4U: Partie I


4 heures après qu'elle ai reçu sa clé

J'observe les lumières crevant l'obscurité puis mes baskets glissant sur le trottoir, je suis partie que 10 minutes mais me demande si l'hôtel sera fermé, ils sont pas censé fermer.
Je sais pas...c'est une première pour moi mais c'est moins excitant que je le pensais.
Sortir au milieu de la nuit pour des pommes ne va sûrement rien y changer.Mais ils en vendent pas là-bas et je voulais des pommes.

Je soupire et regarde autour de moi en attendant que le bonhomme passe au vert.
Et si je disparaissais?Et si au coin d'une rue je me faisais faucher par une ombre?
Personne ne le saurait jusqu'à ce que ma facture impayée les alerte, avec ma chambre encore figée dans le temps.
Ma vie pour des pommes.
Ce serait comme jeter une pierre dans une mare.
Un peu de remous puis le calme lisse...

Je pénètre enfin dans l'entrée lumineuse et rassurante de l'hôtel hors de prix...enfin c'est plutôt la suite que j'ai choisi sur un coup de tête qui l'est.
L'avantage quand on a ma vie sans remous c'est que c'est que ça fait des économies et donc on peut s'offrir ce genre de distractions aveuglantes l'espace de quelques jours.
C'est marrant, ma suite fait au moins six fois ma chambre d'université.
6 fois l'espace de quelques jours...

Quand les portes de l'ascenseur s'ouvrent sur quelqu'un j'efface aussitôt mon sourire et baisse les yeux évitant d'établir tout contact visuel avec la paire de jeans et de converses noires se trouvant à l'intérieur.

En anglais je glisse un bref:
-Bonjour

Converses Noires me répond tout aussi brièvement avec son accent et j'appuie sur le numéros 4 avant de me tapir dans un coin.
Au bout d'un moment j'ai l'impression qu'il se retourne "discrètement" vers moi donc je m'efforce de fixer le plastique transparent laissant entrevoir ma bouteille d'eau aromatisée hors de prix.Les épiceries de nuit peuvent vous sauver la vie et vous faire regretter de vous être déplacé en l'espace de 5 minutes.

Soudainement la lumière laisse place à l'obscurité et je manque de tomber quand l'ascenseur commence à jouer avec la gravité.
Oh mon Dieu on tombe!

L'inconnu laisse échapper un:
-Fuck!

De mon côté en français je murmure paniquée:
-C'est quoi ça?

Heureusement pour nous l'ascenseur s'arrête mais me fait tomber en même temps.Je reprend ma respiration en regardant autout de moi la main serrée sur mon morceau de plastique.

Au bout d'un moment il me demande calmement de sa voix grave teintée d'un accent britannique ne m'étant toujours pas familier malgré les bientôt deux années passées ici:
-T'as ton téléphone?

Oh non, je l'ai laissé sur mon lit...
Je me rappelle qu'il attend une réponse et balbutie:
-N...non et toi?

Malheureusement il me répond doucement:
-Non

Il poursuit ennuyé:
-Oh mon Dieuuuu

Je réfléchis puis murmure presque:
-Le bouton de secours

Je l'entend se lever en même temps que moi.
En palpant la surface froide recouverte de boutons je sens sa présence caractérisée par sa chaleur et son parfum brûlé par une odeur de cigarette.

Ma main entre en colision avec la sienne et je mumure en la retirant:
-Désolé

Il émmet un bruit s'apparentant à un rire ou un soupir puis dit doucement pendant qu'une lumière rouge encerclant un bouton apparaît:
-Trouvé

On retourne s'asseoir.
Il y a deux ascenseurs et c'est le milieu de la nuit...
Pourvu que personne ne pense qu'il est juste en panne.
Non, quelqu'un qu'il connaît va sûrement signaler sa disparition.

Au bout d'un moment je commence à me sentir mal et pense à m'endormir quand il me demande:
-Tu vas bien?

