Chapitre 16 - Une sortie presque parfaite

— Alors, qu'est-ce que vous voulez faire ?

Sur le moment, Duncan avait songé que proposer une sortie à Isabella était une bonne idée. Cela faisait moins de deux semaines qu'il était arrivé au palais, et il trouvait déjà le quotidien de la princesse d'une sombre monotonie. Certes, la bibliothèque inaugurée par Sa Majesté était de toute beauté, mais le voleur ne voyait pas l'intérêt d'édifier un tel monument en l'honneur de simples blocs de papier. Il devait aussi avouer avoir craint que ce dôme de verre ne leur tombe sur la tête.

Maintenant que Son Altesse et lui étaient arrivés au coeur de Mendoza, la capitale de la Terre des Vampires, il commençait à croire qu'il aurait dû réfléchir à deux fois avant d'inviter Isabella... Réussir à prononcer cette proposition lui avait demandé un courage qu'il ne pensait pas détenir, mais il se demandait si l'effort en valait la peine.

Comment allait-il la divertir dans une ville qu'il ne connaissait pas ?

— Eh bien... Vous ne voudriez pas manger quelque chose et...

Il s'interrompit aussitôt, se rappelant qu'ils étaient des vampires. Isabella se renfrogna et il réfléchit à toute vitesse pour rattraper le coup.

— Et si vous... passiez dans deux ou trois boutiques ?

Un discret carrosse les avait déposés dans une partie de la ville assez fréquentée. Des passants flânaient avec des sacs plein les bras, ou en s'encombrant d'ombrelles, parfaitement inutiles sous le clair de lune. Tous longeaient des bâtiments en pierre crème, aux toits pointus recouverts d'ardoise. Des lampadaires éclairaient les grandes rues, où des soldats patrouillaient. Ce quartier n'avait rien à voir avec celui où Viktor et Duncan avaient passé une nuit.

L'ancien loup se rappela soudain que Viktor lui avait dit de lui donner des nouvelles dès qu'il le pourrait. Comme il était hors de question qu'il se rende à son hôtel avec Isabella, il faudrait qu'il trouve un autre moyen de le contacter. Il aurait bien tenté de lui envoyer une lettre... seulement s'il savait écrire plus de trois mots. 

— Je suis une princesse, lui rappela-t-elle en croisant les bras. Je n'ai pas besoin de faire les magasins, puisque ce sont littéralement les magasins qui viennent à moi. Enfin, les couturiers, si vous préférez...

Pour l'occasion, elle avait choisi une robe un peu moins immaculée que celles qu'elle portait habituellement. Cela lui permettait de se fondre à peu près dans la masse, surtout qu'elle avait caché ses longs cheveux noirs sous un chapeau blanc. Elle avait avancé que personne n'imaginerait Son Altesse Royale porter un accoutrement si ridicule. Quant à Duncan, on lui avait prêté des vêtements plus passe-partout que son typique uniforme de garde royal. Il conservait malgré tout une épée accrochée à sa ceinture, ce qui ne détonnait pas, puisque d'autres immortels ordinaires se baladaient avec.

— Peut... Peut-être que vous pourriez quand même trouver quelque chose qui vous plaît.

Lorsqu'il vivait à Fearghasdan, il suffisait qu'il rapporte un joli collier ou un beau bracelet à Lorna pour que ses yeux s'illuminent. Il en allait de même avec les autres jeunes filles qu'il avait brièvement fréquentées. Mais Isabella était habituée aux belles choses.

— Je ne pense pas, fit-elle en haussant les épaules. Mais si vous voulez, nous pouvons aller voir pour vous... Tiens, nous allons faire ça.

Elle frappa dans ses mains et se mit en marche d'un pas décidé. Surpris, Duncan mit quelques secondes avant de la rattraper.

— Je... Nous ne sommes pas là pour moi, je...

— Vous êtes ici tout autant que moi, le coupa-t-elle. Nous allons faire les magasins et voir ce qui pourrait vous plaire.

— Je ne veux pas que vous m'achetiez quoi que ce soit.

Et il était très sérieux. Déjà qu'au château, il portait des uniformes qui ne lui appartenaient pas, il refusait qu'elle lui paye autre chose.

