'intéressant à faire !

- Je ne sais pas mais il n'y a pas besoin d'aller si loin pour s'amuser.

- Qu'est-ce que tu entends par là ?

Il lui adressa un sourire énigmatique.

- Viens avec moi. »

***

Le garçon la conduisit à travers les rues bruyantes du Paris de 1703 jusqu'à une taverne située dans un quartier populaire. A cette heure-ci, elle était pleine à craquer de travailleurs venus se rincer le gosier sur leur pause du midi. Les deux enfants profitèrent de l'agitation pour s'approcher discrètement du comptoir.

Comme le barman étant occupé à servir un groupe de clients déjà bien arrosés, il leur envoya sa fille pour prendre leur commande. La pauvre faillit défaillir en apercevant Boris. Elle ouvrit et referma la bouche à plusieurs reprises comme un poisson rouge.

Lorsqu'elle eu reprit contenance, elle s'avança à leur rencontre en forçant son déhanché et en bombant le torse pour bien faire ressortir sa poitrine. Azilis posa une main sur sa bouche pour ne pas que l'autre la vit rire.

« Alors, que puis-je faire pour vous ? leur demanda-t-elle en plantant son regard dans celui de Boris.

La fille devait avoir dans les quinze ans. Elle avait de banals cheveux marrons et un nez légèrement tordu sur le côté. On ne pouvait pas dire qu'elle était spécialement jolie dans sa robe simple des filles du peuple.

- Deux bouteilles de ton meilleur vin, répondit Boris en ignorant délibérément ses tentatives de séduction.

- Pas de problème, je vous fais ça tout de suite mais... es-tu sûr que c'est tout ce que tu veux ?

En disant cela, la fille du barman se pencha sensuellement en avant et enroula une mèche de cheveux autour de son index.

- Oui je t'assure : rien d'autre ne vaut le coup dans le coin. »

Il jeta un regard significatif à son décolleté plongeant et sourit narquoisement. Apparemment, il s'amusait beaucoup de son petit manège. La fille par contre, semblait vexée. Elle se détourna vivement et alla chercher leur commande. Boris adressa un clin d'œil entendu à son amie et lui chuchota :

« C'était encore plus simple que je ne m'y attendais. »

La jeune tavernière revint à cet instant et posa deux bouteilles remplies d'un liquide ambré sur le comptoir d'un geste brusque. Elle s'apprêtait à encaisser les pièces qu'Azilis lui tendait quand son père surgit derrière elle.

« Marie, ne me dis pas que tu allais leur vendre ça !

- Et pourquoi pas ? Ils ont de quoi payer, je ne vois pas où est le problème.

- Mais ils sont bien trop jeunes, bon sang ! On ne peut pas les laisser acheter cela ! Que vont dire leurs parents sinon ? Aller, ranges-moi ça et donnes-leur... une limonade par exemple !

- Excusez-moi monsieur, intervint poliment Boris. Je ne voudrais pas me mêler de ce qui ne regarde pas (même si c'est un peu le cas dans la situation présente), mais nous avons commandé des bouteilles de vin, pas autre chose.

L'homme rougit de colère à l'idée qu'un adolescent de treize ans ose lui tenir tête.

- Jeune homme, je te trouve bien arrogant pour quelqu'un comme toi. Je pourrais être ton père alors un peu de respect s'il-te-plaît ! Et puis, aux dernières nouvelles, je suis encore le chef de cet établissement alors c'est à moi de décider ce qui est bon ou non pour mes clients !

Boris s'apprêtait à répliquer mais la dénommée Marie lui coupa l'herbe sous le pied.

- Papa ! On ne va pas en faire toute une histoire ! Donnes-leur ce qu'ils demandent et on en parle plus !

- Pas question, après il va se croire tout permit et revenir se servir quand bon lui semblera !

- Oh merde, pesta Boris entre ses dents. Moi qui pensais ne pas avoir besoin d'aller jusque là...

