Chapitre 3 - De la pure folie
Keith, le plus célèbre et redouté contrebandier de la Terre de l'Émeraude, se montra particulièrement généreux envers Duncan. Dès que ce dernier lui présenta la sublime bague volée à Cailean, le vieil homme fit signe à ses larbins d'amener l'or promis en échange du bijou. Les loups-garous originaires de la meute à la pierre verte n'étaient pas tous des tendres, loin de là, cependant on pouvait généralement compter sur leur loyauté. Si l'un d'entre eux promettait quelque chose, il était rare qu'il manque à sa parole.
Une fois son sac rempli d'or entre les mains, Duncan l'amena sur le toit de l'hôtel qu'il occupait. Ici, dans son refuge niché sous les étoiles, personne ne viendrait dérober son butin. Mille pièces d'or... Il peinait à croire qu'il possédait désormais une telle somme. Certes, la bague devait sans doute valoir le double, si ce n'était le quintuple, ou que savait-il encore. Toutefois, pour un garçon de la rue tel que lui, c'était déjà plus qu'il n'avait jamais espéré.
Sûrement qu'en revendant le bel objet à une autre personne qu'un bandit, il aurait pu en tirer un meilleur prix. Or c'était grâce à Keith qu'il avait obtenu les informations lui permettant de trouver la bague, et il lui avait promis de la lui ramener. Outre sa volonté de tenir son engagement, il savait qu'il ne valait mieux pas se mettre à dos un homme si puissant que lui. Son réseau de voyous s'étendait au-delà des remparts de Fearghasdan, et dépassait sans doute même les frontières de la Terre de l'Émeraude...
Duncan était sincèrement plus que satisfait de sa situation. Restait à savoir ce qu'il ferait de cet argent, ainsi que ce qu'il adviendrait s'il recroisait la route de Cailean et sa bande... Mais ce dernier potentiel problème ne l'inquiétait pas plus que cela. S'il devait les affronter, ce ne serait pas la première fois qu'il s'en sortirait face à des voleurs.
Il avait donc tout pour être tranquille. Pourtant, lorsqu'il se couchait dans le lit assez confortable de la chambre d'hôtel qu'il pouvait dorénavant se payer, il ne parvenait à fermer l'oeil.
Tel le fantôme pour laquelle il l'avait prise, la jeune fille rencontrée sur les remparts hantait ses pensées.
Depuis bientôt une semaine, sa silhouette évanescente ne cessait de s'imprimer derrière ses paupières, tout comme son rire cristallin tintait en permanence à ses oreilles.
Il mourrait d'envie de la revoir, de la réentendre, de se laisser envoûter par les ondes surnaturelles qu'elle dégageait... Tu dérailles complètement, mon pauvre, tentait-il de se raisonner. Même s'il avait connu quelques très brèves aventures avec d'autres femmes, jamais aucune ne l'avait tant fasciné, ne l'avait tant obsédé... C'est une princesse, se morigénait-il parfois.
Pas une princesse. La princesse.
Son Altesse Royale Isabella, princesse des vampires.
Fille du roi des immortels, l'homme le plus craint du monde...
Dans les jours qui avaient suivi la fameuse rencontre, il avait essayé de discrètement récolter deux ou trois informations à propos de la princesse. Ainsi, il s'était avéré que la venue de Son Altesse sur la Terre des Loups de l'Émeraude était de notoriété publique, bien que son passage à Fearghasdan ait surpris tout le monde. Elle ne devait au départ se rendre qu'à Montagne-Lunaire, la capitale du territoire. On racontait qu'elle avait participé à diverses fêtes, dans des lieux plus ou moins fréquentables pour une jeune fille de son rang.
Tout cela n'avait fait que confirmer à Duncan qu'effectivement, il avait bel et bien rencontré la princesse... aussi folle et inconcevable que paraisse cette idée.
