Chapitre 7 - Pièce rapportée

« Si vous êtes un jour libéré, écrivez-moi à cette adresse.

— Olga du Diamant »

Voilà le simple message qu'Anya avait envoyé à la prison de Bois-Noir, cinq jours plus tôt. Elle l'avait accompagné d'une consigne à l'intention des gardiens, pour qu'ils le transmettent au Neutre Rodolphe. Elle avait pris soin de laisser quelques pièces d'or dans l'enveloppe, afin de les convaincre d'honorer sa demande. Peut-être allaient-ils refuser de se laisser corrompre, mais elle ne voyait pas ce qu'elle pouvait faire de plus. S'ils décidaient de garder l'argent sans donner le message au prisonnier, elle ne recevrait jamais de réponse.

Bien sûr, il n'était pas non plus impossible que Rodolphe s'abstienne de lui donner suite. Après tout, elle ne lui avait griffonné que ces quelques mots, ainsi que l'adresse d'un bureau de poste de Bois-Lunaire. Il s'agissait d'un lieu où elle pouvait se rendre facilement, sans avoir à solliciter une calèche. Il lui suffisait d'un capuchon rabattu sur sa tête, ainsi que d'une monture rapide et docile.

Désormais, il lui restait une chose à faire : libérer Rodolphe. Elle supposait que suffisamment de temps s'était écoulé pour que la lettre soit parvenue jusqu'à la prison. Si elle réussissait à ruser, le prochain ordre que recevraient les gardiens serait celui de relâcher le Neutre. Cela s'annonçait assez compliqué, étant donné que la jeune fille n'avait plus accès au tableau de Clark. Elle avait craint que la lettre arrive à Bois-Noir après la libération du Neutre, alors elle s'était abstenue de rajouter une croix au bout de sa ligne. Les deux loups étaient à présent rentrés de leur lune de miel depuis quelques jours, et le Grand Alpha avait récupéré les travaux de son fils.

— Est-ce que tu sais si ton père est satisfait du... tri des prisonniers que nous avons effectué ? demanda-t-elle à son mari.

Ils étaient en train de prendre leur petit-déjeuner, dans une salle à manger dédiée à cet usage. Il en existait une seconde pour le déjeuner, une troisième pour le dîner, ainsi qu'une multitude d'autres réservées aux repas avec des invités. Anya n'avait pas encore eu l'occasion de toutes les visiter.

— Il ne m'a pas fait de remarques, donc je pense qu'il en était content, répondit-il en posant sa tasse de thé. Merci beaucoup de m'avoir aidé.

Cela pouvait aussi signifier que le Grand Alpha ne s'était pas encore intéressé aux documents, et qu'ils pouvaient toujours se trouver dans son bureau. Peut-être que si la louve parvenait à s'y introduire, elle pourrait discrètement rajouter une croix pour libérer Rodolphe.

— Le tri des prisonniers ? fit Rowan d'un air incrédule. N'aviez-vous rien de mieux à faire pendant votre lune de miel ?

Anya le foudroya du regard, peinant de plus en plus à supporter sa présence. Il ne prenait pas tous ses repas avec eux, mais chaque fois que le Grand Alpha était absent, il ne se gênait pas pour s'assoir à leur table. Elle avait pensé qu'une certaine étiquette régissait la Cour, ce qui n'était visiblement pas le cas.

— Mon père m'avait laissé du travail. Anya m'a gentiment proposé son aide et nous avons pu avancer plus vite.

La jeune fille aurait préféré qu'il se montre un peu plus acerbe envers son ami. Ce dernier faisait preuve d'une impolitesse à laquelle elle était peu habituée. Même s'il était le fils du capitaine de la garde, cela ne l'autorisait pas à proférer de tels sous-entendus au futur dirigeant. Encore moins lorsqu'ils se trouvaient à table.

— Voilà qui est surprenant, lança Rowan en croquant dans un croissant.

Sa bouche se retrouva bientôt parsemée de miettes, sans qu'il ne prenne la peine de les essuyer. Anya ne put réprimer une grimace. Bénie soit la Lune de t'avoir donné un mari avec de bien meilleures manières !