- Qu'est-ce que tu dis ? gronda le tavernier en se tournant vers lui, les yeux plissés et le regard suspicieux.

- Rien. »

Sur ce, Boris se mit à chanter. Sa voix était magnifique. A la fois douce, grave, dure et apaisante. Elle s'éleva dans la pièce avec une légèreté inimaginable. Elle alla se perdre dans le cheveux des clients ébahis, dansa avec les couverts, taquina les moindres petits coins de vide. Elle enveloppait tout de sa présence obnubilante, envoûtante, ensorcelante, presque vivante. Tout le monde présent dans l'auberge cessa ce qu'il était en train de faire, subjugué par la grâce quasi magique de ce son.

Sans arrêter de chanter, Boris se saisit des deux bouteilles et les coinça sous l'un de ses bras. De l'autre, il saisit celui d'Azilis qui, nullement immunisée contre le pouvoir de son ami, se trouvait dans le même état d'hébétude que les autres.

Un bruit de verre cassé se fit entendre : c'était les derniers ivrognes à avoir succombé au charme de la mélodie qui venaient de lâcher leur chope de bière. Le jeune particulier ne s'en préoccupa pas et entraîna son amie vers la sortie.

Il attendit d'avoir claqué la porte derrière eux pour enfin relâcher les gens de son emprise. Une fois que ce fut fait, les deux enfants se mirent à courir à perdre haleine en direction de la maison. Le temps que le tavernier et ses clients reprennent leurs esprits, ils étaient déjà loin.

***

Quand ils arrivèrent au manoir, à bout de souffle mais grisés par leur succès, Azilis et Boris se tinrent les côtes pendant une bonne dizaine de minutes, hilares, avant de se reprendre.

Craignant que Miss Ramier ou un autre de ses pupilles ne les surprennent et ne leur confisque leur trésor, les deux délinquants en herbe décidèrent d'aller se cacher dans le sous-sol afin de savourer tranquillement leur victoire.

« Alors, qui commence ? interrogea Boris en plaçant la bougie qu'il venait d'allumer entre Azilis et lui.

- Vas-y si tu veux. », répondit la jeune fille en fixant la flamme qui vacillait.

Le garçon ne se le fit pas dire deux fois. Il attrapa l'une des deux bouteilles et la déboucha d'un geste expert (du moins en apparence).

« Santé ! », s'exclama-t-il en levant le récipient en direction de sa camarade.

Il prit ensuite deux longues gorgée de liquide ambré dans sa bouche. Il fit passer la bouteille à Azilis qui l'imita en grimaçant.

« Pouah ! Ça arrache ton truc !

- Ouais mais ça fait un bien fou. Tu devrais en reprendre. »

Et c'est ainsi que la bouteille passa de mains en mains jusqu'à être complètement vide de la moindre petite goutte.

« On ouvre l'autre ? marmonna d'une voix pâteuse Boris qui tenait à peine debout.

- Oueps. », répondit son amie qui n'était pas vraiment en meilleur état.

La seconde bouteille connu donc le même sort que la précédente. A la fin, complètement saoules, les deux enfants se mirent à délirer. Azilis se jeta sur Boris et le pria de l'embrasser. Ce dernier la repoussa violemment et se dirigea en titubant vers les escaliers. Il manqua la première marche et faillit se casser la figure. Prise d'un fou-rire incontrôlable, Azilis se roula parterre dans la poussière. Le garçon jura et reprit son chemin.

***

Dorothy essuya ses mains pleines de farine sur son tablier et sortit de la cuisine. C'est à ce moment-là qu'elle aperçut Boris qui se cramponnait à l'encadrement de la porte du salon pour ne pas tomber, les jambes chancelantes. La jeune fille se précipita vers lui, paniquée.

« Boris ! Est-ce que ça va ? Tu as besoin d'aide ? Qu'est-ce qui t'es arrivé ? Une attaque d'estres ? De sépulcreux ? Boris, réponds-moi !

