À toi, ma tante
Attention. Ce texte est triste, et vrai. Si vous êtes très sensible à ce sujet ( la mort infantile, même si je ne décris pas la mort de cette personne, je ne fais que l'évoquer et parler d'une sorte de deuil ), je vous conseille de ne pas le lire. Je ne me rends pas compte à quel point il est dur pour une personne non liée à cet évènement, mais je préfère prévenir.
Pour Bergamote. La douce, la tendre, la jeune Bergamote.
À toi, ma tante.
À toi, ma tante au prénom aromatique et léger.
À toi, ma tante dont le portrait trône sur la cheminée, chez ma grand-mère.
À toi, ma tante au sourire doux et enfantin.
À toi, ma tante que je n'ai jamais connue.
Tu sais, on dit souvent que les écrivains s'adressent à la seconde personne quand ils ne peuvent pas, ils ne peuvent plus le faire en face. Ce n'est pas toujours vrai. Mais dans ton cas, ça l'est.
Tu sais, j'aimerai bien l'entendre, ton rire. Lorsqu'on voit les photos, on sent transparaître ce son cristallin. Mais j'aimerai bien qu'il parvienne à mes oreilles, et ne plus être obligée de seulement l'imaginer.
Tu sais, j'aimerai que t'échappant des simples souvenirs des grandes personnes, tu viennes me voir, et que le sang coule encore dans ton corps au rythme de mon cœur.
Tu sais, j'aimerai connaître cette enfant innocente, mais aussi cette adulte que tu n'as jamais été. Cette figure que tu aurais pu être pour moi.
Tu sais, merde, sais-tu à quel point tu me manques ? Sais-tu à quel point c'est dur, de ne t'avoir jamais connue ? D'avoir juste cette ignoble sensation au creux de mes reins ?
Tu sais, Noël dernier, j'ai imaginé une dernière chaise autour de la table familiale, et dessus, il y avait toi. Toi toute jeune, toi à l'âge que tu aurais si tu étais encore là, je ne sais pas, je ne sais plus. Ça n'a pas d'importance. Car en un bruit, un instant, cette pensée éphémère avait disparue. Mais pas toi, non, pas toi. Toi, tu es toujours là, quelque part au fond de moi, même quand je n'y pense pas.
Tu sais, je t'ai vu. Une fois. Toi, jamais tu ne pourras faire de même. Enfin, je ne t'ai pas VRAIMENT vu. J'ai vu cette putain de tombe de même pas un mètre de long. Mais derrière, dessous, il y avait ton corps. Ton corps... Mort.
Tu sais, ce jour là, j'ai pleuré. J'ai pleuré toutes les larmes de mon être, et peut-être même celles qui ne jailliront plus jamais de tes yeux. J'ai pleuré sur l'épaule de mon père. Mais étonnement, après, je me suis sentie presque bien. Comme si on m'avait allégé, libérée. Mes idées s'étaient éclaircies. Te voir à déclencher tellement d'émotions contradictoires en moi, que je ne suis pas sûre de vouloir, de pouvoir retenter l'expérience. Mais qu'importe.
Tu sais, parfois, j'essaye d'assimiler ces deux informations. « Gamine de trois ans » ; « Décès ». Mais cela me semble tellement inhumain... Et pourtant, t'en es la preuve.
La triste preuve que ça peut vous surprendre comme ça. Que ça peut arriver à n'importe qui.
Tu sais, je l'enverrai bien se faire foutre, ce monstre de cancer cérébral. Mais cela ne ferait rien. Cela ne te ramènerai jamais à la vie. Jamais. Jamais, jamais, jamais...
Tu sais, j'aimerai bien te serrer dans mes bras, une fois, juste une fois. Pour essayer de combler ce trou béant que j'ai au fond du cœur. Mais peut-être qu'au final, ce serait encore pire ?
Tu sais, je t'aime. Je t'aime alors que je ne t'ai jamais vu. Je t'aime alors que tu avais même pas trois ans, je t'aime comme une personne à part entière. Je t'aime comme une véritable membre de ma famille.
Je t'aime, et les larmes veulent couler sur mes joues.
Je t'aime, avec le plus profond des désespoirs.
Tu me manques, Bergamote.
Pour toujours.
Ta nièce, M, qui n'aspire qu'à te connaître.
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