Un après-midi, alors qu'il ne savait que faire — si ce n'était penser à cette vampire — il décida de rendre visite à Lorna, son amie qui occupait la chambre face à la sienne. Avec l'argent qu'il possédait, il aurait pu se permettre d'occuper un meilleur établissement que celui-ci, mais il s'agissait de l'endroit où il se sentait le plus... chez lui. Enfin, surtout quand il vivait sur le toit.
— Je peux entrer ? s'enquit-il en toquant doucement à la porte.
En général, Lorna ne recevait pas de clients à cette heure-ci. Cependant, il avait appris que frapper avant d'entrer constituait toujours la meilleure des précautions...
Quelques secondes plus tard, son amie vint ouvrir le battant et le salua avec un immense sourire.
— Attends, ne me dis rien, je suis sûre que tu viens pour la salle de bains ! Je t'avais prévenu que celle de la chambre d'en face fuyait de partout !
Elle s'effaça pour le laisser passer et il s'avança dans la minuscule pièce, dont l'immense lit occupait la moitié de l'espace.
— J'avoue que la baignoire n'est pas des plus étanches, répondit-il en grimaçant.
En effet, il avait beau amener des seaux afin de la remplir, il n'avait réussi qu'à inonder le sol...
— Mais je ne viens pas pour ça.
Tandis que Lorna fermait la porte, il s'adossa à l'une des colonnes du lit à baldaquin, ce qui fit sourire son amie.
— Ne me dis pas que tu veux que notre relation prenne un brusque tournant qui nous amènerait à coucher ensemble, car cet après-midi est mon temps de repos...
— Tu m'as percé à jour, soupira-t-il exagérément.
La jeune Neutre gloussa et il esquissa un demi-sourire. Elle était l'une des rares personnes — si ce n'était la seule — avec laquelle il se sentait libre et à l'aise. Ils se connaissaient depuis tout petits, ayant tous les deux grandi dans la rue.
À l'adolescence, lui s'était tourné vers le vol afin de survivre, puis après avoir vainement tenté de l'imiter, Lorna avait commencé à fréquenter ces hôtels sordides. Même si Duncan avait tenté de la dissuader, elle s'était montrée plus ou moins sûre de son choix, encouragée par d'autres de ses connaissances. En tant que Neutre, esclave idéale pour vampires et lycanthropes, elle préférait gagner son propre argent, de manière à conserver un minimum d'indépendance. La tenancière de l'établissement lui accordait une relative protection contre les enlèvements, ce qui n'était pas négligeable. Cette liberté n'était peut-être pas obtenue de la meilleure des façons, mais peu lui importait...
— Alors, qu'est-ce qui t'amène ? l'interrogea-t-elle en s'approchant de l'unique fenêtre de la chambre.
Une fois n'est pas coutume, le soleil brillait sur Fearghasdan. Les rayons lumineux éclairaient les beaux cheveux caramel de Lorna, coiffés en un complexe chignon qui libérait quelques mèches tombant sur ses épaules.
— Je... Euh... Il y a quelque chose qui me... préoccupe.
Il avait si peu articulé que n'importe quelle autre personne ne l'aurait pas compris. Heureusement, son amie était habituée à sa voix grave et à son dur accent de la Terre de l'Émeraude, qui l'empêchait d'articuler toutes les syllabes. Étant également native du village de montagne, elle aussi possédait le même.
— Mais encore ? fit-elle comme il ne poursuivait pas.
Il enfonça les mains dans les poches de son pantalon. Il y trouva la broche sertie d'une turquoise et se mit à la triturer.
— Je ne t'en ai pas parlé, mais... L'autre jour, j'ai rencontré une fille, sur le rempart.
Elle croisa les bras sur sa robe d'un rose nacré et attendit qu'il continue.
— Elle... Enfin... Elle était plus ou moins coincée dehors, alors que je l'ai aidée à rentrer dans l'hôtel et... Elle est partie et...