— Puis-je savoir ce qui est surprenant ? s'enquit-elle d'un air pincé.

— Rien du tout ! prétendit-il, la bouche pleine. Faites comme si je n'étais pas là.

Difficile de mettre en application sa phrase préférée, puisqu'il mastiquait comme un cheval édenté. Clark lui jeta un regard appuyé, sans toutefois lui dire quoi que ce soit.

— Qu'as-tu prévu de faire aujourd'hui ? demanda-t-il plutôt à sa femme.

Rien du tout. Seulement visiter le bureau de ton père.

— Je ferai sûrement une balade à cheval au cours de la matinée, ou cet après-midi. Quelqu'un doit aussi venir me présenter le calendrier de nos prochaines obligations.

Elle ne se souvenait d'ailleurs plus de l'horaire exact, qu'elle devrait redemander à un domestique.

— Oh, mon père m'en a vaguement parlé aussi. Je crois que nous devons rendre visite à des personnes malades la semaine prochaine, et commencer à préparer le prochain bal. Tu pourras donner ton avis sur la décoration si ça t'intéresse, ou choisir les musiciens.

— Quelles lourdes responsabilités, ironisa Rowan.

Raide comme un piquet, Anya tourna lentement la tête vers lui. Il n'était que neuf heures du matin, pourtant il réussissait déjà à l'agacer.

— Puis-je savoir quelles sont vos responsabilités, monsieur Rowan ?

Les lèvres entrouvertes, il échangea un bref regard avec Clark, qui ne lui fut d'aucun secours.

— C'est bien ce qui me semblait, conclut-elle face à ce silence éloquent.

Elle ne se gêna pas pour esquisser un sourire mesquin, puis but une gorgée de thé. Déconcerté par toute cette hostilité, Clark s'empressa de finir sa tasse, avant de jeter un coup d'oeil à la pendule.

— Mon... Mon père m'attend pour une réunion avec les ambassadeurs. À plus tard.

Il partit en adressant un simple sourire à Anya, qui lui répondit par un petit signe de tête. Jamais il ne venait l'embrasser, lui prendre la main, ou lui témoigner la moindre marque d'affection. Ils ne se rapprochaient qu'une fois seuls dans leur chambre, ce qui ne dérangeait pas la jeune fille. Elle se demandait simplement s'il se sentait obligé de coucher avec elle afin de concevoir un héritier, ou s'il ressentait une réelle attirance pour elle. Anya appréciait sincèrement les moments qu'ils passaient ensemble, mais elle ignorait s'il percevait les choses de manière aussi plaisante. Tu as plus important à t'occuper, se raisonna-t-elle.

Elle se leva peu de temps après le départ de Clark, n'ayant aucune envie de rester avec Rowan.

— Bonne journée à vous aussi ! lança-t-il avec insolence lorsqu'elle quitta la pièce.

Elle ne lui répondit pas et marcha d'un pas vif en direction des étages supérieurs. Si son mari ne lui avait pas raconté n'importe quoi, une réunion allait occuper le Grand Alpha. Elle supposait que celle-ci ne démarrerait pas avant une vingtaine de minutes, le temps de laisser les ambassadeurs arriver du village. Cela l'obligeait à attendre un peu avant de s'aventurer près du bureau.

Désireuse d'avoir l'air aussi sage que possible, elle s'installa dans un petit salon et reprit un ouvrage de broderie. Cette activité ne manquait pas de lui rappeler sa mère, qui lui avait appris à faire ses premiers points. Anya avait toujours préféré les sorties en extérieur avec son père, mais Charlotta s'était efforcée de lui enseigner les activités qu'une "jeune dame" doit maîtriser.

Leur séparation avait eu lieu moins de deux semaines auparavant, mais la louve ressentait déjà un énorme manque. Elle recevait des lettres de ses parents quasiment tous les deux jours, avec des nouvelles de ses chevaux. Elle avait formellement interdit à son père de vendre les poulains qu'elle avait vus naître, même si cela l'obligeait à agrandir les écuries. Elle aurait voulu être présente pour les travaux, malheureusement... D'autres priorités requéraient son attention.