La princesse s'arrêta brutalement et fit volte-face vers lui. Elle attendit que des badauds les aient dépassé, avant de lui lancer :

— Vous ne voulez pas que je vous prenne en pitié, c'est ça ? Pourtant, c'est exactement ce que vous faites avec moi.

Sa rudesse le toucha, mais il ne se laissa pas complètement ébranler.

— Je... Ça n'a rien à voir. Et je ne vous prends pas en pitié. Vous... Vous ne pouvez pas me reprocher de vouloir vous aider.

— Je pourrais vous rétorquer la même chose.

Il essaya de soutenir son regard, ce qui était un peu plus facile que d'habitude. Son large chapeau surmonté d'une plume lui ôtait toute crédibilité. Il fut cependant le premier à baisser les yeux et poussa un soupir. Cette conversation n'avait aucun sens.

— Hier, nous avions convenu que nous irions dans les moins beaux quartiers, reprit-il finalement. Allons-y.

Au moins, peut-être y serait-il davantage en terrain connu. Cela parut contenter Isabella, qui pivota sur ses talons.

— Dans ce cas, c'est par ici.

Elle le guida dans le dédale des rues, qu'elle connaissait comme sa poche. Elle les fit traverser un pont qui enjambait un large fleuve aux eaux noires. Quand ils arrivèrent de l'autre côté, Duncan remarqua que seuls de rares soldats circulaient. Les tenues des passants se faisaient aussi nettement moins raffinées. Personne ne s'encombrait d'ombrelles ou de chapeaux, ce qui rendait Isabella un peu plus remarquable. Elle dut y songer, car elle ôta son couvre-chef d'un geste brusque, puis libéra sa chevelure en agitant la tête.

— Personne ne me connaît, ici, assura-t-elle comme il la regardait d'un air perplexe.

Il ne chercha pas à la contredire et se laissa guider à travers des ruelles étroites et mal éclairées. Certaines tavernes, empestant l'alcool et le sang, lui rappelèrent la Frontière, tandis que des jeunes femmes accoudées aux fenêtres de quelques hôtels lui évoquèrent Fearghasdan. Même s'il pensait à elle tous les jours, il espéra une fois de plus que Lorna allait bien.

Comme ils erraient sans savoir quoi faire, Duncan proposa plusieurs fois à Isabella de visiter une boutique qui avait l'air à peu près respectable, ou un bar qui n'avait pas l'air trop mal fréquenté. Elle s'obstina à refuser, prétextant que tout allait être d'un ennui mortel.

Il était à deux doigts d'abandonner, quand ils longèrent une file d'attente à l'entrée d'une taverne. Les personnes présentes paraissaient impatientes, et quelques-unes s'enthousiasmaient en sautillant sur place. L'ancien loup repéra une banderole, accrochée sur le bâtiment, mais les mots inscrits dessus lui étaient inconnus.

— Vous... Vous savez ce qu'ils attendent ? demanda-t-il à la princesse.

Il espérait qu'elle ne lui rétorquerait pas de lire l'inscription...

— Un petit concert, apparemment. Le nom des musiciens ne me dit rien.

Duncan sentit un regain d'espoir naître en lui.

— Vous avez... l'air d'aimer la musique, non ? Peut-être que cela pourrait vous plaire ?

— Je doute que ce soit mon genre.

Les bras croisés, elle lui jeta un coup d'oeil. La mine qu'il affichait dû certainement lui faire pitié, puisqu'elle ajouta :

— Mais si vous y tenez, nous pouvons essayer. Dans le pire des cas, nous partirons.

Ne s'attendant plus à une réponse positive, le voleur acquiesça et se dirigea vers la fin de la file. Doubler tout le monde et s'imposer à l'entrée sembla démanger Son Altesse, mais elle le rejoignit en soupirant.

— Oh ! s'écria la jeune fille qui patientait devant eux.

Elle se mit à fixer Isabella en ouvrant de grands yeux et Duncan se raidit, persuadé qu'ils étaient démasqués.

— J'adore votre chapeau !

Elle désigna l'accessoire que la princesse tenait négligemment du bout des doigts.

— C'est vrai ? feignit-elle de s'émouvoir d'un grand air théâtral. Tenez, il est à vous !