Lorna fronça les sourcils, sûrement perdue par ce piètre récit sans queue ni tête.
— Elle a vu que tu avais volé la bague et tu as peur qu'elle aille rapporter à Cailean où tu vis ? supposa-t-elle, sans grande conviction. Tu...
— Euh... Non, l'interrompit-il. Cela n'a aucun rapport avec le vol de la bague. C'est juste que...
— Oh ! s'exclama-t-elle alors qu'il faisait tout pour fuir son regard. Elle t'a tapé dans l'oeil, c'est ça ?
Il vira au rouge tomate et sentit un noeud obstruer sa gorge.
— Oui... Enfin, non, se reprit-il. Ce n'est pas...
Elle éclata de rire, ce qui ne l'aida guère à trouver ses mots.
— Tu ne l'avais jamais vue avant ? Est-ce que je la connais ? Elle habite ici ? demanda-t-elle ensuite à toute vitesse. Tu sais comment faire pour la revoir ?
Il s'aventura à lever les yeux vers elle et constata que ses iris marron brillaient de mille feux. Elle devait certainement être contente pour lui, sachant très bien qu'il était rare qu'il s'intéresse à la gent féminine, seulement... Autant établir la vérité avant que Lorna ne se fasse des illusions.
— Je... Je ne pense pas la revoir un jour, marmonna-t-il.
L'expression joyeuse de la Neutre se décomposa.
— Pourquoi ? C'était une fille de la haute, c'est ça ? Une petite bourge ? Ces abruties adorent venir nous narguer dès qu'elles en ont l'occasion !
Elle faisait allusion aux riches héritières qui habitaient au coeur du village, dans les beaux quartiers. Leur ennui était tel qu'elles s'autorisaient parfois quelques escapades "chez les pauvres", comme elles disaient... Nul besoin de préciser qu'en dehors de quelques intrépides, elles étaient toujours chaperonnées d'au moins deux compagnons, leur évitant ainsi toute mésaventure.
— De la très haute, corrigea-t-il en pinçant les lèvres.
Lorna le dévisagea en clignant des yeux, impatiente qu'il daigne se montrer plus précis.
— C'est... C'est une princesse.
Prononcer ces mots à voix haute les rendait encore plus absurdes. Si absurdes que son amie partit d'abord d'un grand rire.
— Tu me fais une métagore, n'est-ce pas ? À moins que ce ne soit une "métapore" ? Peu importe, trancha-t-elle en balayant ses hésitations d'un geste de la main. En gros, tu l'as trouvée tellement belle que tu la qualifies de princesse, mais ce n'était qu'une fille normale. J'ai bien compris ?
Son entrain s'évanouit net quand elle remarqua que Duncan restait parfaitement sérieux.
— Alors tu veux dire que... C'était une vraie princesse ? s'écria-t-elle en faisant l'effort de bien articuler les deux derniers mots. Enfin, la fille de l'alpha de l'Émeraude ? Je ne savais même pas qu'elle avait une fille, d'ailleurs. Qu'est-ce qu'elle faisait chez nous ? Personne n'a dit qu'elle était venue à Fearghasdan et...
— Ce n'était pas la fille de l'alpha, la coupa-t-il avant qu'elle ne se perde dans un millier de suppositions. Il s'agissait de... la princesse des vampires.
La mâchoire de Lorna se décrocha. Si la fenêtre derrière elle n'était pas fermée, le loup-garou aurait craint qu'elle ne bascule en arrière.
Elle resta bouche bée de longues secondes, puis sa curiosité finit par prendre le dessus sur son hébétude.
— La... La princesse Adriana ? Ah non, c'est...
— Isabella, compléta-t-il.
Il eut presque envie de répéter ce prénom pour entendre la douce mélodie que... Non, mais tu deviens raide fou ! s'exaspéra-t-il.