Un peu surprise je lui réponds doucement:
-Oui

Sa voix me donne l'impression qu'il doit pas être si vieux que ça malgré sa profondeur.

Malgré tout il insiste et me dit:
-Tu respires bizarrement

Donc il m'écoute respirer...peut-être que je devrais me méfier un peu.

Je lui répond en ramenant mes jambes à moi:
-Je vais bien.

Je cherche une pomme dans mon sachet et croque dedans.
Sa fraîcheur sucrée me réconforte un peu puis je pense à lui demander:
-T'en veux une?J'ai des pommes et de l'eau aussi

Il fait le même bruit que tout à l'heure que je vais prendre pour un sourire et me dit:
-Ouais, merci

Je m'approche et manque de le cogner sous son rire dont le son me confirme qu'il doit avoir à peu près mon âge.
Au milieu du sol froid puis du tissu rugueux de son jean dont je m'éloigne rapidement je cherche à m'approcher de sa main mais il ne m'aide pas et se contente de rigoler.
Je me met à soupirer et il se décide enfin.Rapidement je sens sa main chaude beaucoup plus grande que la mienne et m'y accroche de façon hésitante le temps de prendre un pomme.

Je retire ma main et lui tend la pomme qu'il attrappe en me disant:
-Merci

Je hoche la tête inutilement puis met la bouteille d'eau entre nous.
Je laisse ma tête rouler lentement contre la paroi froide de l'ascenseur en fixant le bouton me narguant au loin.

Je fais passer Needed me dans ma tête pour la 3ème fois au moins quand il commente:
-Ça commence à faire long

-Oui...

Il me dit sur un ton se voulant rassurant:
-T'inquiète pas ils vont sûrement arriver...mais boire de l'eau était sûrement pas la meilleure des idées

Je ne peux m'empêcher de rigoler avec lui et il me demande:
-Pourquoi t'es là?

Je lui répond évasive:
-Des vacances...

Il me dit amusé:
-Ah, moi je travaille...enfin il y a quelques heures

Il devait sûrement être sorti comme la plupart des gens de l'hôtel une fois le soleil couché...
Je souris et il ajoute sur un ton plus bas:
-Ta famille doit sûrement s'inquiéter

Mes lèvres se détachent et après une seconde réflexion je lui dis:
-Je suis venue seule

Il me demande surpris:
-Vraiment?

-Oui...

Il marque une pause puis me dit:
-J'ai cru que t'étais encore au lycée ou un truc dans le genre

Je devrais pas être surprise après que l'idiot assis à coté de moi dans l'amphi m'ai demandé si je m'étais perdue l'autre jour.

Je l'informe sur un ton ne parvenant pas à masquer ma légère irritation:
-J'ai 19 ans, bientôt 20

Je constate à voix basse plus pour moi même que pour lui:
-J'ai pas vu ton visage...

Il émmet à nouveau son rire s'éloignant un peu de sa voix rauque et me dit:
-21 ans, bientôt 22

-Ok pas loin

Il répète en levant la tête d'après la provenance de sa voix:
-Pas loin...

Je soupire à nouveau et il me demande un peu concerné:
-Ça te dérange pas de parler hein?

-Non, non pas du tout...

Il me demande en rigolant:
-T'as un peu peur non?

Je fronce les sourcils et lui avoue:
-J'aime pas le noir...

Il ajoute:
-Et t'es coincée avec un inconnu...

Merci pour le rappel.
Je lui répond:
-Y'a ça aussi

Il rit à nouveau et je souris.
Quelques secondes après le petit bruit bizarre que j'ai entendu tout à l'heure revient et je lui demande:
-C'est quoi ce bruit?

-Lequel?

Je l'entend à nouveau et lui dis:
-Ça, on dirait du tissu

Eh mais c'est lui.
Justement il me confirme:
-Ah ça c'est moi, je joue avec le trou dans mon jean...je fais ça des fois quand je suis nerveux

Je lui demande en souriant:
-T'es nerveux?

