Chapitre 9 - Nounou royale

De sa vie, jamais Duncan n'avait passé la moindre épreuve pour accéder à quoi que ce soit. Malgré les mille et une explications de Viktor afin de le préparer aux tests de la garde royale, il ignorait exactement à quoi s'attendre. Il se doutait simplement que le niveau des autres prétendants aux postes serait très élevé, comme le lui avait laissé entendre le soldat à son entrée au palais.

Pourtant, après s'être battu pendant des semaines contre les brutes de la Frontière, il trouva ses adversaires particulièrement... faibles.

Loin de lui l'envie ou l'idée de se vanter, mais il ne put nier qu'il passa les trois épreuves haut la main. Celle du poignard lui posa quelques légères difficultés, mais à défaut de véritablement attaquer, il parvint à esquiver tous les coups de ses opposants. S'être fait transpercer maintes fois dans les clubs de la Frontière lui avait appris à soigneusement éviter les lames aiguisées. Il en fut de même pour le combat à l'épée, qu'il termina en pointant son arme sous le cou de son adversaire. Quant à l'affront à mains nues, il ne fut qu'une simple formalité.

Dans les trois cas, il dut d'abord faire face à l'un des autres candidats, avant de se confronter à un véritable soldat de la garde royale. Chaque fois, le plus dur n'était pas de gagner, mais de se contenter de la satisfaction de la victoire, sans pouvoir enchaîner avec la dégustation d'une fiole de sang. Viktor lui avait tant appris à vaincre ses opposants et maîtriser sa soif d'hémoglobine de cette manière qu'il peinait à se passer de sa délicieuse récompense.

Il y a plus important que ce fichu sang, s'acharnait-il à répéter à la bête sanguinaire qui certes l'aidait à gagner ses combats, mais menaçait parfois de le rendre fou. L'aboutissement de son entreprise ne tenait qu'à sa capacité à se contrôler, et à ne pas craquer devant ses observateurs.

Ces derniers analysaient scrupuleusement le comportement de chaque aspirant aux postes. Les épreuves se déroulaient dans une petite cour aux tristes et hauts murs de pierre, sur lesquels étaient perchés des examinateurs, en plus de ceux qui circulaient en bas. Droits comme des stèles, les soldats ne prononçaient que de rares mots, uniquement pour donner quelques instructions. Même quand Duncan se sortit admirablement de son dernier affront, ils se contentèrent de gribouiller sur des carnets, sans laisser entendre une seconde qu'ils étaient impressionnés.

En dépit de cette absence de compliments, l'ancien loup – qui avait davantage tendance à se rabaisser qu'à se jeter des fleurs – ressentit une minuscule pointe de fierté. Il avait donné son maximum et montré les capacités qu'il avait à montrer.

Cela ne l'empêcha pas de se ronger les sangs au cours de la délibération des examinateurs, qui dura une bonne demi-heure. Et si, malgré ses prouesses, les soldats lui avaient trouvé un défaut ? Et s'ils avaient vu dans ses yeux le reflet de la bête qui l'habitait pendant ses combats ? Certes, la trentaine d'autres candidats avait été moins forte que lui, mais Viktor lui avait bien précisé que lors de certaines sessions, aucun nouveau garde n'était recruté. Peut-être était-il simplement le meilleur de la pire brochette de postulants ?

Ainsi, lorsque trois gardes revinrent dans la cour en tenant une feuille, il serra les poings à se briser les os.

— Après avoir évalué vos capacités de combattants, nous avons décidé de retenir trois d'entre vous pour un entretien personnel.

Quelques candidats, qui avaient commencé à sympathiser pendant l'attente des résultats, murmurèrent entre eux.

— Avant toute chose, sachez que vous êtes libres de vous représenter à une prochaine session d'admission, poursuivit le soldat. Vous pouvez également vous engager dans les milices ordinaires de Sa Majesté, qui vous permettront de...

Il prononça un laïus sur l'honneur de faire respecter l'ordre sur le territoire du royaume, ainsi que tout un tas de paroles que le voleur n'écouta pas. Il attendait simplement l'annonce des sélectionnés, qui fort heureusement, finit par arriver :

— Je vais désormais procéder à l'appel des trois futurs soldats potentiels. Monsieur Arthur, tout d'abord. Son Altesse Royale vous accordera un entretien au cours de la prochaine heure. Veuillez approcher.

Un grand blond se détacha de la masse de vampires et vint se placer au niveau des examinateurs. Duncan ne lui prêta aucune attention, bien trop chamboulé par la perspective de revoir Isabella. Si son nom était appelé, il aurait l'occasion de lui parler avant la fin de la nuit. Le reconnaîtrait-elle ? Les mots réussiraient-ils à ne pas s'emmêler et...