Le garçon la regarda sans la voir pendant un moment, les yeux perdus dans le vide puis lâcha avec un sourire béat :

- Je vois des petits anges... Ils dansent au-dessus de ma tête en riant... Ils se moquent de moi... QUOI !? Ils se moquent de moi !? Mais pour qui ils se prennent, ces avortons !? Je vais leur faire passer l'envie de sourire, moi !

Il fit mine de se jeter sur les créatures que son cerveau embué ne faisait voir qu'à lui mais se prit au passage les pieds dans le tapis et s'écroula dans les bras de Dorothy.

- Oh mon Dieu, s'exclama-t-elle. Dites-moi que je rêve ! Tu as bu !?

- N...non, pas du t... du tout.

- Menteur. Allez viens, je vais te ramener dans ta chambre. Si jamais Miss Ramier te voit dans cet état, tu es bon pour le bagne mon pauvre ami ! »

Sur ce, la jeune fille passa un bras sous les épaules de Boris et commença à le traîner laborieusement vers les escaliers menant à l'étage. A cet instant, Azilis surgit de ceux du sous-sol et s'écrasa de tout son long sur le tapis.

« Oh non, pas toi aussi Azilis ! BRIAC !!! GABIN !!! Venez m'aider !

Les garçons accoururent. Gabin en moins d'une demi-seconde, Briac après un peu plus de temps.

- Que se passe-t-il ? Pourquoi tu nous as appelés ? demanda ce dernier en déboulant dans le couloir.

- Il se passe que ces deux abrutis ici présents sont allés consommer de l'alcool illégalement dans la cave et que maintenant, ils sont complètement bourrés ! »

Gabin et Briac se tournèrent d'un même mouvements vers Boris, toujours en plein délire et Azilis, étalée parterre. Ils éclatèrent alors de rire et se tinrent les côtes pendant cinq bonnes minutes avant de reprendre contenance et de venir aider Dorothy à les transporter. Gabin prit Azilis dans ses bras et Briac chargea Boris sur son dos. Ils les montèrent ensuite dans la chambre de Dorothy après s'être assurés que leur Ombrune ne se doutait de rien.

***

Gabin, Briac et Dorothy attendaient tranquillement que les deux plus jeunes décuvent en jouant aux cartes lorsque Jérémie se matérialisa sans prévenir dans la pièce, les faisant tous sursauter.

« Ils ont quoi Azilis et Boris ? demanda-t-il en s'approchant du lit où étaient étendus les deux ivrognes.

- Rien, s'empressa de le rassurer Dorothy en venant se placer juste devant lui de façon à lui gâcher la vue sur ses camarades. Rien du tout. On s'occupe d'eux. Tu ne veux pas aller voir Charline dans l cuisine plutôt ? Elle est en train de préparer un bon goûter !

- Mais il parle avec qui Boris ? insista le gamin en se téléportant juste sous le nez de son ami, toujours en grande conversation avec ses petits anges.

- Avec personne. Tout va bien, je t'assure. Elle fait des cookies, tu aimes bien les cookies normalement, non ?

- Oui mais je veux savoir. Pourquoi tu veux rien me dire, Dorothy ? T'es pas gentille !

- Jérémie, s'il-te-plaît... »

Avant que la jeune fille n'ai eu le temps de finir sa phrase, quelqu'un toqua à la porte et entra avant même qu'on lui en ai donné l'autorisation.

« Ah Gabin, tu es là ! Je t'ai cherché partout ! Il faut que tu viennes m'aider pour... Mais qu'est-ce qu'ils ont, eux ? Ne me dites pas que...

- Si Océane, soupira Dorothy, désespérée par le manque de discrétion de ses amis. Ces deux idiots se sont bien saoulés et là, on attend qu'ils décuvent. On aurait voulu que personne d'autre que nous ne soit au courant mais puisque tu es là... Bon, c'est pas grave si toi tu le sais mais par contre, j'ai peur que ça ne donne de mauvaises idées à Jérémie. Jérémie ?

