Chapitre 15 - L'inauguration
Isabella s'ennuyait à mourir.
Cela ne faisait qu'un quart d'heure qu'elle était arrivée sur le lieu des festivités, mais cela représentait déjà un quart d'heure de trop. Si elle s'était écoutée, elle serait restée dans sa chambre ou son bureau, occupée à surveiller les comptes du royaume. Un intendant était chargé de cette tâche, cependant elle préférait garder un oeil sur ce genre d'affaires. Bien que le roi ait parfois du mal à en prendre conscience, l'aspect financier de la gestion du royaume ne constituait pas un "détail"...
Or voilà qu'elle se retrouvait à perdre du temps entre les murs d'une bibliothèque. On ne pouvait pas dire que les travaux lancés par son père soient un échec : même si elle n'appréciait guère cet endroit, elle devait bien reconnaître qu'il était splendide.
Des milliers de livres colorés s'alignaient sur des étagères spectaculaires, qui épousaient la forme circulaire de la pièce. D'autres rayonnages s'éparpillaient un peu partout, créant des petits salons de lecture aux élégants sièges en tissu. Les bougies créaient une ambiance chaleureuse et réussissaient presque à faire oublier l'entêtante odeur de matériaux, ainsi que celle de la peinture fraîche.
Tous ces éléments seraient parfaitement banals sans la cerise sur le gâteau : l'immense dôme de verre qui servait de plafond. C'était pour lui que Sa Majesté avait entrepris des travaux si faramineux. Il y a quelques années, il avait formulé le souhait de pouvoir profiter d'une bibliothèque qui soit quasiment à ciel ouvert. Les plus grands architectes du royaume avaient alors tout fait pour exaucer son voeu. Et le voilà réalisé.
Des dizaines de convives s'émerveillaient entre les allées, une flûte de sang à la main. Gare au malheureux qui s'aventurerait à faire tomber de l'hémoglobine sur les livres, car des soldats surveillaient les faits et gestes de tout le monde.
La princesse avait beau chercher, elle ne voyait pas l'intérêt de célébrer l'inauguration d'une bibliothèque, aussi belle fut-elle.
Adossée à une étagère, elle était occupée à fixer une chandelle, quand son père la trouva.
— Te voilà, fit-il en arrivant à sa hauteur. Alors, qu'en penses-tu ?
D'un grand geste, il désigna le dôme de verre, tout en tenant élégamment sa coupe de champagne. Pour l'occasion, il avait sorti l'une de ses très fines couronnes dorées, qui se confondait à merveille avec ses cheveux. Comme il paraissait sincèrement attendre son avis, Isabella haussa les épaules.
— Ce n'est pas trop mal, je dois l'avouer. Mais tu aurais vraiment dû me laisser peindre au plafond un ciel étoilé, je suis sûre que j'en aurais été capable. Cela aurait évité toutes ces dépenses inutiles...
— Les dépenses inutiles ne sont-elles pas les plus amusantes ? répliqua-t-il avec un petit sourire.
Il paraissait toutefois déçu par sa réaction. Un silence s'installa et il but une gorgée de son verre pour donner le change. Isabella se sentit aussitôt coupable, sachant très bien à quel point cet endroit comptait pour lui.
Les livres étaient l'une des principales passions de son père. Au cours des dix dernières années, l'attention qu'il y portait n'avait cessé de croître. Ils représentaient pour lui un moyen de s'évader et surtout, d'oublier ce qu'il avait enduré pendant presque un siècle... Après avoir été enfermé si longtemps dans une minuscule geôle sur la Terre des Loups, cette bibliothèque à ciel ouvert constituait le symbole de sa liberté.
Et Isabella venait de tout gâcher... Même en ne faisant aucun effort, tu trouves toujours le moyen d'être détestable, songea-t-elle avec amertume. Elle réalisa aussi que si elle avait sauté de son balcon deux nuits plus tôt, elle aurait ruiné cette inauguration et empêché le roi de profiter de cet endroit tant souhaité.