Il me rappelle amusé:
-Je suis coincé dans un ascenseur

On rigole et il ajoute plus calmement avec une pointe de malice:
-Mais y'a peut-être pas que ça

Je lève un sourcil en souriant mais laisse glisser, la lumière va revenir.
Il me dit visiblement amusé par sa constatation :
-T'as un accent

On est deux sur ce coup là.
Je lui répond:
-Je suis française

-Oh, je suis allée à Paris une fois c'était bien

J'entend cette phrase tellement de fois quand je mentionne ce pays...malgré tout je me contente de lui répondre:
-Ouais c'est vrai

-Mais j'ai pas pu monter sur la tour Eiffel...

Je lui avoue en souriant:
-Moi non plus

Il me répond:
-Trop de touristes hein?

On rit et il me dit:
-Je t'ai même pas bien vue, t'es passé super rapidement

Je mordille ma lèvre et marmonne:
-Je fais souvent ça

Il fait à nouveau ce soupir que je prend pour un sourire et me dit:
-Je demande parce que je voulais savoir, t'es grande ou petite?Parce que peut-être qu'il y a une trappe là-haut...

Je marmonne:
-Je fais 1m70

Il commente:
-Assez grande

Je me contente d'émettre un:
-Hmmmm

Il me dit amusé:
-Toi tu sembles pas emballée par mon idée

Je rigole avec lui et lui explique:
-Je veux sortir mais j'ai peur, je veux dire...ton idée...en plus on voit rien

Il rit et me dit:
-Je comprend

J'inspire un peu et lui demande:
-Toi aussi tu l'es?Je veux dire effrayé...ou même grand?

Son rire retentit à nouveau et il me répond:
-Les deux

Je souris et il dit doucement en étirant ses bras:
-Je me demande ce qu'ils foutent...

-Ils sont probablement en train de dormir tranquillement pendant qu'on perd notre équilibre mental dans cet ascenseur

Il rigole et me dit:
-Attends...est-ce que t'es réelle?

On éclate de rire et je lui répond:
-On le saura peut-être jamais...

Il prend une gorgée d'eau et me dit:
-Et si ils revenaient pas?

Je lui lance sans vraiment réfléchir:
-Je pense que l'un de nous va essayer de manger l'autre

Il rigole encore et me dit:
-J'ai des suggestions sur par où tu pourrais commencer

Je sais pas pourquoi mais me met à rigoler en fronçant les sourcils et lui lance:
-Ooooh!

-Trop tôt hein?

Je souris et lui dis:
-Attends quelques minutes, j'aurais sûrement perdu tout bon sens

Il rit puis le silence s'installe à nouveau quelques secondes, c'est à son tour de soupirer pendant que je bouge pour la 65ème fois au moins.

Il me dit:
-J'avais aussi peur du noir quand j'étais petit

Je lui demande en plissant les yeux dans l'obscurité aveuglante:
-Qu'est-ce qui te dit que j'ai peur du noir?

Il "émmet encore son sourire" et me dit moqueur:
-Ça semble logique et puis tu t'es rapprochée, y'a plus la bouteille entre nous

J'expire et lui dis:
-Je me suis rapprochée pour te donner à manger et puis j'ai bu donc oui j'ai mis la bouteille ailleurs

Il rit et me répond:
-Si tu le dis, saches juste que t'es pas la seule

-Hmmmm

Il ajoute:
-Mais j'ai grandi depuis

Je lui donne un coup de coude et il rigole.
Il se calme puis me demande:
-Quand tout ça sera fini t'aimerais bien sortir avec moi pour prendre un verre ou je sais pas...