Le petit garçon était introuvable. Il avait dû s'en aller sans prévenir, frustré de ne pas obtenir de réponse à ses questions.

- Bon, voilà un problème de moins à régler.

- Vous allez en parler à Miss Ramier ? interrogea Océane en venant s'asseoir entre Briac et Gabin.

- Non, lui répliqua précipitamment ce dernier. D'abord parce qu'on ne veut pas attirer plus d'ennuis qu'ils n'en ont déjà à Boris et Azilis et ensuite parce qu'on est tous complice en ayant essayé de les cacher, on serait donc tous sanctionnés.

Océane ricana.

- Et je suppose que moi aussi je suis considérée comme étant de mèche avec vous maintenant, n'est-ce pas ?

- Exactement, lui répondit Briac, un demi-sourire collé sur le visage. Si tu nous dénonce, on inventera que tu étais au courant de tout depuis le départ et que nous a forcés à te suivre.

- Génial... Merci les gars, je vous adore ! »

La jeune fille avait beau se plaindre, elle resta tout de même dans la chambre et commença une discussion animée avec Gabin et Briac. Azilis était toujours vautrée sur le lit mais Boris lui, était maintenant assis contre le mur en-dessous de la fenêtre. Il s'était levé quelques minutes auparavant mais après avoir effectué deux ou trois pas chancelants, s'était écroulé parterre et n'avait pas cherché à se relever.

Soudain, un bruit peu ragoûtant se fit entendre : Azilis venait de vomir ses tripes sur le matelas de Dorothy. Cette dernière pinça les lèvres, dégoûtée mais parvint comme toujours à contenir la colère qui perçait en elle et se contenta d'aller calmement changer les draps. Pendant ce temps, Gabin s'approcha de Boris et s'agenouilla devant lui.

« Alors mon vieux, lui dit-il gentiment. C'est pas la grande forme à ce que je vois. Si tu te sens mal, préviens-moi, je t'accompagnerais aux toilettes : ce serait dommage que toi aussi dégueule dans la chambre de Dorothy. Ok ?

Pour toute réponse, le garçon au chant hypnotique lui rota bruyamment au visage. Outragé, Gabin se releva d'un bond.

- Ah c'est comme ça, s'exclama-t-il, rouge de colère. Je suis sympa avec toi, je fais tout pour t'aider et c'est comme ça que tu me remercie ? Et bien tu sais quoi ? Débrouilles-toi. Après tout, je n'y suis pour rien si tu t'es foutu dans cette merde ! »

Sur ce, le garçon quitta la pièce en claquant violemment la porte derrière lui.

« Gabin, attends ! », s'écria Océane en se précipitant à sa suite, ses longs cheveux de feu volants derrière elle.

« Bon ben les gars, soupira Briac à l'adresse d'Azilis et Boris qui ne l'écoutaient pas le moins du monde. On dirait qu'il ne reste plus que vous et moi. Vous savez jouer à la belotte ? »

Le jeune homme ramassa le paquet de cartes qui traînait parterre et se mit à le brasser sans enthousiasme.

***

Dorothy revint peu de temps après avec des linges propres qu'elle installa sur le lit à la place des anciens puis alla aider Azilis à se changer. Briac pour sa part avait entamé une partie de solitaire. Il ne prêtait plus guère attention à Boris qui en profita pour ramper dans le couloir. Quand le métamorphe s'en rendit compte, il était déjà trop tard. Quelqu'un cria. Briac se précipita. Il trouva Ernest debout sur le seuil de sa chambre, les yeux écarquillés de stupeur. En l'entendant arriver, il se tourna vers lui.

« Qu'est-ce que... Briac, pourquoi il est comme ça ?