— Je sais que tu n'apprécies pas vraiment les livres, mais j'ai commandé des ouvrages pour que nous ayons un rayon spécial consacré à l'art. Certains parlent de l'évolution de la peinture au fil des siècles, d'autres de techniques de soi-disant grands peintres... Non pas que tu aies besoin de t'améliorer, ajouta-t-il avec empressement. Je me suis juste dit que ça pourrait t'intéresser.
La princesse ressentit un pincement au coeur. Il essayait toujours de lui faire plaisir, peu importe qu'elle ne lui rende pas souvent la pareille. La peinture était l'une des seules activités qu'elle appréciait. Lorsqu'elle était plus jeune, elle trouvait cela fascinant de se vider la tête en étalant ses pensées sur une toile. Désormais, la passion l'avait quelque peu quittée, et rares étaient les fois où ses créations la satisfaisaient.
— J'irai jeter un coup d'oeil, lui promit-elle. Je ne...
Je ne vois pas vraiment en quoi des livres peuvent apprendre à peindre, allait-elle dire. Mais elle s'interrompit, n'ayant pas le coeur à jouer les enfants gâtés et blasés. C'était pourtant ce qu'elle était, néanmoins son père ne méritait pas de supporter toutes ses piques.
— Tes gardes ont aussi l'air de s'ennuyer, lui fit-il remarquer. Les pauvres, je me sentirais presque coupable...
Il lui désigna Daniel et Duncan, qui se tenaient près d'un mur recouvert de livres. Le premier affichait le même air impassible que les autres soldats, tandis que le second jetait des coups d'oeil inquiets au plafond. Craignait-il que le verre se brise et leur tombe sur la tête ?
— Le brun est plutôt pas mal, non ? observa le roi en buvant de nouveau. C'est son petit côté "sauvage" qui m'a convaincu de l'engager...
Isabella se tourna vivement vers son père. L'intérêt avec lequel il regardait Duncan lui déplut, sans qu'elle ne sache vraiment pourquoi. D'ordinaire, elle se moquait bien des multiples bellâtres ou poupées de porcelaine dont il s'amourachait, cependant...
— Je ne pense pas que tu l'intéresses. Je l'ai entendu parler d'une soi-disant "jolie réserviste" avec Daniel, mentit-elle en faisant mine d'inspecter ses ongles.
— Ça ne veut rien dire, contra le roi en continuant à le fixer. Il pourrait très bien être aussi attiré par...
— Je ne pense pas, le contredit-elle un peu trop brusquement.
Son père reporta son attention sur elle et afficha un nouveau petit sourire.
— Très bien, abdiqua-t-il avec une innocence toute feinte. Je te le laisse...
Isabella leva exagérément les yeux au ciel, comme si elle se moquait de ce qu'il disait. Bien que ce genre de conversation soit fort peu coutumier dans les autres familles, elle était habituée à échanger ces taquineries avec son père. En général, elle était la première à s'en amuser. Toutefois, pour une raison qui lui échappait, elle abhorrait l'idée qu'il puisse être intéressé par Duncan.
Quelques heures plus tôt, ce dernier s'était encore réveillé au pied de son lit. Même si elle avait tenté de lui prouver l'inutilité de sa présence, il n'avait rien voulu savoir. Et en un sens, la princesse en avait été... touchée.
Le voir arriver juste avant le lever du soleil ne l'avait pas autant exaspérée qu'elle ne voulait bien l'avouer. Ils avaient échangé quelques banalités, puis s'étaient endormis. À son réveil en début de nuit, Isabella s'était sentie plus reposée et apaisée que d'ordinaire, comme si sa présence près d'elle agissait sur son sommeil.
Pour la forme, elle l'avait tout de même houspillé d'une ou deux remarques, prétendant par exemple qu'il ronflait.