— Tu es sûr que c'était elle ? s'enquit la Neutre après un instant de silence. Certes, c'est vrai qu'on raconte qu'elle est venue ici, un de mes clients m'en a même parlé, sauf que ça pourrait très bien...
— C'était elle, affirma-t-il. Quand je l'ai raccompagnée dans l'hôtel, nous sommes tombés sur des hommes qui devaient être ses gardes et... ils l'ont appelée "Votre Altesse".
À l'entente de ce terme qui respirait la richesse et l'élégance de la royauté, Lorna poussa un petit soupir rêveur.
— Tu imagines, si je rencontrais un jour un prince et s'il décidait de m'épouser ? Tout le monde m'appellerait Sa Majesté Lorna, princesse des... Princesses des quoi, au fait ? Tu crois qu'il a déjà existé une princesse des Neutres ?
L'étincelle illuminant ses yeux réussit presque à faire sourire Duncan. Malgré leur existence rythmée par la misère, la vermine, et des lendemains qui ne laissaient entrevoir que peu d'espoir, elle n'avait jamais laissé tomber ses rêves. Elle persistait à croire qu'un jour, l'un de ses clients tomberait amoureux d'elle et la conduirait dans les riches quartiers, ou même à la capitale.
— Mais excuse-moi, ce n'est pas de moi qu'on parle, se reprit-elle. De toute façon, il n'existe pas de vrai prince, donc cela règle la question... Qu'est-ce qu'elle t'a dit, la princesse ?
Il esquiva son regard en admirant le vieux parquet mal posé. Était-il censé lui avouer que Son Altesse l'avait d'abord pris pour un goujat venant de tromper sa fiancée, puis qu'il lui avait tellement fait pitié qu'elle lui avait offert une turquoise en lui disant que la pierre... ressemblait à ses yeux ?
— Euh... Pas grand-chose, éluda-t-il.
Lorna ne lâcha pas l'affaire et le harcela de questions, jusqu'à ce qu'elle se souvienne qu'avec lui, plus on lui demandait de parler, plus il jouait à la carpe.
— Donc si je résume, la princesse ne t'a pas laissé indifférent, c'est ça ? fit-elle en essayant de tempérer son enthousiasme. Quelle chance tu as eu de pouvoir la...
Elle s'interrompit en sentant que son ami se faisait de plus en plus fuyant.
— Attends, si je comprends bien, elle ne t'a pas du tout laissé indifférent ? Elle t'a vraiment plu et...
Je n'arrive pas à me la sortir de la tête, aurait-il voulu avoir le courage de confesser. Lorna réussit toutefois à lire dans ses pensées. Elle laissa échapper une exclamation, puis marmotta quelques jurons à peine compréhensibles.
— Ce... Ce n'est pas ce que tu crois, finit-il par soupirer. J'ai... J'ai besoin de la revoir, mais ce n'est pas juste parce qu'elle était magnifique, ni parce que c'est la princesse, ni...
Il coupa court à cet épanchement en se passant une main sur le visage. Le manque de sommeil ne l'aidait pas à l'empêcher de se couvrir de ridicule...
— Eh bien, à ce que je vois, c'est du sérieux, observa-t-elle avec circonspection.
Elle se détacha de la fenêtre pour s'approcher de lui, de sorte qu'il la regarde dans les yeux.
— Duncan, tu es l'une des personnes les plus exceptionnelles que je connaisse, et tu vaux au moins mille princes ou alphas, mais... C'est une princesse. La princesse des vampires et tu...
— Et je ne suis qu'un vaurien de la rue.
Si Lorna aimait croire en ses rêves, elle savait cependant s'en protéger et conservait toujours un pied dans la réalité. D'ordinaire, il se montrait encore bien plus raisonnable qu'elle, ne se permettant jamais de se perdre dans de vaines ambitions qui n'aboutiraient à rien. Or depuis ces derniers jours, il ne se reconnaissait plus.
