2. Bonnie

C'est le jour de la rentrée.

Le soleil d'été est encore bien présent en ce début septembre.

Les deux mois de vacance n'ont pas été de tout repos pour moi.

Je me suis faite larguer par mon petit ami début juillet.
Cela faisait six mois que nous étions ensemble.

Certes, ce n'est pas une longue relation mais quand on a seize ans c'est la fin du monde.

La matinée est passée assez vite.
Entre les retrouvailles avec les copines et les ragots de l'été, je ne l'ai pas vu passer.

Il est midi quand je rejoins mon amie Lili pour le dîner.

Nous nous asseyons sur un petit muret d'où l'on peut voir toute la coure du lycée pour dévorer nos sandwichs.

Nos discussions futiles tournent principalement autour des cours et de nos nouveaux professeurs.
Rien d'autre. 

Lili a assez entendu mes lamentations durant ces deux derniers mois.
Mon regard est perdu dans le vide quand je l'aperçois.

Mes yeux ont été comme attirés vers lui.

Ce n'était pas un top model. 

Il était tellement plus que ça.

Tellement plus intriguant et énigmatique.

Il traversait la coure avec une confiance en lui et une nonchalance déconcertante. 

Presque agaçante.

Une large veste en cuir marron retombe avec négligence sur ses larges épaules.

Son jean, bien trop large pour lui, a un effet usé.

-C'est qui lui ? Ai-je vraiment demandé ça tout haut ?

- J'en sais rien, un nouveau sûrement ! Répond Lili la bouche pleine.

Le temps de midi passe et je ne peux faire autrement que de l'observer.

Il m'intrigue mais je ne sais pas très bien pourquoi.

Enfin, si je le sais.

Il m'attire tout simplement.

Quelques heures plus tard et après un après-midi interminable, garni des cours les plus assommants qui soit, la sonnerie de 16 h retentit enfin.

Malgré tout, je traîne le pas.

Je n'ai pas envie de rentrer chez moi.

Depuis le divorce de mes parents, deux ans plus tôt, ma mère s'est casée avec un bon à rien qui prend un malin plaisir à envahir mon espace personnel. Le simple fait de savoir que je vais le retrouver allongé dans le canapé avec ma mère à ses petits soins me met le moral à zéro.

Juste le temps d'embrasser tendrement ma mère, d'adresser un demi-sourire à la sangsue qui vit à ses crochets et je me refugie dans ma chambre.

Impatiente d'être à demain pour revoir le mystérieux nouvel élève, la seule personne qui m'ai apporté du baume au cœur depuis bien longtemps.

***

Nous sommes vendredi.

Dernier jour de la semaine, dernière heure de cours. 

Pour finir la semaine en beauté, le dernier professeur de la journée est absent.

Nous allons donc avoir une heure d'étude avant de pouvoir rentrer chez nous.

Étude : épreuve ennuyante durant laquelle un élève doit s'occuper en faisant le moins de bruit possible afin de ne pas déranger le pauvre professeur désigné pour les surveiller en perdant à la courte paille.

Heureusement pour moi, une surprise pointe le bout de son nez.

Mon mystérieux inconnu a lui aussi une heure d'étude.

Je suis dans tous mes états, même si j'essaie de ne pas le montrer.

Je m'installe à côté de Lili et lui, prend place deux rangées devant nous. Tant mieux, je pourrais admirer ses larges épaules sans qu'il s'en aperçoive.

Enfin, c'est ce que je pense jusqu'à ce qu'il se retourne.

Prise sur le fait !

Il emprisonne mon attention de son regard perçant et je ne peux plus détacher les yeux de son influence.

Il m'adresse un sourire en coin et les secondes se changent en minutes.

Une fois qu'il nous tourne le dos, je reprends mes esprits et décide de me replonger dans le devoir de français posé devant moi.

À ce moment là, une boule de papier atterrit sur mon bureau.

Je l'ouvre et lis :

« Qu'est ce que tu fais ce soir ? »

Je lève la tête pour savoir qui est le messager et je vois le nouvel élève me fixer discrètement avec un grand sourire.

Je rêve ou je l'intéresse aussi ?

Je réponds aussitôt à sa question et lui renvoie la boule de papier.

De toute façon, il n'y pas beaucoup de lieux où s'amuser le vendredi soir dans le coin. Tout le monde va au même endroit, surtout ceux qui ne veulent pas aller trop loin.

C'est ainsi qu'à la fin de l'étude, nous échangeons nos numéros et que le soir même nous nous retrouvons au « Silver », une mini boîte de nuit.

Il ne m'a pas adressé un mot, mais j'ai eu droit à  quelques petits regards furtifs et des sourires qui me font rougir.

On se cherche.

J'aime ça.

Cette sensation de plaire.

Au lycée, c'est la même chose. Nous nous cherchons du regard dès que nous en avons l'occasion.

Rapidement, nous échangeons des sms, puis nous parlons pendant de longues heures, le soir sur internet.

Plus je le connais, plus je le trouve intriguant.

Enfin nous décidons de nous voir en dehors du lycée.

Nous nous donnons rendez-vous dans un petit snack pour manger un morceau.

Ensuite, il m'emmène boire un verre dans un bar branché.

Plus l'après-midi se passe, plus il se dévoile un peu.

Il reste toujours très évasif sur son passé amoureux et sa vie en générale d'ailleurs. Je sais juste qu'il a beaucoup souffert et qu'il ne veut plus que cela se reproduise.

Il a été très clair, les relations sérieuses sont prohibées. 

Il ne donnera pas sa confiance.

J'aurais dû fuir. 

N'importe quelle personne censée l'aurait fait.