Sans lui demander son avis, elle fourra le chapeau entre les mains de la jeune fille. Cette dernière l'attrapa maladroitement et écarquilla un peu plus les yeux.

— Mais... Mais je ne peux pas accepter, il doit coûter une fortune et...

— Oh, juste l'équivalent d'un mois de travail pour un meunier, l'interrompit Isabella avec un petit geste désinvolte. Une vraie broutille.

La jeune fille la fixa avec un mélange d'incrédulité et de scepticisme, avant de bafouiller :

— Merci, vous... Vous êtes un ange !

Pour toute réponse, Isabella haussa les épaules en lui adressant un petit sourire mutin. Quand la nouvelle détentrice du couvre-chef se détourna pour avancer dans la file, Duncan interrogea la princesse du regard.

— Quoi ? fit-elle, toute fière d'elle. J'en avais marre de tenir ce chapeau grotesque et cette fille le voulait. Tout le monde est content, non ?

Il ne sut quoi répondre.

Une fois les portes du bâtiment passées, ils durent encore patienter dans un petit vestibule, jusqu'à atteindre une salle de taille moyenne, remplie de tables et de chaises. Les lieux baignaient dans un éclairage jaunâtre, des bougies étant allumées un peu partout. L'endroit ne pouvait rivaliser avec le luxe du palais royal, mais Duncan l'estima tout à fait charmant, contrairement aux tavernes de basse condition sur lesquelles ils auraient pu tomber.

Il ne restait quasiment plus aucune place libre et toutes les tables pour deux étaient prises. L'ancien loup et la princesse durent donc compléter une table de six, située au fond, ce qui ne parut pas déranger Son Altesse. En revanche, lorsqu'un serveur muni d'un papier et d'un crayon s'approcha d'eux, elle esquissa une moue agacée.

— Je ne prendrai qu'un verre de sang, anticipa-t-elle avant qu'il ne dise quoi que ce soit.

— Même... Même chose pour moi, déclara Duncan quand le jeune homme se tourna vers lui.

À côté d'eux, peu de vampires commandèrent autre chose que de la simple hémoglobine, bien que des plats plus traditionnels soient proposés. Le voleur supposa que beaucoup n'avaient pas réappris à manger, ou qu'ils ne pouvaient se permettre de pareilles fantaisies inutiles à leur survie. Il devait avouer que la nourriture solide lui manquait un peu, toutefois cette privation ne durerait qu'un mois et demi de plus. Si Viktor ne t'a pas menti...

— Bon, commença à s'impatienter Isabella au bout de quelques minutes. Je croyais qu'il allait y avoir de la musique, quand...

Au moment où elle prononçait ces paroles, cinq jeunes hommes firent leur entrée sur une petite estrade, de l'autre côté de la salle. Ils furent immédiatement applaudis par la foule et s'inclinèrent respectueusement. L'un tenait un violon, un second une flûte, un autre se posa derrière un piano... Ce furent les seuls instruments que Duncan parvint à identifier, puisque les deux autres portaient une sorte de violon grand format, ainsi qu'une espèce de clairon sophistiqué.

Le silence se fit et ils commencèrent à jouer une mélodie plutôt entraînante. Personne ne parlait ou ne pensait à boire, tous étant captivés par les notes qui s'élevaient dans les airs. Chaque fois qu'un morceau se terminait, des applaudissements retentissaient et les musiciens affichaient de petits sourires timides et reconnaissants.

Les sons de leurs instruments s'harmonisaient à merveille et chacun savait parfaitement à quel moment jouer. Les mélodies ne ressemblaient à rien de ce que Duncan avait déjà entendu, mais il les trouva assez plaisantes. Les morceaux se faisaient de plus en plus entraînants à mesure que le spectacle avançait. L'un des musiciens encouragea même le public à frapper dans ses mains au rythme de la musique, ce que la foule ne se gêna pas pour faire. Certains se levèrent et dansèrent gentiment sur place, se laissant emporter par l'ambiance joyeuse créée par le groupe.

De temps à autre, l'ancien loup jetait des coups d'oeil discrets à Isabella. Au début, elle avait eu du mal à se départir de son air ennuyé, mais plus les morceaux s'enchaînaient, plus une douce étincelle prenait vie dans son regard. Elle ne détachait pas les yeux des musiciens, comme hypnotisée par ce qu'ils jouaient. Les mélodies n'avaient pourtant rien à voir avec celles qui résonnaient lors de ses étranges fêtes, or cela ne semblait pas lui déplaire.