Il pointa du doigt le jeune garçon couché parterre qui roula sur le dos et se mit à rire sans raison en agitant bras et jambes comme un insecte retourné. Briac se frappa le front du plat de la main.

- Merde, merde, merde, MERDE ! Je suis trop con ! Pourquoi je ne l'ai pas plus surveillé ? J'étais sûr qu'un truc comme ça allait arriver !

- Je ne comprends pas, répéta Ernest. Pourquoi est-ce qu'il a l'air complètement bourré ?

Briac releva vivement la tête vers son ami.

- Parce qu'il l'est ! Bon, maintenant que tu le sait, tu vas m'aider à le ramener chez Dorothy. Dépêchons-nous avant que quelqu'un d'autre n'arrive. »

Les deux garçons s'avancèrent vers Boris et le saisirent par les chevilles et les poignets. Ce dernier cessa aussitôt de rire. Quand il réalisa ce que les autres étaient en train de faire, il se mit à ruer dans tous les sens en hurlant des obscénités à pleins poumons. Briac essaya de le faire taire mais le vacarme avait alerté Léa et Élisa qui arrivèrent au pas de course. Elles posèrent les mêmes questions qu'Ernest, Océane et tous les autres avant eux. Les garçons ne prirent même pas la peine de leur répondre et les embauchèrent pour les aider à maintenir Boris.

***

Il leur fallut un bon quart d'heure pour y parvenir et presque autant de temps pour le ramener dans ma chambre de Dorothy. Celle-ci était de retour avec une Azilis propre comme un sou neuf et qui semblait en un peu meilleur état. Après avoir volé dans les plumes de Briac qui selon elle était « incapable de tenir la moindre petite responsabilité », elle leur apprit qu'elle avait rincé la jeune fille à l'eau gelée et que cela l'avait un peu réveillée, bien qu'elle ne soit pas encore tout à fait revenue à son état normal.

Léa proposa de faire pareil avec Boris. Dorothy leva un sourcil dubitatif et lui désigna d'un signe de tête le garçon qui se tortillait sur le tapis, comme en proie à une attaque de démons. Son regard voulait clairement dire : c'est toi qui t'en charge. Léa dû se rendre compte de l'impossibilité de sa proposition car elle croisa les bras sur sa poitrine avec sur le visage l'air songeur qu'elle adoptait lorsqu'elle réfléchissait. Bien sûr, comme tous les autres avant elle, elle ne trouva pas d'autre solution qu'attendre que le temps passe.

Élisa et Ernest les laissèrent et retournèrent à leurs occupations respectives. Les autres s'assirent en cercle. Briac ressortit le paquet de cartes de sa poche et les distribua équitablement.

« Léa, c'est toi qui commence. »

***

Charline finit de placer les petites boules de pâte sur la plaque et alluma le feu. Une bonne odeur de chocolat ne tarda pas à monter jusqu'à ses narines. Cet aliment était extrêmement rare et cher à cette époque mais Miss Ramier trouvait toujours le moyen d'en ramener à ses pupilles. Nul ne savait comment. La jeune femme inspira profondément et ferma les yeux. Elle salivait d'avance à l'idée de pouvoir déguster ces délicieux petits gâteaux.

On frappa à la porte d'entrée. La passe-muraille se précipita et traversa avec élégance les gros battants de bois avec sa tête de façon à vérifier l'identité du visiteur. Elle découvrit Miss Ramier, debout sur le perron, deux gros sacs remplis dans les bras. Charline la salua en souriant. L'Ombrune lui répondit d'un petit hochement de tête, les lèvres pincées. Elle n'appréciait pas particulièrement la démonstration, un peu trop prétentieuse à son goût de son élève.

« Mademoiselle Chauvin, serait-ce trop vous demander de me laisser entrer ?

- Oups, oui bien sûr. Excusez-moi, Miss. »

La jeune fille rentra sa tête du bon côté de la porte et l'ouvrit. La directrice se précipita dans la cuisine et posa ses sacs sur la table. Quelques fruits et légumes en quête d'aventures s'en échappèrent.