Elle acheva son motif – un épi de blé – puis se décida à partir en mission. Jamais elle ne s'était aventurée près des bureaux du Grand Alpha, mais elle savait vaguement dans quelle partie du palais ils se trouvaient. Il fallait presque monter jusqu'au dernier étage, puis traverser un long couloir aux murs sombres. Aucun domestique ne rodait dans les environs, hormis quelques gardes qui effectuaient leurs rondes habituelles.

Elle s'attendit à être interpellée par l'un d'eux, toutefois ils se contentèrent de la saluer d'un hochement de tête. Elle n'aurait pas pensé que son "simple statut" d'épouse du futur Grand Alpha lui ouvre tant de portes. Autant en profiter.

— Puis-je savoir où se trouve le bureau principal de monsieur le Grand Alpha ? demanda-t-elle à un soldat.

Elle faillit ajouter une phrase pour se justifier, or tant qu'on ne lui demandait rien...

— Il s'agit de l'avant-dernière porte sur la droite, lui répondit poliment le jeune homme. Mais il me semble avoir vu monsieur le Grand Alpha le quitter il y a quelques minutes.

— Je vais quand même aller vérifier. Merci à vous.

Elle s'éloigna vers la porte en question, puis toqua. Sans surprise, personne ne lui répondit. Elle essaya malgré tout de tourner la poignée, qui déverrouilla la porte. Elle jeta un coup d'oeil au soldat à une dizaine de mètres d'elle, qui avait repris sa ronde. Comme il lui tournait le dos, elle en profita pour se faufiler à l'intérieur de la pièce.

Les rayons du soleil l'éblouirent quand elle se tourna vers les fenêtres, qui avaient été laissées grandes ouvertes. Le bureau ressemblait en tous points à celui qui avait été attribué à la jeune fille, excepté qu'il semblait plus spacieux. Les pochettes et différents dossiers s'alignaient avec soin sur les étagères, où pas un seul bibelot ne traînait. Tant de rigueur et d'organisation firent bon effet à Anya, qui détestait le désordre. Elle avait d'ailleurs remarqué que Clark paraissait se complaire dans le bazar, signe d'une incompatibilité majeure entre leurs deux esprits...

Elle ne prit pas plus de temps pour admirer la décoration et s'approcha du secrétaire en bois noir. Du bout des doigts, elle déplaça méticuleusement quelques feuilles, qu'elle prit soin de remettre à leur place. Ne trouvant pas la moindre trace des documents sur les prisonniers, elle se décida à ouvrir les tiroirs. Certains avaient été verrouillés, et elle ne chercha pas à insister. Elle ignorait de toute manière comment crocheter une serrure. Elle se contenta d'inspecter ceux qui lui étaient accessibles, avant de remarquer quelque chose sur le bureau : le sceau du Grand Alpha.

Si elle ordonnait la libération de Rodolphe et apposait ce cachet au bas de la feuille, peut-être que ce serait suffisant.

Comme cela impliquait encore plus de risques que simplement fouiller le bureau du dirigeant, elle poursuivit ses recherches. Hélas, après un quart d'heure à gratter dans les papiers, elle ne trouva aucun tableau.

Elle hésita un dernier instant, puis s'empara d'une plume et d'un morceau de parchemin.

« Par les pouvoirs qui me sont conférés en matière de dépositaire de l'autorité, j'ordonne la libération du prisonnier Rodolphe (Neutre) avec effet immédiat dès réception de ce courrier. Cette décision intervient dans le but de régler nos problèmes de surpopulation carcérale et fait suite aux informations reçues à propos de vos effectifs.

Je vous encourage également à ne pas le proposer à la vente ou à l'emploi. La Terre des Loups ne saurait s'abaisser à gagner de l'argent en se basant sur un commerce mis en place par les vampires.

— Monsieur le Grand Alpha »

Elle avait déjà eu l'occasion d'aider son père à rédiger ce genre de missives, destinées à ses soldats. Il lui faisait toujours une confiance absolue. Elle espérait que le Grand Alpha employait à peu près le même ton, et que les gardiens n'iraient pas chercher la petite bête pour un simple Neutre. Elle alluma une bougie et laissa couler un peu de cire rouge sur la page, puis appuya le sceau. Bien sûr, elle avait conscience de jouer à un jeu risqué, mais elle ne voyait pas quoi faire d'autre.