S'intéresser à un garçon comme lui revenait à foncer droit dans un mur.

Et pourtant...

Je me sentais si bien.

Je n'avais pas peur.

En fin d'après-midi, il décide de m'emmener chez lui pour me montrer sa collection de films.

Je suis en admiration devant ces trésors du septième art.

- Tu peux en emprunter autant que tu le souhaite, me dit-il 

- C'est gentil, dis-je en me retournant vers lui

Il s'avance vers moi. 

Il est si grand que j'ai mal à la nuque quand je le regarde.

Il pose ses deux mains sur mon visage et m'embrasse délicatement.

Très rapidement, le baisé s'approfondit et devient presque animal.

Sans que je sache comment, je me retrouve allongée sur son lit, sous le poids de son corps qui m'étreint.

Il ne se contente pas de toucher seulement  les atouts féminins que voient la plupart des hommes.

Ses mains et ses lèvres parcourent chaque parcelle de mon être.

Chaque caresse est un hymne à la sensualité.

Je sais que je devrais me lever et fuir, mais je n'en ai aucune envie. 

Il a était franc avec moi.

Je décide de l'assumer.

Assumer cette acte qui sera sans conséquence. 

Assumer cette aventure sans lendemain.

Me laisser aller.

Je me paye ce luxe !

Nos ébats durent des heures, je n'ai plus de souffle.

Je meurs de soif.

Et je suis bien, tout simplement bien.

Comme il est tard, il me raccompagne chez moi.

Quand je rentre, ma mère et son Don Juan m'attendent de pieds ferme pour me passer un savon vu l'heure à laquelle je suis rentrée.

Mais je m'en fiche.

Tout me semble dérisoire.

Le lendemain, alors que je suis persuadée de ne plus avoir de nouvelle de lui, je reçois un message sur internet.

Il m'invite à venir voir un film chez lui.

Je ne suis pas dupe, je sais très bien ce qu'il veut. Et c'est d'ailleurs pour cette raison que j'accepte.

Sans remord.

Nous continuons à nous voir régulièrement, si bien que nous décidons d'établir des règles.

La première : Nous nous voyons seulement si nous sommes célibataires tous les deux. Pas question de faire souffrir quelqu'un.

La deuxième : Nous n'en parlons à personne. C'est notre secret, ça nous appartient.

La troisième : toujours être franc l'un envers l'autre. Pas de mensonges, pas de promesses, donc pas de déceptions.

Les moments avec lui sont de plus en plus intenses.

Nous nous connaissons par cœur aussi bien physiquement que mentalement. 

Nous nous voyons également de plus en plus souvent. Le mercredi après-midi, après les cours. Et puis un jour, après un désaccord avec sa famille, il emménage avec un colocataire à quelques rues de chez moi. Je passe mes weekends chez lui. 

Au fil du temps, il m'est devenu indispensable. 

Comme un échappatoire.

Je peux lui parler de tout. Il me conseille, me donne son avis et même si parfois ces mots sont durs, il ne me cache rien, il me dit la vérité même celle que je ne veux pas entendre.

Ces gestes sont toujours très tendres.

Dès que nous sommes seuls, il enlève sa carapace de mec maudit pour être d'une douceur infinie.

D'ailleurs, il me fait toujours la bise quand je rentre dans son couloir, mais je sais très bien comment nos lèvres vont finir.

Parfois, nous restons de longues minutes sans parler.

Juste le fait d'être près de lui m'apaise.

Il est le bonbon sucré quand la vie devient trop amère.

Quand je suis avec lui plus rien n'a d'importance.

Nous ne sommes pas en couple mais nous ne sommes pas des amis non plus.

Nous ne sommes pas là pour faire plaisir à l'autre,  nous sommes là, égoïstement pour se faire du bien à soi. C'est ce qui en fait une relation si spéciale et si honnête.

Notre relation dure 3 ans.

Évidemment, entre-temps il arrive que nous soyons en couple avec d'autres personnes.

Mais cela ne marche jamais, et nous revenons toujours l'un vers l'autre.

Même si nous restons des mois sans nous voir, notre relation reste la même.

Toujours intense, secrète mais très respectueuse.

Jamais de coups bas et surtout pas de mensonge ni de trahison.

Malgré tout ce temps, je ne suis jamais tombée amoureuse de lui.

J'ai toujours admiré ce qu'il était et que je n'avais jamais su être: Spontané, rebel et confiant.

Mais j'avais très bien cerné le personnage.

Le contraindre à l'amour et à la vie de couple revenait à mettre un loup en cage.

Et pourtant...

Une fille a réussi.

Un soir, lors d'un festival qui se déroule une fois par an non loin de notre village, je l'ai vu arriver et il tenait une jeune fille par la main.

J'ai tout de suite su que cette fois-ci c'était du sérieux, même pour lui.

Nous nous  sommes échangé un regard qui en disait long.

On s'est dit au revoir de loin, discrètement comme toujours.

C'est la dernière fois que je l'ai vu.

Je pense que nous nous sommes aimés, d'une certaine manière.

Dans tous les cas, nous avions un lien.

Un lien que peu de personnes comprennent.

Il restera l'une de mes plus belles histoires.

Un homme important dans ma vie. 
Et surtout, le seul qui ne m'a jamais fait pleurer.

À ceux qui pensent que la femme est coincée dans un éternel contes de fées, kitsch et rose bonbon, que la femme ne rêve que d'être mère et épouse.

La femme est avant tout un être humain, avec ses doutes, ses addictions et un besoin de s'évader, sans pour autant être quelqu'un de mal intentionné.

Il y a des rencontres comme ça qui nous bouleversent, qui renversent tout. Toutes nos convictions. 

Fin

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