« Voilà ! Miss Chauvin, pourriez-vous allez me chercher mademoiselle Sinclair et monsieur Morel, s'il-vous-plaît ? J'aurais besoin de leur aide pour ranger tout cela. Si vous croisez mademoiselle Guerin, dites-lui aussi que c'est son jour de corvée cuisine.

- D'accord, j'y vais tout de suite ! »

La jeune femme s'éclipsa et monta à l'étage prévenir ses camarades. Elle trouva Gabin vautré sur son lit en train de discuter avec une Océane assise à califourchon sur une chaise qui le regardait avec tendresse.

Les sentiments qu'éprouvait Océane à l'égard de Gabin étaient si évidents que Charline se de demandait comment le garçon faisait pour ne pas encore s'en être rendu compte. Elle lui fit tout de même passer le message puis alla chercher Azilis et Dorothy. La première n'était pas dans sa chambre et la porte de la seconde était fermée à clef. La passe-muraille toqua trois petits coups et attendit.

Elle entendit de l'agitation de l'autre côté. Quelqu'un cria un ordre, un autre marmonna quelque chose d'incompréhensif puis soudain, le battant s'ouvrit.

« Ah, c'est toi, déclara Briac, visiblement soulagé. Tu cherche quelque chose ?

- Oui mais pas toi, mon gros nounours.

Elle déposa un baiser sur sa joue. Il lui sourit.

- Tu en es sûre ? Et bien quel dommage, c'est sur moi que tu es tombée ! »

Sur ce, il la saisit par la taille, la souleva du sol et la plaqua contre le mur. Elle poussa un petit cri qui se transforma bien vite en soupir de contentement quand il posa ses lèvres dans son cou et commença à l'embrasser tendrement. Elle enroula ses jambes autour de sa taille mais à ce moment-là, Dorothy sortit de la chambre. Briac relâcha Charline à contrecœur et cette dernière rougit en remettant tant bien que mal de l'ordre dans sa tenue.

« Miss-Ramier-est-rentrée-et-elle-a-besoin-de-ton-aide-pour-ranger-les-courses, débita très vite Charline sans oser regarder sa camarade dans les yeux.

- Ok, pas de problème. Briac, tu t'occupes d'eux. Je te fais confiance, pas de bourde cette fois, hein !

- Ouais, ouais, t'inquiètes. », se renfrogna le jeune homme.

Dorothy lui adressa un regard acéré puis mit en œuvre sa particularité. Aussitôt, il n'y eu plus une mais cinq jeunes filles blondes et à la peau laiteuse devant eux. Dorothy se dépêcha dans les escaliers, suivie de ses quatre clones qui, bien que chacune presque dotée d'une volonté propre, n'avaient pas vraiment le choix quand à obéir à la volonté de la jeune fille.

Charline attendit qu'elles eurent toutes disparus pour se tourner vers Briac et lui demander :

« De quoi elle parlait ? De qui est-ce que tu dois t'occuper ?

- De personne, t'occupes.

Le garçon s'apprêtait à rentrer dans la salle mais Charline le retint.

- Briac Roy, lâcha-t-elle froidement. Tu vas m'expliquer sur-le-champ se qui se passe ici ou je te jure que tu vas le regretter. »

Briac soupira puis se lança. La jeune femme garda les bras croisés et les sourcils froncés pendant toute la durée de ses explications. Une fois qu'il eu terminé, elle se détourna et alla inspecter par elle-même l'étendue des dégâts.

Elle trouva Boris qui dormait à poings fermés, la tête sous un tabouret et Azilis qui discutait avec le bouquet de fleur posé sur la table de nuit de Dorothy. Charline, atterrée par la bêtise de ses amis, décréta qu'elle était la seule un minimum consciente dans cette maison et que les autres ne grandiraient décidément jamais.