— Pas un vaurien, le contredit-elle. Simplement, tu es un loup-garou qui ne peut espérer aucun avenir avec une vampire et... Sans vouloir te vexer, je ne pense pas qu'une Altesse puisse être intéressée par des... gens comme nous.
Il acquiesça silencieusement. Leur vie entière n'était qu'une succession de rejets. Duncan n'avait jamais su si ses parents avaient choisi de l'abandonner, ou s'ils étaient morts. Dans tous les cas, personne d'autre que la rue, ainsi que quelques âmes plus ou moins charitables l'ayant temporairement nourri et hébergé, n'avait décidé de l'élever. Il savait à peine lire et il lui était impossible d'écrire quoi que ce soit sans faire une faute à tous les mots.
Comme il ne maitrisait pas non plus la science des chiffres, il ne pouvait pas être embauché en tant que serveur, ni en tant qu'assistant à un commerçant. À cause de ses problèmes de diction, même les gens du village, dont l'accent était pourtant quasiment aussi prononcé que le sien, échouaient à le comprendre, pour la plupart. Il ne pouvait entreprendre quoi que ce soit sans être ravagé par sa honte et sa timidité, alors il ne faisait rien.
Rien, si ce n'était voler. Car lorsqu'il dérobait un objet à quelqu'un, il ne devait justement pas se faire remarquer. Il se fondait dans la masse, se cantonnait à son rôle d'ombre que personne ne voulait voir, puis il subtilisait un bracelet par ici, une bourse chargée de quelques pièces de bronze par là... Il avait bien conscience que de tels actes le réduisaient à la condition de bandit, de vaurien, toutefois il ignorait comment survivre autrement.
Quand bien même il détenait désormais mille pièces d'or, en réalité, il n'avait rien.
Et comme se plaisaient à lui rappeler les gens qui lui étaient supérieurs, il ne serait jamais rien.
— Tu as la chance que ton dernier vol t'ait rapporté de quoi vivre tranquillement pendant un bon moment, ajouta Lorna. Essaye d'en profiter, de voir si cela peut t'aider à gagner ta vie autrement, mais... Ne te perds pas dans des folies qui ne te feront que souffrir.
Contraint de reconnaître qu'elle avait on ne peut plus raison, il la remercia et ne tarda pas à regagner sa chambre.
Il passa les jours suivants à se répéter les paroles de son amie. Chaque soir, avant de s'endormir, il se convainquait que c'était la dernière fois qu'il fermait les yeux en pensant à cette fille. À la princesse, se forçait-il à se rappeler. Néanmoins, en dépit de tous ses efforts, sa fascinante image lui revenait dès qu'il se réveillait.
Elle refusait tant de le quitter qu'au fil du temps, une idée germa dans son esprit.
Une idée insensée, complètement irrationnelle, qu'il regretterait à l'instant même où il la mettrait en oeuvre. Malgré tout, plus il y pensait, plus elle s'ancrait en lui, si bien qu'un matin, il rassembla le peu d'affaires qu'il possédait et annonça à Lorna qu'il partait pour il ne savait combien de temps. Il lui confia la moitié de ses mille pièces d'or, de manière à ne pas voyager avec une telle somme sur lui. Aussi, il voulait que la Neutre ait de la réserve au cas où... Au cas où quoi ? Il l'ignorait.
Il fit abstraction des objections et inquiétudes de son amie, puis se paya une place dans la première diligence en route pour la capitale. De là, il chemina de véhicule en véhicule, d'auberge en auberge, destination la Terre des Vampires.
Même si son entreprise était vouée à l'échec et le condamnait à endurer un million de problèmes, il s'en moquait. Il avait besoin de retrouver Isabella. Il ne pouvait pas la laisser et reprendre sa vie comme si de rien n'était.
Car lorsque leurs regards s'étaient croisés pour la première fois, sur ce rempart surplombant le vide, il était certain d'avoir vu des larmes briller dans ses yeux.
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