Les mille et une ombres
"Bon d'accord, mais c'est la dernière fois!Soupire la surveillante en me tendant les clés. Et dépêche toi!
-C'est promis! Juste le temps de prendre mon manteau et j'arrive; lui répondis-je en lui adressant mon plus beau sourire."
Je tourne aussitôt les talons et pars en courant vers la classe de 4éme F. J'y ai laissé mon manteau et mon parapluie, indispensables ce soir avec la pluie battante qui tombe sur Montpellier.
Je monte quatre à quatre les escaliers jusqu'au troisième étage. Arrivée devant la porte vitrée qui ferme le couloir, je bataille avec la clé jusqu'à ce qu'elle daigne se glisser dans la serrure. Un déclic retentit et, dans la vitre en face de moi, à la place de mon reflet, un sablier apparait. Il grandit, grandit, grandit jusqu'à envahir tout l'espace autour de moi. Avant que j'ai pu esquisser le moindre geste, je me retrouve enfermée à l'intérieur, juste sous le jet de sable. Je m'écarte d'un bond et me plaque contre la vitre, recrachant le sable que j'ai dans la bouche. Un énorme corbeau tombe alors de la partie supérieure du sablier et se perche sur ma tête en chantonnant:
"La lune est levée, la nuit est tombée mais tu es restée.
Ils sont de sortie, comme chaque nuit, ne t'aventure pas plus loin qu'ici."
Je ferme les yeux et secoue la tête pour chasser l'animal. Lorsque je les rouvre, le sablier a disparu et je me trouve de nouveau devant la porte, la main sur la poignée, trempée jusqu'aux os et du sable plein les cheveux. Attendez une seconde! Du sable? Je passe ma main dans mes cheveux et constate qu'ils sont plein de terre. Pas de sable. J'ai du rêver.
Mais tout de même....Je devrais peut-être écouter le corbeau et faire demi-tour. Non? Non. Je perds la tête. C'est ridicule. Il me suffit d'une minute pour récupérer mon manteau, une autre pour redescendre les escaliers et une dernière pour sortir du collège. Ce n'est pas comme si un énorme monstre bleu à cornes allait m'attaquer pendant ces trois minutes! Il faut vraiment que j'arrête de lire des récits fantastiques.
Avec un soupir résigné, je pousse le battant de la porte et pénètre dans le bâtiment. A peine ais-je refermé ladite porte, que je reçois mes affaires en pleine figure, et je peux vous dire qu'un parapluie ça fait mal!
Allongée au sol, à moitié assommée et trente-six chandelles tourbillonnant autour de moi, j'aperçois néanmoins une paire de chaussures et un chariot de ménage qui s'éloignent. Cela pourrait sembler normal (même si en principal les femmes de ménage ne pratiquent pas le lancer de parapluie sur élèves) si une personne portait les hauts talons rouges et poussait le chariot, or ce n'est pas le cas!
Stop! C'est n'importe quoi! Il faut que je me ressaisisse, j'ai dû mal voir. Il ne peut s'agir que de ça.
Légèrement rassurée, je me relève, enfile mon manteau et glisse mon parapluie dans ma poche.
Je me retourne alors vers la porte et actionne la poignée. Fermée. J'essaye avec les clés: aucun résultat. Génial! Je préfèrerais vingt fois être chez moi entrain de faire mes devoirs plutôt qu'être ici!
Bon. Si je prend le couloir à ma droite et l'escalier au bout, je devrais arriver à côté du portail de l'entrée.
A peine suis-je passée devant la première classe, que la porte de celle-ci s'ouvre en grand et que je suis attirée à l'intérieur par un souffle d'air d'une puissance extraordinaire. J'essaye de résister en m'accrochant au montant de la porte mais je suis inexorablement entrainée.
La rencontre avec le sol me donne l'impression que ma tête explose et que mes yeux en sortent! Je me redresse en position assise et regarde autour de moi. La classe où je me trouve est plongée dans l'obscurité, la seule source de lumière étant le fin rayon de lune qui passe à travers les volets fermés. J'appuie sur l'interrupteur sur le mur à côté de moi. Rien. Je me répète peut-être mais je commence vraiment à en avoir assez de tout ça ! Et j'avoue que la peur commence aussi à me gagner...
Derrière moi un crissement affreux retentit, sorte de croisement entre le bruit des craies sur un tableau noir et celui d'une fourchette en métal grattant le fond d'un bol. Je me retourne et regarde avec un effroi mêlé de curiosité les ombres des bureaux se rassembler en une créature inconnue, possédant des griffes, des ailes et, en lieu et place d'une bouche, un énorme trou noir.
Je recule, me prend les pieds dans un bureau, qui tombe dans un fracas assourdissant et continue de reculer jusqu'à me retrouver dos au mur, tremblante, tenant à peine sur mes jambes. L'ombre continue de se rapprocher, menaçante, produisant toujours le même bruit horriblement strident et je me recroqueville contre la porte, mon cerveau bloqué sur le fait que je vais sans doute mourir, incapable de raisonner ou de trouver une solution.
Alors que la créature est penchée au dessus de moi, la bouche grande ouverte, comme prête à me dévorer, la porte s'ouvre d'un coup et je roule dans le couloir. Etourdie, je me reléve et, sans chercher à comprendre quoi que ce soit, je prend mes jambes à mon cou. Derrière moi des pas retentissent, troublant le silence du collège. Arrivée en bas de l'escalier, le bruit de course s'arrête mais je ne ralentis pas. Je passe le portail sous les yeux ahuris de la surveillante et pars à toute vitesse vers chez moi.
A peine ais-je franchi le seuil de ma maison que je m'écroule au sol. J'ai échappé de justesse à la mort, je suis vivante! Vivante! Les larmes coulent sur mes joues, contre-coup du stress et de la peur ressenties lors de cette effroyable aventure. Ma vision se brouille, tout devient noir et je sombre, voulant oublier tout ce qui vient de se produire.
Lorsque je soulève de nouveau mes paupières, je distingue les contours flous de deux personnes penchées au-dessus de moi. Ma vision se précise et les visages plissés d'inquiétude de mes parents apparaissent.
"Comment vas-tu ma chérie? Demande ma mère, des larmes plein les yeux.
-Tu nous as fait une peur bleue! Tu es arrivée en courant, puis tu t'es mise à pleurer et tu t'es évanouie. Le médecin dit que tout va bien. Ajoute mon père, d'une voix rauque et tremblante. Ne refais jamais ça!
-Je vous aime vous savez, je vous aime tellement fort. Murmure-je d'une voix mal assurée."
Et je me remets à pleurer, tout en balbutiant des phrases incompréhensibles.
Je me rends bien compte que mon discours est totalement incohérent mais celà n'a absolument aucune importance, je suis vivante! Vivante!
J'ai écrit ce texte pour une rédaction dont la consigne était: "écrivez un récit fantastique qui se déroule dans votre collège". (J'ai eu 18!)
Qu'en pensez-vous?
Miss_Paillettes
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