Au terme du morceau final, elle applaudit gaiement le groupe. Ils s'inclinèrent et remercièrent le public pendant un long moment, ayant droit à une ovation.

— C'est très gentil d'être venus ! conclut le violoniste avec un immense sourire. Nous vous donnons rendez-vous dans trois jours, ici même !

De nouvelles clameurs s'élevèrent, puis se tarirent quand les musiciens quittèrent la scène. Un serveur se mit à circuler en tenant un petit panier, dans lequel les clients lancèrent quelques pièces. Duncan devina que l'argent reviendrait aux jeunes hommes. La princesse y versa des pièces d'or, ce qui fit écarquiller les yeux de l'employé.

— Me... Merci, mademoiselle, bafouilla-t-il. N'hésitez pas à revenir voir les Dorémi Horizons la prochaine fois, ils viennent toujours dans notre taverne.

— Avec plaisir, répondit-elle en se levant.

Pour une fois, elle avait l'air sincère.

Quand elle et son garde sortirent dans la rue, son pas se faisait plus léger qu'avant leur entrée.

— J'avoue que ce n'était pas trop mal, commenta-t-elle. Leurs instruments manquaient parfois un peu de justesse, mais j'imagine qu'ils font avec les moyens du bord...

Les oreilles de Duncan, trop novices dans le domaine musical, ne l'avaient pas remarqué.

— Nous... Nous y reviendrons donc la prochaine fois, si vous le voulez bien ? tenta-t-il avec une pointe d'appréhension.

En dépit de ce qu'il croyait, peut-être avait-elle menti au serveur ? Elle sembla hésiter quelques secondes, puis acquiesça après avoir brièvement regardé le soldat.

— J'avais pensé y amener Daniel, mais puisque vous vous incluez dans le projet...

Duncan manqua de trébucher, se rendant soudain compte de sa maladresse. Il avait clairement employé "nous" au lieu de "vous".

— Je... Vous pouvez y aller avec Daniel, je...

Isabella éclata d'un petit rire cristallin.

— Je plaisantais ! Vous êtes si facile à piéger que c'en est trop tentant !

Cette remarque le fit se renfrogner. Facile à piéger... Était-ce ce que Viktor avait fait, en le transformant ? Toutefois, même s'il risquait peut-être de rester un immortel pour l'éternité, il ne pouvait pas nier que le vampire l'avait aidé. Duncan était devenu garde royal et passait désormais du temps avec la princesse. Viktor avait plus ou moins respecté sa part du marché, alors pourquoi le voleur ne ferait-il pas de même ?

Un sentiment de culpabilité l'envahit à cette pensée. En ne faisant quasiment rien pour retrouver la théière, il manquait à sa parole. Et cela n'était pas dans ses habitudes. Mais ne tromperait-il pas Isabella en lui dérobant un objet ? Tu as le don de te mettre dans des situations impossibles, se morigéna-t-il.

— Et... Et vous ? demanda Son Altesse. La musique vous a plu ?

Le minuscule manque d'assurance dans sa voix le troubla. Craignait-elle de l'avoir vexé ?

— Je... Je n'y connais pas grand-chose, mais... Ce n'était pas déplaisant.

Il avait dû plus marmonner qu'il ne le pensait, car elle baissa la tête, ne l'ayant sûrement pas compris.

— J'ai bien aimé, ajouta-t-il d'une voix qu'il espérait plus claire.

Elle esquissa ce qui s'apparentait à un vrai sourire, sans qu'il ne soit empreint d'espièglerie. Bien qu'il ne batte plus, le coeur de Duncan se gonfla.

Ils s'éloignèrent des ruelles pour longer le fleuve en silence. Le cocher leur avait donné rendez-vous là où il les avait déposés, et il leur restait un peu plus d'une heure devant eux. Cela leur permettait de prendre leur temps avant de traverser le pont et revenir dans les beaux quartiers de la ville.