— Mademoiselle Meera. Son Altesse Royale s'entretiendra avec vous également.

Toute pensée déserta l'esprit du jeune vampire. Avant de se projeter dans une discussion avec Isabella, encore fallait-il que son nom soit appelé. Il ne restait plus qu'une toute petite place, et le garde fit durer le suspens :

— Nous rappelons une dernière fois à tous les candidats éconduits que les milices sur le territoire offrent des rémunérations et avantages intéressants qui...

Tels des chevaux impatients, certains commencèrent à battre le sol de leur talon. Au terme d'une attente insupportablement exaspérante, le soldat déclara :

— Le dernier vampire retenu est monsieur Duncan. Sa Majesté vous attend dans son bureau.

Un immense soulagement envahit l'ancien loup... avant de céder la place au plus profond des désarrois. Sa Majesté ? Pourquoi diable les deux premiers appelés avaient droit à un entretien avec Isabella, alors que lui se retrouvait à devoir affronter le roi ? Certes, en s'aventurant au palais, il savait qu'il allait sûrement être amené à côtoyer cet étrange énergumène, toutefois... Il n'aurait pas été contre l'idée de retarder cette rencontre.

Réfrénant ses craintes, il s'avança vers les soldats, qui se détournaient déjà des candidats malheureux. Les trois examinateurs et les deux chanceux s'engouffrèrent derrière une petite porte de bois, que Duncan dépassa à son tour. Il se retrouva dans un couloir en roche claire étonnamment sobre. Les deux autres sélectionnés levèrent leur nez en l'air, aussi surpris que lui de se retrouver dans un endroit si... ordinaire.

Cependant, ce semblant de banalité s'effaça bien vite. Ils ouvrirent de nouvelles portes, tournèrent à diverses intersections, jusqu'à ce que, petit à petit, des traces de luxe apparaissent. Les plafonds se parèrent de moulures, de l'or vint filer les bordures des tapis, les lustres gagnèrent en cristaux scintillants... Un tel étalage de splendeurs eut tôt fait de donner le tournis à Duncan, qui se sentait de plus en plus insignifiant. Et dire que tu croyais être riche avec mille pièces d'or...

Les deux autres sélectionnés affichaient le même air ébahi que lui, se dévissant la nuque pour admirer le moindre bibelot argenté et la moindre arabesque dorée dessinée sur les murs. Les soldats qui les accompagnaient ne s'offusquèrent pas de ce léger manque de tenue, mais leur firent quelques remarques :

— Efforcez-vous d'afficher une attitude digne lorsque vous ferez face à Son Altesse ou Sa Majesté. C'est un honneur pour vous d'être conviés dans leur palais, alors témoignez leur d'une noblesse sans failles.

Duncan serra et desserra ses poings pour s'obliger à se détendre. Déjà qu'il bégayait en s'adressant à l'un de ses semblables, comment parviendrait-il à répondre aux questions que lui poserait certainement le roi ? Ce dernier serait-il capable de le tuer s'il estimait que ce pauvre vaurien lui faisait perdre son précieux temps ? Dans ce cas, qu'adviendrait-il d'Isabella ? Si seulement il avait pu s'entretenir avec elle, au lieu de se heurter à son horrible père...

Pour tenter de se calmer, il décida de dénombrer les marches de l'interminable escalier de marbre qu'ils montaient. Comme il ne savait que difficilement compter au-delà de soixante, il passait de longues secondes à se creuser la tête afin de trouver les nombres suivants. Quand il n'y arrivait pas, il décidait de recourir à sa technique habituelle pour recenser ses pièces d'or, c'est-à-dire faire des paquets de dix. Ce difficile exercice mental le détourna de son appréhension, jusqu'à ce que les deux candidats choisis et les soldats s'arrêtent à un palier.

— Les rendez-vous avec Son Altesse Royale se dérouleront à cet étage, les informa l'un des gardes. Monsieur Duncan, je vais vous mener à l'un des étages supérieurs, où vous recevra Sa Majesté.

L'ancien loup le suivit sans broncher. Heureusement qu'il était un vampire, autrement cette ascension lui aurait coupé le souffle. Comme il était plus agréable de gravir les remparts de Fearghasdan au grand air, plutôt que d'étouffer au milieu de ces dorures ! Certes, il se trouvait sans conteste au paradis des voleurs, mais on aurait dit que tous ces murs et toutes ces marches allaient le dévorer. Ressaisis-toi, s'agaça-t-il en réfrénant le désagréable sentiment de malaise qui montait en lui. Tu as bien survécu à des journées entières passées dans ces affreux clubs dénués de fenêtres.