— De toute façon, je suis déjà occupé par une affaire bien intrigante... J'apprécierais avoir ton avis.
D'un signe de tête, il lui indiqua de la suivre. Ils évoluèrent lentement dans les allées, le roi paraissant à la recherche de quelqu'un. Il s'arrêta à l'angle d'une étagère et lui désigna discrètement une vampire, qui se tenait à une vingtaine de mètres d'eux.
— C'est l'une de mes nouvelles réservistes, elle est arrivée il y a un peu moins de deux semaines. Je l'ai abordée lors d'une petite soirée à laquelle tu n'étais pas présente.
Hormis les grands événements majeurs, Isabella préférait éviter les festivités organisées par son père. Elles étaient généralement aussi ennuyeuses et monotones que cette inauguration.
La jeune femme qu'il observait se tenait debout à côté d'un petit fauteuil vide. Comme elle était de dos, ils pouvaient admirer les délicates boucles châtaines qui y tombaient en cascade, ainsi que ses formes impeccablement moulées par sa robe. Ce dernier détail ne paraissait pas avoir échappé à Sa Majesté.
— Elle m'a semblée tout à fait charmante, mais un détail me turlupine, ajouta-t-il.
Isabella fronça les sourcils. En général, quand une personne l'intéressait, il ne se préoccupait pas de "détails" avant de la ramener dans sa chambre...
Il partit dans une autre direction, encore en quête d'un inconnu. Il ne tarda pas à lui montrer un jeune homme, occupé à déguster une coupe de sang avec d'autres immortels.
— Il est arrivé en même temps que la fille de tout à l'heure.
La princesse trouva le physique de l'intéressé assez quelconque. Toutefois, avec ses courts cheveux bruns, son regard sombre et son petit sourire suffisant, il était exactement le genre de son père.
— Laisse-moi deviner, tu ne sais pas lequel choisir ? fit-elle en croisant les bras. Ou mieux encore, ils sont ensemble et tu n'oses pas briser leur petit couple ? Je ne te connaissais pas tant de scrupules...
— Eh bien, justement, je n'en sais rien, répondit-il en haussant les épaules. Leur père me les a livrés en me laissant une lettre, dans laquelle il prétend qu'ils entretiennent une relation depuis des années.
— Leur père ? répéta-t-elle, croyant avoir mal compris.
— Ils seraient demi-frère et demi-soeur.
Heureusement qu'elle n'était pas en train de boire, autrement elle se serait étouffée. En plus d'un millénaire d'existence, ce n'était pas la première histoire dérangeante qu'elle entendait, néanmoins...
— Lorsque j'ai parlé à la demoiselle, j'ai habilement abordé le sujet du jeune homme avec lequel elle était arrivée. Elle m'a assuré qu'ils ne se connaissaient absolument pas.
Isabella ne savait qu'en penser.
— Et toi, tu as décidé de mener ta petite enquête, en déduisit-elle face à l'air espiègle de son père. Si ce que dit cette lettre est vrai, tu ne trouves pas cela dégoûtant et malsain ?
Loin d'elle l'envie et encore moins la légitimité de lui faire la morale. Or cette histoire restait bien morbide.
— Uniquement si c'est vrai, répondit-il. Tout cela m'intrigue et la demoiselle semble assez réceptive à mes avances. Je suis malgré tout plus intéressé par le jeune homme, mais je ne sais pas encore si je suis son genre... En cherchant à découvrir leur potentiel secret, peut-être que je saurais si j'ai mes chances avec lui ?
— Prépare-toi à être déçu, le prévint-elle en levant les yeux au ciel.
Même s'il avait parfois tendance à l'exaspérer – ce qui devait d'ailleurs être réciproque – le voir avec un tel entrain la rassurait. Au moins trouvait-il encore un certain goût à la vie...
— Oh tiens, ton nouveau garde semble avoir fait la connaissance de Martha.