Après avoir passé de longues semaines au fond des clubs de combats de la Frontière, puis avoir été enfermé dans le palais, l'ancien loup appréciait cette promenade au grand air. Des relents du fleuve venaient certes parfois chatouiller ses narines, mais il lui en fallait plus pour le déranger. La pleine lune brillait haut dans le ciel, et il se surprit à n'éprouver aucun regret. Pour le moment, sa condition de loup ne lui manquait pas tant que ça. Il se sentait bien mieux ainsi, en compagnie d'Isabella, plutôt qu'à gambader dans les montagnes.

La princesse s'apprêtait à dire quelque chose, quand un craquement se fit entendre sur leur droite, derrière un bosquet. Avant même que Duncan n'ait le temps de tourner la tête, trois silhouettes drapées de noir surgirent devant eux.

— Levez les mains en l'air ! cria une voix masculine. Ne bougez pas et tout se passera bien !

Un lointain réverbère éclairait les lames de leurs poignards en bois, légèrement émoussées. Sous le coup de la surprise, l'ancien loup faillit exécuter l'ordre, avant de se rappeler que lui aussi était armé. Et que par-dessus tout, il était dorénavant le garde du corps de la princesse.

— Franchement, vous pourriez faire plus original, répliqua cette dernière.

Sans laisser le temps à quiconque – pas même à Duncan – de réagir, elle dégaina l'épée accrochée à la ceinture du soldat, puis bondit sur leurs assaillants.

La scène se déroula de manière si accélérée que le jeune vampire peina à suivre. Il vit simplement une tornade blanche tourbillonner autour des trois immortels, qui ne tardèrent pas à pousser des rugissements de douleur. Des chocs sourds de lames en bois et des suintements écoeurants s'y ajoutèrent, puis la silhouette immaculée s'arrêta d'un coup.

À ses pieds gisaient trois cadavres, qu'elle avait poignardés en plein coeur avec leurs propres armes.

Duncan vit la poitrine d'Isabella se soulever frénétiquement, pareil à si elle était essoufflée... ou comme si elle sanglotait. Néanmoins, quand elle releva les yeux pour croiser son regard ébahi, aucune émotion ne l'habitait.

On aurait dit qu'elle venait d'écraser trois fourmis.

— Pas besoin de se donner la peine de jeter les corps, ils brûleront au lever du soleil, lança-t-elle d'une voix dénuée de tremblements.

Elle essuya la lame de l'épée sur l'un des cadavres, avant de la rendre à Duncan. Celui-ci ne s'en empara pas tout de suite.

— Co... Comment avez-vous...

— Simple question d'habitude, le coupa-t-elle en haussant les épaules.

Son apparent détachement le sidérait.

— Mais ils n'étaient peut-être pas mauvais, nous ne connaissions pas leurs... Leurs motivations...

Cela aurait pu être moi, se répétait-il bêtement. Lorsqu'il volait, il ne s'en prenait jamais directement aux gens, mais il ne pouvait pas prétendre valoir tellement plus que ces bandits.

— La vie m'a appris à ne pas hésiter, répondit-elle un peu durement. Quand on vous attaque, vous ripostez avant qu'il ne soit trop tard.

Elle ne le regarda pas en face en prononçant ces mots. L'ancien loup crut malgré tout percevoir une brève tristesse voiler ses yeux océan.

— Désolée d'avoir fait votre travail, reprit-elle quand il se décida à attraper l'épée. Loin de moi l'envie de vous montrer que vous êtes inutile...

Duncan ne parvint à saisir si elle ironisait ou pas. Quoi qu'il en était, elle ne tarda guère à reprendre sa route, les poings serrés. Le jeune vampire demeura interdit encore quelques instants, avant de finir par la rattraper. Par chance, les bords du fleuve étaient presque déserts et il doutait que quelqu'un les ait vus. Autrement, les voleurs ne les auraient pas abordés.

Tandis qu'ils cheminaient jusqu'au pont, Duncan ressassa les paroles d'Isabella. Qu'avait-elle vécu pour en arriver là ? Comment sa propre mort et celle des autres avaient-elles pu lui devenir si... banales ?

Peu importe ce qu'elle disait, il était à peu près sûr d'une chose : il ne lui était pas si inutile que cela.

Ou du moins, il allait tout faire pour que ce ne soit pas le cas.

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