Le couloir sombre dans lequel ils finirent par s'engager ne le rassura pas, celui-ci paraissant sans fin. Quand son accompagnateur frappa à une porte, le jeune vampire se demanda toutefois s'il n'aurait pas souhaité que le corridor soit réellement infini.

— Entrez, leur indiqua une voix depuis l'autre côté du battant.

Le soldat s'exécuta et précéda Duncan dans une élégante pièce bien éclairée. Un bureau en bois gris, assorti aux ornements argentés qui habillaient les parois vert foncé, trônait au centre. Derrière le meuble se tenait un homme, qui se leva à l'entrée de ses deux visiteurs.

— Ah, Edgar ! fit-il avec entrain. Voilà donc votre dernière trouvaille !

Viktor n'avait au moins pas menti sur un point : nul autre modèle de beauté masculine ne pouvait rivaliser avec le roi. Si son amie Lorna avait été là, elle serait certainement tombée à la renverse devant de tels traits si harmonieux et des cheveux plus brillants qu'une couronne d'or. Sa Majesté ne portait d'ailleurs aucune distinction témoignant de son rang, sa veste noire étant uniquement trouée d'une rose d'un rouge écarlate. Ce ne fut toutefois pas ce troublant détail, ni son étonnant jeune âge, qui accaparèrent l'attention de Duncan.

En effet, dès que le regard du monarque croisa le sien, il nota la sublime ressemblance de ses yeux avec ceux d'Isabella. Ce fascinant bleu océan qui l'avait tant envoûté...

— Eh bien ! s'exclama le roi. Je sais que j'ai dit vouloir embellir certaines parties du palais, mais je n'imaginais pas que vous me proposeriez l'ajout de tels... éléments.

L'ancien loup ne comprit pas tout de suite où voulait en venir Sa Majesté, puis certaines paroles de Viktor à son sujet se rappelèrent à lui. Il a le don de sauter sur tout ce qui bouge et aurait tôt fait de prendre pour objectif de te mettre dans son lit... Duncan cligna les paupières, soudain déstabilisé par le petit sourire qui planait sur les lèvres du souverain.

— Ses résultats aux trois épreuves ont été remarquables, Votre Majesté, déclara le garde comme si de rien n'était. Je pense qu'il pourrait tout à fait correspondre au profil que vous recherchez. Si ses réponses à vos questions sont satisfaisantes, bien sûr.

Il sortit de son uniforme une feuille pliée qu'il déposa sur le bureau du roi. Ce dernier se détourna du voleur et hocha la tête en attrapant le papier.

— Je vous remercie, Edgar. Vous pouvez disposer.

L'intéressé s'inclina et quitta la pièce en prenant soin de refermer la porte derrière lui.

Le monarque se rassit et s'intéressa au contenu de la feuille fournie par le soldat. Un silence s'installa et Duncan sentit sa gêne s'accroître, raide comme un piquet face au secrétaire argenté.

— Intéressant, marmonna le roi au terme de sa lecture. Comment vous appelez-vous ?

Il releva les yeux vers le jeune vampire, une lueur d'intérêt tangible dans son regard. Fort heureusement, son étrange sourire malicieux avait disparu, laissant place à un semblant de sérieux.

— Dun... Duncan.

Peut-être aurait-il dû ajouter un "Votre Majesté" au terme de sa réponse, or il préférait économiser ses mots.

— Oh, vous venez de la Terre de l'Émeraude.

Cette affirmation étonna l'ancien loup. Il finit par réaliser qu'elle n'avait rien de surprenant, compte tenu de son accent reconnaissable entre tous. De plus, son prénom était l'un des plus répandus dans sa région.

— Qu'est-ce qui vous amène sur la Terre des Vampires ? s'enquit le monarque.

Son ton n'avait rien de menaçant, cependant Duncan se mit à se triturer les mains nerveusement.

— J'ai... J'ai été transformé récemment et... Je voudrais m'engager dans la garde royale.

— Récemment ? Quel âge avez-vous ?

— Vin... Vingt-deux ans.

Au départ, Viktor lui avait suggéré de mentir sur ce point. Le fait qu'il soit si jeune et inexpérimenté aurait pu faire hésiter le roi, ou n'importe quel autre recruteur, à l'admettre parmi la garde. Néanmoins, étant donné que la princesse l'avait vu en tant que loup-garou quelques semaines auparavant, son mensonge aurait risqué d'être découvert.

En ce qui concernait son ancienne condition de lycanthrope, rien ne l'obligeait à la dévoiler à quelqu'un d'autre qu'Isabella.