Elle prit soin de vérifier chaque détail de la pièce, inquiète à l'idée d'avoir pu laisser des traces de sa présence. D'étranges marques marron attirèrent son attention sur le tapis. Elle crut d'abord avoir fait tomber de la cire, puis constata que les tâches semblaient anciennes. Elles lui firent étrangement penser à du sang séché, or elle ne s'attarda pas plus longtemps.

L'oreille collée contre la porte, elle attendit de ne plus entendre les pas du soldat, avant de quitter le bureau. Elle esquiva le jeune garde en passant par un couloir inconnu, qui la mena vers des quartiers qu'elle ne connaissait pas. Finalement, après avoir descendu un escalier assez étroit, elle retrouva des corridors plus familiers. Rejoindre les écuries ne fut ensuite pas difficile, et elle partit jusqu'à un bureau de poste.

Il ne lui resta bientôt plus qu'à attendre.

Elle laissa les jours s'écouler, sans savoir si elle recevrait un jour une réponse de Rodolphe. Peut-être n'apprendrait-il jamais l'existence de son message. Peut-être ne serait-il jamais libéré. Pire, peut-être que quelqu'un allait découvrir qu'elle avait usurpé le sceau du Grand Alpha. Elle serait alors obligée de divorcer et de retourner sur la Terre du Saphir, ou peut-être même qu'elle serait condamnée...

Cependant, personne ne vint jamais lui demander des comptes. Mieux encore, en se rendant un jour au bureau de poste, elle eut la bonne surprise d'apprendre qu'une lettre attendait "Olga du Diamant".

« Je suis libre. Que me voulez-vous ?

— Rodolphe »

Anya passa la nuit suivante à imaginer la meilleure réponse possible. Comment obtenir des informations sur lui et gagner sa confiance, sans trop se révéler ?

« J'ai appris pourquoi vous avez été fait prisonnier. J'aimerais en savoir plus sur vous et vos projets. S'ils coïncident avec les miens, nous pourrions éventuellement collaborer. Votre protection serait alors assurée.

— Olga du Diamant »

Jusque-là, elle n'avait jamais eu à entretenir une correspondance avec un inconnu. Ne rien savoir sur lui rendait chaque mot délicat. Toutefois, elle était pour le moment obligée d'avancer à l'aveugle. Au vu de la réponse qu'elle reçut quelques jours plus tard, elle comprit que son interlocuteur s'impatientait aussi.

« Pourquoi ne pas fixer un rendez-vous près de votre bureau de poste, le soir de la pleine lune ? Vous m'excuserez, mais un Neutre peut difficilement accorder sa confiance à une inconnue.

— Rodolphe »

Anya grimaça. Elle n'avait pas prévu de rencontrer le Neutre aussi vite. Proposer le soir de la pleine lune était malin de sa part, puisqu'il s'assurait ainsi l'absence de vampires dans le village. Ces derniers préféraient en effet se terrer pour éviter une morsure de loup.

Malgré tout, cela laissait également Anya dans une position de force. Si la discussion dégénérait et ne se concluait pas avant sa transformation, elle pourrait facilement impressionner Rodolphe. Sauf s'il ne t'a pas tendu un piège avant... Mais elle ne voyait pas pourquoi ce serait le cas. Tant qu'il ignorait son véritable statut, elle ne risquait rien.

Ainsi répondit-elle favorablement à sa demande, en fixant un horaire précis. Elle ignorait comment le Neutre allait faire pour venir jusqu'à Bois-Lunaire, or tant qu'elle ne le connaissait pas, elle ne lui proposerait pas d'argent.

Dès qu'elle eut scellé son enveloppe, elle sortit de son bureau et se dirigea vers les écuries. Rowan croisa son chemin au détour d'un couloir, et elle se fit une joie de l'ignorer. À son plus grand dam, il ne put s'empêcher de l'importuner :

— Puis-je savoir où vous allez ?

Elle s'arrêta et constata qu'il examinait sa cape et ses bottines, qui trahissaient une prochaine sortie.

— Me promener dans la forêt autour du village. Mais que je sache, je n'ai aucun compte à vous rendre.