Elle abandonna ensuite Briac avec les deux plus jeunes et retourna dans la cuisine, non sans avoir promit de ne rien dire à Miss Ramier, même si elle trouvait que ça n'aurait pas été une plus mauvaise chose.

***

Miss Ramier fut surprise de ne pas voir Boris et Azilis à l'heure du goûter, tous deux étant de grands friands de la cuisine de Charline. Les enfants prétendirent qu'ils se sentaient mal et avaient préféré rester au lit.

Dorothy dû prendre le tour de corvée de cuisine d'Azilis mais l'Ombrune ne releva pas : il était fréquent que la jeune fille fasse cela. Les pupilles de la boucle du 8 juin 1703 durent user de toute leur ruse pour ne pas que la directrice ne perce à jour leurs deux amis.

Ces derniers eux, ne se doutaient de rien. Cette nuit-là, il dormirent d'un sommeil de plomb.

***

« J'ai un de ces mal de cran, moi ! se plaignit Boris en entrant dans le salon pour venir petit-déjeuner.

- A qui le dis-tu, grogna Azilis en baillant. J'ai l'impression qu'un troupeau d'éléphants est venu me marcher sur la tête ! En plus, j'ai super mal dormi.

- Moi aussi. Je me suis réveillé je ne sais combien de fois et j'ai dégueulé au moins deux fois.

Boris se frotta le front. Il n'avait pas l'air en grande forme. Azilis non plus.

- Est-ce que tu te souviens de ce qui nous est arrivé après qu'on ai vidé les bouteilles ? s'enquit la jeune fille. Pour moi, c'est tout flou...

- Je n'en sais rien mais on a pas dû faire trop de connerie vu que Miss Ramier ne s'est rendu compte de rien.

- Permets-moi de te détromper, intervint Briac. Mais vous avez foutu un bordel pas possible. Ça n'a pas été simple de faire en sorte que Miss Ramier ne vous découvre pas.

Adossé à un mur, le jeune homme écoutait leur conversation depuis le départ en échangeant des regards entendus avec Dorothy. Il n'avait pas pu se retenir plus longtemps de parler.

- Q... quoi ? bégaya Boris, incrédule. V... vous nous avez couverts ?

- Oui. Nous et tous les autres enfants. Vous nous devez une fière chandelle.

- Mais.. pourquoi ?

- Et bien, ça sert à ça l'amitié, non ? déclara Dorothy.

Boris se renfrogna, mécontent d'avoir eu besoin de l'aide d'autrui et Azilis sembla au bord des larmes.

- Oh merci, s'exclama-t-elle en reniflant. Je ne sais même pas ce qu'on aurait fait sans vous... Je suis désolée... Nous n'aurions jamais dû... Je vous promets de ne pas recommencer....

- J'espère bien que vous n'allez pas recommencer, marmonna Briac.

- Ce n'est pas grave ! dit gaiement Dorothy. Le passé est le passé, inutile de ressasser ! Par contre, pour ce qui est du présent... (elle eu un sourire démoniaque) ...nous avons prévu une petite liste des choses que vous aurez à faire pour vous racheter.

Briac vint se placer à ses côtés, savourant sa vengeance.

- Alors déjà, se lança la jeune fille blonde. Vous devrez : prendre tous nos tours de ménage pendant un mois, emmener Jérémie au parc, faire la vaisselle et enfin tailler la haie. Azilis, tu devras aussi rattraper le repas que j'ai préparé à ta place. Bien sûr, tout cela sans vous, ça va de soi. Après tout, sans nous, la liste serait cinq fois plus longue !

Boris jeta un regard désespéré à Azilis.

- Rappelle-moi qui est le crétin qui a eu l'idée d'aller voler de l'alcool dans une taverne ? »

Briac et Dorothy éclatèrent de rire.

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Cette nouvelle reflète bien ce que sont en vérité Boris et Azilis (c'est à dire deux abrutis), par vrai ? 😉

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