— Vous venez à peine d'être transformé et souhaitez déjà vous engager ? se surprit Sa Majesté. J'imagine que vous êtes attiré par la protection offerte par le rang de garde royal... Ce que je ne peux pas vous reprocher, d'ailleurs.

Duncan hocha timidement la tête, bienheureux que son interlocuteur fasse les questions et les réponses. À vrai dire, le roi ne dégageait pas l'aura de perfidie et de cruauté auquel Viktor l'avait préparé. Sa présence avait certes quelque chose d'impressionnant, mais son ton désinvolte ne semblait cacher aucun mépris envers le voleur. Peut-être qu'il cache bien son jeu, ou que tu es trop naïf. Voire un peu des deux...

— Pourquoi le vampire qui vous a transformé a-t-il décidé de le faire ?

— Par... Parce que je le lui ai demandé.

S'il l'avait pu, il aurait préféré éviter de buter sur chaque début de phrase, mais il employait déjà tous ses efforts à articuler et tempérer son rude accent.

— Et pourquoi cela ? fit le souverain avec une curiosité en apparence dénuée de méfiance.

— Je... Je n'étais pas vraiment heureux dans mon ancienne condition et... Quand l'opportunité de me transformer en vampire s'est présentée, je me suis dit que... Que je pouvais peut-être démarrer une nouvelle... Une nouvelle vie.

À sa grande surprise, il constata que ses propos ne contenaient pas une si grosse part de mensonge que cela.

Malgré son manque d'assurance, il paraissait avoir convaincu Sa Majesté, qui reporta son attention sur la feuille donnée par l'examinateur.

— Au vu de vos résultats aux épreuves, j'en déduis que vous avez suivi un important entraînement pour entrer dans la garde. Ils sont très impressionnants.

Ne sachant que répondre à un compliment émis par le roi des vampires, il choisit de rester silencieux.

— Avez-vous déjà tué quelqu'un ?

Cette question, posée sans transition, décontenança Duncan. Il remarqua que le monarque l'observait attentivement, guettant ses moindres réactions.

— Je... Euh...

Il se figura que Sa Majesté devait souhaiter une réponse positive. Toutefois, il estima peu judicieux de mentir à propos d'un tel sujet...

— Non, admit-il finalement.

— Et seriez-vous prêt à le faire ?

Toujours aucune menace tangible dans ses paroles. Cependant, le voleur se sentait tout de même évoluer sur un terrain glissant.

— J'imagine que... Que cela dépendrait de la... La situation.

Il trouva sa réponse bien piètre. Étonnement, elle ne parut pas froisser le roi.

— Très bien, fit-il après un moment. De toute façon, ce n'est pas un tueur que je recherche.

Il marqua une pause, prenant le temps de toiser Duncan de la tête aux pieds. 

— J'aimerais vous proposer une mise à essai pour un poste assez... spécial, annonça-t-il enfin.

L'intéressé cilla, se préparant au pire. Et s'il t'envoyait en mission en dehors du palais ? Et s'il voulait faire de toi un espion sur la Terre des Loups ? Il ignorait d'où lui venait l'idée soudaine de cette dernière possibilité, et réalisa qu'il aurait peut-être dû l'envisager plus tôt... Était-ce vraiment un bon choix que de révéler ses liens avec le territoire des lycanthropes ? Peut-être que le roi le prenait déjà pour un espion envoyé par son alpha, et qu'il allait lui tendre il ne savait quel piège pour...

— Que savez-vous de la princesse Isabella ?

Perdu dans ses pensées noueuses, le voleur ne saisit pas tout de suite que cette question avait véritablement franchi les lèvres de Sa Majesté.

— Je... Euh... La... La princesse ? répéta-t-il.

Sa mine perdue fit froncer les sourcils du roi.

— Vous n'ignorez pas que j'ai une fille, si ?

À vrai dire, avec ses maximum trente années d'âge physique, il était assez difficile de l'imaginer comme le père d'Isabella...

— Je... Je le sais, oui.

Comme le monarque avait toujours l'air d'attendre une réponse à sa première interrogation, il se creusa la tête pour trouver quoi dire.

— Eh... Eh bien, pas... Pas grand-chose, je... Je n'ai pas vraiment eu l'occasion d'entendre parler d'elle.

Même s'il taisait sa rencontre avec la concernée, il ne mentait pas. Lorsqu'il vivait sur la Terre de l'Émeraude, il savait à peine qu'une princesse des vampires existait. Quant à Viktor, il s'était montré avare d'informations sur Son Altesse.