Son rire retentit doucement.
Oooh.
Oh non.
Je met fin au silence pesant en lui répondant sur un ton se voulant détendu:
-Tu peux même pas me voir

Il se contente de me répondre:
-J'aime bien ta voix, et puis je t'ai aperçue brièvement

Je lui répond scéptique:
-Hmmmm vraiment?

Il "sourit" à nouveau et poursuit:
-Oui, mais vas-y dis moi à quoi tu ressembles alors et pourquoi je devrais courir

Je ris doucement et lui dis:
-Tu me connais même pas

Il me répond amusé:
-Un peu quand même...et puis de toute façon c'est pour ça que je t'ai demandé de sortir avec moi.
Aller dis-moi...de quoi t'as l'air avec de la lumière?

Je soupire en souriant malgré moi puis me décide à commencer:
-Bon déjà comme t'as pu le voir je suis noire

À ma surprise il me demande:
-Quelle teinte?

Je me demande comment je dois le prendre...
Je lui demande:
-Je croyais que tu m'avais vue

J'entend sa voix de façon un peu rapprochée quand il me dit en bougeant:
-Décris-la moi juste

J'inspire et me concentre avant de lui dire:
-Foncée, disons chocolat au lait mais un peu plus foncé

J'ajoute en souriant:
-460 en Fenty Beauty si tu veux m'acheter du fond de teint

Son rire rejoint le mien et il me dit:
-Je m'en souviendrais, intéressant

Je peux pas m'empêcher de lui demander:
-Qu'est-ce que c'est censé vouloir dire?

Il me répond simplement:
-Intéressant.

Il ajoute en rigolant:
-T'essaies vraiment de me sauter au cou hein?

Je rigole et il me dit:
-Continues

Je m'éxecute en regardant vers le haut sans grande différence au niveau visuel:
-J'aimerais bien être plus créative et sortir des trucs avec des figures de style et tout ça mais j'ai du mal à réfléchir là

Il rigole et j'ajoute en souriant:
-J'ai sûrement l'air fatiguée là

Je l'entend à nouveau sourire et il me dit:
-T'as pas vu mes cernes

Je rigole et il me demande:
-Donc rien d'autre?Pas de nez ni rien?

Je ris à nouveau et continue:
-J'ai des lèvres...épaisses?Celle du bas l'est plus mais celle du haut l'est pas tellement moins...j'ai des lèvres quoi, et j'ai un nez rond.C'est un peu comme un tobogan quand je le touche parfois.

Je rigole tandis qu'il sourit et attend sûrement la suite en silence donc je continue:
-Il est pas si relevé que ça mais il est rond, il est pas super large mais je sais pas...c'est un nez quoi.

On se met à rire et je sais pas pourquoi mais j'ajoute:
-Et mes narines sont rondes et...assez rondes je veux dire le truc noir là, les trous

On rigole encore et je poursuis:
-Je les appelle les portes de l'enfer

Il éclate de rire puis commente:
-Eh bien t'as l'air intéressante

Je répète:
-Intéressante...

Il ajoute amusé:
-Dans le bon sens orh

Je souris un peu et il me demande doucement:
-Qui a brisé ton petit coeur comme ça pour que tu te méfies autant

Je souris amusée mais de nombreux flashbacks désagréables me reviennent et je lui rétorque:
-Confidentiel

Il semble bouger en me disant:
-Ok, parle-moi de tes yeux

J'inspire et change à nouveau de position avant de commencer:
-Ils sont noirs...et petits, non étroits.
J'ai l'air de dormir parfois

Je souris et il me dit amusée:
-Je te comprend un peu

Je sais pas pourquoi mais je me tourne vers lui alors qu'on est dans le noir et lui dis:
-Est-ce qu'on serait jumeaux?

Il me répond en rigolant:
-De mères différentes

Nos rires résonnent puis je lui lance:
-C'est ton tour

Il commence:
-Ok je...

Mais soudain la lumière aveuglante revient en nous arrachant des gémissements de douleur.

À suivre...

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