Elle attendit une taquinerie ou une moquerie, qui ne vint pas.

— Oh que si, figurez-vous, répliqua-t-il avec une gravité inhabituelle. Je ne sais pas ce que vous cachez derrière vos airs de sainte-nitouche, mais vous avez tout intérêt à faire attention.

Ses yeux marron la toisèrent d'un air suspicieux, et Anya se sentit presque changer de couleur. De quoi se doutait-il, exactement ?

— Mes sorties ne vous regardent pas. Ce n'est pas de ma faute si je m'ennuie dans ce palais. Clark m'a dit de considérer les chevaux comme les miens, j'ai le droit de partir me promener si cela me chante et...

— Je ne parle pas de vos promenades.

Il soutint son regard, et elle comprit aussitôt ce qu'il lui reprochait.

— Il y a quelques temps, un garde est venu dire au Grand Alpha que vous étiez venue rôder près de son bureau. Arthur s'est ensuite rendu compte que vous aviez même osé y entrer.

Elle se figea, avant de croiser les bras pour se donner une contenance.

— C'est faux, mentit-elle sans la moindre honte. Je me suis juste égarée par là-bas, mais je ne me serais jamais immiscée dans le bureau du Grand Alpha. Qui a été vous raconter ça ?

Clark ne lui en avait pas touché un mot. Peut-être n'était-il pas au courant, mais si son ami l'était...

— Arthur l'a... rapporté à Clark, révéla-t-il en serrant les poings. Il ne vous en a rien dit ?

Elle secoua la tête. Son mari s'était peut-être montré un peu distant quelques soirs – puisqu'ils se côtoyaient rarement à d'autres moments – or il ne lui avait fait aucune allusion au bureau de son père.

— Eh bien, moi je vous le dis. J'ignore si vous êtes une espionne à la solde de votre père, ou si vous avez juste cherché à satisfaire votre petite curiosité de foui...

— Une espionne ? se scandalisa-t-elle. N'avez-vous donc pas honte de telles accusations ?

Aucun domestique ne rôdait, alors elle se permettait de hausser la voix. Si ce satané fils de capitaine commençait à mettre le nez dans ses affaires, elle n'allait pas s'en sortir.

— Pourquoi aurais-je honte de douter de vous, alors que vous étiez une étrangère il y a moins d'un mois ? C'est mon rôle de veiller à la sécurité du palais.

— Oh, vraiment ? Dans ce cas, pourquoi passez-vous votre temps à papillonner et à vous goinfrer chaque fois que l'occasion se présente ?

Il la rendait presque vulgaire, cependant elle ne pouvait supporter son impertinence. En venant vivre chez le Grand Alpha, jamais elle n'aurait pensé qu'une personne non titrée se permette de lui parler ainsi.

— Vous êtes on ne peut plus mal placée pour juger mes activités ! Je vis au château depuis ma naissance et je connais Clark depuis autant de temps, alors que vous... Vous n'êtes qu'une pièce rapportée qu'un divorce suffirait à évincer.

Une gifle. Voilà tout ce qu'il aurait mérité. Elle imaginait très distinctement sa main s'abattre contre sa joue mal rasée, ou son poing écraser son oeil.

Néanmoins, une demoiselle bien élevée ne cédait pas à la violence. Et une épouse modèle qui espérait rester au palais ne s'attaquait pas au meilleur ami de son mari.

— La pièce rapportée vous souhaite aimablement d'aller vous faire voir.

Et sur cette réplique qui aurait fait glapir Charlotta, elle le planta là.

Elle s'éloigna aussi vite que la décence le permettait, bien décidée à ne pas courir. Cet imbécile l'avait tellement mise hors d'elle qu'elle en oubliait presque la raison de sa sortie. Aller poster une lettre. Et tant qu'à faire, elle irait galoper aussi vite que possible pour oublier cet affront.

Tandis qu'elle claquait ses talons en direction des écuries, une question vint la ronger : au fond, les propos de Rowan ne recelaient-ils pas une part de vérité ? Elle ignorait jusqu'où la mèneraient ses projets, mais... N'allaient-ils pas la transformer en espionne, voire en traîtresse ?

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