— Je vois, répondit le roi, sans paraître vraiment surpris. Dans ce cas, si je vous demande de devenir l'un de ses gardes personnels, vous n'y voyez pas d'objection ?

Duncan tourna et retourna cette question dans sa tête, certain de l'avoir mal comprise.

— Toutes... Toutes mes excuses, Votre... Votre Majesté. Je n'ai pas...

— Je cherche des gardes pour s'occuper personnellement de la sécurité de ma fille, l'éclaira-t-il en baissant les yeux vers les porte-plumes posés sur son bureau. Vous la suivriez dans tous ses déplacements, monteriez la garde devant sa porte lorsqu'elle est dans sa chambre... Bref, j'imagine que vous voyez ce qu'est un garde du corps.

L'ancien lycanthrope cligna plusieurs fois des paupières. C'est impossible. Ta folie se met à te faire délirer.

— Son Altesse est parfaitement capable de se défendre elle-même contre les menaces extérieures, continua le roi, mais je n'aime pas la savoir toute seule. Elle adore organiser des fêtes auxquelles je ne préfère pas participer, cependant j'ai eu des... échos sur ce qu'elle y fait.

Il grimaça et passa une main dans ses courts cheveux blonds. Les pensées tumultueuses de Duncan l'empêchèrent de saisir où Sa Majesté voulait en venir.

— En clair, reprit-il, votre rôle principal consistera à surveiller le comportement de ma fille et à lui tenir compagnie. Vous serez bien sûr tenu au secret professionnel et ne pourrez rien divulguer à personne sur ses activités privées, hormis à moi.

Il releva ses yeux océan vers le voleur et lui adressa un regard appuyé. Pour la première fois depuis le début de l'entretien, ce dernier eut froid dans le dos.

Le père d'Isabella voulait donc l'engager pour... espionner sa propre fille ?

— Je vous préviens tout de suite, vous n'êtes pas le premier à qui je fais cette proposition. Une dizaine de candidats ont accepté, attirés par l'importante rémunération et la protection offerte en échange d'une telle position, mais... La plupart nous ont quittés.

La légère hésitation du roi sur ces derniers mots fit tressaillir l'ancien loup. Il aurait bien voulu savoir ce qu'il était advenu des précédentes "nounous royales" – s'il comprenait bien l'intérêt de son poste – néanmoins, il réalisa que ce n'était peut-être pas préférable...

— Qu'en dites-vous ? l'interrogea Sa Majesté au terme d'un court silence. Accepteriez-vous une période d'essai d'environ deux mois ?

Cela correspondait presque exactement au temps qu'il lui restait en tant que vampire. Ce fait, tout comme l'idée d'être au plus proche d'Isabella, aurait dû le réjouir, toutefois... Non seulement il entrait au palais avec l'intention de lui voler un objet, mais en plus il allait devoir l'espionner pour le compte de son père ? Les propos du roi n'avaient pas été explicites, cependant il doutait de s'être mépris sur son étrange regard...

Il prit un instant pour peser le pour et le contre, sachant déjà très bien que la question ne se posait même pas. En dehors de sa fonction "d'espion", son rôle lui permettrait d'être en permanence avec Isabella. De devenir son garde du corps personnel. En mettant les pieds dans ce bureau, jamais il n'aurait cru accessible une telle position.

— Ce sera pour moi un honneur de protéger Son Altesse Royale.

Cette simple phrase, prononcée sans le moindre bégaiement et d'une voix claire, eut l'air de surprendre le roi. Il considéra le jeune vampire avec satisfaction, puis ouvrit l'un des tiroirs de son bureau. Il en sortit un écrin noir et se leva afin de le donner à Duncan.

— Vous prononcerez votre serment officiel si vous nous convainquez au terme de votre période d'essai, mais en attendant, voici votre chevalière provisoire de garde royal.

L'ancien loup s'empara du boitier avec fébrilité. Sa Majesté lui fit signe de l'ouvrir, et il s'exécuta, découvrant ainsi une magnifique bague argentée. Sur le dessus étaient finement gravées deux épées qui s'entrecroisaient.

Le monarque ne lui laissa pas le temps de bredouiller des remerciements, puisqu'il ouvrit la porte en déclarant :

— Un domestique va vous mener à vos appartements et vous donner toutes les informations complémentaires. Votre première journée auprès de Son Altesse commencera dès la nuit prochaine.

Cette nouvelle opportunité tombée du ciel était encore une fois bien trop "facile" pour être crédible, Duncan le savait. Il allait sûrement tomber de très haut lorsque la réalité le rattraperait, cependant... Tu vas revoir Isabella.

— Je vous souhaite bonne chance et surtout... bon courage, conclut le roi.

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