Ce brusque changement de sujet la surprit et elle tourna la tête de tous les côtés, à la recherche de Duncan. Lui et Daniel les avaient suivis en maintenant une certaine distance. Près d'une étagère remplie de livres rouges, ils conversaient avec une magnifique femme blonde. Grâce à sa longue robe aux motifs fleuris, on aurait pu la croire revenue d'une promenade campagnarde. Il s'agissait pourtant de la cheffe du clan Fegari, l'un des plus importants du royaume.
Martha était l'une des rares personnes qu'Isabella appréciait sincèrement. Elle lui avait témoigné une loyauté sans failles au cours des trente dernières années, et ne possédait pas de manières horripilantes. De plus, à sa connaissance, elle n'avait jamais couché avec son père, ce qui conférait toujours une qualité...
Elle abandonna le roi pour se rapprocher du petit groupe. À son approche, Martha se retourna et afficha un grand sourire.
— Bonsoir, Votre Altesse, la salua-t-elle. J'ai déjà eu l'occasion de le lui dire, mais votre père a vraiment frappé fort avec cet endroit. Tout est splendide !
Dans la bouche de n'importe qui d'autre, ces compliments auraient sonné faux et forcés. Or Isabella savait la cheffe de clan sincère. Elle était consciente de ce que cet endroit représentait pour le roi.
— Ce n'est pas si mal, admit la princesse. Il y a juste un peu trop de livres...
Martha rit doucement, imitée par Daniel. Seul Duncan ne savait trop comment réagir.
Isabella et la cheffe de clan discutèrent pendant quelques minutes, avec des interventions ponctuelles de Daniel. La liberté affichée par ce dernier paraissait surprendre son collègue, qui n'osait piper mot. S'il savait tout ce que le trio avait affronté ensemble...
Martha et Daniel finirent par aller chercher des boissons, laissant Isabella et Duncan seuls.
— Avouez que mes soirées sont plus amusantes que les réceptions de mon père, lui lança-t-elle avant qu'un silence ne s'installe.
Il esquissa une grimace.
— Sans... Sans vouloir vous vexer, je ne trouve ni vos fêtes, ni celles de Sa Majesté, très divertissantes.
— Vous ne trouverez malheureusement pas mieux au palais...
Il ne répondit pas tout de suite. Du coin de l'oeil, elle le vit prendre une lente inspiration, comme pour se donner du courage.
— Est-ce... Est-ce que cela vous arrive de sortir d'ici, de temps en temps ?
Un peu surprise, elle se tourna vers lui pour tenter de croiser son regard, or celui-ci se faisait fuyant.
— Eh bien... Parfois.
À vrai dire, elle ne quittait l'enceinte du château qu'en de très rares occasions. Certes, elle effectuait quelques visites sur les territoires des différents clans, mais pas plus de deux ou trois fois par an. Le palais était un petit monde à lui tout seul, où elle avait pris l'habitude d'évoluer. Avec le temps, il lui semblait néanmoins que cet endroit l'étouffait de plus en plus...
— Vous n'aimeriez pas... aller quelque part, un de ces jours ? bredouilla-t-il en regardant autour d'eux.
Sûrement craignait-il que quelqu'un les entende. Isabella, elle, ne regardait que lui. Est-il vraiment en train de...
— Vous m'invitez à sortir ? lui demanda-t-elle, stupéfaite.
Il sursauta, frappé par sa franchise. La princesse prenait un malin plaisir à déstabiliser les gens ainsi.
— Euh... Non, enfin... Vous n'aimeriez pas vous... changer les idées ? hésita-t-il en se grattant la nuque.
Isabella soupira. Elle détestait être prise en pitié. Après ce à quoi il avait assisté, il devait se sentir le devoir de la distraire, de lui prouver que l'existence valait la peine d'être vécue, ou elle ne savait quelles absurdités de ce genre...
— Quand je vous dis que vous avez le syndrome du sauveur, marmonna-t-elle.
— Je... Ça n'a rien à voir, s'empressa-t-il de lui affirmer. C'est juste que...
Elle planta ses yeux dans les siens pour le confronter, attendant qu'il lui exprime le fin fond de sa pensée. Pourquoi diable s'embêtait-il à s'occuper d'elle ?
— Plus je passe du temps ici, plus je... Plus je comprends qu'à force, on puisse avoir envie de...
Il ne termina pas sa phrase et la princesse retint un autre soupir. Il s'imaginait simplement que sa vie d'Altesse Royale l'ennuyait. Il la prenait sans doute pour une pauvre petite fille pourrie gâtée, prise de grands élans dramatiques. Cela n'était pas si loin de la vérité, il fallait le reconnaître. Mais s'il connaissait toutes les autres raisons...
L'envie de refuser afin de le vexer la tenailla. Lors de sa dernière fête, avoir poussé à bout le contrôle de sa soif de sang n'avait pas suffi à le dégoûter d'elle. Peut-être qu'à force, le repousser et lui tenir tête finirait par le lasser ?
Toutefois, une minuscule part d'elle ne souhaitait pas qu'il la déteste. Et elle se haïssait pour cela.
Elle savait très bien comment les choses finiraient pour lui, pourtant elle ne faisait pas tout pour le tenir éloigné. Venir jusqu'ici avait sûrement déjà brisé la vie de ce pauvre fou. La veille, elle n'avait pas voulu insister, mais elle savait qu'aucun "sérum" de transformation temporaire n'existait. S'il était devenu un vampire, c'était de manière définitive. Et aussi insensé que cela pouvait paraître, il avait fait tout cela... pour elle.
Au point où il en était, elle pouvait difficilement lui faire plus de mal, si ? Tu sais très bien de quoi tu es capable, lui rappela une petite voix. Elle décida de l'ignorer.
— À quel genre de sortie pensez-vous ? s'enquit-elle un peu rudement.
Un doux éclat s'alluma dans ses yeux bleu-vert et il redressa la tête.
— Euh... Nous pourrions commencer par la capitale, non ? C'est juste à côté d'ici et... Il doit bien y avoir quelques ani... animations ?
Bien que la ville soit à moins de cinq lieues d'ici, la princesse n'y allait quasiment jamais. Mendoza n'était pas particulièrement distrayante, mais elle n'avait pas envie d'aller plus loin.
— Si cela peut vous faire plaisir, nous irons, concéda-t-elle en affichant un air blasé. Mais je vous préviens, les rues sont sales et les gens sentent mauvais.
— J'imagine qu'il doit bien y avoir des beaux quartiers...
— On s'y ennuie encore plus qu'au palais, alors autant rester ici.
— Dans ce cas, nous irons dans les... moins beaux quartiers, décréta-t-il calmement.
Sa patience l'impressionnait. Ne s'agaçait-il donc jamais ?
— Vous allez être déçu, le prévint-elle.
Il se contenta de hausser les épaules. Elle s'apprêtait à lui fixer un rendez-vous pour le lendemain, quand elle se rappela qu'il tiendrait sûrement à dormir dans sa chambre.
Martha et Daniel revinrent bientôt avec des boissons. Isabella annonça à son garde sa prochaine sortie, et celui-ci afficha un air sceptique.
— Vous tenez vraiment à y aller seule avec Duncan, Votre Altesse ?
Lorsqu'elle prenait congé de Daniel – qui était aussi l'un de ses plus proches amis – c'était généralement pour faire des bêtises.
— Absolument, affirma-t-elle de sa petite voix légère. De toute façon, je ne pense pas que nous nous éterniserons. Cela promet déjà d'être aussi ennuyant que cette inauguration.
Au fond d'elle, quelque chose lui disait que cette sortie ne serait peut-être pas aussi décevante que ce qu'elle croyait...
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